La cour des grands

Chapitre 26 : Galmar

2451 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/03/2017 19:29


Galmar



Cette nuit, comme toute les nuits depuis déjà une semaine, Galmar dormait profondément avec le sourire aux lèvres. Il avait rejoint la section qu'il désirait tant depuis le début où il en parlait avec Olliver. Il avait rejoint les Patrouilleurs. Il allait pouvoir enfin explorer tout ce qui se trouvait au-delà du Mur comme la forêt hantée et la Grève glacée entre autre. Deux jours après son admission, il avait prêté serment en le récitant par cœur au centre de la cour, entouré de ses nouveaux frères, devant ser Alliser. Tous les autres frères, qui regardaient la scène avec nostalgie, se remémorant le jour où ils étaient à la place de ces novices, acclamèrent leurs nouveaux compagnons. Galmar avait alors ressenti ce jour-là un profond sentiment de fierté et d'épanouissement. Il dormait donc dans le dortoir, au milieu de ses frères ronflants, et rêvait intensément de chaque aventure qui pourrait lui arriver au-delà du Mur. Les loups-garous, les sauvageons, le froid glacial, les lynx de fumée et plein d'autres dangers et créatures qui habitaient dans cette région gelée allaient être les principaux ennemis de ses escapades dans la neige. Pour toutes les nuits à venir, à présent, il allait devoir vouer son existence à la Garde de Nuit. Il en avait fait le serment et il ne pourrait plus revenir en arrière sous peine de rencontrer la hache du bourreau ou les flèches de ses propres frères. De toute manière, Galmar ne songeait pas une seule seconde à quitter Châteaunoir. Il y était bien et ne voulait aucunement s'en aller.


Galmar pensa alors à Janos Slynt, son ennemi juré. Celui-ci avait été nommé intendant mais Galmar soupçonnait qu'il avait demandé à Alliser de l'assigner à cette fonction. En d'autres termes, ce poste était plus un soulagement pour lui. En effet, tout le monde avait remarqué que lord Janos s'affirmait de plus en plus comme un froussard mais personne ne se moquait de lui par crainte de la colère d'Alliser, toujours aussi proche de ce peureux. De plus, sa nomination en tant qu'intendant n'était qu'officielle car, en réalité, il était juste le bras droit d'Alliser alors que celui-ci n'en avait pas réellement besoin. Sa situation à Châteaunoir exaspérait beaucoup de ses frères. Pour la quasi-totalité d'entre eux, il faisait honte à la Garde et la seule raison pour laquelle il restait ici était ses compétences de combat qui pouvaient être utiles en cas d'attaque.


Depuis son assignation en tant que Patrouilleurs, Galmar allait plus souvent en haut du Mur admiré les régions glacées ainsi que le Nord avec son paysage bien plus vert que celui de l'autre côté. Ils n'avaient pas le vertige et s'amusaient souvent à se placer au bord du gouffre tout en prenant soin de ne pas glisser. Il s'était autorisé de garder le Mur une nuit au sommet. Restant près du feu, il guettait chaque mouvement semblant inhabituel dans la forêt hantée. Une torche ou des ombres se mouvant parmi les arbres. Galmar ne voulait pas échouer à sa mission que lui assignait son serment : D'être le guetteur sur les remparts et de protéger le royaume des humains de tout ce qui se trouvait au-delà du Mur, dans ces ténèbres qui l'attiraient de plus en plus. Galmar se demandait souvent quand serait sa première mission à accomplir au nord. C'est alors qu'il entendit cette nuit-là un hurlement de loup. Ce hurlement le fit sursauter et il scruta l'horizon de bout en bout. Il vit alors au loin, sur une colline éclairée par la lueur de la lune, deux torches qui se déplaçaient et s'engouffraient dans la forêt. Étant trop loin pour voir de qui il s'agissait, il s'écarta du bord et descendit avec l'ascenseur pour prévenir ser Alliser. Il n'avait certes pas vu les personnes qui brandissaient les torches mais il ne fut aucun doute que c'étaient des sauvageons. Ceux-ci s'étaient trop approcher des remparts apparemment.


-Qu'y a-t-il, Galmar ? Questionna Alliser qui venait de s'éveiller.


-Excusez-moi de vous réveiller, ser mais j'ai aperçu des sauvageons sur une colline. Ils sont entrés dans la forêt. Répondit Galmar, torche en main.


-D'accord. Grogna-t-il. Va te reposer. Demain matin, tu pars au-delà du Mur avec deux autres Patrouilleurs.


-Bien, ser. Répondit Galmar qui n'essaya même pas de cacher son bonheur.


Galmar n'avait jamais passé une aussi bonne nuit tout en étant aussi courte. Il se leva donc très tôt ce matin-là. Il s'habilla de son manteau noir qu'il portait dorénavant avec fierté et prépara son cheval. Il aiguisait son épée, sortit tout droit de l'armurerie, tout en attendant ses camarades. Depuis son arrivé, Galmar n'avait pas réellement eu le temps de se trouver des amis, trop occupé à s'émerveiller devant le château et le Mur. Il n'avait noué aucune relation si ce n'est celle avec Lord Janos. Relation auquel il se serait bien passer. Il rencontra alors ses deux compagnons après que ceux-ci se soit préparés. L'un d'eux était assez grand et costaud. Il avait le haut du crâne rasé et arborait une longue barbe dense et grasse. Le deuxième était plus petit et plus mince. Il avait de très longs cheveux et portait une barbe naissante. Le premier se nommait Darius tandis que l'autre se nommait Newt. Eux aussi étaient, comme Galmar, déterminés à en découdre de ces sauvageons. Néanmoins, leur motivation se résumait plus à accomplir leur mission au plus vite pour rentrer le plus tôt possible que de la réussir pour les intérêts de la Garde.


Quand les portes du tunnel s'ouvrirent, Galmar avança fièrement en tête, le sourire aux lèvres, ses deux compères derrière lui. Il allait enfin arpenter les terres glacées, parcourir la sombre atmosphère de la forêt hantée, combattre les sauvageons et les bêtes féroces qui l'attendaient là-bas. Ils traversèrent le Mur et s'engouffrèrent peu après dans la ténébreuse forêt.


Il n'eut besoin que de deux heures avant qu'ils ne rejoignent la colline où Galmar avait aperçu les sauvageons la veille. Il trouvait bizarre le fait qu'il n'ait trouvé aucune trace d'eux dans la forêt sachant qu'ils s'y étaient engouffrés cette nuit. Il demanda à ses deux frères de l'aider à examiner la colline à la recherche d'indice qui permettrait de les tracer. Après plusieurs minutes de recherche intensive, Newt appela ses frères et leur montra des traces de pas qui repartaient dans la forêt, en direction de Tour Ombreuse, vers l'Est. Ils suivirent les traces et dégainèrent leurs épées, parés à toute embuscade.


Ils arrivèrent à une lisière et c'est alors que Galmar entendit un craquement à sa gauche. Il se dirigea vers le bruit en mettant en garde ses frères. Il n'y avait rien à signaler. Soudain, d'autres craquements se firent entendre de tous les côtés. Galmar retourna vers ses frères, chacun regardant d'un côté différent. Il ne fallut pas longtemps pour qu'ils découvrent des sauvageons, dans leur fourrure grise, s'approcher d'eux de tous les côtés. Ils étaient quatre et chacun tenaient, assez difficilement, un loup-garou au bout d'une corde, montrant leur crocs aux frères qui se retrouvaient pris au piège. Les corbeaux arboraient des visages horrifiés voyant les loups-garous qui n'attendaient que le moment où il pourrait se jeter sur eux.


-Vous êtes foutus, sales corbeaux ! Cria l'un des sauvageons. Lâchez, les gars. Donnez leur repas aux bêtes !


À ces mots, chacun des quatre sauvageons lâchèrent leur corde, laissant les loups-garous fondre sur la Garde de Nuit. Chacun des frères empoignaient fermement leur épée et se préparèrent à l'assaut. Galmar esquiva un des loups qui s'apprêtaient à sauter sur lui et fit une roulade pour atterrir derrière la bête. Il vit ses deux frères qui se débattaient férocement ainsi que le dernier des loups qui restait en retrait, attendant le moment propice où attaquer. Galmar leva alors son épée et fonça sur le loup qui l'avait agressé plus tôt. Celui-ci échappa de justesse à la lame mais eu le bout de la queue coupé. Il poussa un petit couinement avant de revenir à la charge, plus énervé qu'avant. Cette-fois, Galmar eut assez de temps pour réfléchir à comment se sortir de cette situation tandis que le loup s'approchait dangereusement de lui. Il prît un air déterminé et s'écarta d'un pas à gauche pour asséner le loup d'un coup lorsque celui-ci était en plein vol pour retenter de lui sauter dessus. La lame se planta dans la cuisse droite de l'animal qui tomba à terre. Galmar savait parfaitement ce qu'il fallait faire à ce moment-là. Il s'avança près du loup et lui donna le coup de grâce en plantant son épée dans le ventre de la bête. Il se retourna alors et vit qu'un autre loup avait succombé. Cependant, le loup resté en retrait s'était lancé dans la bataille et mordit alors la cuisse de Newt qui hurla aussitôt. Darius étant occupé avec l'autre loup, Galmar fonça aider son frère qui se faisait tirer par la bête. À quelques pas seulement, il se prépara à frapper et donna une violente éraflure sur le visage du loup qui lâcha instantanément la cuisse de Newt qui s'écarta aussitôt du combat. Galmar et la bête se regardèrent dans les yeux quelques secondes et, contre toute attente, le loup s'en alla en courant, la joue en sang et disparaissant dans les ténèbres de la forêt. Pendant ce temps, Darius profita du moment où le loup qu'il combattait restait coincé dans son bras pour planter son épée dans le coup de l'animal qui s'écroula dans la neige. Le combat était terminé et les sauvageons avaient disparu. Les trois frères restaient au centre de la lisière, parmi les cadavres des loups-garous, dans l'atmosphère silencieuse, gênée simplement par Newt qui grinçait des dents.


Darius fit signe à Galmar qu'il n'y avait aucune raison de s'inquiéter pour son bras et s'approcha de Newt qui s'était adossé à un arbre.


-Prenons la fourrure d'un des loups pour empêcher que le sang ne coule trop. Conseilla Darius.


Galmar regarda la neige devenant rouge autour de Newt et accepta. Ils arrachèrent alors la peau d'un des animaux morts et l'enroula autour de la plaie du blessé.


-Il faut que nous nous éloignons d'ici avant que les sauvageons ne reviennent. Proposa Darius. Attachons les loups au bout d'une des cordes que nos ennemis ont laissés tombés et traînons-les. Il nous en faudra pour ce soir.


-Mais nous n'avons pas besoin de nourriture pour ce soir. Nous serons déjà arrivés au Mur d'ici-là. Rétorqua Galmar.


-Pas avec lui à traîner.


-Mais pourquoi prendre les trois loups ? Un seul nous suffit bien pour manger, non ?


-L'hiver vient, Galmar. Nous avons besoin de remplir les réserves de nourritures à Châteaunoir.


-Tu as déjà vécu un hiver ici, Darius ?


-Oui, une fois. Je te préviens. C'est un huitième Enfer à lui tout seul.


Plus tard, les frères se mirent en route. Galmar aidait à faire marcher Newt et aidait Darius à tirer la corde qui supportait les trois loups. Plusieurs heures après, ils allumèrent un feu de camp avec les quelques brindilles trouvées sur le chemin et installèrent Darius sur un arbre. Tandis qu'une cuisse de loup cuisait, Darius fit chauffer la fourrure qui retenait le sang de Newt et l'appliqua avant qu'elle ne brûle sur la plaie. Galmar mit la main devant la bouche du blessé qui ne pouvait s'empêcher de crier et ce dernier commença à se calmer, puis, à s'écrouler de fatigue.


Alors qu'il mangeait autour du feu, Galmar réfléchissait. Il avait remarqué à quel point Darius semblait avoir de l'expérience dans les expéditions au-delà du Mur quand il se battait et qu'il soignait Newt. Il se souvînt de ses paroles sur l'expérience de l'hiver dans les environs. Il se souvenait de l'hiver aux Jumeaux et il faisait déjà énormément froid. Il frissonna rien qu'à l'idée d'imaginer la température du Mur lorsque la longue Nuit arrivera.


-Je t'ai remarqué au début de notre voyage et même peu avant. Dit Darius qui coupa Galmar dans ses réflexions. Ton sourire, ton regard fier. Je sais ce que tu ressens sur cet endroit.


-Et qu'est-ce que je ressens, alors, Darius ?


-Tu sembles vivre un rêve de gosse. Un vœu qui se réalise. Saches que tu connaîtras vite le sentiment de la désillusion. Ici, ce n'est pas un endroit de rêve. C'est un des endroits, les plus désagréables, inconfortables et cruels qui existe. Peut-être même le pire. Souviens-toi de ceci, mon frère. Les rêves, une fois qu'ils sont réalisés, sont ceux qui nous font le plus souffrir.


Galmar décida plus tard de monter la garde durant le sommeil de ses deux frères. Il regarda les rares étoiles qui filtraient à travers les nuages et se souvint des paroles de Darius. Ce n'était pas la première fois que quelqu'un lui disait que la vie au Mur était difficile et peu enviable. Son père lui-même était celui qui avait commencé à le mettre en garde. Mais ses envies de quitter à tout prix le domaine familial étaient plus importantes que tout. Il savait qu'il allait désormais vivre dans un milieu bien plus inconfortables et dangereux qu'avant. L'aventure l'avait appelé et aujourd'hui, il avait entreprit son premier combat face aux sauvageons qui n'avaient pas hésité à leur lâcher des loups-garous, censés être quasi-impossible à apprivoiser. Il resta donc là, regardant le ciel obscur, se demandant quels autres dangers l'attendraient et s'ils y survivraient. Il était dorénavant plus au nord que le Nord et il était en terre inconnue. Peu après, il remplaça Darius dans son sommeil, rêvant cette fois d'aventure plus sombre qui pourrait lui arriver à l'avenir.


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