La cour des grands

Chapitre 14 : Mitor

1399 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 21:15

 

Mitor

 

     Il n'en revenait toujours pas. Le seul ami qu'il avait en ce monde était mort. Izzir avait toujours été chaleureux à son sujet. Il avait cet étrange pouvoir de lui lâcher un sourire dans les pires moments de désespoir. Ils aimaient ensemble les bateaux qui voguaient jusqu'à l'horizon, se demandant quelles étaient leurs destinations. Mais ces moments heureux étaient terminés. Izzir était mort et l'unique bonheur de Mitor avec lui. La tristesse le morfondait depuis deux jours et au milieu de tout ce chagrin et de ces larmes versées, la colère était prête à exploser. Depuis le "spectacle" de Lys, quand Mitor arpentait les rues de la cité, il entendait les discussions des passants qui s'exclamaient :

 

-Sa souffrance était justufiée.

 

-Que son esprit pourisse dans les Sept Enfers.

 

-Vezel a été vengé. Valar Morghulis.

 

     Ainsi, Mitor pleurait donc chaque nuit en maudissant ces chiens qui insultaient son nom à tort. Izzir lui avait raconté, la nuit où il était partit le voir dans sa cellule, le meurtre de Vezel par des lâches masqués. La raison de cet assassinat lui était inconnu et Izzir n'avait pas voulu en dire plus. Et maintenant, son secret était mort avec lui. À moins que... Son maître , Rasar dar Rika, était peut-être au courant de ce qu'il se tramait. Mitor était persuadé que la cause pour laquelle Vezel est mort était liée à la soirée que celui-ci et son maître avaient passé il y a de cela presque une semaine. Il était, tout à coup, décidé à connaître la vérité, juste pour combler le vide qu'avait laissé Izzir derrière lui. Cependant, le seul qui devait être forcément au courant était Rasar. D'habitude, il était impossible de lui parler à moins d'être un homme libre. Autrement dit, en tant qu'esclave, Mitor ne pouvait lui adresser la parole et ne devait obéir qu'aux ordres. Mais depuis quelques jours, son maître était devenu encore plus inaccessible qu'autrefois. En effet, ce dernier ne donnait même plus d'ordre et il était devenu si silencieux que leur maison restait silencieuse comme une crypte. Il s'absentait même parfois durant toute une après-midi et revenait avec la mine aussi sec qu'à son départ. Mitor ne pouvait penser que cela était dû à la mort d'Izzir mais plutôt à celle de Vezel. Lorsque Rasar avait appris sa mort, il était partit s'asseoir sur son fauteuil et se tenait fermement la tête, comme s'il utilisait tous ses efforts pour réfléchir. Mais à quoi ? Dans tous les cas, il était formellement inconcevable de pouvoir lui parler.

 

     Les jours passaient et la tristesse de Mitor réussissait à s'amenuir, même si la colère persistait tout comme le désir d'en savoir plus. Rasar restait silencieux et l'ambiance de la maison devenait si pesante et insupportable. Un jour, alors qu'il revenait de ses nombreuses sorties mystérieuses, il déposa une lettre sur la table. Il se tourna alors vers Mitor et, pour la première fois depuis une semaine, lui adressa la parole :

 

-Lis ceci. Je t'expliquerai plus tard.

 

     Mitor s'éxécuta alors sans compendre ce qu'il se passait. Grâce aux leçons d'Izzir, il avait réussi à apprendre à lire et prit donc la lettre. Il lut le contenu :

 

          Rasar dar Rika, noble de Lys.

 

     Nous avons reçu votre demande pour entrer au sein de notre organisation. Cependant, nous ne pouvons pas accéder à votre requête sachant que vous êtes un ancien "Partisans". C'est pourquoi nous vous proposons, en guise de test, de prouver votre dévouement à notre cause en assassinant l'émissaire de votre ancien groupe. Peu importe la manière dont vous y parviendrez, rapportez-moi sa tête en guise de preuve et nous pourrons alors discuter.

 

Räv dar Skugga, émissaire des "Chasseurs" posté à Lys.

 

     Mitor regarda le visage de Rasar qui le fixait de ses yeux perçants.

 

-C'est toi qui t'en occupera. S'exclama son maître.

 

-Mais... Commença Mitor qui ne comprenait pas la situation.

 

-Je t'ai dit que je t'expliquerai plus tard. S'énerva Rasar.

 

     Ce dernier s'en alla alors s'asseoir dans son fauteuil. Il ne parla plus de la soirée et continuait à fixer le mur devant lui, les yeux perdus dans le vague. Mitor, lui, partit réfléchir dans sa chambre, se posant des milliers de questions, relisant la lettre encore et encore. L'interrogation se bousculait dans sa tête mais la vérité était là. Mitor avait bien compris l'ordre de son maître et il ne pouvait pas le reconnaître. Il allait devoir tuer quelqu'un et même lui couper la tête. Il ne connaissait pas cet "émissaire des Partisans". Fallait-il au moins qu'il meurt pour une bonne raison ? D'après la lettre, c'était un test pour que Rasar soit accepter dans cette autre organisation nommée les "Chasseurs". Ce n'était pas, pour Mitor, une bonne raison. De toute manière, il avait compris qu'il avait été emmené dans une sale affaire auquel il ne ressortirait peut-être pas vivant. La peur s'installa alors dans le coeur de Mitor et il commença à trembler.

 

     La nuit avait été très longue pour lui. Et comme si cela ne suffisait pas, Rasar vint le réveiller pour la première fois. Il lui cria :

 

-Lève-toi, imbécile ! Et rejoins-moi dans la cour.

 

     Mitor ne comprenait pas ce qu'il se passait mais lui obéissa. Il alla dans la cour, derrière chez lui, et rejoigna son maître qui s'y tenait au centre. Rasar se tourna vers son esclave et lui lança une épée qu'il ne sut attrapper. C'était une épée en bois assez grotesque mais assez lourde.

 

     -Demain, tu l'attraperas, mauviette. Rétorqua Rasar qui, dans le ton de sa voix, montrait qu'il aurait voulu tout faire pour ne pas être ici avec lui. Maintenant, en garde. Cela m'énerve déjà assez de devoir t'entraîner alors ne lambine pas. Je veux que tu puisses réussir ta mission dans le mois qui suit, c'est compris ?!

 

     Mitor acquiesça en essayant de vaincre sa fatigue et de cacher sa surprise. Il prit alors l'épée et se rendit compte du poids. Cet entraînement commençait à peine mais ne s'annonçait pas déjà de tout repos. Néanmoins, il était content de pouvoir apprendre à se battre même s'il aurait préféré un autre professeur et commençait à avoir de l'espoir face au succès de sa mission.

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