La cour des grands

Chapitre 42 : Olliver

4659 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 31/10/2017 11:21



Olliver



Dans le fort de Viergétang, dans la chambre royale, le seigneur s'occupait d'astiquer son épée. Il voulait jusqu'à voir son reflet dans la lame. Cette épée qu'il avait reçu en cadeau d'un vieil ami était en acier valyrien. Cet acier était si rare aujourd'hui que sa valeur pouvait surpasser celle du fort tout entier. Si Olliver n'avait pas cette épée sur lui et que quelqu'un d'autre lui proposerait de l'en acquérir en échange de sa place de seigneur du fort, il pourrait accepter volontiers. Cependant, Olliver, dans son esprit, ne pouvait changer sa place contre une épée, peu importe sa valeur ou sa rareté. Il aimait beaucoup être un seigneur. Il prenait du plaisir à présider une réunion du conseil, à faire des discours devant son peuple, à manger tout ce qui lui plaît, à commander comme bon lui semble. Lors de ses discours, souvent, en signe d'union, il sortait son épée à la fin de chacun d'eux, pour montrer à la fois qui était le chef dans cette région et sous quelle bannière il fallait se rallier. Il avait nommé son épée «Samwell» en souvenir du premier véritable adversaire qu'il avait tué lors d'une bataille contre les Lannister. Pendant qu'il astiquait son épée, il se souvenait de ce duel. De chaque coup d'épée qu'il lui avait donné. En pensant à chacun de ses coups, il donnait des coups de chiffon toujours plus fort. Lorsqu'il se souvînt du coup fatal qu'il lui avait porté en enfonçant son épée dans sa tête, «Samwell» lui échappa des mains et tomba dans un fracas métallique. Olliver, assis sur son lit, la ramassa et se regarda dans la lame, désormais parfaitement propre. Après avoir admiré avec joie le nouveau seigneur qu'il était, il rangea son épée dans son fourreau et mit sa tenue impériale. C'était une tunique de cuir toute simple avec des épaulettes arrondies d'acier cloutée. Il sortit de sa chambre et rejoignit Anduil, le commandant des troupes civiles, qui l'attendait dans la salle du trône.


Il devait se rendre avec lui, et quelques gardes, au port le plus proche pour négocier avec le gérant de celui-ci. En effet, il lui fallait son accord pour que ses troupes puissent se positionner sur le port afin d'empêcher les Lannister d'accoster. Car les Lannister accosteront. Les éclaireurs du roi Robb sont formels. Une flotte des lions naviguent en ce moment même en direction de la Baie des Crabes pour prendre l'armée du Nord à revers. Mais ils ont certainement été mis au courant de la prise de pouvoir de Viergétang par le Nord et s'attendent forcément à une offensive au moment où ils poseront le pied à terre. Ce qu'il faut donc, c'est les empêcher de s'amarrer sur le pont et de les laisser se préparer au combat sans pouvoir rien faire. Ainsi donc, Olliver, Anduil et cinq gardes prirent la direction du port. En allant au port, il passait dans le village. La clameur du peuple qui l'accompagnait lors de ses premiers jours de règne à chacune des marches qu'il faisait dans ses rues avait été remplacé par l'inquiétude et parfois même, un certain dégoût. Le peuple était inquiet car il savait que Viergétang allait être attaqué et que le fort était loin d'être le plus avancé en terme de défense, ou même d'attaque. Certains étaient dégoûtés car ils sentaient bien qu'Olliver voulait gagner cette bataille, et que, pour la gagner, il fallait donc améliorer la puissance militaire du fort, et donc, dépenser beaucoup d'argent. Cette dépense n'allait pas aider le peuple à sortir des inégalités sociales qui existaient au sein du village. Elle allait même grandement la dégrader. Beaucoup voulait qu'Olliver laisse passer les Lannister pour ne pas avoir à les combattre. Mais ce serait trahir Robb, trahir le Nord, et se trahir lui-même. Car il voulait cette bataille. Il détestait les Lannister et il voulait montrer que Viergétang n'était plus le petit fort miteux qu'il avait été sous le règne de son prédécesseur. Il se sentait responsable de cette région, et il saurait s'en montrer digne. Ainsi donc, il lui était impossible de répondre à cette doléance du peuple qui voulait le voir se comporter comme un lâche et un traître.


Entre le village et le port, il y avait une grande plaine coupé par un sentier à peine dessiné dans les herbes. Olliver savait que la plus grande partie de la bataille allait se dérouler ici si les Lannister réussissaient à accoster. Il s'imaginait donc la scène et voyait presque déjà le sang sur l'herbe et les nombreux corps jonchant le sol. Le port, quand il arriva avec son escorte, était assez animé. Les marchandises allaient et venaient sur les navires et le pont. Quelques entrepôts avaient été construits ainsi que quelques échafaudages pour remorquer les caisses sur le pont des navires. Le bâtiment principal était le siège financier du port. C'était là où était répertorié tous les trafics, les réservations de quais, les livres de compte. Le gérant du port se trouvait à l'étage.


-Bonjour. Dit Olliver devant un homme du personnel de l'accueil. Je suis Olliver Frey, seigneur de Viergétang. Je veux voir le gérant du port, Frenrir Hillman.


-Il est à son bureau à l'étage. Répondit l'homme d'un ton agacé à cause du fait qu'Olliver n'ai pas dit «s'il vous plaît». Je vais lui dire que vous êtes là.


Et l'homme alla chercher Frenrir Hillman. Olliver ordonna à ses gardes de rester à l'extérieur. Anduil et lui se regardèrent et tombèrent d'accord pour dire que ce genre de service était assez barbant avec tous ces chiffres, ces paperasses et ces fonctionnaires. L'homme de l'accueil revînt et leur annonça qu'il pouvait entrer dans le bureau de Frenrir. Ils montèrent des escaliers et entrèrent dans la pièce. Frenrir était assis derrière une table remplie de pile de papiers. Frenrir dût lever la tête pour montrer à Olliver et Anduil qu'il était bien là. C'était un homme chauve et une barbe naissante comme collier. Sa tenue bleue saphir était fait d'un tissu épais et il portait une magnifique bague d'argent autour du doigt. Il invita d'une voix enrouée ses deux invités à s'asseoir en face de lui. Il toussa et rangea ses papiers devant lui. Il regarda Olliver et Anduil qui arboraient tous deux une posture sérieuse et leur demanda d'une voix plus claire désormais :


-Alors? Que puis-je faire pour vous, seigneur?


-Vous devez être déjà au courant mais le village, et le fort, de Viergétang a une ombre qui plane sur lui en ce moment. Répondit Olliver se voulant être le plus concis possible.


-Vous voulez parler de l'attaque des Lannister, je présume? J'en ai entendu parler en effet.


-Nous serons d'accord pour dire que pour nous attaquer, ils devront accoster sur vos ponts.


-Cela me semble inévitable, bien sûr.


-Alors je ne vais pas passer par quatre chemins. Nous ne pouvons laisser les Lannister poser pied à terre sans rien faire. C'est pourquoi je vous demande de nous laisser, moi et mes troupes, utiliser votre port comme première ligne.


Anduil tourna la tête vers son seigneur. De toute évidence, il n'aurait pas formulé cette demande avec ces mots-là. Quand il regarda le visage de Frenrir, il lui semblait évident que cette demande ne ravissait pas le gérant du port. Le sourire poli qu'avait arboré Frenrir au début de la conversation disparut.


-Vous plaisantez? Vous voulez mon port détruit? S'indigna-t-il.


-Oh non, ce n'est pas notre but. Répondit Olliver d'un ton toujours calme. Seulement, le port n'est pas sous le contrôle de Viergétang et je ne peux donc poster des troupes ici sans votre consentement. Donc, consentez-vous? Demanda Olliver qui connaissait déjà la réponse.


-Bien sûr que non! Vous ne pouvez détruire mon port. Sans lui, vous n'avez plus rien. Vos terres sont trop boueuses pour faire pousser quoi que ce soit. Sans nous, vous ne tiendrez pas l'hiver.


-Après la bataille, nous dédommagerons les dégâts qu'a subit le port, je vous le promet.


-Et combien de temps vont vous prendre les travaux? Plus d'une semaine, je présume. Avez-vous même l'argent pour des réparations?


Toutes ses questions commençaient à titiller l'énervement d'Olliver qui s'efforçait de rester le plus calme possible.


-Nous ferons tout ce que nous pourrons, je vous le prom…


-Tout ce que vous pourrez?! Excusez-moi seigneur, mais je ne crois pas que tout ce que vous pourrez atteigne le niveau de finir des réparations d'un port aussi important pour le commerce que celui-là.


-Le truc, monsieur Hillman, dit Anduil qui voulait calmer la conversation, c'est que si nous laissons les Lannister s'installer sur votre port, vous pouvez être sûr qu'ils le dégraderont. Ils vont installer des béliers ou d'autres armes de guerre avec le bois qu'ils trouveront. Ils ne se priveront pas à piller tout ce dont ils auront besoin pour gagner la bataille. J'entends par là le bois, mais aussi l'acier et tout type de métal. Peut-être aussi de la nourriture s'ils sont aussi confiants de nous battre et de partir en direction de l'armée du Nord.


-Alors, j'ai à y perdre dans ces deux possibilités inévitables, je présume. Pourquoi choisirais-je la vôtre alors que si je calcule bien, je perds autant dans votre possibilité que dans la leur?


-Pourquoi choisirez-vous celle des Lannister? Nous sommes ceux qui vous le demandent en premier. Dit Olliver. Alors faîtes-nous une fleur et nous vous le revaudrons.


Frenrir se leva et se tourna vers la fenêtre voilée de poussière. D'ici, il pouvait voir le port et les marchandises qui se déplaçaient entre le pont et les navires. Sans nul doute qu'il imaginait son port piller par les Lannister et détruit par un champ de bataille sanglant. Après quelques temps, il se retourna et annonça :


-Désolé. Je ne peux prendre parti dans cette bataille.


Olliver se leva brusquement et le regarda d'un air menaçant. Il remarqua alors la bague d'argent de Frenrir et fit un sourire effrayant.


-Peut-être ne direz-vous pas la même chose si je m'arrange pour aller rendre une visite à votre femme.


-Vous osez me menac… S'offusqua Frenrir.


-Oui, j'ose vous menacer. Nous parlons d'une bataille qui risque de redistribuer les cartes de la guerre si nous la perdons. Nous ne pouvons nous le permettre. Alors acceptez ma possibilité.


Le ton grave et autoritaire qu'avait pris Olliver refit réfléchir Frenrir qui baissa la tête et annonça donc :


-Bien. Très bien. Vous avez gagner. Mais sachez que je prie votre défaite.


-Priez tant que vous voulez, ça m'est égal. Venez Anduil. Nous partons.


Anduil le suivit, faisant une révérence à Frenrir en guise d'excuse, et quitta la pièce. Arrivé dans la plaine pour rentrer au château, Anduil l'arrêta.


-Est-ce donc comme ça que vous voulez acquérir la confiance de vos alliés? En les menaçant?


-Si vous n'êtes pas d'accord avec mes façons, rien ne vous empêche de partir Anduil. Cependant, remarquez tout de même que nous avons réussi à obtenir le port pour la bataille. C'est un fait qu'il me semble ne pas devoir oublier.


Anduil ne répondit rien. Il n'y avait rien à faire en réalité. Olliver faisait parti de ces nombreux seigneurs qui devenaient de plus en plus têtu au fur et à mesure des échelons gravis. Arrivés à la porte du château avec leur escorte, ils entendirent un bruit lointain. Ils tournèrent la tête vers la source du bruit. C'était, ils en étaient sûrs, des sabots au galop. Beaucoup de sabots. Une troupe de cavaliers et de soldats apparurent alors de derrière une colline. À en juger par le brouhaha qu'ils faisaient, il y avait ici bien plus d'une centaine de personnes qui approchaient dorénavant d'Olliver et de la porte du fort. La troupe était menés par deux hommes, chacun portant une bannière différente.


-Vous voyez Anduil, que je peux me faire des alliés sans faire de menaces. Dit Olliver d'un ton réjoui.


Les deux hommes arrivèrent devant Olliver et ordonnèrent à leur troupes de s'arrêter. Ils descendirent de cheval et serrèrent la main du seigneur de Viergétang. Ils se présentèrent alors. L'un était Lord Buckwell du fort d'Antlers au sud de Viergétang, a simplement trois lieues d'ici. Le deuxième était Lord Darry, du fort du même nom, à une quinzaine de lieues à l'ouest de Viergétang. Chacun d'eux étaient grand. Buckwell portait une longue barbe et de puissants muscles. Darry était plus mince et imberbe. Tout deux semblaient vouloir en découdre des Lannister, ce qu'Olliver ne s'empêcha pas de remarquer. Il les invita donc à entrer dans son château. Les troupes des deux hommes rassemblées restèrent au dehors et établirent un campement. À eux deux, ils avaient emmenés trois cents hommes, avait expliqué Darry. Lui, deux cent et Buckwell une centaine. De bons renforts qui permettaient de monter les côtes de la bataille. Avec les troupes de Viergétang, d'Olliver, de Buckwell, de Darry et de Karyl, qui ne devrait pas tarder à arriver, ils auront donc une armée de mille quatre cents hommes face à la flotte des Lannister. Il semblait à Olliver que la bataille était gagné d'avance. Au total, l'armée des Lannister comptabilisait trente milles soldats au début de la guerre. Une bonne dizaine de milliers étaient certainement tombés depuis et le plus gros des troupes étaient certainement occupés avec Robb. Olliver ignorait l'importance de la flotte. Robb avait dit dans sa lettre qu'elle était assez importante. Mais Olliver était confiant et avait quelques idées en tête qu'il avait déjà partagés avec Anduil, et qu'il allait partagés aussi avec ses deux nouveaux alliés puis Karyl.


Arrivés au château, ils allèrent dans la salle du trône. Olliver avait ordonné au mestre Kyren d'y préparer une table avec une carte de la région et quelques pions représentant le lion des Lannister ainsi que le loup des Stark ou les deux tours jumelles de la maison Frey. Il y avait aussi le laboureur représenté sur l'étendard de la maison Darry et le bois d'un cerf représenté sur celui de la maison Buckwell. Certains pions étaient déjà mis en places. Tous se mirent en place autour de la table. Les deux seigneurs alliés, Anduil, le mestre Kyren et Ronmac, le chef des finances étaient installés ainsi qu'Olliver lui-même qui resta cependant debout.


-Bien. Lord Karyl Vance ne devrait pas tarder à venir avec du renfort et je vais déjà vous faire part de quelques plans. Juste avant que vous n'arriviez, mes seigneurs, le commandant des troupes civiles, Anduil ici présent,et moi-même, avons obtenu l'accord du gérant du port pour que le pont nous serve de première ligne. Nous avions concocté un autre plan si nous n'aurions pu obtenir le port mais nous pourrons en obtenir un mieux. Pour l'instant, j'ai comme idée de profiter de leur temps pendant qu'ils accosteront pour les attaquer. Le pont sera glissant. Pas la peine de faire un enchevêtrement de soldats inutile sur le pont. C'est pourquoi nous mettrons des pièges entre leur point d'accostage et la plaine où la plus grosse partie de nos troupes seront préparées. Des questions?


-Quels sont ces pièges dont vous nous parlez et quels rôles avons nous à jouer? Demanda lord Darry.


-Pour votre rôle, je dois encore réfléchir mais pour les pièges, j'ai mon idée. Nous mettrons de l'huile sur le pont. Non seulement, les soldats glisseront mais dès qu'ils seront assez à être descendu, nous l'embraserons avec des flèches enflammées. Vous êtes d'accord?


-Les flammes marcheront lors de la première vague mais le feu se dissipe au bout d'un certain temps. Remarqua Lord Buckwell. Que comptez-vous faire par la suite?


-Nous aurons mis des caisses comme barrage sur chacun des ponts et ils seront obligés de nager pour rejoindre la terre. De là, nous pourrons en profiter pour leur décocher quelques flèches.


Tout le monde était perplexe et s'imaginait la scène. Mais un point semblait poser problème.


-Les Lannister n'accosteront pas tous sur le port. Constata Lord Buckwell. Il y aura plusieurs navires et ils n'accosteront pas un à un. Certains iront directement sur la terre ferme. Que comptez-vous faire de cela?


-Nous verrons lorsque Karyl Vance sera là. Répondit Olliver d'un ton catégorique.


-Mon seigneur, nous devons parler de ce que vous savez. Annonça Ronmac. Cette bataille va nous coûter chère en matériel et en hommes. Je ne pense pas que nous ayons assez d'argent pour cela.


-Alors que proposez-vous Ronmac? Interrogea Olliver qui n'aimait pas ces questions d'argents. Laisser passer les Lannister comme le veux mon peuple? L'argent, on finira par en trouver. Laissez ces questions là à plus tard.


-Vous m'avez dit la même chose la dernière fois, Lord Frey, mais vous ne pourrez pas tout le temps échapper à ces questions certes ennuyantes mais essentielles. C'est l'or qui fait gagner les batailles, vous le savez.


-Nous verrons plus tard. Répondit Olliver d'un œil agacé.


Il mit ainsi fin à la conversation, et à la réunion par la même occasion. Olliver avait engagé de multiples forgerons et maçons pour cette bataille. Il savait que cela coûtait de l'argent de leur faire autant de commandes. Beaucoup d'argent. Mais il voulait s'assurer de ne pas perdre la bataille. Il sera toujours temps de se consacrer à ces questions une fois la bataille gagnée. Olliver avait envoyé d'autres messages à des maisons proches et susceptibles de l'aidé dans cette bataille mais tous avaient refusé sauf Buckwell et Darry. Ces deux-là avaient déjà eu des accrochages musclé avec les Lannister par le passé et c'est pour cela qu'ils avaient accepté d'aider Viergétang. La bataille allait se dérouler d'après la prévision des éclaireurs dans une semaine. Il fallait se préparer du mieux possible.


Ce fut le lendemain matin que Lord Karyl Vance apparut à l'horizon. Huit cents hommes l'accompagnaient. S'il n'avait pu venir, il aurait déjà perdu d'avance. Aussi, il fut soulagé de voir son vieil ami arrivé devant les portes de la ville. Il laissa ses troupes au dehors comme l'ont fait Buckwell et Darry et s'engouffra dans le village jusqu'aux portes du château. Olliver l'y attendait. Lorsqu'ils se virent, ils se donnèrent une joyeuse accolade et entrèrent. Karyl se présenta aux deux seigneurs alliés et au conseil de Viergétang et ils entamèrent donc tous une nouvelle réunion. Olliver fit part du début de son plan comme il l'avait déjà énoncé la veille. En réalité, il avait pas mal cogité la nuit dernière et il s'était imaginé la bataille ainsi.


-Une fois donc que nos archers s'occuperont des troupes en train de nager vers la terre ferme, les troupes de Buckwell les attendront et les tueront un à un. Expliqua-t-il tout en bougeant les pions des Lannister et des Buckwell. Pour les troupes qui auraient accostés sur l'herbe directement, les troupes de Darry seront là pour les accueillir (Il plaça le laboureur des Darry sur la berge). S'ils sont trop à accoster, des archers les y aideront. Une partie des gardes de Viergétang restera dans le fort. Pour le garder, certes, mais aussi pour nous alarmer si une troupe Lannister s'approche pour nous prendre en tenaille. Les troupes de Karyl et les miennes seront prêtes à éliminer tous ceux qui réussiraient à dépasser la berge (Il montra le loup des Stark et les tours jumelles des Frey, déjà placé sur la carte).


Lord Buckwell se leva donc, visiblement agacé.


-En gros, on vous sert de première ligne, si j'ai bien compris.


-Ne voyez pas les choses comme ça, Lord Buckwell. C'est vous qui tuerez le plus de Lannister.


-Mais nous n'aurons aucune chance! S'énerva-t-il. Même s'ils ont du mal à franchir le pont, ils passeront quand même et nous étriperons. Je possède cent hommes et nous sommes sûrs que les Lannister seront au moins un millier. Comment voulez-vous que l'on survive?


-C'est la guerre, Lord Buckwell. Vous savez que dans ces circonstances, il faut savoir faire des sacrifices.


Olliver restait calme. Même s'il savait que ce n'était jamais bon d'avoir un accrochage avec un allié, il n'en éprouvait pas moins du plaisir à faire de la morale à quelqu'un de plus vieux que lui. Karyl, Anduil et Ronmac regardait Olliver comme pour lui dire de changer de plan avant qu'il ne perde un allié. Lord Darry semblait suivre Buckwell dans sa décision. Même s'il avait deux fois plus d'hommes que son congénère, il avait été mis lui aussi en première ligne. Comme lui, il avait l'impression d'être un bouclier humain.


-Et nous sommes donc les sacrifices?! Criait Buckwell. Vous nous avez fait venir pour que nous soyons charcutés à votre place?!


-Loin de moi cette intention mais…


-Alors changez de plan! Coupa Buckwell. Envoyez d'autres hommes nous aider. Les vôtres ou ceux de Lord Vance.


-Vous respecterez mon plan initial à la lettre. Rétorqua Olliver qui commençait à en avoir marre de cet allié bien trop bruyant et révolté.


Celui-ci, après avoir réfléchit quelques instants, proclama d'une voix haute pour que tout le monde, surtout Olliver, l'entende :


-Alors ce sera sans moi. Bon courage, Lord Frey.


Et sur ces mots, il se retourna en direction de la porte. Lord Karyl murmurait à Olliver de faire quelque chose, de le rattraper avant qu'il ne passe la porte. Il lui répétait que chaque allié était vital dans la bataille à venir. Mais Buckwell passa la porte et Olliver resta impassible. Le seigneur d'Antlers était parti, remportant avec lui ses cent hommes. Lord Darry, en regardant son congénère s'en aller et le seigneur de Viergétang rester de marbre face à ce départ, se leva et fixa Olliver.


-Lord Frey, je ne veux pas vous offusquer mais moi aussi, j'ai besoin de soldats et j'ai aussi l'impression d'être un bouc émissaire. Je dois avoir votre aide dans ce plan.


Avant qu'Olliver ne puisse répondre «et bien partez, vous aussi, si vous n'acceptez pas mes décisions», Karyl déclara :


-Je vous aiderais, Lord Darry. Je vous passerais cent hommes de plus et cent encore pour remplacer les Buckwell.


Darry le remercia. Olliver regarda Karyl d'un regard las mais continua :


-S'il n'y a plus rien à ajouter, la réunion est levée.


Olliver ordonna à Kyren d'enlever le pion représentant les Buckwell. Il s'en alla ensuite sur les remparts. Il avait décidément besoin d'air. Il était arrivé assez tôt pour voir Lord Buckwell emmener ses soldats derrière la colline. Lord Karyl le rejoignit quelques temps après.


-Tu aurais dû le garder, Olliver. Il aurait été utile. Lui fit-il remarquer d'un ton de sagesse.


-Je n'avais pas besoin de lui. Rétorqua Olliver. Robb t'a envoyé en prenant en compte les troupes de Viergétang et les miennes. Pas celles de Darry et Buckwell.


-Alors tu vas virer Darry, aussi?


-Je ne vire personne Karyl. S'offusqua Olliver en se tournant vers lui. C'est eux qui partent.


Karyl ne répondit rien et continua à fixer Olliver. Il voulait l'aider. Il était jeune. Il avait encore beaucoup de choses à apprendre sur l'art de la guerre. Le fait que n'importe quel allié soit important dans une bataille lui arrivera aux oreilles un jour ou l'autre. Il espérait juste que les Lannister ne soient pas trop nombreux pour que le départ de Buckwell ne soit pas une trop grosse perte. Le mestre Kyren approcha alors des deux hommes et tendit un parchemin à Olliver, marqué du sceau de la Garde de Nuit. En voyant ce sceau, il décrocha un sourire. Une lettre de son frère était ce dont il avait besoin en ce moment. Mais quand il eut finit de lire ce parchemin, il ressentait plus du dégoût que de le joie. Karyl le remarqua sur son visage.


-Que se passe-t-il? Demanda-t-il.


-Juste mon frère qui a peur que je prenne la grosse tête et que je devienne comme le Roi fou. Répondit-il en lui passant la lettre de Galmar.


Olliver soupira et Karyl lut le parchemin. Olliver n'y croyait pas. Comment son frère pouvait-il le comparer au Roi fou. Ce n'est pas lui qui mettrait des caches de feu grégeois sous sa ville pour la faire exploser. Pourquoi son frère réagissait-il ainsi? Ne pouvait-il pas juste le féliciter sans ajouter qu'il pourrait devenir un malade mental?


-Comment cela «malgré la triste manière dont ça s'est déroulé»? Demanda Karyl en pointant la deuxième ligne de sa lettre où était marqué ces mots.


-Qu'est-ce que tu veux dire?


-Il dit «je dois t'avouer être fier de toi d'être arrivé si haut dans les échelons, malgré la triste manière dont cela s'est déroulé», lut Karyl. Qu'est-ce qu'il veut dire?


Olliver était pris au dépourvu. Il ne fallait pas avouer à Karyl la véritable prise de pouvoir de Viergétang. Qui sait comment il réagirait?


-Et bien, euh…, il doit sans doute parler de la mort de vieillesse de Lord William. Répondit-il en hésitant.


Karyl ne semblait pas très convaincu mais il ne posa plus de question. Il continua de lire la lettre puis, dès qu'il l'eut finit, la passa à Olliver et lui dit:


-Quand j'ai été nommé seigneur de BelAccueil, je commençais à prendre la grosse tête. Je me rendais compte que j'avais tout en mon pouvoir et je commandais sans pouvoir m'arrêter. C'est ma mère qui m'a rappelé à l'ordre. Elle a un de ses caractères. Difficile de ne pas l'écouter quand tu te rends compte qu'elle tape plus fort que ton père.


Les deux hommes sourirent. Olliver se tourna vers Karyl.


-Je n'ai pas pris la grosse tête.


-Bien sûr que si, sinon tu aurais écouté Buckwell. Il y a un mois, tu te serais laisser faire par un homme comme lui. Oh ne t'inquiètes pas. Il y a du bon à prendre de l'assurance. Cependant, quand on obtient l'assurance, il faut rester lucide.


-Je suis lucide. S'indigna Olliver.


-Alors pourquoi as-tu laissé Buckwell franchir la porte sans rien dire? Tu avais besoin de lui. Un jour, tu verras que l'art de la guerre, c'est pas seulement mettre deux armées l'une contre l'autre en les faisant combattre et en misant sur la vainqueur. Les alliés sont importants. Mais un jour, tu comprendras. Tu es encore jeune, c'est normal.


Olliver n'aimait pas les paroles de Karyl mais il ne pouvait nier un fond de vérité existant. Karyl mit une main sur son épaule et dit:


-Il est bon de suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant. 


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