Réinterprétation et autres histoires

Chapitre 5 : Deuxième partie,Amour ancien et Prélude aux enquêtes et aux histoires de famille

7511 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 25/02/2024 21:47

5.Amour ancien et Prélude aux enquêtes et aux histoires de famille


תּוֹרָה,Torah, שְׁמוֹת, Shemot signifie « Noms », 20,17 « וְלֹ֥א תַחְמֹ֖ד אֵ֣שֶׁת רֵעֶ֑ךָ »

Bible, Ex 20,17 « Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain »



Le lendemain matin, Mélinda informe son mari de la triste nouvelle de la mort de son frère. La jeune veuve qu’est Agathe Heymann-Clancy est inconsolable, à l’instar de Fabienne. Jim est très attristé, affecté, de la mort de son benjamin, ne cessant de vérifier trois fois par jour si la chevalière est bien sur son doigt et à s’accuser de sa mort.

La chuchoteuse d’esprits, consolant son mari, discerne son beau-frère dans un coin du salon, triste sourire aux lèvres. Elle lui demande d’une voix tremblante :

— Daniel, pourquoi es-tu encore parmi les vivants ? Est-ce pour se venger de ton meurtrier ?

— Exactement !

— Qui est-il ?

— Un homme plutôt petit, je pense un ancien prétendant psychopathe de mon épouse, vêtu d’une chemise blanche, d’un pantalon beige, aux cheveux brun foncé et aux yeux marron. Le plus étrange est sa possession au moment de me tuer… Lorsque je me suis retourné pour le détailler, j’ai remarqué que son âme est spectatrice des actions de son corps et qu’elle arbore un sourire malsain aux lèvres... Très perturbant à voir !

Et l'esprit s'évapore, laissant la chuchoteuse d'esprits effrayée. Elle tremble de peur à l'idée qu'un dangereux psychopathe assassin se promène impunément dans les rues de la ville et elle commence à pleurer à chaudes larmes, épouvantée à l'idée que son mari soit la prochaine cible. Jim rassure son épouse et l'aide dans les commissions, obtenant un congé au travail pour les funérailles de son frère.



Au même moment, Paul Eastman, suivi de Carl Neely, perquisitionne la maison de Boleslas Langowski. Aiden Clancy apparaît à la droite du chuchoteur d’esprits et l’avertit :

— Faites attention à l’esprit errant près de mon meurtrier !

Et il s’en va. Le policier chuchoteur d’esprits est très inquiet, mais avance prudemment dans la maison, la fouillant. En entrant dans la cuisine, il trouve le Polonais assis sur une chaise en bois, sa chemise déboutonnée, ses cheveux brun foncé en bataille, en train de boire de la vodka, accoudé sur la table en chêne, et un esprit errant d’un vieil homme dans le coin droit de la pièce, près du comptoir de cuisine gris. L’esprit, un élégant homme de soixante-dix ans vêtu d’un complet noir et d’une chemise blanche, portant au bout du nez des petites lunettes dorées qui agrémentent ses yeux sombres, lui donnant un air intellectuel et malin. Il passe sa main qui porte l’alliance dans ses cheveux sel et poivre, comme s'il réfléchissait à son prochain pas. Sourire faux au visage, il susurre avec un accent parisien très prononcé, voire caricatural :

— J'ai de la visite... Bonjour !

Les deux policiers, ignorant les propos de l'esprit errant, maîtrisent aisément le vivant. Avant d'interroger et de continuer leur enquête, Carl demande à l'entité invisible, très tendu :

— Monsieur, nous vous avons entendu, et mon collègue vous voit. Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?

Il se retourne à droite et à gauche dans la petite cuisine sobre.

— Intéressant ! Il y a des hommes qui ne sont pas sourds ! Ni aveugle ! Je me sentirai moins seul, ironise-t-il, se rapprochant de Carl Neely. ... Sinon, qui êtes-vous, agents de l'ordre, pour que je daigne répondre à vos questions ? Vous n'êtes pas dans un interrogatoire avec moi, les petits... J'ai bien vu maints hommes au cours de ma vie qui se croyaient plus malins que vous... Et ils se sont lourdement trompés !

Et l'esprit errant du mystérieux homme s'en va, laissant les deux policiers perplexes sur ses réelles intentions.

Boleslas Langowski est arrêté et interrogé. Le chuchoteur d'esprits, en arrivant dans une salle, forçant la porte pour y entrer, discerne l'Observateur Konstantin Pavlovich Tcherevitchenko l'attendre de l'autre côté de la porte et l'avertit :

— Faites attention, cette salle est trop sombre. N'ouvrez aucune boîte. L'arme assassine est dans cette salle, dans l'armoire à la porte de bois richement décorée d'arabesques étranges. Dans le premier tiroir du bureau qui trône au centre de la pièce, il y a une correspondance très intéressante... Bonne chance !

Et l'Observateur disparaît, laissant le vivant très intrigué, curieux et inquiet. La sombre salle a un air sinistre avec les rideaux rouge vermeil toujours tirés, un bureau qui trône en roi au milieu d'elle avec une chaise décorée dans le style rococo et un immense armoire vitré au fond de la salle. Armoire contenant des boîtes, bocaux et livres étranges qui reflète faiblement la lumière de la porte ouverte et un autre armoire à la droite, celui à la porte de bois. Paul Eastman se dirige, sans hésitation, vers l'armoire en bois et trouve l'arme assassine. Prenant un gant pour ne pas laisser son empreinte digitale sur la manche, il emballe l'objet pour l'apporter à la station de police et la soumettre à une analyse des experts. Le policier ordonne à son collègue d'amener Boleslas Langowski à la station pour un interrogatoire le temps qu'il termine de fouiller l'appartement. Lisant l'étrange correspondance, le chuchoteur d'esprits est très confus, ne comprenant pas les références embrouillées mentionnées. L'Observateur apparaît à sa droite et lui élucide le cas :

— Paul Eastman, cette correspondance est entre le vivant lui-même et cet esprit errant que vous avez vu.

— Qui est cet esprit errant ?

— Je ne vais pas encore vous révéler son identité, à vous de mener l'enquête pour le savoir, mais je vais vous donner un indice : il a été psychiatre de son vivant et a été surnommé « L'Ange de la Mort et de la Folie ». Il est l'entité qui a possédé Boleslas Langowski au moment du meurtre et qui possède aussi son fils, Robert, et Thomas Gordon, le juge de Grandeville qui travaille rarement à Reims.

Sur ces paroles énigmatiques, le Russe s'élève dans les airs, regagnant en un clin d'œil son poste d'observation dans la rue, laissant le vivant perplexe.


Après l'interrogatoire du meurtrier d'Aiden Clancy, Carl Neely revient à son bureau, se penchant sur le cas de l'assassinat de Daniel Clancy. Lui et Paul Eastman se rendent immédiatement sur le lieu du meurtre, cherchant le coupable. Le policier extraordinaire discerne l'Observateur qui lui murmure énigmatiquement :

— Le meurtrier du fils d'Aiden Clancy est le fils du meurtrier du père...

Et il disparaît.

— Donc, conclut Carl Neely, l'assassin est Robert Langowski.

— Exactement, collègue ! Perquisitionnons son appartement maintenant !

Les deux policiers forcent la porte de l'appartement du fils de Boleslas Langowski, une fois qu'ils ont obtenu le mandat nécessaire. Ils arrêtent Robert Langowski et, guidés par l'Observateur Russe, retrouvent l'arme et interrogent les voisins. Père et fils meurtriers seront traduits en justice pour homicide volontaire dans une semaine, à la plus grande joie du père et du frère défunts de Jim.



Au même moment, à Nice, Arthur Maisonnave, l'ancien petit-ami de la chuchoteuse d'esprits, toujours intrigué et obsédé par elle, se rend à la bibliothèque Louis Nucéra, recherchant des informations sur elle. Après plusieurs heures de recherches, il trouve qu'elle habite à Grandeville, mariée et propriétaire d'une boutique d'antiquités. Étonné, il achète un billet de train pour arriver à Reims.

Plus de huit heures plus tard, arrivé à la Gare de Reims, Arthur, traînant un bagage avec lui, remarque que son billet de train est tombé. Il traverse la rue, ne remarquant pas une voiture qui roule rapidement vers lui. Il est frappé à mort sur le coup. Son âme, qui s'élève dans les airs, constate la légèreté de ses mouvements et, tournant le regard vers son cadavre, comprend qu'il est défunt. Il murmure pour lui-même :

— Très bien ! Je verrai si Mélinda est sérieuse lorsqu'elle affirme posséder un don ! Je constaterai rapidement si elle ment ou non, mais je dois prendre mes précautions, au cas où c'est vrai.

Et il se dirige vers la maison du jeune couple, se cachant dans l'ombre pour que la chuchoteuse d'esprits ne le remarque pas, puis se rend dans sa boutique d'antiquités.

La jeune femme qui intéresse Arthur range des nouvelles acquisitions, alors qu'Andréa est au comptoir, s'occupant d'un client. Elle entend un murmure dans le coin droit de l'entrepôt. Se retournant, celle-ci discerne un esprit errant qui demeure tapi dans l'ombre, l'empêchant de le détailler et de le reconnaître correctement. Elle se racle la gorge et l'interroge :

— Monsieur, qui êtes-vous ? Déclinez-vous ? Expliquez-moi en quoi puis-je vous aider ?

— Je suis celui que tout le monde surnommait « L'Incrédule ». Veuillez informer mon épouse que je ne suis plus vivant.

— Qui est-elle et où vit-elle ?

— Elle se prénomme Diane et elle vit au 55 Boulevard Pasteur, à Nice.

Et il s'en va, laissant Mélinda très intriguée et perplexe. Elle note l'adresse et se promet qu'elle ira demain informer la pauvre femme. Elle termine de ranger des objets, salue son associée et revient chez elle. Après le repas commun avec son mari, la chuchoteuse d'esprits lui explique le cas du mystérieux esprit errant. Jim est très étonné que l'esprit ne lui mentionne pas son nom. Il commente :

— Cet esprit te cache certainement quelque chose, mais quoi ? Je ne saurai le dire. Bon ! Lavons la vaisselle, puis nous irons dormir.

Aussitôt dit, aussitôt fait, Mélinda part dans la salle de bain pour se laver. Derrière les rideaux, elle ne discerne pas la présence d'Arthur Maisonnave près de l'interrupteur. Il l'éteint, écrit sur le miroir embué « 29 septembre » et s'en va, avant que son ancienne petite-amie n'ait le temps de le voir. Elle commence à s'inquiéter, passe une serviette autour de la taille, rallume la lumière et lit l'étrange message sur le miroir. Elle appelle Jim, qui vient aussitôt, pour lui demander s'il comprend ce que signifie la date mentionnée. Ni l'un, ni l'autre ne saisit le sens du mystérieux jour. Perplexe, le couple s'endort inquiet. La nuit est tranquille, sans cauchemar.



Le lendemain, après le petit-déjeuner, Mélinda se rend à Nice à l'adresse mentionnée par le mystérieux esprit, très fébrile, inquiète et attristée d'informer la pauvre femme d'une si mauvaise nouvelle. Devant la porte d'entrée, elle prend une grande inspiration et frappe à la porte. Une femme, un peu plus jeune d'elle, mais à la silhouette et aux traits similaires aux siens, lui ouvre la porte. Les deux femmes sursautent devant leur similitude. La seule différence est la couleur des yeux, Mélinda a les yeux marron, Diane a les yeux brun avec une touche vert olive. Elles demeurent silencieuses pendant quelques secondes, les yeux agrandis d'étonnement.

— Qui êtes-vous, madame ? Que voulez-vous ? Pour quelle raison êtes-vous venue frapper à ma porte ? lui demande, intriguée, Diane.

— Je suis Mélinda Gordon-Clancy... Et... Je vous apporte de bien tristes nouvelles...

La mine de la première s'assombrit et l'interroge d'une voix tremblante :

— Quelles mauvaises nouvelles ? ... À propos de qui ?

— De votre mari...

— Ne me dites pas qu'il est mort...

Elle éclate en sanglots.

— Malheureusement... oui...

— Ma chérie, pourquoi pleures-tu ? interroge une harmonieuse voix masculine derrière le dos de Mélinda.

L'antiquaire se retourne et discerne un homme, bien vivant, grand et élégant, bienveillant, aux traits délicats, aux cheveux noirs et aux yeux brun foncé.

Diane accourt vers son mari, le nouvel arrivé, l'enlaçant pour être certaine qu'il soit bien vivant, lueur de soulagement dans le regard. Mélinda, confuse, murmure :

— Mes excuses, l'esprit errant doit être très confus alors...

— Attendez, madame, s'exclame Diane. Voulez-vous rentrer pour que vous me clarifiez cette histoire d'esprit errant ?

— Oui, aucun problème.

Une lueur de soulage se pointe dans les yeux de la chuchoteuse d'esprits. Une fois les deux femmes assises confortablement sur des fauteuils brun pâle l'une en face de l'autre séparées par une table basse en cerisier sur laquelle trône deux verres d'eau, Mélinda discerne, dans l'ombre du placard légèrement entr'ouvert, la même silhouette masculine de la veille. L'antiquaire explique le cas du mystérieux esprit, son surnom et la date écrite sur le miroir. Diane lui répond, après quelques minutes de réflexion, mine très confuse et perplexe :

— La date m'est absolument insignifiante, mais le surnom de cet homme ne m'est pas inconnu.

— Pouvez-vous développer votre idée ? Si ce n'est pas dérangeant...

— Aucun problème ! Il est question de mon ancien petit-ami, que j'ai surnommé, lors de nos disputes fréquentes, « L'Incrédule ».

Mélinda est très étonnée, prenant note et observant la forme tapie dans le noir qui se déplace un peu, mais qui ne se montre toujours pas.

L'esprit errant commente :

— Toujours aussi belle et charmante ! Tu me manques, ma chérie !

— Mais pourquoi ce surnom, si ce n'est pas indiscret ? lui demande-t-elle, ignorant le commentaire du défunt qui les espionne.

— Tout simplement parce qu'il ne croyait pas que je possède une capacité hors de l'ordinaire, celle d'avoir des visions du futur dans mes rêves et en état de veille. Parfois, c'est très perturbant et j'ignore à qui se rapporte les visions ! Mais mon mari, Jean, m'accepte et m'aime beaucoup. Je suis tellement contente de l'avoir comme mari et père de notre fille !

L'autre jeune femme sourit à la première, sincèrement ravie pour elle. Elle lui demande en murmurant :

— Si la question n'est pas indiscrète, comment s'appelait votre ancien petit-ami ?

Diane soupire et, moue de colère au visage, éructe :

— Cet idiot, qui ne cessait de me comparer à une autre femme, se nommait Arthur Maisonnave.

Au tour de Mélinda d'être étonnée, ce nom lui rappelle vaguement quelqu'un, mais qui ?

— Ne m'as-tu pas reconnu, Mélinda ? l'interroge l'esprit sortant enfin de la noirceur du placard pour être entre les deux femmes.

L'interpellée l'observe, ébahie.

— Ce type était mon ancien petit-ami le temps de mes études, s'exclame-t-elle, le reconnaissant à son apparence physique et à son visage qui n'ont pas trop changé malgré les années.

— Et c'est à vous qu'il me comparait toujours, s'offusque Diane, croisant ses bras en-dessous de la poitrine.

— Mes excuses... bredouille-t-elle, gênée. Je l'ignorais que c'est lui, se cachant dans l'ombre pour que je ne le reconnaisse pas.

— Ce n'est pas de votre faute, madame, mais dites-lui qu'il me laisse en paix. C'est fini entre nous depuis longtemps !

— Arthur Maisonnave peut vous entendre, il est encore dans cette pièce, précise-t-elle, regard tourné vers celui-ci qui s'est déplacé.

— Je le sais Diane, mais c'était pour rappeler à Mélinda mon existence. Elle est mienne et elle ne ment pas lorsqu'elle affirme voir les esprits errants... Comme toi avec tes visions, mais j'aimais plus Mélinda...

— Merci beaucoup madame de prendre votre temps pour une discussion, conclut la chuchoteuse d'esprits, ignorant le commentaire de son défunt ancien petit-ami.

— Je vous ai accepté uniquement parce que je vous aie vu dans une vision du futur, d'où mon étonnement en vous voyant devant ma porte, lui précise la voyante.

Les deux femmes se serrent la main et Diane raccompagne Mélinda vers la sortie. Celle-ci revient chez elle, très inquiète.


Au même moment, au bureau de Paul Eastman, celui-ci appelle Carl Neely et lui demande :

— Collègue ! Je sais que les recherches historiques et généalogiques sont ta spécialité, donc je voudrais que tu m'aides à trouver l'identité du mystérieux esprit errant qui possède Boleslas et Robert Langowski et Thomas Gordon. Un homme du passé, psychiatre de son vivant, surnommé « L'Ange de la Mort et de la Folie ». Un élégant homme marié de soixante-dix ans vêtu d’un complet noir et d’une chemise blanche, portant au bout du nez des petites lunettes dorées qui agrémentent ses yeux sombres. Il a des cheveux sel et poivre, faux sourire et parole mielleuse avec un accent parisien caricatural, presque forcé dirai-je.

— Intriguant, effectivement. Je ferai l'enquête, mais je vous dirai que la première association avec le surnom sera un psychiatre ou médecin actif lors de la Seconde Guerre mondiale. Josef Mengele, le très sombre médecin nazi trop connu, était surnommé « Todesengel », ou « L'Ange de la Mort » en français, donc la similitude des surnoms m'indique qu'ils peuvent être contemporains. Ce nazi est né au début des années 1900, 1911 si ma mémoire ne me fait pas défaut. Donc l'esprit errant peut être un homme né entre 1907 et 1912 pour pouvoir participer à la Seconde Guerre. Mais je ferai une enquête approfondie de mon côté et je me rendrai à votre bureau avec les dossiers.

— Excellent ! À bientôt, collègue. Mais surtout, soyez prudent !

— Pas de souci. Je suis toujours prudent !

Chacun raccroche leur téléphone, inquiet. Paul tambourine nerveusement le bord de son bureau, très angoissé à l'idée que le sordide esprit errant ne vienne à posséder quelqu'un et le pousse à tuer un autre innocent. Il observe minutieusement les photographies de sa famille qui trônent sur son bureau et les murs beiges, perdu dans ses pensées.

Soudain, Konstantin Pavlovich Tcherevitchenko se manifeste à la droite du siège du policier et l'informe :

— Ne sous-estimez pas la perfidie de cet esprit... Il a plus d'un tour dans sa poche... Surtout lorsqu'il peut s'allier avec l'ennemi de Mélinda, voire le posséder. Que Dieu protège cette jeune femme et son mari.

L'Observateur disparaît, laissant le vivant très tourmenté.


Au même moment, dans la maison de Gabriel Lawrence, le chuchoteur d'esprits continue à ranger des photographies de sa demi-sœur qu'il a pris ces derniers jours, l'espionnant au moindre pas depuis qu'il est conscient de son existence. Réfléchissant à ce qu'il pourra faire pour la nuire, il remarque l'âme de son père devant lui, l'observant froidement de ses yeux bleu glacial.

— Mon fils, chuchote Thomas Gordon, n'oublie pas mon conseil ! Et la meilleure idée est d'attaquer mon gendre. Tes amis esprits peuvent-ils t'aider, non ?

— Je pense qu'ils le peuvent.

— Je te conseillerai d'appeler Charlie, il saura t'aider !

— Merci, père.

L'âme de celui-ci rejoint son corps. Son fils adultérin invoque l'esprit errant demandé. Ce dernier arrive devant lui et lui demande :

— Pourquoi m'invoquer ? Qu'attendez-vous de moi ?

— Votre aide pour avertir une certaine Mélinda Gordon-Clancy...

— Une torture psychologique ?

Le prénommé Charlie a un sourire sardonique à sa question.

— Exactement... Même si ce n'était pas ma première idée.

— Ma préférée, murmure-t-il avec un sourire perfide aux lèvres, les yeux brillants d'une lueur de folie et se frottant les mains de joie.

Et le sombre esprit invoqué disparaît, aspiré par le souterrain pour épier Mélinda et Jim.



Le surlendemain matin, Mélinda informe son mari de l'esprit errant de son ancien petit-ami. Jim se renfrogne à l'idée qu'un autre ait connu sa femme avant lui, le laissant un peu à froid avec elle jusqu'à son départ pour le travail. Arrivé dans la salle d'attente avec ses autres collègues, Timothée et Robert, il entend le bruit d'une craie écrivant au tableau vert présent dans la salle. Tableau toujours rempli des scores des parties de cartes qui domine dans un coin de la salle aux murs blancs, apportant un peu de couleur à l'endroit. Jim lit le message, à savoir « N'approchez pas de ma femme ! Elle est mienne, ma Mélinda ! » Soudain, le message s'efface de lui-même, comme s'il n'avait jamais existé. L'ambulancier se frotte les yeux et ne sait trop comment interpréter ces menaces de l'ancien petit-ami de son épouse, mais il se promet qu'il fera tout pour protéger Mélinda de ce méchant esprit, même s'il est un peu désemparé devant la situation. Derrière lui, Charlie l'observe, sourire narquois et regard brillant, et essaie de le manipuler, avant de disparaître. Par son action, il sème un doute et une jalousie en l'esprit de Jim sur la fidélité de sa femme.


Un peu plus tard, en après-midi, Mélinda, laissant son associée s'occuper de la boutique, revient chez elle. En entrant, étonnée de constater un désordre dans le salon avec tous les vêtements, chemises, pantalons et chandails, de son mari dispersés sur les chaises, les canapés, la rampe, la télévision et le lit, la chuchoteuse d'esprits fulmine et éructe :

— Arthur Maisonnave, cessez de semer le désordre dans les vêtements de mon mari ! Vous ne pourrez jamais prendre sa place ! Vous ne m'avez pas cru à l'époque, vous m'avez blessé par vos mots ! Quel mari seriez-vous ? Jamais comme mon Jim ! Vous ne savez pas ce qu'est l'amour ! Cessez vos actions ! Jim demeure mon mari et vous ne pouvez rien changer à mon amour que je lui porte ni à l'amour qu'il me porte ! Partez dans la Lumière et acceptez que je ne suis pas votre épouse, que notre relation soit du passé !

Le défunt petit-ami lâche une chemise bleue de l'ambulancier, se matérialise devant la chuchoteuse d'esprits et lui affirme mielleusement :

— Mélinda, rappelles-toi de nos moments ensemble, des fleurs que je t'ai achetés, des rendez-vous galants improvisés, des desserts et viennoiseries surprises, de mes déclarations d'amour dans des lettres... Et tu oses douter de mon amour !

La jeune femme bouillonne de colère, serrant les poings derrière son dos, se rappelant qu'elle ne peut pas le frapper, et lui hurle :

— Il ne sert à rien de raviver les souvenirs d'antan, Arthur ! Je ne deviens pas nostalgique pour autant et je ne regrette aucunement mon mariage, s'énerve-t-elle. Vous avez raté votre moment ! Vos paroles ne font que m'irriter ! Éloignez-vous de moi !

— Mais Mélinda, tu es mienne ! Ne vois-tu pas à quel point je t'aime ?

L'esprit errant, main sur le cœur, regard suppliant et amoureux, s'approche de la jeune femme. Cette dernière est fortement irritée, fronçant les sourcils dans sa colère qui se lit dans ses sombres yeux, gardant une posture droite comme une bougie, vocifère :

— Arthur, pouvez-vous comprendre que je suis mariée depuis quelques mois déjà ? Pouvez-vous comprendre que je ne vous aime plus après votre réponse qui me montre que vous ne m'avez jamais accepté avec mon don singulier ? Mon mari, Jim, ne voit pas plus les esprits errants que vous, mais il m'a accepté telle que je suis, pour le meilleur et le pire. Éloignez-vous de moi et comprenez bien que je ne reviendrai jamais avec vous, même si vous avez été vivant.

Arthur l'observe, surpris, étonné. Il ne bouge pas, médusé par ces paroles.

— Oui, mais Mélinda...

— Non, le coupe abruptement l'antiquaire extraordinaire, vous n'avez plus rien à me dire. Alors laissez-moi tranquille avec mon mari et partez dans la Lumière.

— D'accord, mais Mélinda, je...

À ce moment la porte s'ouvre, laissant apparaître Jim dans le cadre, ravi. En voyant le désordre et sa femme fâchée, sa mine s'assombrit, il lui demande :

— Encore un esprit errant, Mél ?

L'interpellée, dont la colère est tombée en entendant la voix de son mari, lui répond gentiment :

— Exactement, Jim. Et ce n'est pas n'importe lequel... soupire-t-elle d'exaspération.

— Qui est-il ? l'interroge-t-il.

Tournant la tête à droite et à gauche, il constate le désordre et commente, fâché, yeux agrandis d'étonnement, bouche devenue un mince filet :

— Apparemment, cet esprit ne m'aime pas du tout !

— Très exactement, lui réplique Arthur avec amertume. Je vous hais même énormément ! Vous m'avez volé ma femme !

— Jim, tu as très bien deviné... Et Arthur, taisez-vous !

— Cet Arthur, est-ce l'ancien petit-ami ? interroge-t-il l'antiquaire avec une pointe de jalousie dans la voix.

— Jim, mon amour, tu n'as pas de raison d'être jaloux d'un défunt, souffle-t-elle, irritée.

— Rangeons le désordre, Mél, lui ordonne-t-il.

Arthur, fâché, s'en va, laissant Jim et Mélinda perplexes de la situation.

La chuchoteuse d'esprits n'apprécie pas du tout la volonté de son ancien petit-ami à s'en prendre à son mari. Ce dernier demeure à froid avec sa femme pendant toute la soirée, très mécontent qu'un esprit veuille le déloger de sa maison. Depuis quelques minutes déjà, Charlie est sur le chemin qui mène à la maison du couple, petit sourire aux lèvres, avant de s'effacer de l'endroit, content de son plan.

Le soir, alors que le couple dort, Charlie l'observe dans un coin et, s'approchant de Jim, lui murmure à l'oreille, agissant comme une subtile manipulation mentale :

— Jimmy, mon cher, ne vous est-il jamais venu à l'esprit que votre femme ne vous aime pas ? Qu'elle fantasme sur un autre homme ? Raison pour laquelle vous n'avez pas encore d'enfants malgré vos quatre mois et demi de mariage et votre grand désir, logique ? ... D'ailleurs, qu'est-ce qui vous dit que votre épouse ne regrette pas son mariage avec vous ? ... Qu'est-ce qui vous garantit qu'elle vous soit fidèle et qu'elle vous aime ? ... Réfléchissez bien sur ces considérations...

Et l'esprit disparaît sous la terre pour retrouver Arthur Maisonnave.


Celui-ci est assis sur un banc du parc avoisinant la boutique d'antiquités de Mélinda, ne sachant que faire, fixant le monument commémoratif des décédés lors de la Seconde Guerre mondiale au centre du parc. Le mystérieux Charlie l'encourage en ces termes :

— Arthur Maisonnave, n'abandonnez pas le jeu... Surtout que tous les avantages sont de votre côté maintenant... Le jeu en vaut la chandelle... Vous pouvez, lui énumère-t-il, aller où bon vous semble, déplacer des objets, laisser des messages, posséder des vivants, voire essayer de revivre en eux par ces possessions, et beaucoup d'autres possibilités insoupçonnées...

— Intéressant, mais qui êtes-vous pour connaître autant de faits sur notre monde et notre état ? l'interroge-t-il, méfiant.

— Je suis, comme vous, une âme perdue, mais j'ai trouvé un but dans ce monde-ci... Depuis plusieurs années, j'ai eu l'occasion d'observer les vivants et les interactions entre les deux mondes... Très passionnant ! Mais revenons à ce qui vous intéresse, lui lance-t-il en le fixant, gênant son interlocuteur.

Le mystérieux esprit errant s'approche à quelques centimètres du visage de l'ancien petit-ami de la chuchoteuse d'esprits et continue sur un ton posé.

— Voulez-vous que Mélinda soit la vôtre pour toujours, n'est-ce pas ?

— Oui, il est exact, balbutie-t-il, baissant les yeux sur ses genoux, trop intimidé.

— Alors, affirme-t-il froidement, vous pouvez tuer Mélinda, l'étouffer, la priver d'air...

Ces mots glacent le mouvement nerveux d'Arthur de plier et de déplier le bord de son manteau bleu marine.

— ... Et une fois morte, elle est entièrement à vous.

Charlie fixe Arthur et l'hypnotise par ce geste. Il lui susurre :

— Arthur Maisonnave, reconnaissez que votre idée, en arrivant à Reims et à Grandeville, est justement de revenir de gré ou de force avec votre Mélinda Gordon. Est-ce exact ?

L'interpellé opine du chef.

— Et maintenant que vous n'êtes plus parmi les vivants, est-il logique soit que vous essayez d'entraîner Mélinda de votre côté, ainsi, son mari ne pourrait plus l'avoir pour lui ? Soit, si vous le préférez, vous posséder le mari pour créer une dispute et un divorce ? Dans les deux cas, Jim Clancy ne sera plus avec votre Mélinda, n'est-ce pas ?

Arthur relève sa tête, mais n'affronte pas pour autant le regard de son interlocuteur, fixant le vide au loin.

— Je dois reconnaître que votre raisonnement est exact.

— Alors que choisissez-vous comme manière de rendre Mélinda Gordon-Clancy vôtre ?

Un moment de silence lourd plane entre les deux esprits, rendant l'air suffoquant pour le niçois.

Après dix minutes de réflexion, l'interrogé souffle, observant toujours le vide :

— Je pense essayer la possession du mari avant de m'attaquer à Mélinda elle-même.

— Très bien ! affirme joyeusement, avec un immense sourire, le médecin. Au revoir, Arthur Maisonnave.

Et Charlie rejoint Gabriel. Il lui annonce fièrement :

— J'ai trouvé une âme crédule qui se risque à mon petit jeu... Si elle échoue, je ne fais qu'observer son infortune sans payer les conséquences. Intéressant rat de laboratoire !

— Très malin de ta part Charlie...

— Jeune homme, l'interrompt abruptement le vieil homme, avez-vous reçu une bonne éducation et les bonnes manières ? Clairement non !

L'esprit se rapproche à quelques centimètres du vivant, le gênant, et continue son discours, grandement irrité.

— D'abord, vous ne me tutoyez pas, j'ai beaucoup plus d'expériences dans le monde des esprits et sur l'âme humaine que vous en avez. Ensuite, notez bien que je daigne accéder à votre demande pour la simple raison que j'ai un intérêt, donc n'abusez pas de votre conduite en pensant m'instrumentaliser... Vous avez encore beaucoup de travail pour me transformer en serviteur de votre volonté... Je sais ce qu'est l'homme, donc faites attention pour ne pas devenir fou et devenir une marionnette de ma volonté ! Et finalement j'ai un nom, je suis Charlie Luc Wogel, médecin.

— D'accord, monsieur Wogel, déglutit le chuchoteur d'esprits, impressionné et néanmoins apeuré. Et qu'avez-vous observé de si intéressant ?

— Votre demi-sœur n'est pas facile à manipuler, mais je peux essayer avec son mari... Il demeure un homme rationnel avant tout, n'est-ce pas ?

— D'accord, lui répond pensivement le chuchoteur d'esprits, mais pensez-vous influencer son ambulancier de mari uniquement si l'esprit ne parvient pas à accomplir son plan ? D'ailleurs, quel est ce plan ?

— Vous le verrez, l'échappé de l'asile ! lui affirme-t-il d'un ton méprisant. J'utilise à mes fins la jalousie d'un ancien petit-ami de Mélinda Gordon-Clancy.

Gabriel Lawrence se renfrogne, se tait et fixe ses souliers, mécontent du rappel de son passé par l'esprit.

— Et vous pensez qu'il est plus simple d'atteindre Mélinda en s'attaquant à Jim, est-ce exact, Monsieur Wogel ?

— Très exactement ! Au revoir, sinon, j'ai toujours un autre plan en réserve.

Gabriel pense qu'il doit être prudent avec cet allié invisible et imprévisible s'il ne veut pas qu'il devienne son jouet ou qu'il le fâche et l'entrave dans ses plans.



Le lendemain matin, Jim se réveille de très mauvaise humeur et Mélinda est inquiète pour lui. Tout le petit-déjeuner se passe à froid et en silence entre eux. Il ne l'embrasse même pas avant de partir, ni ne lui dit un doux mot, mais elle ne commente pas la situation, espérant qu'il sera de meilleure humeur plus tard. La chuchoteuse d'esprits se rend à sa boutique, saluant son associée. Rangeant des nouvelles acquisitions, elle ne remarque ni l'esprit errant du médecin, ni Arthur au sommet de l'escalier, observant la situation avant de s'évaporer sans dire un mot. Les deux entités invisibles se rencontrent dans le parc.

— Arthur Maisonnave, venez avec moi analyser la situation de Jim Clancy. Essayez de l'influencer en lui suggérant des idées, voire, s'il est possible, de le posséder lorsque le moment opportun se présentera.

— Allons-y !

Les deux esprits arrivent dans la salle d'attente de l'Hôpital Mercy où travaille Jim. Ce dernier joue aux cartes avec Robert Toure et Timothée Foubert pour essayer d'améliorer son état d'âme et pour ne pas penser à son épouse qui l'irrite grandement en son âme. Ses deux collègues sont silencieux lors du jeu. Charlie sourit en notant l'humeur taciturne de Jim et constate, remontant ses lunettes sur son nez pour donner plus d'importance à ses paroles :

— Arthur Maisonnave, essayez de l'influencer, de le posséder, puisque ses dispositions psychologiques sont aptes à vos suggestions.

— D'accord... Mais comment puis-je l'influencer ?

Le vieil esprit errant éclate de rire à la question, laissant l'autre intrigué.

— Simple, vous lui murmurez doucement vos paroles pernicieuses, qui comme l'Antique Serpent, sèment un doute en son esprit. Sinon, il y a l'option de la possession, mais pour y parvenir, il faut une certaine affinité psychologique entre vous deux, sauf qu'elle est inexistante.

— Merci de l'information... Et dois-je abandonner l'idée d'une possession ?

— Vous pouvez toujours essayer, jeune homme.

Arthur Maisonnave murmure à l'oreille de l'ambulancier :

— Jim Clancy, n'as-tu jamais songé que ta femme, Mélinda, regretterait ne pas être avec moi ? N'as-tu jamais pensé qu'elle voudrait ardemment revenir avec moi, son ancien petit-ami ? Voire qu'elle ne t'as jamais aimé ? Raison pour laquelle vous n'avez pas encore d'enfants.

Charlie commente la situation.

— Arthur Maisonnave, continuez à l'influencer, mais faites attention pour que son épouse ne vous repère pas. Je vous déconseille de le posséder, sinon, vous serez très fatigué pour y parvenir.

— Comment pouvez-vous affirmer un tel constat ? lui demande-t-il, intrigué, sourcils relevés.

— Jeune homme, est-ce vous ou est-ce moi l'expert du monde de l'esprit et des esprits ? l'interroge rhétoriquement, satisfait de lui-même, le vieil homme. Répondez-moi !

— Vous, monsieur le médecin.

— Excellent ! Alors, suivez mon conseil, mais, si vous ne le voulez pas, ne vous plaignez pas après, je vous ai averti des conséquences !

Le niçois hésite, promenant son regard de Charlie à Jim et vice-versa, pliant et dépliant le bord de son manteau de nervosité et d'hésitation, visage crispé.

— Je verrai... Je pourrai toujours essayer de le posséder...

— Faites comme bon vous semble, soupire, exaspéré le médecin, agitant sa main droite en signe de résignation. Mais vous ne pourrez pas m'accuser plus tard !

Arthur décide de patienter encore un peu avant de posséder Jim. Ce dernier, après le travail, revient encore plus irrité de Mélinda.



Le surlendemain, Carl Neely téléphone à Paul Eastman, très fébrile.

— Paul, l'esprit errant qui possède Robert Langowski et son fils est très certainement Charlie Luc Wogel, médecin de formation, passionné par la psychologie et les expérimentations sur des malades mentaux. Il est né en 1910 et est mort en 1976 à Paris. Il est le seul médecin qui a ce surnom terrible dans notre pays. En plus que sa vie et son parcours correspondent à l'esprit errant. Aussi, grâce à l'aide d'Élie James, professeur de Psychologie à l'Université, j'ai obtenu une photographie d'archive de cet homme. J'arrive pour te la donner. Ainsi tu pourras me confirmer son identité.

— Merci de l'information ! Et je te confirme qu'il est très fâché... affirme-t-il, les yeux rivés sur le médecin matérialisé en face de lui, fulminant et rouge de colère. Tu as trouvé son identité, aucune nécessité de venir me porter la photographie d'archive.

— Très bien, Paul. À plus tard.

Chacun, une fois le téléphone raccroché, continue leur travail respectif. Charlie Wogel rejoint Arthur Maisonnave près de Jim.



Le lendemain en après-midi, Mélinda, ne sachant comment interpréter l'absence de l'esprit errant qu'est son ancien petit-ami, affirme à Jim, exaspérée de lui répéter pour la énième fois :

— Chéri, tu n'as pas de raison d'être jaloux d'Arthur Maisonnave. Il est défunt et il est très énervant. Je t'aime et je te suis fidèle, en pensée, en corps et en âme. De toutes manières, tu es incomparable, mon amour. Et ne penses pas que je ne désire pas d'enfants avec toi, au contraire !

— Si tu le dis, grommèle-t-il, se renfrognant et vidant d'un trait son verre d'eau qu'il fixe d'un regard absent... Mais, Mél, il ne change rien au fait qu'il t'a connu avant moi ! s'emporte-t-il, se levant de son siège. Et que tu peux encore l'aimer et le vouloir comme mari ! Il n'est pas exclu que tu regrettes notre mariage !

Sur ces paroles, il se lève et sort, claquant violemment la porte, pour se promener dans le parc, ruminant pour la millième fois le doute pernicieux semé par l'esprit errant.



Une semaine plus tard, dans le parc de la ville, Charlie Wogel commente d'un ton neutre et professionnel la situation à l'autre esprit errant :

— Monsieur Arthur Maisonnave, il est évident que vos influences, toutes bonnes qu'elles soient, sur Jim Clancy ne fonctionnent pas. Le couple se dispute, certes, mais aucun divorce à l'horizon...

— Alors comment le provoquer ?

— Il n'y a qu'un moyen, mais votre médiocrité en empêche l'exécution...

Il lui lance un regard de dessous et réajuste ses lunettes, cachant ses mains derrière son dos et prenant un air sérieux.

— ... Et Mélinda aime trop son mari pour demander divorce... Je vous conseillerai d'abandonner la possession, parce que l'ambulancier ne présente aucune affinité psychologique avec vous... Et le seul point commun, Mélinda, n'est guère suffisant. Il croit fermement que sa femme est particulière et il se soucie, au fond de son âme, de son bien-être et de sa sécurité. Lui et vous êtes opposés en tout, empêchant une possession, possible uniquement si vous vous épuisez pour évincer son âme lorsqu'il présente un manque de vigilance, un engourdissement, ou un sommeil de l'âme, ou encore d'autres situations périlleuses. Je vous conseillerai, amicalement, d'abandonner ce projet. Passez à votre plan B qui est plus simple à réaliser.

Le niçois réfléchit à la proposition du médecin. Après quelques minutes d'hésitation, il affirme d'une voix certaine :

— Monsieur Wogel, j'ai choisi ma prochaine action...

Son interlocuteur le fixe, ressemblant à un serpent devant sa proie, attendant avec impatience sa réponse.

— ... Je passe au plan B.

— Excellent, jeune homme ! Allons-y !

Et les deux s'en vont à leur destination.


Alors que l'antiquaire range des objets dans l'entrepôt de sa boutique, Arthur Maisonnave se matérialise au sommet des escaliers, suivi de Charlie Wogel qui l'encourage d'un regard à passer à l'action avant de se déplacer derrière le dos de la chuchoteuse d'esprits. L'esprit errant qu'est Arthur descend les escaliers et s'arrête devant la jeune femme, la faisant sursauter. Il lui affiche son plus beau sourire, expression qui irrite grandement Mélinda. Celle-ci lui éructe :

— Que voulez-vous encore ? Je pensais bien que vous étiez parti, mais je me trompe... Il n'y a rien de compliqué à comprendre pourtant ! Pouvez-vous me laisser tranquille, Arthur Maisonnave ? Ce qui a été entre nous est du passé, je suis heureusement mariée maintenant. Vous n'avez rien à me demander. Il ne reste, pour vous, qu'à partir dans la Lumière et à vous concilier que je ne serai jamais vôtre.

— Tu as raison Mélinda, mais n'oublies pas, un détail. Tu es mienne... affirme-t-il froidement.

Visage de glace et regard inhumain, il s'approche d'elle, la forçant à reculer, les yeux agrandis d'effroi.

— ... Tu seras à moi pour l'éternité, ma chérie.

Il approche dangereusement ses mains pour essayer de l'étouffer, encouragé par le médecin manipulateur derrière Mélinda. Au moment où sa victime manque d'air, malgré toutes ses tentatives de l'éviter, Arthur se sent violemment tiré par derrière par des bras d'un homme très musclé. Il l'entraîne derrière le mur de l'arrière-boutique. La chuchoteuse d'esprits, très étonnée de la présence de ce sauveur inopiné, le coeur battant la chamade, respirant bruyamment pour reprendre l'air qui lui a manqué quelques secondes, remarque qu'il est un homme costaud de trente ans, aux cheveux brun foncé, aux yeux marron, aux traits délicats et lui inspire confiance et gentillesse. Le médecin derrière son dos s'évapore dès l'insuccès d'Arthur Maisonnave, très intrigué également par l'aide inattendue de l'esprit errant inconnu.

La chuchoteuse d'esprits reprend son souffle et essaie de tout comprendre la situation qui passe tellement vite. Surtout qu'elle est intriguée par son mystérieux protecteur. Pour se changer les idées, elle rejoint Andréa derrière la caisse pour s'asseoir sur un siège et essayer de saisir ce qui vient d'arriver et, en particulier, pour calmer ses émotions fortes.


Perdue dans ses pensées pendant quelques minutes, Mélinda sursaute lorsque Myriam Berkowitz apparaît près d'elle et l'informe de sa belle et douce voix féminine :

— L'homme qui vous a protégé est quelqu'un de votre famille, votre oncle, Paul Gordon.

— Qui est-il ? Qui êtes-vous ? l'interroge-t-elle, confuse.

— Je suis l'un des Observateurs... Et votre oncle est quelqu'un de très bien. Menez enquête, tout s'éclaircira... Sinon je suis Myriam Berkowitz... Et discernez bien les vrais et les faux amis.

— Mais pouvez-vous...

L'Observatrice s'en va, avant que la chuchoteuse d'esprits ne complète sa question, la laissant perplexe. La brunette remarque un message à ses pieds. Elle le ramasse, mais ne saisit pas beaucoup le texte, puisque rédigé en allemand et rempli de signes étranges. Le message est le suivant : « Das Uneheliche muss entdeckt werden. Machiavellistischer Plan des Verstorbenen enthüllt. Finden Sie wahre Freunde, erkennbar an einem Schild. »

Ayant appris un rudiment d'allemand au lycée, elle demeure un peu inquiète, incertaine de sa compréhension du message. Celle-ci s'excuse auprès de son associée et rentre chez elle pour retrouver ses dictionnaires d'allemand.

Ainsi, elle comprend que le message signifie « L'illégitime doit être découvert. Plan machiavélique du défunt révélé. Retrouvez les véritables amis, reconnaissables par un signe. »


Cinq heures plus tard, Jim, de bonne humeur, revient à la maison et écoute les explications de sa femme sur sa journée avec les esprits.

— Jim, commente-t-elle, inquiète, je ne sais comment interpréter cet énigmatique message... Sans mentionner les étranges signes en haut et en bas d'étoile, de lune et de soleil.

Elle donne le papier à son mari qui fronce des sourcils, tout aussi perplexe qu'elle.

— Mél, je dois te reconnaître que je suis aussi confus que toi. Qui est cette mystérieuse femme ? Que veut-elle nous communiquer ?

— Elle s'affirme Observatrice, j'ignore ce que c'est, et s'appelle Myriam Berkowitz. Et, semble-t-il, elle veut nous avertir de bien choisir nos amis. Amis qui ont un signe, est-ce l'étoile, le soleil et la lune ? ... Mais que faut-il comprendre de ces signes ? Et qui est l'illégitime ? Qui est le défunt au plan machiavélique ? Je me sens dépassée par la situation, gémit-elle.

Jim l'enlace en signe de soutien et lui murmure :

— Mél, ne sois pas désespérée ! Impossible n'est pas français ! Nous arriverons à comprendre cette énigme. D'abord, commence par comprendre ton oncle paternel, Paul Gordon. Ensuite, trouve le plus d'informations sur Myriam Berkowitz. Simple, non ?

— Tu es sérieusement génial, Jim ! s'exclame-t-elle, optimiste, enlaçant son mari de joie. De plus, je peux compter sur Paul Eastman, un policier qui a un même don que moi, et Gabriel Lawrence pour m'aider.

— Mais Mél, sois néanmoins prudente avec eux.

— Ne t'inquiètes pas, Jim.

Elle se lève et embrasse son mari avant de lui lancer un regard complice et d'appeler le policier extraordinaire pour lui soumettre une enquête sur Paul Gordon et Myriam Berkowitz. Paul Eastman accepte de mener ces enquêtes.


Simultanément, dans l'appartement de Gabriel, Charlie Wogel informe celui-ci de l'insuccès de son cobaye esprit. Le vivant, regard inquiet, fait les cent pas dans le petit salon très sobre, au mur blanc, avec, pour unique meuble, une chaise en bois avec un cousin brun et une table basse en cerisier sur laquelle repose un verre d'eau et des feuilles. Soudain, il s'exclame :

— Monsieur Wogel, j'ai trouvé ! Vous pouvez toujours menacer Mélinda que nous pouvons assassiner son mari si elle refuse de passer dans notre camp... Sans oublier la ville souterraine qui peut devenir un piège pour elle et les esprits errants qui sont dans ma maison... Qu'en pensez-vous ?

— Bonne idée ! La peur pousse à une réaction primaire et irréfléchie que nous pouvons utiliser à notre fin.

Le médecin s'évapore pour observer la demi-sœur de Gabriel. Le chuchoteur d'esprits, lui, quitte son appartement pour aller dans sa maison aux esprits à Villesûre.




À suivre.

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