Le roi et la reine du Nord

Chapitre 26 : Chapitre 26 : Aliénor Marlon

2379 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 09/11/2016 20:49

Chapitre 26 : Aliénor Marlon

                Lorsque les trois compagnons atteignirent le fond du puits, seul un point de lumière apparaissait et permettait de se rappeler qu’ils venaient de quitter la surface. Ils marchèrent sur quelques mètres avant d’atteindre une vieille porte en bois blanc. Ruben approcha sa lampe de la porte, laissant découvrir un visage sommairement taillé dans le bois.

« La Nuit se regroupe, et voici que début ma garde. Jusqu’à ma mort, je la monterai. Je ne prendrai femme, ne tiendrai terre, ni n’engendrera. Je ne porterai de couronne, n’acquerrai de gloire. Je vivrai et mourrai à mon poste. Je suis l’épée dans les Ténèbres. Je suis le veilleur aux remparts. Je suis le feu qui flambe contre le froid, la lumière qui rallume l’aube, le cor qui secoue les dormeurs, le bouclier protecteur des Royaumes humains. Je voue mon existence et mon honneur à la Grade de Nuit, je les lui voue pour cette nuit-ci comme pour toutes les nuits à venir. »

Les yeux grands ouverts, Aliénor regardait la porte s’ouvrir sans aucun mécanisme, ni force humaine. Les deux patrouilleurs présent ne semblèrent pas surpris, ils passèrent par le passage comme s’il s’agissait d’une porte normale. La jeune femme les suivit, sans pour autant quitter des yeux la porte en bois blanc. Si bien qu’elle trébucha contre un bloc de glace et vint tomber contre le sauvageon. Ce dernier ricana, laissant apparaitre ses dents noires, il aida Aliénor à se relever avant de continuer à marcher.

La jeune femme, remise de ses émotions, suivit les deux hommes à travers la glace. Elle tremblait de froid, malgré la marche elle n’arrivait pas à se réchauffer. La température n’avait fait que diminuer depuis qu’ils étaient descendus dans le puits. La jeune femme avait l’impression d’être descendue dans les entrailles de la terre. On pouvait seulement entendre leurs bruits de pas et leurs respirations, on ne pouvait pas voir à plus d’un mètre autour des torches. Il était impossible de se rendre compte du temps qui passait, seul l’estomac de la jeune femme lui indiquait qu’il était l’heure de manger. Après plusieurs grognements, Ruben décida de s’arrêter pour grignoter. « Nous devons rejoindre les autres avant ce soir, alors il ne faut pas trainer. Tenez. » Il tendit à Aliénor un bout de pain qu’il avait sortit de sa poche. Dés qu’elle le prit dans sa main, il reprit sa route, suivit par le sauvageon. La jeune femme mangea une bouchée et accéléra sa marche pour les rejoindre.

                Sous terre les heures se perdaient au milieu des souffles fatigués et des bruits de bottes. Il était impossible de savoir le temps qu’il faisait, les combats qui étaient menés. Des marcheurs blancs pouvaient passer par milliers au dessus des têtes des trois pauvres âmes sans qu’aucun des deux groupes ne s’en rende compte. Alors que la jeune femme commençait à fatiguer, elle aperçut une faible lueur dans le lointain.

─C’est les autres ? » Réussit-elle à dire entre deux souffles, oubliant toute convenances.

Le sauvageon lui répondu par l’affirmative. Dés lors qu’elle apprit que la fin de sa journée était à portée de vue, la jeune femme accéléra le pas. Elle voyait la lueur grandir au fur et à mesure qu’elle avançait. Arrivé au point de rendez-vous,  les hommes se saluèrent, comme si cela faisait des années qu’ils ne s’étaient pas vus. Ils en oublièrent la présence de la reine du Nord.

Elle posa le sac qu’elle avait transporté contre une des parois avant de se délester de l’épée de Jon qu’elle plaça juste à coté. La jeune femme s’assit dans un coin pour laisser ses jambes endoloris se reposer. Elle avait beau avoir subit de longs entrainement, les conditions ambiantes ne lui facilitaient pas la tâche. Les sauvageons avaient rejoins les deux couches les plus éloignés des corbeaux et du feu. Quand aux hommes de la garde de nuit, ils avaient mis à fumer un porc et bientôt l’odeur emplit toute la grotte. La jeune femme ne se souvenait pas que le parfum de cochon fumé puisse être aussi dégoutant. Plus l’animal brûlé et plus l’odeur lui montait à la tête. Elle se leva soudainement, un filet d’eau sortit de sa bouche. Le chef des patrouilleurs s’avança vers elle lorsqu’elle se releva. Il lui tendit une gourde d’eau qu’elle accepta. Ses compagnons la regardait, certains affichaient un regard amusé, Aliénor reconnut Lim et le jeune garçon, tandis que les autres semblaient plus inquiet. Elle préféra les ignorer, honteuse.

On lui proposa une tranche de cuisse qu’elle refusa poliment lorsqu’elle sentit une nouvelle nausée arriver. Comme repas, la jeune femme se contenta de plusieurs bouts de pain et d’une pomme. Elle avait encore faim lorsqu’elle se recroquevilla sur le duvet, encore entièrement habillé et emmitouflé dans sa fourrure blanche.

─El’ pas le cœur bien’ accroché la p’tiote. » Profitant du sommeil de la reine du Nord et de leurs ventres pleins, les hommes commencèrent à discuter. Seulement, malgré la fatigue, Aliénor n’arrivait pas à dormir. Elle n’avait jamais entendu la voie de l’homme qui parlait, mais à son accent elle devina qu’il s’agissait du zoman. « T’sure qu’elle tiendra l’route ? »

─Ne vous inquiétez pas pour elle, elle tiendra. » C’était Ruben, la jeune femme se sentit rougir alors que l’homme sobre semblait être le seul à croire en elle. « Elle a mit à terre Jacques, Marco et le Goinfre. »

─Ivrogne et Vieillards que ceux là. » Une nouvelle voie inconnue.

─Je ne pense pas qu’une reine, quel qu’elle soit,  puisse vaincre trois hommes à elle seule. De toute façon on n’a pas le choix. Le lord commandant croit en elle, alors moi aussi. Vous feriez mieux d’en faire autant. »

Toutes les journées se ressemblaient. Les compagnons de voyage se réveillaient, buvaient un bol d’eau chaude, mangeaient une tranche de pain et du bœuf séché.  Ensuite ils marchaient, encore et encore, jusqu’à ce que Ruben décide de prendre le déjeuner. Le repas duré toujours une heure, puis ils repartaient. Ils recommençaient à marcher et s’arrêtaient à nouveau lorsque Ruben le décidait.

Aliénor s’était habitué à ce rythme de vie, elle marchait, mangeait, dormait comme le disait le chef des patrouilleurs. Elle semblait être devenue une marionnette entre ses mains, et tous les hommes présents aussi, même les sauvageons. Tout le monde lui obéissait, il réglait chaque minute de leurs vies depuis l’instant où ils étaient entrés dans le puits. Cependant les hommes ne semblaient pas plus gênés par cette prise de pouvoir. Aliénor préférait se préoccuper de cette prise de pouvoir plutôt que du temps qui passait. Elle avait oublié de compter les jours, et le ciel lui manquait terriblement. Elle voulait à nouveau voir les nuages gris remplis de neige, les étoiles qui éclairaient la nuit.

Parfois, alors que seul le bruit du feu qui crépitait et les ronflements des dormeurs pouvaient s’entendre, Aliénor se levait et s’éloignait de ces bruits intempestifs. Quand elle se sentait assez loin du groupe endormit, elle se mettait ensuite assise et repensait à Dune au Miel. Elle avait déjà eu le malheur de penser au présent, aux kilomètres de roche et de neige qui les séparaient de la surface mais cela s’était soldé par une crise d’angoisse.

─Votre majesté, vous ne devriez pas vous éloigner de nous. » Une voie masculine vint briser le silence.

─Il n’y a pas âmes qui vivent ici et de toute façon je sais très bien me défendre toute seule, vous l’avez-vous-même dit, ser. » Aliénor avait tourné son visage vers l’homme de la garde de nuit

─Je ne suis pas chevalier. » Répéta t’il encore une fois, on pouvait sentir de l’énervement dans le fond de sa voie.

─Je sais mais je voulais juste savoir si votre visage pouvait avoir une expression humaine. » Aliénor rigola, c’était la première fois qu’elle osait taquiner cet homme et elle devait bien avouer qu’elle appréciait voir ses traits changer. Il ne répondit pas dans un premier temps, le corbeau préféra s’assoir à coté de la jeune femme. Surprise Aliénor se recroquevilla sur elle-même.

─C’est dur, je le sais très bien mais vous savez, vous vous en sortez très bien majesté. »

─S’il vous plait ne m’appelez plus « majesté » ou « altesse » ou quoi que ce soit d’autre. » C’était le premier semblant de conversation qu’elle avait avec Ruben. Peut être était ce l’exiguïté ou la fatigue mais la reine avait envie de parlé en cette nuit semblable à toute les autres.

─Veuillez m’excuser, mais savez vous que vous êtes reine ? Le savez-vous ? » Une pointe d’humour se lisait dans le ton de sa voie

─Hum… Eh bien oui, je… Je suis la reine, la reine du Nord. Pourquoi ? Pourquoi me demandez cela ? »

─Pourtant vous ne vous comportez pas comme une reine. » Aliénor ne répondit pas, elle était stupéfaite de la réponse du chef des patrouilleurs et pourtant elle ne pouvait pas le contredire. « Vous n’abusez pas de votre pouvoir, ni de l’argent du royaume, vous ne prêtez que peu d’attention à l’étiquette ou aux parures. Vous êtes une sorte de nouvelle reine, qui se définit par ses actes. Partir entourée d’homme pour une destination qui vous est inconnu, ne pas vous laver, manger la même nourriture encore et encore et ceux sans vous plaindre. C’est en cela que vous ne vous comportez pas comme une reine. »

Aliénor rougit aux propos du chef des patrouilleurs, il semblait lui avoir fait un compliment. L’homme était observateur et il avait réussit à redonner le sourire à la jeune femme. Elle tourna à nouveau son visage vers lui, voulant le remercier. Elle aperçut alors pour la première fois le regard emplit de passion de l’homme de la garde de nuit. La jeune femme ne sut que faire, elle resta immobile face à cet homme qui la dévorait du regard. Aliénor sentit une douce pression contre sa joue, c’était la main du jeune homme. Son cœur se mit instantanément à battre plus fort, mais ce n’était pas la même sensation que pour sa crise d’angoisse. Une peur s’empara d’elle, elle était mariée et reine, elle ne pouvait pas se permettre de ressentir quelque chose pour cet homme. La jeune femme se leva rapidement pour rejoindre le groupe d’homme endormis. Laissant seul le chef des patrouilleurs, tout à ses regrets.

Couché sur son matelas, la scène tournait dans la tête de la jeune femme. Elle n’arrivait pas à oublier l’expression du chef des patrouilleurs. Voir une telle expression dans les yeux de Ruben l’avait stupéfié, il était humain après tout et peut être ne la détestait il pas. 

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