Le Dernier Dragon II : « Jon Snow »

Chapitre 10 : La ruse du Khal

4177 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 11/10/2017 07:51

Mille guerriers dothraki tombèrent sur le champ de bataille et de nombreux autres furent capturés. Le combat n’avait pas atteint le quatrième rang et Jon observa les corps entassés dans une fosse commune. Reinhard avait ordonné de brûler les cadavres et de se préparer pour lever le camp.

Daario Naharis le rejoignit sur les remparts. Le Tyroshi était coupé à la joue, et la blessure avait été recousue.

— Qu’est-ce qui t’est arrivé ? s’enquit Daario en regardant Jon amusé. Je pensais bien te voir à mes côtés sur le mur nord.

— J’étais avec le capitaine-général. Comment a-t-il su que l’attaque allait avoir lieu ? C’est un mystique ?

— C’est vrai qu’il sent plutôt bien ces choses. Mais, d’un autre côté, ce n’aurait pas été la première fois qu’il met les hommes en rangs en pleine nuit. Il le fait la plupart du temps pour qu’ils restent sur le qui-vive. Peut-être que c’était juste de la chance. Je lui ai dit une fois qu’il avait plus que sa part de chance. Tu sais ce qu’il m’a répondu ? « Plus je planifie précisément, et plus je deviens chanceux. » C’est la première fois que je l’entendais dire quelque chose qui s’apparentait à une blague. Alors, pourquoi voulait-il te voir ?

— Je ne le sais toujours pas. Il voulait surtout parler de Serala. Apparemment, il la connaissait autrefois.

Daario émit un petit sifflement.

— Alors, c’était cette Serala. Je n’avais pas réalisé. Serala est un nom plutôt courant à Asshaï-lès-l'Ombre. Mais la tienne n’était autre que la Caresseuse aux Doigts Du Démon. On disait qu’elle pouvait faire jouir n’importe qui jusqu'à la mort. Lorsqu’elle est devenue la Perle Noire de Braavos, elle a été affranchie par un noble de Westeros, plus personne ne l’a revue depuis.

Jon devina rapidement que le noble en question était Rhaegar, et qu’il l’avait libérée de la maison des courtisanes. Il garda donc le silence. Le vent changea, et une brise matinale vint souffler sur les monticules enflammés, faisant entrer de la fumée noire dans l’enceinte.

— Mille morts, et pour rien, déclara Jon. Quel gâchis de vies humaines.

— Ces tribus des steppes n’apprendront jamais, fit remarquer Daario. Elles attaquent en masse, en espérant nous submerger. Elles ne connaissent que cette manière-là de se battre. Il n’y a pas de réelle organisation, pas d’officiers, et pas de structure de commandement bien définie. Leurs plans de bataille sont toujours les mêmes : « Voilà l’ennemi ; chargez-le pour voir ensuite ce qui se passe ». Comme tu dis, un gâchis.

— Qu’aurais-tu fait à la place de Drogo ?

Daario sourit et répondit d’une voix enjouée :

— Je me serais rendu et j’aurais prêté allégeance aux dragons noirs. Il ne peut pas gagner. Nous sommes invincibles. Et après l’attaque de cette nuit, ses hommes le sauront. Ils vont retourner chez eux et raconter partout à quel point nous sommes résistants et dangereux. Leur peur va se propager comme une peste.  

— Ces hommes n’ont peur de rien, répliqua Jon gravement. Drogo va tenter quelque chose pour maintenir son autorité sur les khals, et je pense qu’il prépare un mauvais coup.

— Qu’est ce qui te fait dire cela ? demanda Daario soudainement inquiet.

— De combien Drogo dispose d’hommes précisément ? demanda Jon en regardant le Tyroshi.

— Sans compter ceux d’aujourd’hui, quarante mille cavaliers.

— Cela fait combien de temps qu’on avance dans la mer Dothrak ?

— Des mois… je ne sais pas combien exactement… huit peut-être…

— Sept mois et quelques jours, précisa Jon de cette même voix lugubre. Et aucun signe du gros de leurs forces, seulement des troupes qui chargent et qui meurent facilement tuées par nos cohortes. Moi je pense qu’ils savent très bien où nous sommes et qu’ils attendent qu’on s’engouffre plus loin dans leurs territoires.

— C’n’est pas beau ce truc, je n’ai pas envie d’être encerclé par une armée de fous furieux à cheval.

— Moi non plus, ni Reinhard, le seul problème c’est que je n’ai aucune preuve pour étayer ma théorie. Je vois déjà les sous- officiers du Sanglant me rire au nez et me traiter d’idiot.

— Moi je te crois, d’exclama Daario. Tu as du flair pour repérer les ennuis. Ni moi ni les gars n’avons oublié la bataille des Champs Dorés, tu nous a tous sauvé la peau ce jour-là.

Les Champs Dorés furent un désastre pour les troupes Feunoyr. Après la chute de Ny Sar, les soldats de Volantis survivants avaient fui vers le lac de la Dague. Vingt compagnies de mercenaires, parmi lesquelles les Corbeaux Tornades, les avaient poursuivis. Ils les avaient rattrapés sur les plaines appelées les Champs Dorés.

Une journée entière de violents combats engendra de lourdes pertes dans les deux camps, sans toutefois qu’aucun véritable vainqueur n’apparaisse. Jon s’était senti mal à l’aise durant toute cette bataille, sans pour autant savoir pourquoi. Son malaise était allé grandissant avec la tombée de la nuit et les deux camps avaient battu en retraite de chaque côté du champ de bataille pour se regrouper. Des troupes Dothraki les avaient attaqués quelques heures plus tard.

La nuit noire ne posait aucun problème aux Dothraki, car ils avaient la réputation de combattre parfaitement dans l’obscurité. Ils parurent surgir de nulle part et se matérialisèrent au milieu des ténèbres comme un cauchemar qui aurait pris forme.

À la différence des troupes de Volantis, les Dothraki n’étaient alliés à aucun des deux camps dans la guerre. Les cavaliers frappèrent indifféremment les rangs des deux armées, dans le seul but de tirer profit de leurs meurtres.

Ce fut un massacre, et Jon s’était trouvé au milieu du carnage et parvenait encore à peine à comprendre ce qui s’était passé. L’attaque avait pris les Corbeaux Tornades, comme toutes les autres compagnies, par surprise. Lorsque le soleil se leva sur les Champs Dorés, la moitié des mercenaires étaient déjà tombés. Mais Jon réussit à sauver le reste en se frayant un chemin à l’épée, mais il perdit un grand nombre de camarades dans sa retraite... Des camarades qu’il aurait pu sauver s’il avait prêté davantage attention à son instinct. Et il s’était juré de ne jamais plus laisser les Corbeaux Tornades subir un tel sort.

Volantis et les Dothraki finirent par payer un prix exorbitant en représailles. Des renforts furent envoyés de Tyrosh, avec cette fois Jon Reinhard aux commandes. Les Feunoyr obtinrent la victoire au moins d’une semaine et la cité Volantis jadis si fière fut saccagée et complètement rasée. Les Dothraki se replièrent mais Reinhard les poursuivit avec sa cavalerie et les massacra tous jusqu’au dernier sans faire de prisonniers.

— Ce ne sera pas un nouveau champ doré, promit Jon en regardant Daario dans les yeux. As-tu envoyé des éclaireurs quelque part ?

— Oui-da, mais ils ne sont toujours pas revenus.

Jon opina du chef, puis descendit des remparts au courant et sauta sur son cheval. Son instinct lui criait de se dépêcher avant que les éclaireurs ne se fassent tuer.


*

Moréas de Ghis allait mourir. Cela ne faisait aucun doute. Et cela l’énervait au plus haut point, pour deux raisons. Premièrement, c’était encore une escarmouche et pas une glorieuse bataille. Deuxièmement, Jon Snow l’avait mis en garde contre les attaques irréfléchies. Il abattit son sabre de cavalerie sur la tête d’un ennemi qui se ruait sur lui et enjamba le cadavre de son cheval. Il essayait de se créer un espace suffisant pour se battre. Une lance transperça sa chemise, lui éraflant l’épaule. Un homme courait vers lui, brandissant une épée. Moréas para l’attaque sauvage, vint au contact, et asséna un coup de tête au guerrier, qui tituba en arrière, à moitié aveuglé.

Le soleil brillait dans le ciel azur, et une brise fraîche soufflait sur l’endroit, apportant au passage cette douce odeur d’herbe. Moréas prit une profonde inspiration. Ah, que la vie est belle, pensa-t-il. Au moins, les Dothrakis comprenaient les concepts d’honneur martial, et l’attaquaient un à la fois, pour tester son courage et le leur. Un autre homme se rua sur lui. Moréas fit un bond dans les airs, et mit un coup de pied dans la poitrine de l’homme qui fut projeté à la renverse. Un deuxième épéiste fondait sur lui par la gauche. Moréas bloqua l’attaquant avec son bouclier, et riposta d’un coup cinglant. Le dothraki se jeta en arrière pour esquiver et, se prenant le pied dans la jambe du cheval mort de Moréas, il tomba par terre.

L’énervement de Moréas disparaissait petit à petit. Sa charge n’avait pas été aussi irréfléchie que ça. Il avait mené trente cavaliers des Corbeaux Tornade à l’attaque d’un petit groupe de guerriers à pied. Ce n’était qu’après qu’il avait réalisé que ce groupe faisait en fait partie d’une troupe beaucoup plus importante qui était cachée dans les collines. Au moins une centaine de Dothraki avaient jailli des arbres, poussant des cris de guerre qui avaient effrayé les chevaux. Moréas avait sonné la retraite avec son cor. Ses hommes avaient aussitôt tourné bride et rompu le combat. C’est là que la malchance avait frappé. Une flèche avait transpercé la poitrine du cheval de Moréas. Le chef éclaireur s’était dégagé du cadavre de sa monture et avait dégainé son épée en voyant qu’une douzaine de guerriers fonçaient sur lui.

— Je vais tous vous crever, fils de putes ! leur cria-t-il.

Les Dothraki l’entouraient, cherchant à l’épuiser.

Moréas entendit un martèlement de sabots. Il para un coup de taille et colla son poing dans le visage d’un homme avec un couteau, qui partit à la renverse. Alors seulement il risqua un coup d’œil sur sa gauche.

Une vingtaine de cavaliers se dirigeaient vers lui dans un vacarme assourdissant, dispersant ses ennemis. Sur la monture de tête, Jon Snow lui tendait le bras gauche. Moréas courut à toutes jambes attraper le poignet du jeune homme et se hissa en selle derrière lui. Jon tourna bride, ses flancs protégés par les autres cavaliers, et s’en alla au galop, poursuivi par des Dothraki.

L’un des hommes de Moréas chevaucha à sa hauteur en tirant un deuxième cheval. Moréas sauta dessus et poussa un cri de soulagement en faisant tournoyer son épée au-dessus de sa tête. Ce qui fit rire Jon. Quarante cavaliers supplémentaires les rejoignirent. Avec maintenant près de soixante-dix hommes, Moréas mena une seconde charge.

Les Dothrakis abandonnèrent le terrain et s’enfuirent dans les collines. Moréas en tua deux avant de venir au trot rejoindre Jon qui laissait reposer sa monture, un hongre marronnier de seize mains de haut.

— Je te remercie, Westrien, lui dit Moréas. Je m’étais résigné à boire à la table des dieux. Aiya ! Qu’il est bon d’être en vie.

— Je crois me souvenir, fit Jon en venant placer sa monture au côté de celle de Moréas, que le Sanglant avait dit d’éviter tout conflit ouvert.

— Ah, c’est vrai. J’avais oublié.

Il souleva sa cotte de mailles et sortit un petit peigne d’une poche de son maillot de corps. Puis, minutieusement, il peignit sa moustache grise tombante.

— De quoi j’ai l’air ? s’enquit-il.

— Tu es très beau. Et maintenant, si nous allions chercher un signe de l’armée ennemie.

Moréas fit un pas en avant et posa la main sur l’épaule du jeune homme.

— Tu sais que tu es un peu trop sérieux, mon garçon. Cela ne fera pas l’ombre d’une différence que nous les trouvions ou non. C’est leur pays. Ils nous trouveront. Ils se battront, et ils mourront. L’armée du Dragon ne peut pas être vaincue.


Jon ne répondit rien, il sauta de son cheval et partit inspecter des traces un peu plus loin. Moréas le regarda partir. Il fit pivoter son cheval et partit rejoindre ses hommes qui l’attendaient. Son frère Belwas, un guerrier imposant avec une barbe noire, était nerveux, avec raison.

— Comment se fait-il que ce soit le Westrien qui ait mené les secours ? demanda-t-il à son frère.

Belwas haussa les épaules. Il ne voulait pas regarder Moréas dans les yeux.

— Je ne sais pas, frère. Il est venu et a simplement pris le contrôle.

Il se fendit soudain d’un large sourire.

— Mais ça s’est plutôt bien passé, non ?

Certains hommes éclatèrent de rire. Moréas les ignora.

— Je suis vivant. Alors, oui, ça s’est bien passé. Mais vu que manifestement j’étais perdu, c’est toi qui aurais dû garder le commandement. Tu aurais dû mener la charge.

— Je n’aime pas commander, répondit Belwas. Et puis, Grande-Griffe le fait mieux que moi.

— Il le fait mieux ? l’imita Moréas. Il n’est pas des nôtres. C’est un étranger.

Il se dévissa sur sa selle et désigna un autre cavalier en manteau noir.

— Pourquoi donc l’as-tu suivi, Daran ?

— Il nous a dit de le faire, répondit le mince rouquin. Tu ne voulais pas qu’on vienne te sauver, Moréas ?

—Evidemment que je le voulais, idiot. J’essaie juste de comprendre comment un Westrien a pu prendre le contrôle de mes éclaireurs.

— Ben, ça s’est passé comme l’a dit Belwas, reprit Daran, il est doué. Comme la semaine dernière lorsqu’il nous a empêchés de franchir cette rivière. C’était une embuscade. On allait se jeter en plein dedans.

Plusieurs hommes murmurèrent leur assentiment.

— Vous aimeriez peut-être que je lui confie le rôle de Belwas, les railla Moréas.

— Ce serait bien, fit Belwas.

— La ferme, frère. C’était de l’humour.

— Non, ce serait vraiment bien, confirma Daran. Je veux dire, j’aime bien Belwas, mais ce n’est pas franchement un meneur, non ?         

— Merci, Dar, dit Belwas.

— Ce n’était pas un compliment, espèce de débile, gronda Moréas.

Mais comme Jon s’approchait d’eux, le débat mourut.

— Aucun signe de l’ennemi, leur apprit-il. Et l’équipe de signalisation a déjà balisé le camp.

— Alors, c’est l’heure d’aller manger, déclara Belwas.

Jon monta sur son cheval et le mena à côté de celui de Moréas.

— Je ne crois pas que l’armée de Drogo soit venue aussi loin dans le nord. Je crois qu’ils ont fait demi-tour.

Moréas secoua la tête.

— Mais non, ils doivent se diriger vers les collines. Le sol y est rocailleux ; le Sanglant ne pourra pas y faire construire de forteresses.

— Si c’était le cas, alors j’aurais trouvé des traces. Quarante mille hommes ne peuvent pas marcher sans en laisser. La piste que nous suivons a été faite par la troupe que nous venons d’affronter. Ils voulaient nous faire croire que l’armée était en déroute. Moi, je pense que le gros de leurs troupes est en train de nous prendre à revers.

— Mais pourquoi donc ?

— Pour attaquer Reinhard en marche. La colonne sera étalée sur près de quinze kilomètres. Si Drogo frappe suffisamment vite et fort, il pourra diviser l’armée en deux, ou au moins détruire le train d’équipement et les réserves de nourriture.

Moréas réfléchit un instant. Cela paraissait logique.

— Que suggères-tu, s’enquit-il, conscient que ses hommes s’étaient rapprochés pour les écouter.

— Rassemble tous nos cavaliers et fais route vers le sud. Si une bataille éclate, Reinhard aura besoin de notre cavalerie.

— Une vraie bataille, fit Moréas. Voilà qui me plaît.

— Au sud, donc, dit Jon, mais pas trop vite. Les chevaux sont fatigués. Je vous rejoindrai.

Le Westrien s’éloigna du groupe et partit au trot en direction de l’ouest.

  

À cinquante et un ans, Samarro Saan était le plus expérimenté de tous les chefs mercenaires d’Essos. C’était un homme à l’imaginationplutôt limitée, mais dont le talent principal était d’obéir auxordres à la lettre, sans en dévier ni se plaindre. Cela faisaitmaintenant dix-neuf ans qu’il servait sous les ordres du Sanglant, dont cinq campagnes et deux guerres marines. En dix-neuf ans, iln’était rentré que huit fois à Tyrosh. Ce qui était du goût de sa jeune épouse, Dalia, dont le style de vie sybarite faisait les gorges chaudes de toute la cité. Personne n’avait parlé directement de ses infidélités au vieil homme grisonnant, qui était pourtant au courant ; c’était la raison pour laquelle il la prévenait longtemps à l’avance de ses rares visites afin qu’elle ait le temps de chasser ses amants et de préparer la maison pour son retour.

La plupart de ses officiers subalternes croyaient que Samarro nes’intéressait pas à Dalia, et qu’il ne l’avait épousée récemment quepour sceller une alliance entre deux maisons déjà puissantes. Cen’était pas le cas, mais il n’en parlait jamais.

Il était à présent entouré des sept cent cinquante hommes des Tridents de Qohor, qui surveillaient la signalisation du camp denuit. Trois autres compagnies mercenaires avaient prisleurs positions respectives au nord, à l’ouest et à l’est du site, et attendaient l’arrivée de la troisième troupe qui s’occuperait de creuser le fossé autour du périmètre. Un de ses subalternes, Cletus, un jeune homme brun, se tenait silencieusement aux côtés de Samarro.

— Tu as choisi un bon endroit, Cletus, lui dit le capitaine. Du fourrage en abondance, et une source non loin.

— Merci, capitaine.

— J’ai cru comprendre que tu retournais chez toi à la fin du mois ?

— Oui, capitaine.

— Aurais-tu l’obligeance de porter des plis pour moi ?

— J’en serais honoré, capitaine.

Saan ôta son heaume et en brossa la crête avec sa main.

— As-tu déjà rencontré ma femme ?

— Oui, capitaine. L’année dernière aux jeux de la reine. Je croisqu’un de vos chevaux a d’ailleurs gagné la Course royale cette année-là. Un gris, de mémoire.

— Callias, répondit le capitaine en se détendant un peu. Une belle bête. Un coeur de lion. D’après les dernières lettres que j’ai reçues, il a donné d’excellents poulains.

Son sourire disparut.

— Je veux que tu ailles voir Dalia et que tu lui dises que je ne pourrai pas rentrer cette année.

— A vos ordres, capitaine.

Samarro leva les yeux vers le jeune homme. Cletus ne le regardait pas et semblait mal à l’aise. Le capitaine soupira. Il connaissait la vérité, bien sûr. Tout le monde la connaissait.

— J’ai également un cadeau pour elle, un anneau que j’ai fait faire tout spécialement. Il a beaucoup de valeur. Pourrais-tu le lui donner ?

— Oui, capitaine. Je ferai en sorte qu’elle l’ait.

— Bien. Bien. Eh bien, tu as hâte de revoir Tyrosh, je présume ?

Il vit Cletus se détendre à son tour. Le jeune homme le regarda enfin dans les yeux et sourit.

— Oui, capitaine. Je vais me fiancer. Nous nous marierons pendant les fêtes du solstice d’hiver.

— Tu connais bien la fille ?

— Nous étions des amoureux d’enfance, capitaine. Nous nous sommes choisis.

— C’est la meilleure manière, paraît-il, répliqua Saan. Je vous souhaite tout le bonheur du monde.

Mais avant que Cletus ne puisse répondre, il vit un guerrier tout de noir vêtu descendre à cheval la colline à l’est.

— C’est celui qui s’appelle Jon Snow, déclara Cletus. Les Corbeaux Tornade le surnomment « Grande Griffe ». Ils croient qu’il a des pouvoirs mystiques quand il se bat.

— Il n’y a rien de mystique chez un bon guerrier, répondit Samarro. Un bras solide et un cœur vaillant. Et aussi un peu dechance si nécessaire.

Saan mit son heaume et attacha la boucle sous son menton. Le guerrier noir allait au triple galop, ce qui ne présageait rien de bon. Est-ce qu’ils allaient être attaqués ? Samarro espérait bien que non. Avec seulement trois mille hommes, il aurait du mal à contenir une armée barbare avant l’arrivée de la seconde compagnie.

Jon tira sur ses rênes en arrivant à la hauteur des officiers et mit pied à terre. Samarro regarda le jeune homme un moment dans les yeux ; puis il baissa latête et découvrit les taches de sang sur sa tunique et son pantalon.

— Où a eu lieu la bataille ? s’enquit-il.

— A deux kilomètres d’ici, environ, capitaine, mais ce n’était qu’une petite escarmouche.

— À quelle distance au nord se trouve l’armée dothraki ?

— Je ne crois pas qu’elle soit au nord. Nous avons été bernés. Seulement une petite troupe d’une centaine d’hommes se dirigeait vers le nord, pour créer une fausse piste. Je pense que Drogo a bifurqué vers l’est pour cacher son armée. Je pense également qu’il sortira de sa cachette aujourd’hui et attaquera le général Reinhard pendant qu’il est en mouvement.

— Tu penses que la totalité de l’armée dothraki se trouve derrière nous ?

— Exactement, capitaine. Près de quarante mille hommes.

— Mais tu pourrais te tromper ?

— Je pourrais me tromper sur l’heure de l’attaque, admit Jon, mais je sais que l’armée ne s’est pas enfuie par le nord. Je ne vois pas d’autre raison logique pour un tel subterfuge. Drogo projette une attaque surprise contre Reinhard.

Samarro réfléchit un moment.

— Il y aura un écran d’éclaireurs de chaque côté de la colonne. Il ne sera pas possible de prendre Reinhard au dépourvu.

— Un écran d’éclaireurs qui ont commis une bourde l’autre jour, intervint Cletus. Même s’ils arrivent à respecter les distances réglementaires – ce qui serait un petit miracle en soi – ils ne pourront offrir que quelques minutes à Reinhard pour organiser ses défenses.

— Il aura deux armées à ses côtés, et une troisième à peine à une heure de marche derrière lui, rétorqua Saan.

Il reporta son attention sur Jon.

— Où est Moréas ?

— Je l’ai envoyé rassembler ses forces pour qu’il fasse route en direction du sud. Nous sommes éparpillés, mais selon l’endroit où aura lieu la bataille, je pense que nous pourrons réunir près d’un millier de cavaliers.

— Tout cela est très bien si tu as raison, jeune homme. Dans le cas contraire, tu laisseras mon armée sans écran de cavalerie pour la protéger ; une proie facile pour une armée ennemie. Y as-tu pensé ?

— Il n’y a pas d’armée face à toi, capitaine, affirma Jon. J’en suis sûr et certain. En fait, tu n’as que deux possibilités. Soit tu finis la forteresse, soit tu te mets en marche à la rescousse du Sanglant. Ton choix t’appartient. Mais moi, je vais au sud.

Sur ce, le guerrier sauta en selle, tourna bride, et lança sa monture au galop.

— Qu’en penses-tu, capitaine ? s’enquit Cletus.

— Il a l’air d’être un jeune homme compétent. Et s’il a raison, Reinhard sera bientôt en péril.

— Que devons-nous faire ?

Samarro ignora la question et s’éloigna. On lui avait donné l’ordre de protéger le site et d’attendre l’arrivée de la prochaine troupe puis celle de Reinhard.

S’il se mettait en marche avec ses hommes et que le jeune guerrier s’était trompé, il serait la risée de toute l’armée.

Mais si Jon Snow avait raison…










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