Beauty and The Hound / La Belle et le Limier

Chapitre 10

1427 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 05:30

            Mon sang ne fit qu'un tour. Je me redressai, avec un sourire crispé. L'homme derrière moi ne bougeait pas, figé lui aussi. Je levai la tête vers le chauve et haussai les épaules. "Nous ne l'avons pas vu. Avez-vous cherché du côté du Val d'Arryn ?". Je tentais de les mettre sur une autre piste, mais un autre des leurs, brun aux cheveux gras, me prit de court :

  • Nous savons qu'il était ici il y a cinq jours. Brienne de Torth l'a informé aux Lannister. Elle l'a laissé pour mort, mais son cadavre demeure introuvable.
  • J'ouvrirai l'œil, souris-je. Où dois-je adresser un corbeau si je l'aperçois ?
  • À Port Réal et à la Dent d'Or.
  • Très bien Messieurs. Ce sera fait. Maintenant que j'y pense, un aubergiste a été tué à Herpivoie hier… Peut-être que le Limier se dirige vers la Baie des Crabes ?
  • Vraiment ? Ce chien de salaud… Merci gamine, tu rends une fière chandelle à la Montagne ! assura le chauve en claquant la langue pour faire avancer son cheval.
  • Comment ça ? demandai-je en sentant mon cœur s'accélérer.
  • Il est mourant, et sa dernière volonté est de voir la tête de son frère au bout d'une pique !

            À ces mots les trois hommes se mirent à rire et courir vers Herpivoie. Je posai une main contre mes lèvres, choquée. Le Limier se découvrit une fois les soldats hors de vue et fixa le sol, les sourcils froncés, songeur. Je repris le chemin de la maison, le cœur toujours affolé. La Montagne… mourant… Je ravalai un sanglot, comme si cette bonne nouvelle ne me convenait pas, comme si quelqu'un avait fait justice à ma place. J'arrêtai Khor à quelques mètres de chez moi, et laissai couler des larmes silencieuses, le visage déformé par la tristesse. Le Limier m'attrapa par la taille pour me faire descendre, neutre, sans aucune expression. Il souffrait de l'intérieur lui aussi. Il souffrait de ne pas avoir pu le tuer. La rivalité entre les deux frères Clegane était aussi connue que celle entre les Lannister et les Stark.

            Cela faisait deux heures que nous étions assis l'un en face de l'autre. L'après midi était déjà bien avancé et les poissons étaient toujours dans mon sac. Je fixais la chope du Limier, sans un mot, l'esprit tourné vers Port Réal et la Montagne. L'homme se redressa enfin, et prit une grande inspiration.

  • Sept jours.
  • Ils vous trouveront avant…

            J'essuyai mes yeux à nouveau humides et détaillai Sandor. Il esquissa une grimace, le regard vague. "Qui est Brienne de Torth ? Est-ce elle qui vous a mis dans cet état ?". Il détacha ses yeux de la chope pour les poser sur moi avec un air las. Il souffla en acquiesçant.

  • C'est une putain au service des Lannister.
  • Elle sait se battre ?
  • Elle a eu de la chance.

            Je passai une main dans mes cheveux, mal à l'aise. "Accepteriez-vous que je vous accompagne ?". Il releva la tête, surpris.

  • Je pourrai jouer le rôle d'écuyer ! expliquai-je. Je nettoierai votre armure et votre épée, je vous ferai à manger, je…
  • Je voyage seul.
  • S'il vous plait ! m'indignai-je. Vous n'êtes pas le seul à vouloir le voir mourir.
  • Tu prends ça comme un spectacle ?

            Il grimaça avant de cracher au sol. Je fronçai les sourcils. Un spectacle ? J'entrouvris la bouche avant d'assurer d'une voix sèche : "Je désire la mort de votre frère depuis le jour où il a posé ses yeux sur moi, mais ça, aucun homme ne pourra le comprendre.". Il avala sa choppe avec un air sombre, essuyant le vin qui gouttait sur sa barbe mal rasée avec sa manche.

  • Tu devrais t'estimer heureuse d'être toujours en vie. Beaucoup des filles qu'il a baisé n'ont pas eu cette chance.
  • Et vous devez sans doute suffisamment connaître votre frère pour comprendre qu'il ne se contente pas de "baiser" ses victimes.
  • Il a tué ta mère ?

            J'acquiesçai, le cœur lourd. Il se servit à nouveau en vin et finit par accepter que je l'accompagne sous certaines conditions. Ne pas le ralentir ou ne pas parler de lui en faisait partie. J'étais d'accord, le marché ne me semblait pas irréalisable. J'attrapai une plume et écrivis une lettre pour prévenir mon père. Je peinais à imaginer sa réaction, en apprenant que je partais avec le Limier… Il serait désorienté, sans doute. J'étais déjà partie seule, de temps en temps, pour livrer un cheval. Mais si jamais si longtemps. Au moins j'aurai un soldat, une masse de muscles pour me protéger. L'un des meilleurs combattants de tout Westeros… Rien ne m'arrivera.

            "T'es prête ?". Je peinais à porter mon sac tant il était lourd. Des robes, des manteaux, des pantalons… L'homme se passa une main sur le visage et vida le tout sur mon lit, n'emportant que des vêtements légers et costauds, ainsi qu'une unique robe. D'accord… Voyager léger… On sella les chevaux, prit le maximum de provisions -et de vin- et entama la route conduisant à Darry.

            Je n'aimais pas cette ville. Le passage de la Montagne, deux années auparavant, avait rendu le paysage bien morne. Les paysans étaient devenus méfiants, les femmes ne sortaient plus seules, et une ombre de peur planait sur les alentours. On ne croisa personne d'important, juste quelques vieillards ou commerçants qui n'avaient pas prêté attention à nous. La journée passa rapidement, et nous arrivâmes bientôt aux portes de Darry. Je fis arrêter Khor et me tournai vers le Limier.

  • Que faisons-nous ? Il y a un bordel où nous pourrons passer la nuit mais on risquerait de vous repérer. Sinon il y a le bois sacré, un peu plus loin.
  • Et un bois normal, y a pas ?
  • Plus au sud, à six ou sept miles.

            Il acquiesça et on continua donc notre chemin. Le ciel commençait à se colorer de rose, le soleil se coucherait dans quelques minutes. On fit galoper les chevaux, histoire de mettre moins de temps à trouver un endroit pour passer la nuit. On s'arrêta dans une clairière un peu à l'écart de la route, entre des arbres. Le coin était idéal pour faire un feu sans être repéré et dormir tranquillement. J'attachai Khor à un tronc, guettant la nature environnante. Le seul bruit que j'entendais était celui du Limier urinant contre un rocher. Nous étions en sécurité.

Laisser un commentaire ?