Survivre à Gantz

Chapitre 5 : Orchestre mortel

4684 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/06/2020 20:16

Les instants qui suivirent ne furent que cris, désorganisation et cacophonie d'instruments de musique. Nous fîmes feu de toutes parts mais les attaques d'énergies de nos armes se brisaient sur les ondes de choc des musiciens aliens. Pourtant je remarquais rapidement quelque chose, les ondes de choc continuaient de nous frapper même après avoir été touchée par le feu de nos propres armes...hormis la mienne. A chaque onde de choc que l'on m'envoyait j'essayais de riposter avec un tir. Les deux attaques s'entrechoquaient en plein air, provoquant une légère explosion. Au début je ne comprenais pas pourquoi, jusqu'à ce que je réalise que j'étais le seul à utiliser un fusil. Les trois autres portaient des petites armes qui formaient un X lorsqu'elles faisaient feu. La mienne était certainement plus puissante et capable de percer leurs attaques. Il me vint alors une idée.


- On y arrivera pas comme ça, concentrons tous nos tirs sur une même cible !

- Lui, le gars au triangle, dit aussitôt la fille trop maquillée.


Le petit alien s'était dangereusement avancé vers nous et fit soudainement tinter son instrument avec une lueur perfide dans les yeux. La fille qui nous alerta et moi même fîmes feu en même temps. Encore une fois nos attaques ne firent que briser celle de notre adversaire sans pour autant l'atteindre lui. Mais la fille potelée nous rejoignit aussitôt et nous attaquâmes l'alien tous les trois tandis qu'il faisait teinter furieusement son triangle. Dans une explosion violente, son onde de choc se brisa et il resta quelques instants immobile. Puis sa tête enfla d'un seul coup avant d'exploser.


- Encore trois, dis-je pour motiver les troupes.


Mais les filles ne me suivirent pas tout de suite, horrifiées par la vue du corps de l'alien et de ce qu'elles venaient de faire. Certes ils n'avaient rien d'humain mais il était difficile de se dire que l'on venait d'ôter la vie à quelque chose. A ma grande surprise, même si je n'avais techniquement pas tué d'alien avant ceci, je trouvais la tâche plus aisée que prévue. Certainement parce que Lucie et Roman m'avait mentalement préparé...ou peut-être tout simplement parce que j'avais déjà vécu une telle situation.


- Où est M. Favard, demanda la fille potelée dont la voix semblait drôlement nouée.


Je regardais autour de moi, le professeur n'était plus là...ni les trois autres aliens. La potelée retint se mit à hoqueter bruyamment avant de vomir sur le sol. Je ne la blâmais pas, j'en avais fait autant la première fois. Puis nous entendîmes le son des autres instruments retentir de l'autre côté de l'empilement de meubles et de cartons. Sans nous en rendre compte on s'était séparé et le prof s'était certainement retrouvé isolé avec les trois autres monstres.


- Il faut se dépêcher, cria presque la trop maquillée.


Sous mes yeux, elle se mit à escalader la pile de meubles tout en tirant son amie avec elle. Autant la potelée n'était pas très réactive, autant celle ci avait pris très rapidement le coup. Elle était effrayée mais aussi parfaitement déterminée à s'en sortir. J'étais un peu admiratif, car elle montrait bien plus de capacités à survivre que moi même lors de la précédente mission. Entraîné par son élan, j'escaladais aussi les meubles pour me retrouver finalement face à une scène des plus inquiétantes. Le prof était au sol, tremblant de tout son être, faisant feu sur les trois créatures qui se tenaient à moins d'un mètre de lui. A chaque tir, les aliens répondaient avec une vibration de leurs instruments et l'on pouvait voir les ondes de chocs frapper le pauvre homme encore et encore. Celui ci nous remarqua par dessus le tas de déchets.


- Aidez moi !


On sentait le poids de la peur et de la tristesse dans sa voix. Mais, à ma grande frayeur, je vis un liquide commencer à s'échapper de sa combinaison.


- Non, criais-je.


Je fit aussitôt feu sur l'alien au violon qui me tournait parfaitement le dos, incitant les deux filles à faire la même chose. Mais malheureusement pour nous, elles ne furent pas aussi rapides que moi. L'alien au violon mourut grâce à mon attaque mais les deux autres comprirent aussitôt que nous étions de retour. Celui au maracas se tourna vers nous et se mit à jouer de plus belle, je tirais pour contrer son onde de choc. Les filles se ressaisirent, et tirèrent elles aussi. Malheureusement nos attaques n'étaient pas synchronisées contrairement à la fois précédente. Nous bloquâmes son attaque sans pour autant l'atteindre lui. Par conséquent, nous perdîmes du temps, un temps précieux, car la vie du professeur était en jeu. Nos efforts furent vains car l'alien à la flûte continuait de son coté d'envoyer des ondes de chocs sur le professeur, et à entendre les cris de ce dernier, la sensation devait être très différente une fois l'armure inactive. Le professeur était cloué au sol, pris de violentes convulsions à chaque fois qu'une onde le touchait. Il poussa un dernier cri horrible, très aiguë, comme si il était déchiré par une douleur insoutenable. La panique nous gagna soudainement, tant et si bien que nos attaques furent complètement désorganisées et que l'alien au maracas réussit à nous atteindre avec une onde. Alors que nous tombions sous le choc et dégringolions le long du tas de meubles, je vis le professeur être parcouru d'un dernier spasme violent avant de se retrouver immobile.


Un silence troublant s'installa tandis que nous retrouvions nos esprits. Je relevais la tête pour voir que les deux filles étaient tombées d'un côté, et se retrouvaient face à celui au maracas tandis que le joueur de flûte s'approchait de moi. Dans la folie de ce dernier assaut, j'en avais perdu mon arme et je savais que je n'aurais pas le temps de la retrouver avant qu'il m'attaque. Pourtant, il se posa devant moi et joua une première note. Ce fut comme un véritable coup de poing, à croire que leurs ondes gagnaient en puissance au fur et à mesure qu'ils jouaient. Puis il joua encore une fois, me frappant à nouveau. A entendre les cris de mes partenaires féminines, celui au maracas devait leur faire subir le même sort. J'entendis comme une légère alarme, et comprenais aussitôt qu'elle venait de ma combinaison. Que se passait-il ? Est-ce qu'elle était en train de flancher ? Non, ce n'était pas le moment ! Je ne pouvais pas crever, pas moi ! Je voulais rentrer, je voulais survivre. Je me relevais d'un seul coup, puisant dans les atouts de la combinaison, sentant mes forces décuplées. Dans un élan de peur mêlée de colère et n'écoutant que mon instinct de survie, j'attrapais le petit alien à la gorge. Il suffoqua presque aussitôt, incapable de souffler dans son horrible instrument. Mais je devais en être sûr, je devais faire en sorte qu'il ne s'attaque plus à moi. Concentrant toute la force à ma disposition, je renforçais ma poigne sur sa gorge, sentant mes doigts s'enfoncer dans sa peau et, d'un mouvement brutal, lui arrachait d'un seul coup. L'alien tomba à mes pieds, les yeux éteints, un trou béant là où se trouvait son cou quelques instants plus tôt. Je contemplais ma victime, heureux d'être encore en vie...jetant avec mépris le morceau de chair que je tenais à la main. Mais je n'avais pas remarqué que le dernier s'était tourné vers moi lorsque son acolyte avait cessé de jouer. Il secoua ses maracas et me frappa de plein fouet. Je tombais de nouveau au sol, totalement sonné par le cou. Puis mes craintes se confirmèrent, le liquide s'échappa de ma combinaison et je pus sentir que quelque chose n'allait pas. Cet étrange vêtement qui jusque là agissait sur mon physique, qui me rendait naturellement plus rapide, plus réactif et plus fort...n'était maintenant plus que du tissu. Il se posa devant moi, ce petit alien...a regarder simplement sa taille et son allure il n'avait rien d'impressionnant...mais il lui suffisait de secouer ses instruments pour en finir avec moi.


- Au secours...


Je n'avais pu formuler que ces deux mots, et pas plus fort qu'un simple murmure. Il leva les bras, d'un air victorieux devant moi, prêt à les abaisser et secouer ses maracas...puis sa tête explosa. Derrière lui, la fille potelée avait été la plus rapide à se relever et à l'attaquer tandis qu'il leur tournait le dos. Nous restâmes ainsi, tous les trois à nous regarder, dans le plus grand silence. Puis les deux filles s'approchèrent du professeur. La maquillée posa alors ses doigts sur son cou, certainement pour lui trouver un pouls. Mais à voir son expression attristée, il était bel et bien mort. Ce fut au tour de la potelée d'aider son amie à se relever, bien qu'elles sanglotaient toutes les deux. J'étais moi même encore trop chamboulé par l'idée d'avoir de nouveau frôlé la mort. Je n'étais pas prêt. Je ne me rendais pas compte. Mais c'était bien comme l'avait dit Lucie et Roman, je risquais ma vie à chaque mission. Je pensais pouvoir le faire, mais j'en étais incapable.


- Venez, il faut aller aider les autres, dit la fille trop maquillée après avoir retrouvé un peu de courage.

- Je ne peux pas, dis-je simplement.

- Comment ça, me demanda la petite potelée, c'est toi le chef de groupe, sans toi on serait peut-être tous morts.

- Non vous ne comprenez pas, je ne peux plus me battre...


Je sentis des larmes rouler sur mes joues sans que je ne puisse les contrôler, la peur avait simplement raison de moi. Pourtant je me relevais, presque automatiquement, tentant d'éponger les larmes qui coulaient sur mon visage.


- Il faut que je vous explique, dis-je entre deux hoquets, nos combinaisons...

- J'ai vu celle de M. Favard faire un truc bizarre, m'interrompit la potelée, comme un liquide bizarre s'écoulant des sortes de boutons.

- Oui...ces combinaisons sont comme des armures, elles nous protègent, nous rendent plus forts...mais elles ont une limite, si elles prennent trop de dégâts je suppose. Quand ça arrive, ce liquide s'écoule et nous ne sommes plus protégés.


Me lancer dans cette explication me calma un petit peu mais je sentais encore de fines larmes couler. Mon corps tremblait, mais, d'une manière ou d'une autre, j'arrivais encore à garder le contrôle. Je pouvais peut-être encore y arriver, je pouvais peut-être éviter la mort.


- Mon armure est H.S elle aussi...j'ai pris trop de coups...je ne vais plus pouvoir me battre.

- Alors on passera devant, fit la maquillée, dans tous les cas il faut rejoindre les autres !

- Tes amis là, Lucie et Roman, ils savent ce qu'il se passe, comme toi non, ils pourront peut-être nous sortir de là, continua la potelée.


Lucie et Roman. Je les avais presque oublié, mais les deux filles avaient raison. Le couple était bien plus expérimentés que je ne l'étais. Si on les rejoignait et qu'on se battait tous ensemble, nous avions une chance de nous en sortir...non, on allait s'en sortir. Je rassemblais ce qui me restait d'espoir et de courage et récupérais mon arme qui était tombée un peu plus loin.


- Passez devant, on retourne dans l'autre salle. Si un autre se pointe, n'oubliez pas de tirer en même temps pour briser leurs attaques et pouvoir les toucher, annonçais-je.


Je me donnais encore des allures de leader mais au fond de moi j'espérais juste qu'elles me protégeraient...et que si elles devaient mourir, j'en profiterais pour fuir, peut-être même pour achever notre assaillant. Et le pire dans tout ça, même en réalisant la noirceur de mes pensées, je ne me sentais pas coupable de quoi que ce soit. Même la plus ignoble des idées trouvait en moi un écho favorable si je pouvais la justifier en pensant simplement que j'allais tout faire pour survivre. Tandis que je remuais ces ténèbres dans mon esprit, nous retournâmes dans la grande salle principale mais les autres n'étaient pas là. Nous regardâmes de part et d'autre jusqu'à ce qu'une voix nous fasse sursauter.


- Vous êtes là, vous allez bien ? Que s'est-il passé de votre côté ?


Je me tournais et vit aussitôt Roman venir vers nous, sa combinaison avait manifestement été éclaboussée par du sang alien. Derrière lui vint Lucie, puis John, tenant Déborah par les épaules. Ils étaient tous en vie, mais à les voir, essoufflés et tachés de sang, ils en avaient bavé eux aussi. De façon très égoïste et légèrement paniqué, je m'avançais aussitôt vers Roman.


- Ma combi est foutue !


Il me regarda un instant, surpris. Puis il regarda les deux filles qui se rapprochèrent aussitôt de John et Déborah. La maquillée lui dit alors.


- M. Favard est mort...

- Je vois, dit simplement Roman.


Je comprenais que la mort de l'un d'entre nous était grave...mais il n'était plus là et j'étais en danger. Gantz ne nous téléportait pas donc il devait encore y avoir un ennemi dans le coin. On ne pouvait plus rien faire pour le professeur mais j'étais toujours la, et je ne voulais pas mourir.


- La combinaison de Déborah est foutue elle aussi, mais on a réussi à battre tous les aliens de notre coté, il ne doit plus rester que le boss, commenta Lucie.

- Les filles, Lucie et moi, on va le chercher et on va l'avoir, continua Roman, John, tu vas devoir nous aider, on va laisser Alessio et Déborah en retrait.

- Mais son armure est cassée, il ne pourra pas la protéger, rétorqua John.

- Et on risque de tous mourir si tu ne viens pas nous aider, dit Lucie, à cinq on pourra se battre et les protéger en même temps, on doit travailler en équipe !


Il pesta un instant avant de rejoindre le groupe des combattants tandis que je me traînais vers Déborah. En passant à côté de lui il m'attrapa par le bras avec une certaine force...à croire qu'il utilisait les capacités de la combinaison contre moi. Il murmura alors à mon oreille.


- Protèges là...je t'en pries...


Mais à ma grande surprise, ce fut certainement la chose la plus douce qu'il m'avait dit jusque là. Lui qui jusque là n'avait été qu'une grosse boule d'agressivité semblait bien plus fragile. Je ne savais quoi penser de ce revirement d'attitude. Il reprit son chemin vers le groupe de combattant. Déborah m'attendait en retrait, non loin du grand bar. Je n'étais pas tranquille, peu m'importait en cet instant qu'elle fut mon amie, peu m'importait qu'elle soit aussi belle. Tout ce qui m'importait c'est que ma combinaison ne fonctionnerait plus et qu'à la moindre attaque j'étais bon pour une mort définitive.


- Tes amis sont incroyables, me dit soudainement Déborah me tirant au passage de mes pensées.

- Hein...

- Lucie et Roman, ils sont très forts...

- Ce ne sont pas mes amis, ils étaient juste là avant moi et m'ont expliqué ce qu'il se passait.

- Ah...et bien heureusement qu'ils sont là. Cinq des ces choses nous ont attaqué à l'étage. Sans eux je ne sais pas si je serais encore là...

- Toi et moi on doit encore continuer à faire attention, il doit certainement en rester dans le coin sinon on serait déjà de retour dans l'appartement avec la sphère.


Et Dieu que j'aurais préféré m'y retrouver de suite plutôt qu'à devoir l'écouter. Mon visage et mon attitude devait refléter mes pensées car elle fut soudain silencieuse. Je m'adossais contre le bar, mon fusil prêt à faire feu, regardant comme un dément de tous les côtés. J'entendais Lucie et Roman expliquer leur stratégie au petit groupe pour l'assaut final. D'après le peu que je captais, ou que je daignais écouter, ils avaient eux aussi compris que les armes pouvaient neutraliser les ondes de chocs.


- C'est John qui a remarqué que les ondes ne nous touchaient pas quand on tirait dessus, dit soudainement Déborah.


Je la regardais un instant, sans rien dire. Et alors, il n'y avait pas de quoi être extasiée, moi aussi j'avais compris le truc très rapidement.


- Il en a eu deux à lui tout seul...je n'ai rien pu faire, à part devenir un poids mort.

- Moi aussi j'en ai eu deux, et il n'y a pas de quoi se vanter...ces créatures sont dangereuses tu comprends ça au moins ? Toi et moi, avec nos combinaisons tout juste bonnes à être foutues à la poubelle on va mourir si on se fait attaquer !


Je lui avais répondit méchamment, sans le moindre tact. Une fille avec qui j'avais eu tant de conversations géniales autrefois. Une fille qui avait réussi à prendre mon cœur et à le briser. Une fille pour qui, fut une époque, j'aurais tout fait. Je venais de lui répondre comme si elle n'était rien, comme si elle me gonflait, comme si elle n'était qu'une idiote ne comprenant rien à rien. Elle ne me répondit pas mais je vis son visage se figer en une expression colérique envers moi. Parfait, elle pouvait faire la gueule, tant que je restais en vie, tout m'allait.


Quelques instants passèrent, le groupe encore capable de se battre inspectait les lieux sans succès...le temps défilait toujours. Je n'avais pas le compteur sous les yeux mais à vue de nez j'aurais dit que presque une heure s'était écoulée. Où étaient passés les autres monstres ? Plus le temps passait, plus j'avais l'impression de voir les petits aliens dans les coins sombres de la discothèque abandonné, me regardant d'un air vicieux prêt à jouer d'un instrument quelconque. Je paniquais de plus en plus alors qu'il ne se passait rien. J'étais dans un tel état de nerf que je sursautais violemment lorsqu'une musique se fit entendre. Quelque part, quelqu'un jouait d'un instrument étrange provoquant un tintement métallique, un rythme lent et inconnu, mais contrairement aux aliens qui, jusque là, n'avait fait que jouer quelques notes pour attaquer, celui ci jouait vraiment un morceau. Les autres se rassemblèrent au centre de la pièce, prêt à faire feu. Nous savions tous ici qu'entendre de la musique n'était pas bon signe. Pourtant aucune onde de choc ne vint vers nous. Mais enfin, sur la scène, il apparut, sortant certainement d'une coulisse, le dernier, le boss. Il avait une taille plus humaine mais était difforme. Lui aussi portait un costume à l'ancienne, mais mixée avec des éléments plus récents et gothiques, telle que des grosses bottes en cuir, un long manteau noir et il portait une épaisse chaîne en bandoulière. Concernant sa difformité, il avait des jambes très courtes, mais qui semblaient robustes. Il avait un corps énorme et particulièrement musclé, ainsi que des bras aussi épais que mes cuisses rassemblées. Le pire était certainement sa tête, il avait les dents de devant si longue que l'on aurait dit un castor et son menton était tellement fendu qu'il commençait à la base de ses lèvres pour se finir en deux bosses épaisses. Il jouait d'une guitare comme je n'en avais jamais vu. Elle était très grande, au moins aussi grande qu'une contrebasse et semblait lourde. Dans le noir je ne voyais pas très bien de quoi elle était faîte mais j'étais prêt à parier que c'était du fer...cela expliquerait au moins le son étrange de l’instrument. Une fois sur la scène, il salua le groupe comme l'aurait fait un véritable artiste mais avant qu'il ne puisse jouer.


- Feu, dit Roman.


Lucie, Roman, John et les deux filles tirèrent tous en même temps alors que l'alien n'avait encore rien fait. Tant mieux, il fallait en finir au plus vite. Mais l'alien donna presque aussitôt un coup sur les cordes de sa guitare et provoqua une onde de choc pour répondre aux attaques. Et celle ci n'avait rien à voir, elle était bien plus grosse, bien plus compacte et surtout bien plus rapide. Bien qu'ils aient tous tirés en même temps, leurs attaques se brisèrent sur l'onde envoyée par le monstre qui se propagea aussitôt vers eux. En un instant je vis le groupe entier être soufflé comme des fétus de paille et être propulsés à divers endroits de la pièce. Puis l'onde vers vers nous, du coin de l'oeil je vis Déborah sauter derrière le bar. J'en fis aussitôt de même, espérant que la structure massive serait suffisante pour nous protéger. L'onde finit par nous atteindre avec tant de force que nous sentions aussitôt la large structure trembler sur sa basse. Les bouteilles restantes explosèrent et toutes les étagères tombèrent purement et simplement. Pire encore, d'horribles craquements traversèrent la bâtiment entier, comme si il était sur le point de s'écrouler. Je n'osais pas me relever de ma cachette, littéralement prostré, dos contre le bar, mon arme au sol et les mains sur la tête. J'étais convaincu que nous allions tous mourir. J'entendis les cris des deux filles mais comme si elles étaient très loin de nous. Elle disait que leurs combinaisons étaient foutues...elles étaient mortes. Lucie cria à tout le monde de se mettre à l'abri, Déborah s'était relevée et appela les filles pour qu'elles nous rejoignent. Puis j'entendis de nouveau l'alien faire vibrer le son de sa guitare et me mit à trembler, attendant le nouveau choc. Tout ne fut plus que bruit, les craquements de la bâtisse furent plus nombreux, le bar commençait à partir en morceaux. Déborah se releva encore une fois cette seconde attaque passée et cria d'effroi en hurlant les prénoms des deux filles...certainement mortes. Je ne savais pas ce qu'il se passait, je n'osais plus bouger, je ne pouvais plus bouger...pourtant je vis Déborah escalader le bar tandis que le monstre grattait une nouvelle fois sa guitare. L'onde de choc frappa encore toute la pièce et l'un de piliers servant de support au balcon de l'étage se brisa. Le bar explosa en morceau et je sentis une douleur forte me traverser le ventre. Puis le calme revint.


J'étais au sol, sentant déjà du sang couler de mon ventre. Je m'extirpais comme je pouvais des décombres et découvrait avec effroi qu'un épais morceau de bois m'avait traversé l'abdomen et que je saignais abondamment. Puis là, devant moi, une vision tout aussi horrible. Je vis le corps de Déborah. Dans sa veine tentative de venir en aide à ses amies, elle avait été frappée de plein fouet par la dernière attaque du monstre. Son visage, dans sa mort, s'était figé dans une expression grotesque, les yeux révulsés, la bouche entrouverte et la langue pendante. Du sang coulait de sa bouche, de ses narines et de ses yeux...mais le pire restait son crâne, largement fendu d'où s'échappait une substance gluante de cervelle mêlée de sang. Je ne pouvais plus crier, mais la peur additionnée à cette vue cauchemardesque me fit aussitôt vomir. Cette réaction contracta mon abdomen, se resserrant sur le morceau de bois qui m'empalait, décuplant la douleur. Elle fut telle que j'en perdis presque connaissance. Je criais, et je pleurais, rampant lamentablement jusqu'à mon arme...car mon instinct de survie, comme par miracle, était toujours présent, et je pouvais entendre l'alien s'avancer vers moi. J'attrapais le fusil et me couchais sur le dos. Il était juste là, à quelques mètres de moi...je ne voyais pas les autres. Je levais un instant mon arme vers lui, mais il continua à s'avancer, comme si je n'étais rien, comme si je ne représentais pas une menace...et alors je laissais tomber mon arme. Si j'avais pu me recroqueviller sur moi même je l'aurais fait. J'avais cependant perdu trop de sang et mes forces m'abandonnèrent. Je sombrais dans un état que j'avais déjà connu lorsque ce junky m'avait tiré dessus. Mais un rugissement me ramena soudainement au moment présent. C'était un cri à peine humain, absolument déchirant, empli de désespoir, de fureur et de tristesse.


Comme un éclair John s'abattit sur le monstre et se mit à le rouer de coup. Le sportif était hors de lui, il avait tout simplement perdu l'esprit. Mais il était efficace ! D'un seul coup il détruisit l'instrument du monstre grâce à sa force décuplée par la combinaison. Puis il se mit à boxer l'alien avec des gestes particulièrement professionnels, ne s'arrêtant pas, ne donnant aucun répit au monstre. Pourtant le monstre tentait de reculer et donna même quelques coups qui semblaient aussi dangereux que les ondes...mais rien n'y faisait, John était tout simplement trop fort. Il était hors de lui mais il frappait sans relâche, esquivait chaque attaque du monstre et contre attaquait encore et encore. Je vis Lucie et Roman courir vers nous, essoufflés mais observant la scène. Ils se placèrent de part et d'autre du monstre, prêt à faire feu si il reprenait le dessus sur John. Mais c'était le tomber de rideau pour l'artiste alien. Un dernier coup le fit tomber à genoux et un autre direct du droit fut si puissant qu'il percuta la tempe du monstre dont le crâne heurta violemment le sol. Puis...plus rien. Le monstre ne bougeait plus, John courut alors vers le cadavre de Déborah, et peu importe son apparence il la prit dans ses bras. Il était redevenu lui même, pleurant à chaudes larmes. A le voir ainsi, je pensais que je n'avais jamais vu quelqu'un d'aussi triste. On aurait dit une scène dramatique dans un film, un peu surjouée mais extrêmement poignante. Il l'aimait plus que tout. Sa rage, sa tristesse, sa colère, et même sa jalousie, autant de signe que John n'était pas un connard pathétique, mais quelqu'un qui aimait cette jeune femme certainement bien plus que quiconque, bien plus que moi je l'avais aimé autrefois. Je restais au sol sans bouger, sentant de nouveau ma vie s'en aller. Je pouvais bien partir...je n'étais qu'un salopard. Je n'avais pensé qu'à moi, j'avais mal jugé cette personne...j'étais faible et méprisable. Mais une main, toujours la même, celle de Roman, se posa sur mon épaule.


- Tiens le coup, le transfert commence.


J'eus beaucoup de peine à l'entendre entre ma propre conscience qui semblait flotter ailleurs et le son des pleurs déchirants de John. Pourtant bientôt ma vue se troubla, se reformant dans l'appartement familier.

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