La cour des grands

Chapitre 21 : Galmar

2291 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/01/2017 21:33


Galmar



-Lève-toi, vieille charogne ! T'es pas là pour glander, tu m'as compris !


Ser Alliser Thorne était en forme aujourd'hui, comme chaque jour depuis l'arrivée de Galmar à Châteaunoir et même plus avant d'après le témoignage des plus anciens gardes. La séance d'entraînement matinale se déroulait de la même manière tous les jours. Thorne gueulait à s'en rompre la voix sur les novices qui tombaient sous les coups de leur adversaire et même ces derniers, malgré leur victoire, avaient eux aussi droit à de bonnes insultes. Tout le monde savait que c'était pour entraîner leur morale et beaucoup des hommes comprenait cela. Cependant, il y en avait toujours quelques uns qui mirent Thorne dans le haut de leur liste de personne les plus détestables. Galmar, lui, ne faisait pas partie de cet dernière catégorie. Ni même de la première d'ailleurs. En réalité, il se fichait pas mal de son entraînement qu'il qualifiait d'un ennui mortel. En effet, comparé à tous ses autres compagnons, Galmar avait grandi dans un château et tenait déjà une épée lors de ses dix ans. Ses compagnons, eux, venaient à peine de découvrir l'existence de leur «hors-chez-soi», le monde véritable, coupé de leur ferme d'enfance. Galmar le comprenait mais ce n'était pas pour autant qu'il se retenait de les battre à plate couture de bon matin. Néanmoins, il y avait une personne qu'il ne pouvait pas vaincre et qui était dans le même chariot que lui lorsqu'il était arrivé au Mur, il y a de cela plus de deux semaines. C'était Janos Slynt. L'ancien commandant du Guet de Port-Réal, comme il s'amusait à le rappeler à quiconque se trouvait sur son chemin lors de l'entraînement. Depuis leur arrivée, la rivalité entre celui-ci et Galmar était connue de tous, se fusillant du regard à chaque fois qu'il se croisait ou faisant éclater leur colère respective contre l'autre lors des combats. Malgré que Janos commençait à se faire vieux et à perdre de sa force, il n'en avait pas perdu de ses techniques de combat. Ces dernières avaient raison de chaque issue de combat contre Galmar. Le bâtard des Frey, comme Janos s'amusait à le rappeler, à croire qu'il aimait rabaisser les autres et se glorifier lui-même, possédait certes une force semblable à celle de son adversaire mais il manquait cruellement d'expérience. Après tout, c'était normal vu son jeune âge mais cette réflexion ne réussissait jamais à apaiser la haine qu'il portait à «l'exclu de Port-Réal», nom qu'il lui avait trouvé pour contrecarrer le surnom de bâtard qu'il lui donnait et qui permettait de monter en puissance la rage de celui-ci. Galmar ne savait pas encore pourquoi Janos avait été viré de son haut rang dans la capitale mais d'aucun raconte que c'était le gnome, Tyrion Lannister, devenu récemment Main du Roi, qui s'était occupé de l'envoyer croupir au Mur. «Comme si le Mur était une prison. Je ne vois pas en quoi» pensait régulièrement Galmar.


En effet, depuis son arrivé, Galmar ne cessait d'être émerveillé par ce gigantesque mur de glace, cette atmosphère fraternelle qui régnait entre ceux devenus déjà membre de la Garde de Nuit et ce climat glacial dans lequel il aimait se complaire. Il comprenait que ceux qui n'avait pas choisit de venir ici était mécontent d'y être et qu'ils préféraient rester chez eux, au chaud et en sûreté avec leur famille et amis. Mais Galmar voulait les persuader que la vie en ce lieu n'était pas si atroce car l'on faisait partie d'une véritable communauté, d'un même groupe qui s'attelait à protéger le royaume des humains comme le mentionnait si bien le serment que chaque homme devait prononcer pour devenir membre à part entière de la Garde de Nuit. Il commençait ainsi à réciter seul dans sa tête avant de se coucher car, très bientôt, il en deviendrait un. Galmar avait hâte d'être à ce jour qui verrait en lui son avènement parmi ceux que les sauvageons appelaient les Corbeaux.


Les sauvageons. Cette tribu nomade vivant au-delà du Mur qui multipliait les attaques depuis un millier d'année sur Westeros. On raconte que, depuis quelques temps, ils sont de plus en plus nombreux à vouloir passer le Mur. Les rares prisonniers que la Garde récupérait ne prononçaient rien d'autre que : «La longue nuit arrive et avec elle les ténèbres s'amassent pour nous prendre tous». Tout le monde pensait qu'ils voulaient parler de la venue de l'hiver, comme les Stark s'amusent à le répéter dans leur devise, prédit il y a peu par les mestres de la Citadelle. Mais, juste avant que le Lord Commandant Jeor Mormont s'en alla avec la moitié des troupes de Châteaunoir, on raconte que celui-ci avait été attaqué par un cadavre aux yeux bleus et que son intendant avait réussi à le brûler avant qu'il ne l'attaque. D'aucun prédisait que c'était un Autre, un Marcheur Blanc, disparu depuis des millénaires à cause des Enfants de la forêt et des Premiers Hommes, mais peu y croyait réellement, voir même aucun. D'ailleurs, Galmar avait apprit que la raison de l'expédition de Jeor Mormont au-delà du Mur avait pour but de vérifier le retour de ces créature millénaires. Tous pensaient qu'il reviendrait avec cette réponse : «Il n'y a rien là-haut si ce n'est les sauvageons et les multiples bêtes féroces qui s'y cachent». Galmar croyait aussi à cette réponse mais, Autre ou pas, il se lamentait de voir le château si vide à cause de cette expédition perdue d'avance. Il essayait d'imaginer comment cela devait être lorsque la cour boueuse et enneigée recevait la totalité des hommes qui la peuplait.


-Tu es prêt, bâtard ?


Janos Slynt le retira de ses rêveries. Galmar allait commencer un énième face à face avec celui qui était très vite devenu son pire ennemi.


-Je suis prêt, l'exclu. Répondit Galmar, non sans laisser échapper un petit sourire moqueur.


Le visage de Janos devient alors rouge de colère et il fonça sur son adversaire. Tous les hommes autour d'eux regardèrent le combat avec satisfaction, comme s'ils étaient les spectateurs de la meilleure scène de théâtre du monde. Même ceux qui guettait au-dessus de la grande porte d'entrée se retournait pour admirer le spectacle. Leur combat était bien plus divertissant et était bien plus long que les misérables combats des autres novices. Pourtant, tout le monde connaissait, depuis le temps, l'issue du combat qui se répétait et se répétait. Ce fut le même cas pour ce coup-ci où, après cinq bonnes minutes de combat acharné, Galmar tombait à terre et se rendait, laissant Janos qui se vantait de sa victoire à qui voulait l'entendre. Galmar n'était pas si en colère pour autant, il savait qu'un jour, il réussirait à le battre à force d'effort. Il s'écarta de la zone de combat sous les accolades de ses compagnons qui l'encourageaient. Tout le monde retourna à ses occupations respectives tandis que deux novices s’apprêtèrent à engager le prochain combat.


Galmar alla ranger son épée et sa tenue d'entraînement dans le cabanon prévu à cet effet. Il voyait, à travers la porte, Janos et Thorne discuter ensemble. Depuis son arrivé, Galmar n'a cessé de remarquer à quel point ces deux-là se rapprochaient et traînaient toujours ensemble. Il était persuadé que Janos n'arrêtait pas de l'insulter derrière son dos mais il n'avait pas l'impression que Thorne l'écoutait réellement. Celui-ci devait certainement lui parler de l'honneur de faire partie de la Garde de Nuit et à lui expliquer comment empêcher que les sauvageons gagnent Westeros. Galmar ne s'occupa plus de leur discussion. Après tout, il n'en avait pas grand-chose à faire et avait d'autre chose à penser comme par exemple ce que faisait sa famille à ce moment précis. Il trouvait plus intéressant de deviner leurs occupations à eux plutôt qu'à ce vieillard de la capitale. Il se foutait aussi de ce que faisait son père, certainement en train de peloter sa femme de quinze ans ou de se goinfrer. Il pensait à Hilda. Sa sœur était devenue femme de lord Karyl Vance et elle devait sans doute l'attendre lui et Olliver après chaque bataille de cette foutu guerre. Olliver, son frère qui aurait dû être avec lui au Mur. Il se demandait s'il avait été tué lors d'une bataille mais cette idée nauséeuse fut écartée vite fait de son esprit lorsqu'il vit ser Alliser Thorne s'approcher de lui lorsqu'il quitta le cabanon.


-Suis-moi, Galmar. J'ai à te parler. Ordonna d'une voix curieusement calme le suppléant du lord Commandant.


Galmar était étonné qu'il se souvienne de son prénom sachant qu'il avait du mal à se souvenir de ceux des autres. Il se demanda aussi si Janos ne l'avait pas dénoncé sur un quelconque méfait qu'il aurait inventer pour le nuire aux yeux de Thorne. Il commençait même à avoir peur d'être obligé de partir du château et à retourner chez lui, aux Jumeaux. Alliser l'amena dans l'ascenseur qui permettait d'accéder au sommet du Mur. C'était la première fois qu'il verrait le monde de là-haut et Galmar, malgré sa peur grandissante de devoir partir, était excité d'avoir la vue panoramique qu'il y obtiendrait. Lors de la lente montée, Alliser se mit à lui raconter:


-Vous savez, les Frey et les Thorne étaient alliés autrefois, il y a bien longtemps. Nous combattions pour la dynastie des Targaryen. Aerys II, dit le Roi fou, a préféré vous mettre à l'écart car vous n'étiez pas digne de confiance selon lui et nous a ordonné de mettre fin à cette alliance. Vous nous avez ensuite combattu aux côtés de Robert Barathéon lors de sa foutu rébellion, ma famille a disparu et Lord Eddard Stark m'a envoyé ici car il pensait que je servirai mieux ici que dans la mort.


-Je...Je suis désolé pour votre famille, ser…. Répondit Galmar, décontenancé.


-Oh, ne le sois pas. Coupa Alliser. Ce sont les Stark et les Barathéon que je maudis. Pas les Frey qui se sont juste vengés des Targaryen. Il y a le bâtard des Stark du nom de Jon Snow qui est parti avec le lord commandant Mormont au-delà du Mur. C'est à lui que j'en veux, pas à toi.


Il prît une longue pose tandis qu'il se rapprochait de plus en plus du sommet.


-La répartition des novices dans les différentes sections de la Garde sera dans deux jours. Ser Janos n'a pas arrêté de me parler de toi et que je devais te placer en tant qu'intendant ou même en tant que nettoyeur des latrines.


-Allez-vous le faire, ser ? Gémit Galmar qui avait cruellement peur d'être assigné à cette fonction minable.


-Bien sûr que non. À moins que tu me déçois jusque-là mais cela m'étonnerait de ta part.


L’ascenseur arriva au sommet et Alliser ouvrit les portillons pour poser le pied sur la glace du Mur. Galmar était heureux de pouvoir enfin se retrouver ici. Il se rendit compte qu'il faisait bien plus froid ici qu'en bas et il voyait certains frères se recroqueviller dans leur manteau noir pour se réchauffer à côté des flambeaux. Ils avancèrent à travers les murets de glace pour faire enfin face aux passerelles où étaient visibles celui que tout le monde appelle : Le Vrai Nord. La forêt Hantée s'étendait à perte de vue et les montagnes enneigées culminaient jusqu'à l'horizon. C'était un paradis glacial.


-C'est magnifique, n'est-ce-pas ? Interrogea Alliser qui n'attendit pas sa réponse pour continuer. La première fois que je suis venu ici, j'avais presque l'impression de voler. Si dans deux jours tu deviens patrouilleur, tu pourras arpenter ce paysage à chaque fois qu'on te l'ordonnera. Là-bas, il y a des sauvageons, des loups-garous, des ours et, qu'il y en ait ou pas, des putains de cadavres aux yeux bleus ainsi que toutes les autres bestioles qui s'y trouvent. Il ne tient qu'à toi de te tenir à carreau et peut-être que tu pourras réussir à y aller.


-Vais-je vraiment devenir patrouilleur, ser ? Demanda Galmar qui ne détachait pas son regard du paysage.


-Il ne tient qu'à toi d'en devenir un, Galmar. Tais-toi maintenant et tient. Lança Thorne qui lui tendit une lettre déjà décachetée possédant le sceau des Vance de Bel Accueil. Toutes mes félicitations à ton frère.


Thorne s'en alla et Galmar ouvrit sans attendre la lettre qui annonçait la bataille qu'Olliver mentionnait comme «la deuxième pluie de Castamere» et où il racontait sa promotion au rang de chevalier par le Roi du Nord. Galmar oubliait alors Janos et son visage moqueur et jeta la lettre dans le vide, portée par le vent. Il resta là, le sourire aux lèvres, à voir s'éloigner la feuille de papier s'en aller aux quatre vents.


Deux jours plus tard, Alliser faisait son discours devant tous les novices qui attendaient impatiemment leur affectation parmi les constructeurs, les intendants et enfin, les patrouilleurs. Puis, en faisant la liste des noms, Alliser tomba sur le nom de Galmar et annonça :


-Galmar, les patrouilleurs.


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