La cour des grands

Chapitre 47 : Mhaegen

5545 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 07/01/2018 17:12



Mhaegen



C'était comme si son corps s'était réveillé avant son esprit. Il lui sembla avoir pris conscience de son réveil lorsqu'elle était entrée dans la chambre de Lollys et s'était approchée du balcon pour admirer le paysage matinal. Les vagues du Détroit rencontrait le port dans un calme absolu. Les navires de marchands paraissaient s'être réveiller bien longtemps avant Mhaegen et les marins s'agitaient à cette heure d'une fougue presque surnaturelle. Mhaegen voyait plusieurs points noirs bouger dans tous les sens. On aurait dit une colonie de fourmi prête à tout pour s'occuper de leur reine (ou de leur roi) et de faire vivre la fourmilière qu'est Port-Réal. Toute cette agitation de si bon matin avait pour effet de rendre confus Mhaegen. Le monde ne prenait-il donc jamais de pause? Puis, elle se retourna pour voir un autre panorama. Lollys était étendue dans ses draps, les cheveux en bataille et prenant toute la largeur du lit. Un faible sourire sur son visage laissait penser qu'elle avait peut-être fait un rêve. On aurait dit que pas même une explosion de feu grégeois aurait pu la sortir de son profond sommeil. Mhaegen resta là à admirer sa maîtresse qui se courbait avec grâce sur son lit et commença à préparer le petit-déjeuner. Au menu, rondelles de banane enveloppées dans du pain au miel. Mhaegen se sentit se surpasser en cuisine. Les réserves du château contenaient parfois des trésors cachés dont des spécialités étrangères. Ce pain au miel directement envoyé depuis les alentours du fort des Castelfoyer réussit à faire plier les envies gourmandes de Mhaegen, qui ne pouvait s'empêcher de goûter à cette spécialité issue de la maison de Lollys. Coupable, elle en refit un pour cette dernière. Doucement, elle sortit ensuite de la chambre, un pichet à la main, et descendit dans les cuisines pour se réapprovisionner en lait. Les cuisines étaient atrocement loin des appartements des nobles. Un vrai calvaire pour les servantes. Dans les couloirs, Mhaegen croisait nombre de ses collègues où chacune d'elles possédait un visage blafard, fatigué et malheureux. Toutes les servantes se réveillaient à la même heure et préparaient l'assiette de leur maître ou maîtresse. Certaines servantes se retrouvaient incrédules lorsqu'elles apercevaient l'expression rayonnante de Mhaegen. Celle-ci ne savait pas quoi penser de cette situation. Elle était triste pour ses collègues mais si heureuse de ne pas être comme elles.


Mhaegen atteignit enfin les cuisines. L'agitation était identique à celle se déroulant à ce moment-même sur le port. Plusieurs dizaines de servantes circulaient entre les tables et les étagères où étaient entreposés fruits, légumes, pain, viandes, poissons et tous types de nourritures qui faisaient de cette endroit le fantasme des classes pauvres des rues de la capitale. Des servantes, dîtes «intendantes», habillées dans un drapé jaune clair contrairement aux «bonniches» en drapé rose pêche, faisaient attention à ce que le stock de vivre ne soit pas vidé. En effet, d'après les règles qu'on leur a donné, un minimum de vivres devait être conservé en cas de siège ou d'hiver long et glacial.


-Mais l'hiver est pas encore là, pauv'conne!! Avait juré une servante qui avait certainement reçu l'ordre de son maître de rapporter un aliment bien précis n'étant plus disponible avant de s'en aller, les larmes aux yeux.


Ce genre d'incident témoignait à chaque fois de la pression et des conditions de vies d'autres servantes qui n'avaient pas eu la chance d'avoir comme maître quelqu'un comme Lollys. Cela montrait aussi dans le même temps de quelle cruauté pouvait faire part certains nobles qui, d'après Mhaegen, ne serait pas déçus d'un retour à la période esclavagiste qui avait prit fin il y a plusieurs siècles. Mhaegen ne tenta pas d'imaginer le supplice de ses collègues et se dépêcha de prendre une bouteille de lait et d'en verser le contenu dans une marmite qu'elle disposa sur le feu. Deux minutes. Cinq minutes. Dix minutes. Mhaegen fixait le lait bouillir dans la marmite sans même cligner des yeux. Chaque bulle qui éclatait à la surface du liquide était comme une réussite pour elle. Car son esprit s'était éloigné du tumulte de la cuisine. À présent, elle se trouvait dans une cave humide, remplie d'étagère poussiéreuse contenant des bocaux et des livres dont le contenu était à la fois fantastique et dangereux, tout cela plongé dans un silence presque absolu. Seul le bouillonnement d'une énorme marmite résonnait dans la pièce, éclairée par le liquide phosphorescent verdâtre qui se concevait dans cette bassine de métal rouillée. Mhaegen tenait à bout de bras une énorme cuillère en bois dont l'effort qu'elle faisait pour la faire tournoyer dans la mixture lui demandait un effort considérable. Personne ne savait ce qu'elle préparait. Pas même elle. Tout ce qu'elle savait, c'est que ce qu'elle était en train de concocter pourrait lui permettre de faire des choses extraordinaires. Les bulles devenaient de plus en plus grosses et leur éclat finit par éclabousser le bras droit de Mhaegen. Elle sursauta de douleur et vit du lait bouillir dangereusement dans une minuscule marmite de cuivre. Par reflex, elle prit la poignée du récipient et la poussa hors du feu. Cependant, une longue flamme jaillit lorsque la casserole ne boucha plus son énergie enfin libérée et atteignit le bras droit, encore atteint de brûlure pour la deuxième fois consécutive. Elle poussa un petit cri de douleur étouffé et plaqua sa main gauche contre sa blessure. Elle partit chercher un bandage en tissus dans un tiroir et l'enroula autour de son bras. Que va dire Lollys quand elle verra quelle épouvantable épreuve sa servante et amie a dû subir dans les tréfonds obscures des cuisines? Cette question ironique lui fit lâcher un sourire qui fit oublier un instant la brûlure de son bras droit. Elle retourna vers son lait qui avait cessé de bouillir et prit une louche pour verser le lait dans son pichet. Toutes ces épreuves pour un pichet de lait….


La douleur de sa brûlure avait perdu de sa vivacité et Mhaegen ne ressentait plus qu'un faible picotement à chaque mouvement quand elle revînt dans la chambre de Lollys. Celle-ci dormait encore profondément. Elle semblait avoir changé de position et prenait à présent une posture si gymnastique qu'elle était prête pour se transformer en chat. Mhaegen posa le maudit pichet de lait sur la petite table à côté du pain au miel et des rondelles de bananes. Elle remarqua alors qu'une partie du pain de Lollys avait été mangé. La forme d'un croc se dessinait et elle faisait la même largeur que la mâchoire de Lollys. Mhaegen se tourna vers sa maîtresse qui la regardait au dessus d'un drap, trahissant son large sourire caché.


-L'odeur du miel m'a réveillé. Dit-elle. Une journée qui commence par un repas au miel est toujours une bonne journée alors il vaut mieux se lever tôt pour en profiter.


-Allez, viens manger. Sourit Mhaegen en s'asseyant et servant du lait dans deux verres. Une nouvelle journée commence.


Lollys perdit soudain son sourire et Mhagen devina la raison de ce changement d'expression quand elle vit son regard se tourner vers son bandage.


-Tu t'es fait mal? S'inquiéta-t-elle.


-Je me suis brûlé avec le lait. Il a presque fallu que l'on m'ampute le bras. Plaisanta Mhaegen.


-Tu es impossible, Elizabeth. Dit-elle en se levant et s'asseyant à sa place. Ça ne te fait pas mal?


-Plus maintenant. De toute manière, je n'aurais peut-être plus besoin de faire un bandage pour des blessures, bientôt.


-Ah, tu parles de l'alchimie?


-Si ça ne te dérange pas, je ne pourrais pas t'accompagner au Bois Sacré, aujourd'hui. Je compte partir pour la Guilde des Alchimistes.


-Ce n'est pas grave, je comprends. Par contre,…. Se stoppa Lollys qui se perdit soudain dans des pensées sombres.


-Lollys? S'inquiéta Mhaegen.


-Je...Il ne vaut mieux pas que tu y ailles dans cette tenue. Je ne crois pas qu'une servante soit bien vue parmi les habitants de la capitale.


Mhaegen regarda d'un œil attendri sa maîtresse inquiétée. Elle avait bien raison. Plus qu'elle-même ne le croyait en vérité. Durant l'émeute, les servantes aussi avait souffert de la violence du peuple. Certaines avaient été retrouvées violées, démembrées, tuées. Mais comment Mhaegen pourrait y aller? Lollys ne pouvait lui prêter des vêtements de nobles et Mhaegen avait jeté ses anciens vêtements avant d'arriver au Donjon Rouge.


-J'ai quelque chose qui pourrait te permettre d'y aller tranquillement. Annonça Lollys en se levant et en fouillant dans un placard.


-Lollys, je ne crois pas que des vêtements de nobles soit la meilleure solution pour passer inaperçu.


-Je ne te parle pas de vêtement de nobles. Répondit Lollys en sortant un sac en tissus caché dans un recoin. Quand j'étais à Castelfoyer, je sortais parfois dans le village d'à côté sans que me mère le sache. Du coup, je devais enfiler ça pour pas me faire remarquer.


D'un coup sec, elle sortit un petit tas de vêtement qu'elle jeta sur le lit. Mhaegen s'approcha et vit sa maîtresse déplier une robe verte kaki en tissus épais ainsi qu'une ceinture de cuir grossière et une paire de sandale. Un bandeau assorti à la couleur de la robe était resté dans le fond du sac. Mhaegen n'en croyait pas ses yeux. Elle n'arrivait pas à imaginer Lollys dans cette tenue au cœur d'un marché de village. Elle ne réfléchit pas deux minutes et s'empressa de l'enfiler. Elle décoiffa ses cheveux et enleva le nœud qu'elle y avait fait. Lollys l'aida à attacher sa ceinture et insista pour mettre la touche finale à l'habillement, c'est-à-dire, le bandeau. Lollys poussa une exclamation de joie et s'empressa de chercher son miroir. Quand elle plaça le miroir devant sa servante, Mhaegen n'en crut pas ses yeux. Elle s'étonna que la tenue lui aille si bien et fut heureuse de constater qu'elle était parfaite pour se promener dans les rues sans se faire voler ou insulter par les habitants. Elle remercia Lollys du fond du cœur et se risqua de prendre sa sacoche où était rangée sa bourse. Elle hésita à tout emmener et se décida à prendre le sac où avait été déposé sa nouvelle tenue pour y cacher encore mieux sa bourse qu'elle ne voulait, pour rien au monde, voir se faire voler. Elle salua Lollys, qui semblait encore un peu inquiète, et passa la porte. Elle ne regarda pas en arrière mais elle était sûr que Lollys la regardait s'éloigner jusqu'à ce qu'elle disparaisse au détour d'un couloir.


Mhaegen était contente de prendre le chemin qui menait à la sortie. Quitter l'atmosphère pesante qui régnait dans le Donjon Rouge était le désir de beaucoup de servante. Encore plus pour Mhaegen qui prenait souvent des risques mortels en côtoyant les grands protagonistes de ce château. Elle réajustait son bandage tout en serrant les dents. Sa brûlure frottait contre le tissu. Elle atteignit la grande porte, ouverte à cette heure pour que le roi reçoive les doléances du peuple, doléances dont celui-ci n'avait que faire d'ailleurs. Elle passa devant les gardes qui ne comprenait pas qu'une femme aussi pauvrement vêtue ait été présente dans le château. Mhaegen traversa le chemin de pierre qui séparait le Donjon Rouge de Port-Réal et s'engouffra dans la capitale poussiéreuse et puante.


La Guilde des Alchimistes était proche du septuaire de Baelor le Bienheureux dont l'édifice était visible par tous les habitants de la ville. Elle se décida à suivre les chemins qui y menaient. Pendant qu'elle s'approchait, elle se décida à observer les habitants, leurs habitudes, leurs regards, leurs vêtements. Port-Réal ne semblait pas cosmopolite que dans les origines des habitants mais aussi dans leurs niveaux de richesse. Mhaegen marchait dans les rues les plus empruntés où les riches côtoyaient les pauvres et ceux que l'on nomme comme faisant parti de la classe moyenne. Elle remarquait que les riches marchaient souvent au centre de la rue, comme pour se tenir le plus éloigné possible des trottoirs où mendiaient les pauvres. Ceux de la classe moyenne, bloqués entre la rangée des riches et des mendiants, se sentaient parfois obligés de donner quelques piécettes aux pauvres, impuissants face à leur inaptitude à dire non. Sur les toits, plusieurs femmes s'occupaient d'étendre le linge de leur famille tandis que leurs hommes partaient travailler durement afin de gagner leur dû. C'est en observant ainsi que Mhaegen comprit pourquoi l'émeute avait eu lieu, pourquoi Joffrey devenait de plus en plus mal-aimé par son peuple. Il fut dommage que ce soit Lollys qui en paya les frais à la place du roi. Le peuple n'avait pas osé trop approcher Joffrey durant l'émeute à cause des gardes royaux qui l'entouraient. S'il n'avait eu qu'un simple petit grain de courage en plus, le peuple aurait tout fait pour nuire à la Garde Royale et ainsi, au roi, et peut-être que Lollys n'aurait pas eu à subir son triste sort.


Plus Mhaegen s'éloignait du Donjon Rouge, plus le nombre de pauvre était plus imposant et elle se força honteusement à marcher au centre de la rue. Elle arriva enfin sur la place principale de la ville où toutes les rues se débouchaient. Le Grand Septuaire de Baelor dominait de son imposante silhouette sur la place tout entière. Beaucoup de monde marchait dans tout les sens sur cette place et Mhaegen dût zigzaguer pour aller vers la Guilde des Alchimistes dont quelques indications en montraient le chemin. Elle passa donc devant les gigantesques escaliers du Septuaire et s'engouffra dans une ruelle bien mois fréquentée. Elle continua à marcher tout en regardant bien dans tous les coins le moindre signe qui permettrait de la guider vers la guilde. Le temps passa et elle commença à désespérer de trouver la Guilde. Jamais Port-Réal ne lui avait paru comme un labyrinthe. Elle fit alors demi-tour, persuadée d'avoir manqué l'entrée, et sourit pour se moquer d'elle-même car, au moment où elle s'était retourné, une grande porte, qui ressemblait à une porte d'atelier, montrait, grâce à un grand écriteau, l'entrée de la Guilde des Alchimistes.


Le bâtiment en lui-même n'était pas aussi particulier que les autres grands lieux de la ville. Il était même banale hormis l'écriteau, accroché au-dessus de la porte. En lettre verte était écrit:


Guilde des Alchimistes

Réservée seulement à ceux qui savent ce qu'ils font


Mhaegen savait ce qu'elle faisait. L'alchimie était la première passion pour laquelle elle donnait tant d'effort. Et puis, c'était un moyen de fuir sa vie, ou plutôt tous ses problèmes. Elle s'approcha de la porte, prit une grande inspiration et toqua à la porte. Un temps et elle se demanda si elle n'avait pas frappé assez fort vu que personne ne venait à sa rencontre. Elle refrappa plus fort cette fois. Elle espérait que la force de son poing sur la porte traduisait sa détermination aux personnes à l'intérieur. Toujours rien. Il n'y avait marqué aucun horaire sur la porte qui pourrait justifier cette absence de réponse. Mhaegen serra très fort ses poings et tapa sur la porte à s'en faire mal au poignet. Un seul coup réussit à faire ouvrir la porte. Pendant que Mhaegen massait son poignet douloureux, elle se demandait si c'était sa force qui avait ouvert la porte. Elle fut un peu déçu quand elle vit un vieil homme chétif la fixer d'un œil fatigué derrière l'entrée. À moitié caché dans l'ombre, il resta silencieux et même immobile. Il se tenait sur une canne et sa jambe gauche restait fléchie.


-Euh...Bonjour. Salua timidement Mhaegen.


Le vieil homme ne lui répondit pas et, à travers ses paupières à moitié fermées, sa pupille semblait scruter chaque expression, tic ou tremblement que montrerait Mhaegen. À vrai dire, son expression trahissait la gêne d’avoir frappé si fort la porte. Elle était persuadée que le fait d’avoir violenter ainsi cette porte avait été mal vu par ce vieil homme et que donc, elle avait encore moins de chance de rentrer dans la Guilde. Elle était bien plus stressée qu’il y a quelques secondes. Elle était en train de se demander où était partie son assurance. Elle inspira profondément, et lentement pour ne pas montrer son stress (même si elle se doutait que c’était trop tard), et réussit à retrouver sa confiance en elle. Si elle passait cette porte, elle savait que sa vie allait prendre une tournure plus distrayante et enrichissante que maintenant. Elle prit alors son courage à deux mains et demanda:


-Je m’appelle Mhaegen et j’aimerais savoir si je pouvais entrer dans cette sublime Guilde des Alchimistes dont la popularité s’étend à travers tout le monde connu. Est-ce possible?


Mhaegen avait préparé cette phrase depuis ce matin et elle ne s’attendait pas à sortir des flatteries pareilles aussi facilement sans grincer des dents, elle qui déteste les courbettes. Le vieil homme lui répondit alors:


-Non.


Et il referma la porte d’un coup sec avec une force étonnante pour son âge. Mhaegen resta immobile devant la porte. Elle n’avait pas vraiment compris ce qu’il avait dit. Mieux valait le rappeler pour en être sûr. Ainsi donc, elle refrappa avec un peu moins de force. Trois coups et la porte se rouvrit. Le vieil homme arborait toujours un regard fatigué, neutre et scrutateur.


-Excusez-moi mais je n’ai pas bien compris ce que vous m’avez dit. Dit-elle d’un ton innocent. Est-ce que je peux être membre de la Guilde?


Et d’un ton toujours aussi sec et neutre:


-Non.


Il allait refermer la porte mais Mhaegen la bloqua d’une main.


-Attendez! Attendez! Je veux bien passer les épreuves d’admissions. Je sais qu’il faut en faire. Dîtes-moi ce qu’il faut que je fasse pour que je puisse entrer!


-Faîtes quelque chose si ça vous chante. Répondit le vieil homme sans aucune émotion apparente. Ça ne changera rien. Vous êtes une femme.


Et Mhaegen, qui avait arrêter de bloquer la porte, laissa l’homme chétif refermer la porte. Les femmes ne sont pas admises à la Guilde?! Mais Mhaegen n’avait jamais lu où que ce soit que c’était le cas. Il devait y avoir une erreur. Non, il ment. «C’est un stupide mensonge, pensa-t-elle. J’ai lu qu’une certaine Astrid Kingston avait réussi à se faire un nom dans l’histoire des alchimistes. Elle avait réussi à trouver une mixture pour intensifier du feu avec une simple poudre. Je refrappe». Et elle refrappa, le stress remplacé par de la colère. Ce vieil homme l’avait touché là où ça fait mal.


-Je vous ais déjà dis non. Rétorqua celui-ci lorsqu’il rouvrit la porte. Êtes-vous sourde à votre âge?


-Je ne crois pas que vous avez dis la même chose à Astrid Kingston, monsieur. Répondit-elle d'un ton aussi sec que son interlocuteur. Je me trompe?


Le vieil homme resta silencieux. Mhaegen se doutait qu'elle avait peut-être, à son tour, touché là où ça fait mal.


-Ce n'est pas la même chose. Affirma après un temps de réflexion l'homme chétif. Elle avait largement fait ses preuves.


-Alors laissez-moi faire les miennes. Répondit immédiatement Mhaegen.


Mhaegen perçut un deuxième temps de réflexion pour cet homme. Elle savait qu'elle avait utilisé les bons mots. Le vieil homme recula dans l'ombre sans lâcher la porte et esquissa son premier sourire, accompagné tout de même d'un air narquois. Il revînt dans la lumière du jour aux yeux de Mhaegen.


-Vous voulez faire vos preuves? Très bien. Vous voyez ma jambe? Je me suis pris une flèche dans le genou lors de la bataille de la Néra. Concoctez quelque chose pour me la guérir et transmutez une pierre en or. Si vous y arrivez, ce que je doute, vous pourrez entrer en tant qu'apprentie. Adieu.


Et il referma la porte définitivement. Mhaegen avait bien compris le message. Elle savait que les choses qu'il demandait était d'un niveau assez élevé. Elle n'allait pas réussir du premier coup. Mais soit. Elle savait qu'elle n'aurait pas d'autres chances pour rentrer dans la Guilde. Elle serra son sac où se trouvait sa bourse et partit en direction du marché. Il était temps de voir si le matériel nécessaire pour l'alchimie lui était accessible avec seulement sa bourse. Celle-ci contenait sa récompense auprès de lord Baelish, sa rémunération de servante et ses économies qu'elle avait faîtes pour aller à Dorne avec Barra. Elle n'avait pas vraiment de remords à se débarrasser de cet argent. Elle s'en voudrait si elle devait reposer la mémoire de son enfant sur de simples pièces.


Ainsi donc, elle partit en direction du marché, très proche de la Guilde, et comme elle s'y attendait, le stand le plus proche du bâtiment des Alchimistes était un stand d'alchimie. Un homme d'une cinquantaine d'année était assis derrière un montage de fiole, chacune d'entre elles posées sur une planche de bois. Celles-ci semblaient contenir plusieurs breuvages différents de par leur couleur, leur texture ou la taille de leur contenant. Quand l'homme la vit, il se leva d'un bond et fut enthousiasmé d'avoir une cliente. Apparemment, cela ne lui arrivait pas souvent.


-Bonjour mademoiselle! Je m'appelle Nathaïr. Que puis-je pour vous? Demanda-t-il d'un ton enthousiaste.


-J'aimerais du matériel d'alchimiste, s'il vous plaît.


-Oh, une alchimiste?! S'exclama Nathaïr. Très bien mais cela coûte cher.


Mhaegen redoutait cette réponse et, il fallait bien l'admettre, elle s'y attendait au fond.


-Et bien, euh, quel est votre prix? Demanda-t-elle tout en se préparant psychologiquement à la réponse.


-Et bien, si vous prenez une petite sacoche de fiole, un alambic, un chaudron et un mortier, ce que l'on pourrait appeler le matériel de base, vous en avez pour, disons, trois cents dragons d'or.


«Malheur!» cria-t-elle fortement dans sa tête. Elle n'avait pas assez. L'air de déception qu'elle ne put s'empêcher de retenir se fit remarquer par Nathaïr.


-Mais je veux bien négocier jusqu'à deux cents cinquante si vous ne pouvez pas.


-Et, euh, pour deux cents dragons d'or? Osa-t-elle demander en se protégeant encore une fois face à une éventuelle mauvaise réponse.


Nathaïr sembla méditer. En temps normal, il n'aurait jamais accepter de baisser de cent dragons d'or le prix de ses articles mais là, il avait une ravissante cliente devant lui qui semblait être sûr d'elle et, de plus, sa clientèle se fait rare à cause de la pauvreté toujours grandissante de la ville. Alors, tout en se disant qu'il regretterait un jour cette décision, il accepta. Mhaegen n'en cru pas tout de suite ses oreilles et peina à sortir des mots.


-Whoua, mer….merci. Bégaya-t-elle. Je...Tenez.


Elle sortit de son sac sa bourse pleine et la fila à Nathaïr. Dans le même temps, celui-ci mettait dans un chaudron un alambic, une petite sacoche contenant cinq fioles, et un mortier avant de le donner à Mhaegen qui plaça son nouveau matériel dans son sac. Elle fut surprise par le nouveau poids qu'avait pris son sac et remercia une dizaine de fois Nathaïr avant de s'en aller.


Cela faisait longtemps que Mhaegen n'avait pas été aussi heureuse. Elle fit un nœud avec son sac autour son bras pour ne pas le perdre ou se le faire voler et marcha vers le Donjon Rouge. Elle n'avait absolument plus d'argent mais elle s'en fichait. Le contenu de son sac était bien plus important. Porter les instruments de sa nouvelle passion est un luxe que peut de personnes peuvent s'offrir. C'était comme si elle transportait une sorte de liberté en forme physique.


Les gardes de la porte d'entrée la laissèrent entrer car ils se souvenaient de son départ, ce que Mhaegen espérait, et celle-ci prit le chemin de l'appartement de sa maîtresse. Quand elle rentra, elle vit Lollys lire un livre sur la botanique et elle déposa son sac contenant tout son matériel dans un coin. Lollys déposa son livre et demanda la permission de regarder dans le sac de sa servante. Contente pour elle et de voir qu'elle avait parcouru la ville sans qu'il ne lui arrive malheur, elle se vanta de la tenue vestimentaire qu'elle lui avait choisi. Mhaegen était pressé de tester son nouveau matériel mais pour cela, il fallait des ingrédient et surtout, des recettes à suivre, ce que la bibliothèque devait certainement contenir dans des livres spécialisés. Cependant, Lollys lui avoua ne pas être partie au bois Sacré et l'avoir attendu, ce qui lui rappela sa mission: Faire d'Olenna une alliée.


Il est assez excitant et dangereux de se mouiller dans des affaires de nobles. C'était comme si elle se préparait à une guerre. Trouver des alliés afin d'anéantir ses ennemis. Mhaegen jouait dans un jeu terrifiant mais, il fallait l'avouer, ce jeu avait eu pour effet à ce que la vie de Mhaegen ait un sens. Si Cersei mourrait de sa main, il était fort probable que le royaume se retrouve ébranlé. Joffrey deviendrait peut-être aussi fou qu'Aerys II, communément appelé le roi Fou. Une autre rébellion pourrait en résulter. En d'autres termes, Mhaegen serait le commencement d'un effet papillon qui aboutirait à la ruine du royaume et à son renouvellement, peut-être pour un meilleur gouvernement. Elle cessa ses rêveries lorsqu'elle accompagna Lollys dans le Bois Sacré. Après tout, le jeu n'était pas encore terminé.


Encore une fois, l'hiver semblait ne pas arriver de sitôt malgré les prévisions des mestres de la Citadelle. Tout le monde se promenait dans des habits légers. Lollys prenait le chemin que Mhaegen espérait, celui qui menait à l'endroit où s'était installé les Tyrell. Quand elles arrivèrent, il n'y avait aucune trace de Cersei, au grand soulagement de Mhaegen. Quand Olenna les virent arriver, elle les invita à s'asseoir, même Mhaegen. Margeory, sa petite-fille et futur reine, était absente.


-Margeory est partie se promener avec le roi. Informa Olenna. Il est important qu'ils se connaissent avant leur mariage. Asseyez-vous et toi, dit-elle à un servant, apporte-nous de quoi manger. Je mangerais jusqu'à ce qu'on me surnomme la grosse reine des épines. Et pour trois.


Le servant s'en alla chercher un menu. Mhaegen était assez gêné devant les servants qui la regardaient derrière elle. Elle s'apprêtait à manger à une table de noble, chose qui n'a pas dût arriver depuis des décennies, si ce n'est des siècles. Lollys aussi semblait gêné. Après tout, bien qu'il était l'heure de manger, elle et Olenna ne se connaissaient pas assez pour que celle-ci l'invite à sa table. Cet élan de générosité de la part d'une femme qui a la réputation d'être dure eu pour effet de faire rougir la servante et sa maîtresse, ce qu'Olenna remarqua en lançant un petit rire amusé.


-Mes douces enfants, ne soyez pas aussi timides. Je risque pas de vous bouffer à part si les cuisines sont vides. Mais sinon, comment allez-vous depuis la dernière fois que nous nous sommes vues?


-Et bien...euh, bégaya Lollys, décontenancé.


-Bah laissez tomber. C'est une question de mamie gâteuse. S'il ne s'est rien passé de grave ou d'extraordinaire, honnêtement, j'en ai pas grand-chose à faire, sans vouloir vous vexer, hein.


-Oh, ce n'est rien. Répondit Lollys. Vous avez raison. Et puis, en effet, il ne s'est rien passé de bouleversant.


-C'est peut-être mieux comme ça. Quand il arrive quelque chose de bouleversant dans la cour, que ce soit en bien ou en mal, c'est jamais bon signe. C'est généralement à cause de ça qu'on se fait tuer, ici. Dîtes-moi, ma chère, dit Olenna en se tournant vers Mhaegen, en avez-vous marre de votre travail de servante ou serez-vous tenter que je me débrouille pour que vous soyez promu? Après tout, ça paye mieux d'être intendante, si ce n'est à un rang plus grand.


-Oh non, ce n'est pas la peine, madame. Répondit poliment Mhaegen. Je préfère rester une servante de Lollys. Je sais que j'ai plus de chances que mes collègues d'être tombés sur elle.


-Je le sais bien. Je vois vos collègues se poser une multitude de questions derrière vous. N'y faîtes pas attention. Ces faiblards jaloux ne méritent pas d'avoir l'honneur de manger à ma table. Ils sont trop…normaux et soumis. Ça a pour habitude m'ennuyer.


Mhaegen comprenait qu'Olenna pensait tout le contraire d'elle, ce qui lui donna le sourire. Néanmoins, il était temps d'orienter la conversation vers Cersei mais pour que ce ne soit pas trop flagrant, elle commença à parler de son fils, le roi.


-Et sinon, vous avez appris à connaître votre futur petit-gendre? Demanda-t-elle.


-Ah bien, vous lancez vous-mêmes les sujets de conversation. Et bien, pas vraiment. Il a l'air amoureux de ma petite fille, ce qui devrait être bon signe, mais ce n'est pas un ami du peuple et la fille aîné des Stark, Sansa, nous a racontées qu'il était un monstre. Étant fils de Cersei, c'est pas étonnant. Du coup, j'en sais rien s'il est un bon parti. Ce n'est qu'un gamin qui reste dans les jupons de sa mère et tant qu'il y restera, je dirais toujours à Margeory de s'en méfier.


-Cersei lui chuchoterais-t-elle des choses à l'oreille? Supposa Mhaegen.


-Certainement. C'est même à se demander si c'est pas elle qui gouverne vraiment le royaume.


Cette théorie d'Olenna venait de renforcer celle de Mhaegen selon laquelle le meurtre de la reine-mère pourrait vraiment ébranlé le royaume.


-La reine-mère forcerait Joffrey à aimer votre petite-fille? Demanda Lollys qui voulait prendre part à la conversation.


-Non, je ne pense pas. Répondit Olenna en se tournant vers elle. Après que vous m'ayez quitté la dernière fois, je l'ai fais mariner un peu pour connaître ses intentions. Il est clair qu'elle n'aime pas Margeory et que l'avoir pour petite-fille ne l'enchante pas. Mais cette garce a bien compris le rouage des avantages politiques que donnent un mariage avec notre famille. Pourtant, je la connais assez pour savoir que jamais elle ne poussera son fils à épouser Margeory. C'est qu'elle a de l'orgueil, cette catin.


Les mots crus et vulgaires utilisés sur Cersei ont provoqué chez Mhaegen un grand sourire qu'elle eut du mal à stopper.


-Vous n'aimez pas Cersei. Remarqua Olenna à l'adresse de la servante. Elizabeth, c'est ça? Pourquoi détestez-vous tant la reine-mère? Ce n'est pas pour vous faire bien voir par moi, j'espère? Demanda-t-elle en souriant.


-Oh non. C'est depuis l'ordre qu'elle a donné au Guet d'assassiner des enfants. Cela m'est resté en travers de la gorge. Répondit très vite Mhaegen.


Mhaegen était contente d'avoir trouvé ce mensonge qui n'en était pas totalement un, à vrai dire.


-Ah oui, je comprends. Il est clair que c'est une bonne raison de la haïr. J'espère qu'elle paiera un jour ce qu'elle a fait. Que quelqu'un lui mette un «ingrédient magique» dans ses verres de vins qu'elle raffole, ça lui apprendra.


Mhaegen ne put rien répondre à cela. Comment le pourrait-elle? Olenna venait de lui donner la solution à son problème. Il semblerait que le destin la guide en réalité. Sa passion pour l'alchimie s'est révélé au bon moment. C'est elle qui mettra cet ingrédient magique dans le verre de vin de la reine. Elle ne savait pas encore comment mais elle se penchera sur le problème plus tard. Elle imaginait alors Cersei prendre habituellement son verre, le boire d'une traite et s'écrouler dans sa chambre. Ainsi, la mort de Barra et des autres enfants allaient être vengés. Lorsque le servant apporta les mets raffinés du repas, c'est Lollys qui prit le relais de la discussion. Mhaegen avait d'autres choses à penser pendant ce temps. Elle avait un royaume entier à déstabiliser.


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