Beauty and The Hound / La Belle et le Limier

Chapitre 16

1448 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/11/2016 22:16

            L'aubergiste vint nous voir, un vieillard édenté qui prit notre commande. Deux bières, qui iront toutes deux pour le Limier. Je me raidis en voyant l'homme brun marcher vers notre table, sa boisson à la main, un sourire satisfait sur le visage. Sandor se redressa pour paraitre plus impressionnant, le dévisageant de haut en bas à travers son heaume.

  • Alors, jolie donzelle, commença l'homme sans prêter attention au Limier, se vautrant sur une chaise à côté de moi. Quel est ton nom ?
  • Quel est le tien ? grogna le chevalier blanc, attirant l'attention de l'homme saoul.
  • Ser Godric, chevalier au service de la Montagne.
  • J'ai entendu dire qu'il était souffrant, j'espère que ce n'est pas trop grave, murmurai-je sans même le regarder.
  • Je l'espère également ! Qui donc me paierait s'il venait à succomber ? s'esclaffa le chevalier à gorge déployée.
  • Je me le demande.
  • D'où viens-tu, jeune pucelle ?
  • Du Conflans.
  • Je l'aurai parié ! s'exclama-t-il en direction de ses amis. Elle est du Conflans ! Laisse-moi te payer une chambre ma jolie.
  • Nous n'avons pas besoin de ton or, vieil homme, assura le Limier. Garde-le donc pour venir en aide à une gamine en détresse.
  • C'est ce que je comptais faire. Puis je l'ai vu entrer. Ne te parait-elle pas en détresse ? Et puis, qui es-tu, toi ?
  • Le Chevalier Blanc, répondit-il en grinçant des dents, n'appréciant décidément pas le titre.

            L'homme le toisa quelques secondes, les yeux plissés. Il fut interrompu par l'aubergiste qui amenait les bières. Je posai un cerf d'argent sur la table pour payer la commande et le chevalier s'en empara en souriant. "Rend son argent à la demoiselle", conseilla le Limier. "Il ne t'appartient pas.". Je regardai le poivrot et Sandor à tour de rôle, espérant que ce dernier ne prenne pas l'envie de le tuer sur place. Contre toute attente, le chevalier reposa la pièce sur la table, et l'aubergiste la prit non sans avoir l'accord du balafré. Au lieu de nous rendre la monnaie, on préféra prendre autant de bières que cela nous le permettait. Une fois le plateau rempli de boissons, on partit dans une chambre, au calme, et où le Limier pourrait retirer son heaume afin de boire tranquillement.

            "Êtes-vous sûr que c'est raisonnable ?" demandai-je après que sa quatrième chope fut engloutie. Il avait ôté son armure, et semblait déjà quelque peu éméché. Je m'installai en tailleur sur le lit, pendant que le Limier était affalé contre le mur, assis à même le sol. La chambre était simple, juste une chaise et un matelas de paille cadré de bois.

  • On boit à la santé de ton cheval, grommela-t-il en levant une nouvelle pinte.
  • Jusqu'à preuve du contraire, je ne bois pas moi…
  • Tu as raison ! Battons-nous.

            Il se leva en tanguant dangereusement, et attrapa son épée. Je le regardai méfiante, ne comprenant pas son manège. "Prends ton arme, Petit Oiseau.". Je plissai les yeux et me redressai en arquant un sourcil..

  • J'ai laissé le bout de bois dans la forêt.
  • Tu t'es séparée de ton épée.
  • C'était juste une branche.
  • C'est le prolongement de ton bras ! Tu veux que je te coupe le bras et qu'on le laisse ici ? Ça aura le même effet !

            Il beuglait, ivre mort. Quelqu'un allait nous entendre s'il continuait ainsi. Je plaquai une main sur sa bouche pour le faire taire, et pris doucement son arme pour qu'il ne blesse personne. "Calmez-vous", chuchotai-je en le regardant dans les yeux. Il fronça les sourcils, n'appréciant pas cette proximité. "Je vais vous lâcher, mais parlez moins fort, s'il vous plait…". Je retirai ma main lentement et repris, sur un ton faible :

  • Vous allez vous coucher. Demain nous aurons un long chemin à faire.
  • Me dis pas c'que j'dois faire, grogna-t-il en posant sa chope.
  • Le chevalier blanc n'est pas censé être irrespectueux…
  • Et la gamine qui l'accompagne n'est pas censée faire d'histoire ! Alors boucle la et va me chercher plus de bière.
  • Je suis fatiguée.
  • Et moi assoiffé.

            Je soupirai et descendis du lit pour lui tendre les trois pintes restantes. Quant à moi, je me contentais de grignoter un morceau de viande séchée que l'aubergiste nous avait gentiment offert. "Vous devriez manger quelque chose…" conseillai-je à demi-mot. Il avança une main vers moi et je lui donnai le reste de jambon. La fin de la soirée se passa tranquillement, sans un mot. Il buvait, je le regardais. Il finit complètement ivre…

  • Vous avez bien fait, tout à l'heure. C'était très convainquant, le rôle du chevalier blanc, assurai-je en le regardant.
  • Faire ce que l'on attend de moi. C'est l'histoire de ma vie, grogna-t-il. Même si je préfère recevoir mes ordres d'un roi plutôt que d'une gamine.
  • Ce n'étaient pas des ordres, soupirai-je en roulant les yeux. Je veux juste qu'on… qu'on arrive à faire ce que l'on veut faire. Et même si vous ne voulez pas l'admettre, vous êtes un vrai chevalier… Vous méritez le titre. Pas votre frère. Lui, ce n'est qu'un imposteur.
  • Pourquoi ? Parce qu'il a tué des gens ? se moqua-t-il avec une voix grave. J'en ai tué aussi.
  • Il ne tue pas ! Il torture, viole, assassine sans scrupule.
  • Et tu en sais quelque chose, Petit Oiseau.

            Il plongea ses yeux saouls dans les miens, avant de les descendre sur ma gorge. Je rabattis mes cheveux devant les cicatrices, mal à l'aise. Au moins ça nous faisait un point commun. La façon dont il avait ramené ses quelques mèches longues sur la partie brûlée de son visage… C'était un moyen de camoufler sa peau calcinée. Je soufflai avec un sourire timide et le regardai se lever. Il tituba jusqu'au lit et je dus me pousser pour qu'il ne me tombe pas dessus. Il roula sur le dos en respirant fort, semblable à un ronflement. Je le détaillai, me demandant s'il allait bien, et sursautai en l'entendant : "Récite-moi la prière de la Mère d'En-Haut, Petit Oiseau.". Je clignai des yeux. Il était calme, pas insistant… Je m'exécutai dans un murmure à peine audible, cette prière que ma mère m'avait apprise, tournant le dos au Limier. J'aimais ce chant, il me remplissait d'émotions… Et je n'étais pas la seule…

Gente Mère, ô fontaine de miséricorde,Préserve nos fils de la guerre, nous t'en conjurons,Suspends les épées et suspends les flèches,Permets qu'ils connaissent un jour meilleur.Gente Mère, ô force des femmes,Soutiens nos filles dans ce combat,Daigne apaiser la rage et calmer la furie,Enseigne-nous les voies de la bonté.

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