Mhaegen

-Une lettre pour vous. Annonça une jeune femme en tenue de servante.

La lettre n'était pas cachetée et était retenue par une simple ficelle. Dans cette lettre, Mhaegen y lut qu'elle devait retrouver Cersei Lannister pour faire son rapport d'espionnage. Elle s'y attendait à vrai dire. Elle l'avait vu avec Lollys rendre visite à une maison qui n'est pas la sienne donc, une potentielle ennemie. Si Lollys s'allie avec elle pour renverser le pouvoir, les Castelfoyer sont donc eux aussi des potentiels ennemis. Cersei avait cette paranoïa de considérer chacun et chacune comme un ennemi possiblement dangereux, et même mortel. Elle se méfiait de quiconque n'arrivait pas à gagner sa confiance. Et les personnes pour laquelle elle peut prêter une confiance aveugle sont rares. Il semble que ses élus se limitent au cadre familiale. Surtout son frère, Jaime Lannister, pour qui on soupçonne qu'il ait une relation incestueuse avec sa sœur. Et sauf Tyrion. Il semble aussi que celui que l'on surnommait le «nabot des lions» était le moins aimé de sa sœur Cersei, et aussi, à en croire beaucoup de ragots, de son père, Tywin Lannister, devenu récemment nouvelle Main du Roi, au dépend de son fils Tyrion. Mhaegen ne s'intéressait pas trop à la famille des Lannister, sauf évidemment Cersei qu'elle voulait voir mourir, et Tyrion, pour qui elle avait une affection tout à fait amical. Mhaegen ne voyait plus beaucoup Tyrion depuis sa destitution en tant que Main du Roi. Elle aimerait pouvoir lui parler et, elle ne se le cachait pas, vouloir lui avouer ce que même à Lollys elle n'avait rien dit. Mais comment réagirait Tyrion si l'on apprenait qu'une des espionnes de sa sœur voulait la tuer?

Après avoir lut la lettre et avoir admiré encore quelques instants un buisson de fleurs violettes, elle partit en direction des appartements de Cersei. À chaque fois qu'elle devait s'y rendre, elle était terriblement anxieuse. La reine mère avait tout de même commandité l'assassinat d'une vingtaine de bébé. Quelle personne saine d'esprit pourrait faire cela? Peu importe la raison, rien ne peut justifier un tel acte. Et la seule punition possible à lui infliger est la mort. C'est ce que Mhaegen se répétait quand elle devait se repositionner dans son objectif, afin de ne pas perdre de vue la raison de sa présence ici. C'est ce qu'elle se répétait encore quand elle arriva devant les appartements de Cersei et qu'elle toqua à la porte et même quand elle entendit sa voix lui commander d'entrer. Mais quand elle vit la silhouette aux longs cheveux blonds avec un regard toujours aussi sévère, plus rien n'avait d'importance que fuir le plus loin possible de la pièce où elle se trouvait. Elle l'invita à s'approcher et à lui faire son rapport comme à son habitude.

-Et bien, il n'y a rien à signaler, Majesté. Rien d'intéressant en tout cas. Dit Mhaegen, la voix légèrement tremblante.

-Rien? Absolument rien? Demanda-t-elle d'un ton faussement incrédule.

-Et bien, j'ai appris que Lollys aimait la jardinerie mais ce n'est pas très imp…

-Et la rencontre avec Olenna Tyrell, tu oublies de la mentionner? Interrogea Cersei qui se versait un verre de vin rouge.

-Ah, la rencontre, oui. S'étonna Mhaegen qui savait parfaitement en réalité que Cersei voulait l'entendre prononcer quelques mots sur le sujet. Et bien, rien d'intéressant non plus. Les deux femmes se sont présentées et ont parlé d'un peu de tout et de rien.

-Si je me souviens bien, tu étais assise à la table d'Olenna. Comment cela se faisait-il que tu étais assise à une table de noble? Bien qu'Olenna soit plus tendre que moi à ce sujet, cela m'étonne tout de même qu'elle ait accepté cela. Comment se fait-il donc?

-Euh…, j'ai parler sans m'en rendre compte dans leur conversation et Olenna m'a laissée continuer. Hésita Mhaegen.

-De quoi as-tu parler?

-De…de bijoux. Mentit Mhaegen. On a parler de joaillerie.

Cersei continua à la fixer quelques instants pour voir si elle mentait mais compris qu'elle ne pouvait le savoir vu la terreur qui se lisait sur le visage de son espionne. Après un temps, elle lui ordonna de partir. Quand Mhaegen ferma la porte derrière elle, elle expira tout l'air de ses poumons et s'éloigna le plus vite possible de cette zone rouge. Elle partit en direction de l'appartement de Lollys qui s'était sans doute déjà réveillée. Elle avait hâte de la retrouver, comme si elle avait besoin de voir qu'il y avait encore de bonnes personnes et pas des Cersei Lannister à chaque virage. Elle n'était qu'à quelques pas de l'appartement de Lollys quand elle fut approché par un homme assez grand en tenue de cuisiner. Celui-ci eut tout juste le temps de lui donner un parchemin et de repartir sans avoir dit un mot. Cette façon de faire passer un message était assez agaçant, surtout que c'était déjà le deuxième de la journée. Mais comme l'auteur du parchemin ne pouvait être encore une fois Cersei, elle le déroula plus gaiement. C'était signé Lord Baelish qui voulait la voir au lieu habituel. À contre-cœur, Mhaegen fit demi-tour et s'en alla vers le Bois Sacré. Ce rapport ne pouvait pas être aussi effrayant qu'avec Cersei, de toute manière. Littlefinger, comparé à Cersei, ne faisait pas obéir ses espions par la peur mais plutôt par une certaine éloquence dont lui seul en avait le secret. Mais il ne réagissait pas de la même manière avec Mhaegen. En effet, ce ne sont pas tous ses espions qui ont perdu un enfant et qui veulent tuer leur assassin. C'est pour ça qu'il semblait avoir plus confiance en Mhaegen qu'aux autres espions. Il avait plus d'atouts en main pour faire obéir cette espionne, ce qui ne dérangeait pas cette dernière. Elle rejoignit donc Lord Baelish dans le chemin feuillu du Bois Sacré qui était l'un des meilleurs endroits pour ne pas être vu ni entendu. Petyr l'attendait au même terrain nu perdu parmi les arbre. Elle salua Petyr qui la salua en retour et il lui demanda un rapport comme Cersei lui avait demandé il n'y a même pas une heure plus tôt.

-J'ai réussi à approcher Olenna plus vite que je ne l'espérais. J'ai l'impression qu'elle m'aime bien pour une servante. Lady Lollys aussi s'entend très bien avec Olenna. Rapporta-t-elle avec un petit ton de fierté.

-Très bien, je suis fière de vous. Dit Petyr en souriant. À quelle point la reine des épines déteste-t-elle Cersei?

-Elle ne l'apprécie pas, c'est certain. Mais je serais incapable de vous dire si elle serait attristé ou pas si la reine mère venait à mourir subitement. Répondit Mhaegen avec un sourire en coin.

-Je vous aime bien, Mhaegen. Clama Petyr avec un large sourire. Vous avez votre personnalité propre comparé à certains de mes espions. Cela pourrait vous portez préjudice dans un lieu comme celui-ci, faîtes attention. Surtout quand vous allez voir Cersei.

-Hein…. Comment?! Se désorienta Mhaegen.

-Ne vous efforcez pas de le nier, je le sais depuis le début que vous êtes une espionne de Cersei. Sachez que je m'en fiche. Je sais bien que vous êtes l'une des rares personnes du château à préférer trahir Cersei que moi. Ais-je raison?

-Euh...non, en effet. Répondit Mhaegen qui reprenait son calme.

-Autre chose. Avez-vous essayé de convaincre Lollys du monstre qu'est Cersei?

-Non, désolée, monsieur. Je n'ai pas pu. Je sais qu'elle ne l'apprécie pas beaucoup mais je n'ai rien fait pour accentuer cette haine en elle.

-Ce n'est pas grave. Au fait, j'ai un petit quelque chose pour vous. Un cadeau en échange de service rendu, dit-il en sortant quelque chose de sous sa veste.

Il lança cette chose à Mhaegen qui ne remarqua qu'une fois en main qu'il s'agissait d'une bourse pleine de pièce d'or. Elle était petite mais semblait contenir plus de pièces d'or qu'elle n'avait reçu en un mois de travail lorsqu'elle était prostituée. Mhaegen allait demander combien il y avait de pièces dans la bourse quand Baelish lui répondit en avance:

-Il y a 15 dragons d'or. Cela vous suffit-il?

-Oh oui, monsieur. Je vous remercie infiniment. S'exclama-t-elle avec un grand sourire.

-Alors partez, maintenant. Avant que quelqu'un nous entende.

Et Mhaegen s'en alla, prenant soin de cacher la bourse sous sa robe. Elle se dépêcha de rentrer chez Lollys. Cette matinée était bien trop agitée. Quand elle atteignit enfin la porte de Lollys, elle se dépêcha d'entrer avant qu'un autre quelconque espion vienne lui livrer un autre message. Quand elle entra, Lollys était au balcon et arrosait dans un pot une terre meuble, encore sans fleur. A priori, elle venait de mettre des graines dedans. Quand elle entendit la porte s'ouvrir et se fermer, elle se retourna si brusquement que le seau dont elle se servait pour arroser et qui était encore dans sa main se renversa un peu sur elle, provoquant un rire difficilement contrôlable de Mhaegen. Lollys, les cheveux et le haut de sa robe légèrement mouillé, se mit à rire et à rougir en même temps. Elle déposa son seau et prit une nouvelle robe pour se changer. De son côté, Mhaegen avait hâte de retrouver son livre «Comment apprendre l'alchimie?».

Elle le prit d'une étagère et alla s'installer sur la petite table. Elle était déjà à la moitié du livre. Il faut dire qu'il se lisait assez vite avec les illustrations qui occupaient une grande partie du livre. Derrière son livre, Lollys essayait tant bien que mal d'attacher sa robe derrière son dos. Mhaegen la regarda quelques temps en souriant avant d'aller la secourir.

-J'ai mis dans ce pot deux graines différentes. Dit Lollys en mettant ses cheveux en avant pour que Mhaegen puisse attacher sa robe. Normalement, si je fais tout bien comme il faut, j'aurais une splendide fleur aux pétales rouges et jaunes uniques en son genre.

-Je suis fière de toi, Lolllys. Encore un peu d'exercice et tu pourras faire pousser des lierres sur tous les murs du château.

-Ce ne sera plus le Donjon Rouge mais le Donjon Vert, cette fois.

-Je trouve ce nom bien meilleur. Constata Mhaegen en souriant et en imaginant une Cersei absorbé par les plantes.

-Et toi, ton alchimie, ça avance?

-Petit à petit. C'est compliqué et le matériel nécessaire est un peu cher.

-Si tu veux, je peux…

-Non, ça va aller. Coupa Mhaegen qui savait ce qu'allait dire Lollys. J'ai déjà économisé pas mal d'argent, je vais me débrouiller.

Il lui était hors de question que Lollys paye pour elle. Même si sa maîtresse avait bien assez d'argent pour acheter tout le matériel nécessaire. Mhaegen faisait des économies depuis l'époque où elle était encore prostituée. À ce moment-là, Barra était encore en vie et elle voulait ouvrir un stand de vin à Dorne. Évidemment, son rêve a été anéanti après la mort de Barra. Heureusement, elle avait gardé l'argent et économisait toujours avec sa prime de servante (payé par la Couronne) car elle ne savait vraiment pas quoi acheter. Mais désormais, elle savait quel allait être son prochain achat. Sa fortune s'élevait, avec la bourse de Littlefinger en plus, à deux cents dragons d'or. Avec ces questions de finances, Mhaegen se rendit compte que Cersei ne la payait même pas. Bizarrement, cela ne l'étonnait guère. Cersei devait penser que son salaire de servante lui suffirait bien à vivre. Pourquoi donner de l'argent à quelqu'un qui en a déjà? Toujours est-il que Mhaegen n'avait peut-être pas assez d'argent pour obtenir le matériel d'alchimie, certainement trouvable dans un marché de la capitale.

-As-tu pensé à la Guilde des Alchimistes, Elizabeth? Demanda Lollys.

La Guilde des Alchimistes. En effet, elle n'y avait pas pensé. C'était ici qu'il fallait aller pour devenir un maître en la matière. La Guilde se trouvait sur la colline de Visenya, près du Grand Septuaire de Baelor. Depuis le Donjon rouge, c'était assez loin en réalité mais peu importe. La Guilde était une bonne idée pour pouvoir s'améliorer dans ce domaine.

-C'est vrai que je n'y avais pas pensé. Mais, si j'y rentre, je ne pourrais pas faire mon travail de servante, je crois.

-D'après ce que j'en sais, tu peux travailler et étudier où tu veux mais si tu veux passer des épreuves ou demander conseil, c'est là-bas qu'il faut aller.

-Alors, je pourrais travailler ici? Demanda Mhaegen, s'imaginant sur la petite table en train de concocté des mixtures aux effets multiples.

-Bien sûr. Sourit Lollys. Sauf quand ma mère vient, évidemment.

-Je me doute.

Dès que Mhaegen eut fini d'attacher la robe de Lollys, elle retourna à son livre. Elle lisait encore plus attentivement que d'habitude. Cet espoir de rejoindre les rangs de la Guilde des Alchimistes lui avait donné un regain de motivation. À tel point qu'elle termina son livre avant même le déjeuner. Elle se remémora les différentes informations qu'elle avait acquise dans ce livre. Elle comprit que l'alchimie était un domaine très complexe où il fallait être minutieux, assidu et attentif. Elle se souvînt de plusieurs choses que l'on pouvait faire comme transmuter des minerais ou d'autres éléments naturels, que l'on pouvait éliminer des états comme la fatigue ou en créer, que l'on pouvait guérir des blessures et plein d'autres possibilités. Elle se souvenait aussi du matériel nécessaire aux décoctions. C'était le sujet le plus tabou. Avait-elle assez d'argent? C'était une question qu'elle mit de côté pour le moment et elle expliqua ses découvertes à Lollys durant le déjeuner. Elle aussi semblait émerveillée par toutes les possibilités qui se présentaient au domaine alchimique. Dans ce livre, elle avait appris aussi comment entrer dans une guilde d'alchimiste. Mais il n'y en avait qu'une à Westeros, et c'était à Port-Réal qu'elle se trouvait. Pour entrer donc, il fallait passer une épreuve qui montrerait que le candidat est apte ou pas à apprendre et à comprendre l'alchimie. Mhaegen ne s'était jamais sentie aussi déterminée, sauf quand elle était entrée au Donjon Rouge la première fois pour trouver l'assassin de son fils. Peut-être pourrait-elle guérir le traumatisme de Lollys. Celui-ci était réapparu peu de fois depuis cette nuit lors de la Bataille de la Néra et il ne revenait que lorsqu'elle entendait quelqu'un évoquer l'émeute de Port-Réal ou qu'elle voyait une scène de bagarre se dérouler. Un jour, dans le Bois Sacré, un homme s'était jeté sur un autre pour une histoire d'argent. En voyant la scène, Lollys s'était mise à sangloter et à se recroqueviller dans les bras de Mhaegen. Mhaegen voulait mettre fin au mal qui la tourmentait. Peut-être en trouverait-elle le moyen grâce à l'alchimie? Ce domaine était tellement rempli de possibilités qu'elle s'imagina durant tout le restant de la journée, et même la nuit, tout ce qu'elle pouvait réaliser, des choses les plus banales comme se concocter de l'hydromel à volonté aux choses les plus spectaculaires et excentriques comme réduire des bâtiments en poussière, ressusciter un dragon avec ses os ou même manipuler le feu grégeois à sa guise. Ses dernières possibilités étaient invraisemblables, certes. Elle le savait. Lors de la bataille de la Néra, le feu grégeois n'avait pas été manipulé comme s'il s'agissait de pouvoir les lancer où on voulait. Mais tout cela la faisait rêver et elle avait hâte de se trouver un temps libre pour aller à la Guilde et commencer sa formation.