Le roi et la reine du Nord

Chapitre 5 : Aliénor Marlon

L’aurore venait à peine de se lever mais elle voulait à tout prix partir du château. Ses amis étaient toujours endormis. Elle déploya ses ailes et sortit en deux coups d’ailes de la volière. Le vent s’engouffra entre ses plumes, le château commença à se faire de plus en plus petit et ses yeux de chasseur prirent le dessus. Dans les champs, les fermiers se mettaient à l’œuvre pour la dernière moisson avant l’hiver, ils regroupaient le foin fauché hier en tas qu’ils ramasseraient dans la soirée.

Le faucon remarqua une petite tache grise qui serpentait entre les meules de foins, il laissa échapper un cri strident avant de plonger sur sa proie, ses yeux toujours fixés sur la souris qui gambadait joyeusement avant qu’un bec ne la tire du sol.

Sa proie dans le bec, elle décida de retourner au château pour la déguster. Reprenant alors peu à peu de la hauteur elle regarda une dernière fois les champs qui s’ouvraient à elle, la forêt enchantée qui rapetissait à mesure que ses battements d’ailes la rapprochaient du château. Un pincement au cœur lui fit ouvrir le bec, laissant sa proie tomber dans le vide alors qu’elle avait entrepris de lâcher le cri le plus puissant de sa mémoire.

─ Lady Aliénor… Lady Aliénor !

─ Mmh… Malia ?

Aliénor regarda la petite tête parsemée de rides de sa bonne. Ses deux mains tenaient fermement le bras de sa maitresse.

─ Aïe Malia, tu me fais mal !

La jeune femme se leva d’un bond et fit un geste brusque pour éloigner la vieille femme.

─ Vous avez fait un rêve de faucon, ma dame ! Vous devez arrêter!

Les yeux de la vieille bonne s’étaient agrandis, comme possédés. Elle hurlait, sa voix se répercutant sur chaque paroi de la petite chambre.

─ Vous savez comment on vous traite dans le Nord ? On vous torture avant de vous tuer ! On vous appelle les monstres ou au mieux les mutants ! Vous êtes une zoman et…

─ Malia ! Ca suffit !

Sur ces mots, Aliénor se leva, faisant face à la femme qui l’avait vue naitre, puis qui l’avait élevée comme sa propre fille après la mort prématurée de sa mère. Pour la première fois, Aliénor leva la voix contre sa bonne mais, prise d’un sentiment de culpabilité, elle se retourna et prit le manteau de coton que Malia avait apporté. Elle recouvrit son corps nu et sortit de la chambre.

─ J’imagine que je dois me préparer pour mon départ… Tu as ta journée de libre, va voir tes fils.»

Ses deux frères l’attendaient dans son petit salon. Aliénor regarda une dernière fois la vue qu’offrait sa chambre avant de tendre un bras à l’une des domestiques qui l’avait habillée pour lui signifier qu’elle était prête. Elle noua alors la cape de coton aux épaules de sa maîtresse. Aliénor se tourna ensuite vers le miroir placé dans un coin de sa chambre : elle se trouvait plutôt jolie : deux nattes emportaient ses cheveux vers l’arrière avant de retomber en cascade dans son dos, sa robe en lin bleu, bien que moins fluide que sa robe de mariée, mettait en avant ses formes et sa cape bleu foncé attirait le regard vers ses yeux.

La jeune femme s’avança ensuite vers ses deux frères avec un grand sourire. Enlaçant l’un puis l’autre, elle se rendit soudain compte qu’elle devrait attendre de longs mois avant de pouvoir les revoir. Alexandre allait devenir le seigneur de Dune-au-Miel et ne pourrait quitter ses terres avant longtemps et l’introversion de Marwin l’empêchait de voyager. La jeune femme regarda le visage de ses jeunes frères comme si elle voulait ancrer chaque détail dans sa mémoire.

─ Veuillez m’excuser Lady Aliénor, mais le roi vous attend.

Une domestique venait d’entrer dans la pièce. Aliénor la reconnut grâce à ses cheveux toujours coiffés en une natte parfaite : elle faisait partie de la suite du roi du Nord. Elle aurait pu être belle si la vérole n’avait pas défiguré la moitié de son visage.

─ Très bien, veuillez lui signaler que j’arrive.

Sur ces mots, la domestique partit après une révérence maladroite. Dès qu’elle quitta la pièce, Aliénor baisa la joue de chacun de ses frères et s’apprêtait à suivre la jeune fille quand elle fut retenue par la main ferme d’Alexandre qui lui présenta son bras droit. 

─ Permet à ton seigneur de t’accompagner.

Cette remarque fit doucement rire Aliénor, elle était contente que son frère devienne seigneur, il le méritait, mais... Mais c’était sa place !

Enfin, plus maintenant. Plus depuis qu’elle avait épousé Robb Stark et qu’ils avaient consommé leur mariage. Au souvenir de cette nuit, Aliénor se sentit rougir. A cause de sa culpabilité d’avoir échoué dans sa tâche de seigneur et de son angoisse à l’idée de devenir reine du Nord et de ne pas être à la hauteur, elle en avait oublié la nuit de noces. Malheureusement, lui ne l’avait pas oubliée. La réputation du loup l’avait précédé, depuis la guerre il était connu pour être un homme dur, pouvant être sans merci face à ses ennemis pourtant il s’était montré attentif à son bien être et doux.

Il avait tenté de trouver un sujet de conversation durant la montée des escaliers mais elle était tellement perdue dans ses réflexions qu’elle ne lui avait prêté aucune attention. Et peut être que cette ignorance blessa le roi car dès leur entrée dans la chambre conjugale il lui demanda d’enlever sa robe. Cette réaction aurait pu choquer n’importe quelle vierge, cependant Aliénor était différente, elle était de nature impatiente et préférait que l’acte se fasse le plus vite et le plus rapidement possible.

Tel ne fut pas le cas. Le corset de sa robe de mariée était tellement serré que le roi dut l’aider, il retira la ficelle puis fit tomber le tissu par terre. Aliénor se retourna et regarda pour la première fois son époux. Elle remarqua que ses yeux verts étaient mis en valeur par ses bouclettes auburn, il avait un visage bien proportionné et sa jeunesse ne faisait qu’accentuer sa beauté. Il approcha alors son visage et posa un baiser sur ses lèvres. Comme elle ne reculait pas, il posa ses deux mains autour de son cou et recommença. Déposant sensuellement des baisers le long de son cou, il commença à descendre vers ses seins fermes dont les tétons commençaient à pointer. La jeune femme sentit la main ferme de son époux la guider jusque dans le lit conjugal où il commença à se dévêtir.

─ Je vais être le plus doux possible, fit Robb dans un chuchotement rauque.

                Accoudée au bras de son frère, Aliénor pénétra dans la grande cour. Tous les bannerets du roi s’y étaient regroupés, les murs de pierre semblaient prêts à exploser face au nombre de courtisans. Le roi se tenait de tout son port seigneurial devant sa famille, il accueillit sa femme avec un petit sourire et tendit sa main pour l’attirer vers lui. Sans un regard pour son petit frère, la future reine se dirigea vers son mari. En aucun cas elle devait regarder en arrière, son avenir était au coté de Robb Stark, roi du Nord et descendant des premiers hommes.