La cour des grands

Chapitre 63 : Mhaegen

4883 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/08/2018 13:57



Mhaegen



Ce matin, la grasse matinée était de mise. Toutes deux avaient décidé de se faire une petite soirée la veille dans l'appartement. Pour l'occasion, Mhaegen avait rapportée des caves plusieurs carafes de vin, trop d'après Lollys. Mais Mhaegen avait le cœur à la fête, sachant qu'elle n'aurait peut-être plus l'occasion d'en faire avant un bon moment et qu'elle venait enfin de terminer tout ce qu'elle devait faire pour entrer dans la Guilde des Alchimistes. Pour célébrer la fin de ces tâches, Mhaegen et Lollys étaient d'accord pour boire déraisonnablement le vin des caves. Mhaegen ne sentit aucun regret en se réveillant ce matin-là, subissant pourtant un affreux mal de tête. Elle était couchée en biais sur Lollys qui avait la tête enfouie dans ses oreillers. Lentement pour ne pas la réveiller, elle s'extirpa du lit puis, suite à un faux pas, atterrit lourdement sur le sol. Par chance, cela ne réveilla pas Lollys. Mhaegen se leva et vit plusieurs carafes vides éparpillées sur le sol ainsi qu'une flaque de vin près d'un verre renversé. Silencieusement, Mhaegen nettoya le désastre, le sourire aux lèvres. Malgré ce chantier dans l'appartement, elle estima avoir passé une superbe soirée, remplie de joyeux rires entres amantes et d'imagination frivole et débordante. Après le nettoyage, elle mit en place une corbeille de fruit et une carafe d'eau qu'elles avaient préparé avant la fête, au cas où. Une fois tout préparé, elle entendit un long bâillement qui pressentait le réveil de Lollys. Elle vit une longue chevelure blonde et ébouriffée s'élever du lit, se dépatouillant des draps et des coussins. Quand le visage encore fatiguée de Lollys apparu, Mhaegen sourit et voulu annoncer que le petit-déjeuner, notamment l'eau, était prêt, mais Lollys éclata d'un fou rire immédiat. Mhaegen ne comprit pas de suite ce qui provoquait cette hilarité soudaine chez sa maîtresse jusqu'à ce qu'elle remarque enfin de quoi elle était vêtue: Absolument rien.


Sans hésitation, Mhaegen et Lollys partirent vite dans le Bois Sacré, histoire de profiter de l'air frais matinale qui leur permettrait certainement d'être mieux réveillée. Près de la fontaine, l'effet fut presque immédiat et les deux femmes retrouvèrent leur habituelle forme quotidienne, comme si le mal de tête n'était qu'un lointain souvenir. Elles s'aspergèrent le visage de l'eau fraîche et s'assirent sur le rebord. Elles discutèrent un temps puis, par un coup de fatigue, Lollys plongea sa tête dans ses bras, riant en repensant aux souvenirs de la soirée passée. Mhaegen lui tapota le dos en riant de même et regarda le Donjon Rouge, prenant peu à peu sa splendeur écarlate grâce aux rayons du soleil. Elle savait que c'était son imagination qui lui avait montré cela mais du haut d'une tour, elle vit le roi Joffrey tomber et s'écraser entre les arbres. Cela lui rappela sa haine pour le roi et surtout, ce qu'elle devait faire aujourd'hui. Le temps était enfin venu. Elle devait aller à la Guilde des Alchimistes.


Après cette petite virée dans le Bois Sacré, Mhaegen dévoila à Lollys son plan de la journée. Cette dernière prit un large sourire et lui souhaita bonne chance. À l'appartement, Mhaegen prit toutes les décoctions demandées par le «macho de l'accueil», comme elle s'amusait à l'appeler. Elle vérifia plusieurs fois si elle avait tout pris et enfila sa désormais traditionnelle tenue de ville qui appartenait à Lollys. Les deux amantes s'embrassèrent longuement jusqu'à ce que Lollys se résigne à laisser partir Mhaegen. La porte de l'appartement se ferma et, avec un profond soupir, Mhaegen prit la direction de la sortie du château, un sac en tissus sur le dos contenant ses fioles et une pierre pour la transmutation demandée.


Elle sortit donc du château, cette fois par la grande porte. Elle se souvînt des deux gardes qu'elle avait dû tuer à la porte arrière. La nuit, deux flaques d'acides eurent été trouvés avec à côté quelques pièces d'armures qui n'avait pas été entièrement fondu. Les gardes qui avaient trouvés cela eurent vite fait de faire le lien avec la disparition de leurs deux collègues, ce qui avait mis sur le qui-vive tous les autres gardes du château durant la nuit et encore ce jour-ci. Heureusement, les gardes à la porte d'entrée principale estimèrent qu'aucun danger ne pouvait leur arriver dans leur zone car quel assassin ou voleur passerait ou sortirait par la porte principale? Et pourtant, l'assassin passa la porte devant eux. Ce n'était qu'une servante qui allait faire ses courses pour son maître ou sa maîtresse après tout. Sous leurs yeux, Mhaegen traversa le pont qui séparait le château de la ville et elle s'engouffra dans les rues de Port-Réal. Elle connaissait désormais le chemin jusqu'à sa destination et suivit sa route sans à faire demi-tour une seule fois.


En voyant la large porte en bois sec ainsi que l'enseigne de la Guilde des Alchimistes vissée au mur, Mhaegen souffla une nouvelle fois. C'était l'heure. La première étape avant d'accomplir sa vengeance était devant elle. Une fois passé la porte, elle savait qu'il serait plus dur de faire marche arrière sur le chemin qu'elle s'était décidé à prendre. Lentement, les poings serrés, le regard déterminé, elle avança vers la porte.


Il n'y avait pas beaucoup d'installations extérieures sur le bâtiment et il n'y avait donc aucun loquet sur le porte. Mhaegen tapa alors du poing aussi fortement que la dernière fois. Cette fois, presque par miracle, le «macho de l'accueil» ouvrit la porte dès la première frappe sur le bois sec. La porte s'ouvrit donc et la main charnue du vieil homme, puis sa tête, apparurent dans l'ombre. Il était petit et leva lourdement la tête pour apercevoir son visiteur. Intrigué en voyant le visage de Mhaegen, il déduit:


-Attendez, c'est vous la femme de la dernière fois?


-Vous avez bonne mémoire, vieil homme. C'est bien moi, Mhaegen. Puis-je entrer maintenant? J'ai fais ce que vous m'aviez demandé. Répondit Mhaegen avec un sourire fier.


-Impossible. Ce que je vous ai demandé requiert au moins un niveau d'acolyte.


-Et bien j'ai réussis. J'ai apporté les décoctions. Nous partons soigner votre jambe pour le prouver?


Le vieil homme baissa la tête. Sa déception était à peine voilée. Avec un souffle las, il ouvrit plus grandement la porte et leva le bras en direction de l'intérieur pour lui faire signe d'entrer. Fière d'elle, Mhaegen entra.


La salle de l'accueil était éclairée par des puits de lumière dans le plafond qui laissaient entrer le soleil et par quelques torches. La pièce ressemblait en réalité à un vieux garage délabré et il y avait même un peu de paille dispersé sur le sol. Les seuls objets entreposés ici étaient juste des chaises et une seule table dans un coin de la pièce. En y entrant, Mhaegen dissimula une petite désillusion à travers sa fierté d'avoir enfin passé cette porte mais elle savait qu'elle ne se trouvait ici que dans la façade du vrai bâtiment de la Guilde. D'ailleurs, une porte en un bois bien plus propre que celui de cette grange se trouvait dans le fond de la pièce. Alors que ses jambes se dirigeaient machinalement vers cette porte, le vieil homme la rappela à l'ordre tout de suite.


-Par ici, mademoiselle! Asseyez-vous et sortez-moi vos mixtures.


Mhaegen s'assit donc sur une chaise, sortit ses quelques fioles de son sac ainsi qu'une pierre qui allait servir à la transmutation et posa tout cela sur la table. Le vieil homme s'assit devant elle et examina de l’œil les mixtures. Un air sévère se lisait sur son visage.


-Commençons par la transmutation. Proclama Mhaegen.


Le vieil homme ne répondit rien et se contenta d'observer. Mhaegen posa sa pierre devant elle. Elle stressait un peu mais normalement, tout devait bien se passer. Elle prit une fiole où le liquide avait une couleur légèrement dorée. Elle déboucha la fiole et, délicatement, versa le liquide sur la pierre. Dans sa tête, Mhaegen priait les Sept Dieux pour que sa potion fonctionne et qu'elle n'ai fait aucune erreur. Le liquide était désormais totalement étalé sur la pierre. Elle posa la fiole vide. Elle et le vieil homme fixèrent la pierre avec insistance. Une torche au-dessus d'eux pouvait leur permettre de voir assez distinctement la pierre. Après quelques secondes où absolument rien ne se passait, et où la panique de Mhaegen augmentait, la pierre, peu à peu, vira à une couleur dorée qui se répandit sur toute sa surface. Mhaegen leva la tête et regarda avec fierté le visage progressivement déconfit du vieil homme.


-J'ai réussis la première épreuve. Proclama-t-elle. Passons à la deuxième, et dernière. Soignons votre jambe.


-Calmez-vous. Il n'y pas de quoi se presser. Répondit-il sèchement.


Ce dernier prit une deuxième chaise pour y déposer sa jambe blessée. Lentement, il releva son pantalon et Mhaegen y découvrit un pansement en tissus entourant tout le bas du genou. Le vieil homme déroula le pansement et Mhaegen vit alors un bout de bois transperçant son tibia dans toute sa largeur.


-Vous vous foutez de moi?! S'exclama Mhaegen. Vous avez laissé le bout de flèche dans la blessure! Même moi, je sais que c'est dangereux de faire ça!


-Taisez-vous et soignez-moi si vous en êtes capable! Répliqua-t-il froidement.


Cette fois, Mhaegen sentit la colère l'envahir. Elle eut alors une idée.


-Vous avez vu que votre mur risque de s'effondrer? Dit-elle.


-Qu'est-ce que vous racontez comme conneries, encore?!


-Si, regardez la grosse fissure derrière vous.


Le vieil homme tourna alors la tête derrière lui mais il ne vit rien qu'un mur, certes sales et poussiéreux, mais intact. Pendant ce temps, Mhaegen en profita pour agripper le bout de flèche qui dépassait de la blessure et tira d'un coup sec ce qu'il restait du projectile. Le vieil homme hurla instantanément de douleur.


-Les vieilles combines de diversion,…. Ironisa Mhaegen.


-AH! SALE CATIN!!! Gueula-t-il.


-Je sais, mais j'ai arrêté le métier, c'est bon. Répondit-elle avec un sourire à peine dissimulé en prenant une fiole qui contenait un liquide légèrement bleuâtre.


Elle déboucha cette fiole et versa le contenu dans la blessure qui avait retrouvé son sang dégoulinant à la place du sang séché qu'il y avait auparavant. Tenant fermement sa jambe et repoussant Mhaegen, le vieil homme, malgré la grande colère qu'il avait pour cette dernière, fut forcé de constater que peu à peu, sa blessure se refermait. Dans son esprit, il continuait de maudire cette femme mais, contre son gré, obliger de le faire grâce à l'éducation qu'on lui avait donné, il la remercia.


-Et bien vous voyez que vous pouvez être gentils. Remarqua Mhaegen.


Elle commença à ranger tout son matériel. Le vieil homme sentit sa douleur brûlante se transformer en picotements de plus en plus léger. Il se servit d'une manche de sa chemise pour nettoyer le sang comme il put. Réajustant son sac sur son dos, Mhaegen se tourna vers la porte du fond. Elle fut heureuse que ces épreuves stupides qui lui avaient pris tant de temps soit enfin terminées. Mais maintenant, elle devait passer cette porte qui se tenait devant elle. Sa hâte était grande.


-Puis-je y aller désormais? Demanda-t-elle au vieil homme derrière elle qui apprenait de nouveau à marcher sans son bâton de bois.


-Une seconde. Répliqua-t-il. Avant d'entrer, je dois vous poser quelques questions.


-L'alchimiste Astrid Kingston a-t-elle dût également répondre à ces questions? Ainsi que les apprentis mâles? Demanda-t-elle en soupirant.


-Oui, sans exception.


Le vieil homme se plaça entre elle et la porte. Constatant l'air de Mhaegen qui annonçait qu'elle était totalement prête à répondre, il commença ses questions d'admissions.


-Tout d'abord, quelles sont vos motivations? Pourquoi vouloir être une alchimiste et entrer dans cette Guilde qui a si mauvaise réputation depuis le règne du Roi Fou?


-Je suis sans emploi depuis peu et je cherche juste de quoi occuper mes journées. Comme l'alchimie m'attire, je sens que c'est ici que je dois aller. Et puis, vous avez peut-être mauvaise réputation mais vous êtes tout de même la seule Guilde des Alchimistes sur tout le continent alors il est normal que je vienne ici.


-Que comptez-vous y trouver, derrière cette porte? Juste un nouveau centre d'intérêt?


-Non. Je sais que cela peut paraître bizarre mais j'aimerais aider à redorer le blason de la Guilde. Aujourd'hui, vous avez une image désastreuse et le nom d'alchimiste a presque disparu au profit de pyromane à cause du feu grégeois. J'ai lu plusieurs trucs sur l'alchimie et je sais que ce domaine ne se limite pas qu'à faire exploser des châteaux et des navires de guerres.


Mhaegen avait déjà réfléchi d'avance à ce qu'elle répondrait à ce genre de questions. Elle s'avoua que même si ces épreuves étaient ridicules, elles eurent au moins le mérite de lui avoir laisser le temps de potasser ses réponses. Comme la Guilde était réputée pour être un cercle très fermé, elle se doutait que des questions lui seraient poser. Le vieil homme la regarda attentivement et en silence depuis sa dernière réponse. Il semblait réfléchir. Mhaegen avait peur qu'il comprenne qu'elle mentait. Puis, le vieil homme répondit:


-Peut-être me suis-je trompé sur votre compte. Peu importe. Dernière question: Si, même si j'en doute pour vous, vous atteignez le titre de sagesse et que vous ayez donc droit à l'utilisation du feu grégeois, l'utiliseriez-vous pour votre propre compte ou donneriez-vous-en à d'autres gens extérieurs sans se concerter avec les autres membres?


-Non, par les Dieux! S'exclama-t-elle. Je ne sais même pas ce que je pourrais en faire.


Une nouvelle fois, le vieil homme scruta le visage de Mhaegen un temps, avant de reprendre.


-Bien. Je vous crois. Je vais vous laisser entrer et vous irez voir l'alchimiste Arnold. C'est lui qui s'occupe des nouvelles recrues, même si ces derniers-temps, il n'a pas un seul élève à sa charge vu que plus personne ne vient nous réclamer un apprentissage.


Le vieil homme sortit une lourde clé d'une poche de sa chemise et l'engouffra dans la serrure de la porte. Un bruit métallique se fit entendre et la porte s'ouvrit sur un escalier en colimaçon qui descendait dans les étages inférieurs.


-Vous pouvez entrer. Annonça le vieil homme en tenant la porte. Dîtes à l'alchimiste Arnold qu'Urien s’ennuie dans sa grange.


-Vous vous appelez Urien?


-Et oui. Un nom peu commun. Allez, descendez.


Urien lui donna alors une torche et ferma la porte derrière elle. Mhaegen, en sentant la porte se fermer derrière elle, souffla une nouvelle fois. Elle ne souriait pas et tenait fermement sa torche dans les mains. Le buste relevé, le regard rempli de détermination, elle descendit les marches une à une.


Les escaliers furent moins longs qu'elle ne s'y attendait et elle tomba sur un long couloir aux bordures rondes. Ce dernier était éclairé par tantôt des torches, tantôt des puits au plafond qui faisaient passer la lumière naturelle, comme la grange. Mhaegen avait entendu dire que le lieu était en mauvaise état depuis la fin du règne des Targaryen et elle pouvait le constater par elle-même. Le couloir était très long et Mhaegen savait que celui-ci traversait au moins la moitié de la capitale. Parfois, sur les murs, un passage menait à des pièces plus ou moins grandes. Mhaegen jeta un œil dans chacun des passages. Au bout de la dixième porte, elle commença à se demander pourquoi elle ne croisait personne. Pour l'instant, elle ne vit dans les précédentes pièces que des réserves de nourriture, d'ingrédients alchimiques et les chambres, inhabitées. Elle vit alors un passage qui menait à un second couloir bien plus petit. Par instinct, elle prit ce couloir et se dirigea vers la porte du fond, bien plus intacte que toutes celles rencontrées auparavant. Elle s'arrêta juste devant et toqua à la porte. Personne ne répondit. Elle se décida à presser la poignée, impatiente de découvrir ce qu'il y avait à l'intérieur. Elle fut un moment déçu car ce qu'elle avait devant les yeux ressemblait à un autre couloir. Puis, après quelques pas, elle vit que le mur à sa gauche se finissait moins loin que celui à sa droite. Le mur de gauche était remplacé alors par une rambarde en bois en mauvais état. Derrière la rambarde, Mhaegen fut émerveillé. Elle voyait, de sa hauteur, une large bibliothèque poussiéreuse mais remplie de multiples ouvrages qui, sans doute, ne sont pas trouvables ailleurs. Elle vit des escaliers creusés dans la roche permettant de descendre parmi les étagères de cette bibliothèque. Elle ne se fit pas prier pour descendre contempler les nombreuses reliures des livres. Ici était enfermé une connaissance que peu de personnes ont eu le droit d'avoir dans leur vie. Cette bibliothèque n'était pas aussi grande que celle du château mais ce n'était pas ici que l'on trouverait des livres d'histoires ou d'autres domaines d'apprentissages. Machinalement, Mhaegen caressa du doigt les reliures et lut les titres de chacun des livres. Soin, animaux, transmutation, gestion des sens,…. Toutes les catégories sur lesquelles l'alchimie peut agir étaient présentes. Concentrée sur les titres qu'elle touchait du doigt, elle ne manqua pas de remarquer dans quelle catégorie elle venait d'entrer: Celui des poisons. Ces livres étaient des recueils de poisons aux effets différents et non mentionnés dans le titre. Elle voulut prendre un de ces livres mais recula instinctivement sa main. Il était trop tôt encore pour commencer la lecture d'un tel livre. Elle continua son exploration puis, entendit une voix qui demanda:


-Qui êtes-vous?


Mhaegen se retourna et vit un vieil homme, plus grand et plus robuste qu'Urien qui se tenait sur la rambarde et descendait en silence les escaliers pour la rejoindre. Il était chauve et avait une petite barbe naissante sur tout le bas de son visage. Il portait une robe longue, blanche et rapiécée de toute part. Cependant, l'état de sa robe n'entachait pas une certaine prestance. Mhaegen savait qu'elle avait quelqu'un d'un haut statut devant elle. Peut-être était-ce….?


-C'est vous, l'alchimiste Arnold? Demanda-t-elle.


Le vieil homme ne répondit pas jusqu'à son arrivée auprès d'elle. Il n'avait pas un air sévère mais seulement intrigué. Après un temps qui fut terriblement long pour Mhaegen, il répondit enfin:


-C'est bien moi. Et vous êtes?


-Mhaegen. Je suis, enfin j'aimerais devenir, une apprentie alchimiste.


Arnold l'observa attentivement puis, il l'invita à le suivre. Après un dernier regard vers la bibliothèque, Mhaegen quitta, en compagnie d'Arnold, la pièce et suivit le long couloir. Arnold entra alors dans une nouvelle pièce qui était sans doute son bureau qui était assez vide d'après Mhaegen. Il n'y avait aucune décoration à part un alambic vert sur une commode, si seulement l'on pouvait dire que c'était une décoration et pas un outil de travail. Arnold pria à Mhaegen de s'asseoir face au bureau. Quand il se plaça devant elle, il continua une nouvelle fois à l'observer avant de proclamer:


-Je ne vous crois pas.


-Comment cela? Répondit Mhaegen, décontenancé.


-Vous n'êtes pas là pour devenir une apprentie alchimiste. Qui vous a laissé entrer?


-Urien. Il m'a dit de vous faire part qu'il s'ennuie dans sa grange.


-Et bien voilà qui est étonnant. Urien ne dévoile son nom qu'aux nouvelles recrues. Mais le connaissant, c'est presque incroyable qu'il vous ait laissé entrer. Il n'aime pas trop les femmes.


-Oui, c'est ce que j'ai remarqué.


-Alors comment se fait-il que vous soyez ici?


-Il m'a ordonné de faire deux décoctions spécifiques si je voulais me montrer digne d'entrer.


-Que vous a-t-il demandé de faire?


-Transmuter une pierre en or et soigner sa jambe qui avait été transpercée par une flèche.


Arnold se tut. Il n'avait pas l'air de croire un seul de ces mots. Mhaegen le devina et fouilla dans son sac pour en sortir la pierre transformée en or. Elle la posa, devant le regard ahuri d'Arnold.


-Impossible. C'est du niveau acolyte au moins. Et vous n'êtes même pas une apprentie. Les alchimistes qui font leur premières transmutations de minerais ont au moins trente ans d'apprentissage.


-Et bien, j'ai réussi. Répondit Mhaegen fièrement avec un grand sourire quand elle apprit la valeur de son exploit.


Arnold fixa le minerai d'or sur son bureau. Ce n'était pas du faux qu'il avait devant lui et il le reconnut avec beaucoup de difficulté. Il se leva tout en regardant Mhaegen et se plaça à côté d'elle.


-Mhaegen, c'est bien ça?


-Oui, c'est ça.


-Vous avez un grand talent, Mhaegen. En quoi l'alchimie pourrait vous être utile? C'est une science dangereuse, qui a d'ailleurs montré son fléau lors du règne des Targaryen ou à la bataille de la Néra. Pourquoi êtes-vous ici?


-Je…cherche à combler un vide. Répondit Mhaegen.


-J'ai su en vous voyant dans cette bibliothèque que vous aviez un but. Je sais déceler les émotions des gens et leurs pensées. Vous semblez heureuse et dans une période de votre vie forte importante mais vous pleurez. Un mélange de colère et tristesse. Ce vide dont vous parlez, en quoi l'alchimie peut aider à le combler?


-Je…veux juste trouver un autre but à ma vie, rien d'autre. Affirma Mhaegen en essayant de mentir du mieux possible pour qu'Arnold ne le voit pas. Comme l'alchimie m'attire, c'est tout naturellement que je viens ici.


Arnold continua d'observer encore une fois Mhaegen. Il semblait analyser le moindre battement de ses cils, la moindre petite intonation dans sa voix qui pourrait l'aider à mieux sonder son esprit et deviner ses pensées.


-Bien. Conclut-il finalement. Suivez-moi, je vais vous faire visiter les pièces que vous n'avez pas encore vu.


Mhagen suivit donc Arnold vers la fin du long couloir principal. Tout au fond se trouvait la réserve de feu grégeois et Arnold spécifia que lui seul et l'alchimiste qui les préparait avaient le droit d'y entrer. Mhaegen le rassura en lui avouant n'attendre rien de cette arme destructrice. Comme autres pièces, Mhaegen découvrit plusieurs autres bureaux, des salles spéciales pour étudier et surtout un jardin magnifique. Ce jardin était éclairé par un énorme trou dans le plafond couvert par une grille. Mhaegen soupçonnait que cette grille n'était pas visible de la surface par les habitants de Port-Réal et qu'elle était cachée dans un coin de la ville, voir en-dehors. Dans ce jardin, il y avait plusieurs plantes alchimiques qui y poussaient. Il y avait un grand arbre au centre où des champignons violets fluorescents poussaient sur son tronc. Plusieurs plantes plus ou moins communes se trouvaient autour de l'arbre et quelques insectes se posaient et volaient entre les végétaux. Mhaegen ne vit jamais auparavant autant de beauté dans un lieux si petit.


-C'est incroyable. S'exclama-t-elle. Avez-vous déjà vu tant de splendeur?


-Je vous rappelle que je vis ici, Mhaegen. Je sais que c'est beau mais je finis par m'habituer.


-Je ne crois pas pouvoir m'habituer un jour à voir ce jardin sans rester ahurie.


-Je vous aime bien, Mhaegen. J'ai confiance pour votre avenir au sein de la Guilde. Comme vous le savez, la Guilde est au plus mal et vous avez remarqué qu'il n'y a pas beaucoup de monde dans les couloirs. Je n'ai plus d'élèves depuis plusieurs années et ceux qui sont restés ici ne viennent pas souvent de peur d'être jugé par les habitants.


-Il faudrait qu'ils aient de nouveau confiance en la Guilde. Leur montrer que celle-ci n'ait pas faîte pour concocter que des mixtures explosives.


-Oui mais c'est compliqué quand ceux qui font appelle à nous ne demandent que de quoi faire exploser toute une flotte militaire.


La visite ne dura pas plus longtemps et Mhaegen ne découvrit rien de plus. Arnold la pria de le suivre de nouveau dans son bureau. Ici, il lui expliqua plusieurs règles à respecter qui était à vrai dire assez souple. Il n'y avait qu'une seule condition pour ne pas être renvoyer de la Guilde: Ne pas divulguer son savoir à qui le voulait. Les recettes alchimiques ne devaient se transmettre qu'entre alchimistes, ou mestres à la limite. Arnold lui expliqua comment fonctionnait l'enseignement à la Guilde. Ici, l'on pouvait cumuler trois titres. Au départ, l'on était apprentie puis, l'on atteint le rend d'acolyte quand un alchimiste sent qu'il a en a les capacités. Enfin, l'acolyte peut atteindre le titre d'alchimiste de la même manière. Parmi ces derniers, certains peuvent se donner le titre de sage quand un autre sent qu'il mérite de porter ce titre. Arnold était un alchimiste que nombre de ses collègues appelaient sage. Avec le peu d'effectifs dont la Guilde était pourvu à ce jour (ils n'étaient plus qu'une quinzaine), Arnold étaient un peu le maître de cette Guilde même si lui-même ne se donnait pas ce titre. Celui-ci, après ces explications et détails, proclama que Mhaegen pouvait dès maintenant commencer son apprentissage, ce que cette dernière accepta sans hésiter. Arnold passa alors une liste à Mhaegen de livres qu'elle pouvait emprunter à la bibliothèque pour compléter les bases qu'elle avait déjà grâce aux épreuves d'Urien. Vu ce qu'elle avait fait pour entrer à la Guilde, Arnold l'encouragea en lui disant que vu ses connaissances actuelles, elle pourrait bien devenir acolyte dans seulement quelques semaines, alors que d'autres à sa place y mettraient plus d'un an, voir plus. Mhaegen remercia grandement Arnold et lui demanda si elle pouvait emmener ses livres qu'elle doit emprunter chez elle, ce que ce dernier accepta volontiers, tant qu'elle les rendait. Elle partit donc en direction de la bibliothèque et chercha chacun des livres écrits sur la liste.


La recherche fut longue au vu du nombre de livres et Mhaegen savait que son sac serait lourd quand elle sortirait de la Guilde. Néanmoins, après avoir lu quelques pages de certains livres, elle jugea qu'elle pouvait se délaisser de quelques titres écrits sur cette liste. De plus, il lui fallait prendre un autre livre qui, lui, n'était pas écrit. Mhaegen chercha alors un recueil de poison et prit «Le livre des poisons les plus discrets» écrit par un auteur anonyme. Vérifiant que personne ne la voyait, elle rangea rapidement ce dernier livre dans son sac et alla en direction de la sortie. Le sac n'était au final pas si lourd même si elle était pressée de jeter le minerai d'or qui s'y trouvait toujours. Lorsqu'elle atteignit la grange, elle retomba sur Urien qui était à moitié assoupi sur sa chaise. Silencieusement, Mhaegen partit vers la porte et alors qu'elle avait déjà un pied dehors, elle entendit derrière elle:


-Bonne chance, Mhaegen, pour votre apprentissage.


-Merci. Répondit Mhaegen en souriant et en fermant la porte.


Elle était enfin admise dans la Guilde des Alchimistes et avait du mal à y croire elle-même. Elle jeta un dernier regard vers l'établissement et partit en direction du château. Sur son chemin, elle traversa la rue principale où se tenait le marché. Alors qu'elle allait bientôt sortir de cette foule marchande, un stand lui tapa à l’œil. Elle se souvînt de ce que son sac contenait, fit un grand sourire et se dirigea vers le stand.


-Bonjour ma p'tite dame! Salua gaiement le marchand en la voyant arriver. Qu'est-ce qui vous ferait plaisir?


Mhaegen fouilla dans son sac pour attraper le minerai d'or qu'elle sortit devant les yeux du marchand, estomaqué.


-Votre plus belle et cher marchandise peut-elle être payer avec ça?


Le marchand prit du bout de ses doigts le minerai et tenta de définir si ce qu'il avait devant lui était une arnaque ou non. Après un temps d'analyse minutieuse, le marchand se tînt droit, les bras ouverts et le sourire aux lèvres et s'exclama:


-Et comment!

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