Ennemi ou ami, imaginaire ou réel? Ou Jakyll et Hyde à la Ghost Whisperer

Chapitre 49 : Les décorations hantées

4564 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 29/09/2025 15:37



10 janvier 2007, 13 h 00.


Je suis au marché aux puces de Grandview, à côté du marché. Je regarde les objets sur les étalages. J’en profite pour trouver de nouvelles acquisitions pour ma boutique, tandis que Jim a cours et nos fils sont à la garderie de l’Université. J’ai décidé de ne pas amener Delia avec moi, afin de m’éviter son scepticisme énervant.

Là, des marchands vantent leurs objets, qu’il s’agisse de poupées, de jouets ou de livres. Bien que je remarque les différents esprits qui semblent suivre soit l’un des marchands, soit l’un des passants, je ne prête pas attention à leur expression d’étonnement.

Je remarque près d’une femme qui vend des objets décoratifs l’esprit d’un garçon. Il était vêtu d’un sweater rouge et d’un pantalon jeans. Lorsque mon regard croise le sien, il apparaît devant moi et s’exclame d’un air étonné, ses yeux bruns écarquillés :

— Madame, puis-je vous parler ?

Je pense en mon for intérieur : « Dieu soit Loué ! Enfin les esprits se passent le mot au sujet de mon don ! »

Je confirme silencieusement. 

Comme s’il a lu mes pensées, il commente :

— C’est une Observatrice, une Française avec une robe blanche, qui m’a référé à vous…

Je m’approche de l’étalage pour mieux regarder les objets. Il y a des figurines de toutes sortes, des décorations de Noël et des bijoux.

Je demande mentalement à l’esprit, qui est à ma droite :

« Je suis Melinda Gordon, une simple antiquaire qui voit les… »

— esprits…, termine-t-il.

Je poursuis par la pensée : « Oui… Et vous ? »

Mon interlocuteur dit, sa main droite sur sa poitrine :

— Dennis Hightower.

Il s’interrompt lui-même puis reprend, en pointant de son index droit vers la table devant nous :

— Madame, voulez-vous prendre les objets ici ?

Je suis du regard son geste et, en approchant mes mains des décorations de Noël, je pense : « Ceux-là ? »

— Oui.

« Je me demande bien pourquoi ce gamin serait attaché à ces décorations… Peut-être que c’est la dernière chose dont il se souvient… »

Je sors de mes réflexions par la voix mielleuse de la vendeuse :

— Madame, voulez-vous ces objets ?

Avec mon plus beau sourire, je réponds :

— Ces décorations-ci… Je sais que Noël est passé depuis longtemps, mais j’en aurai pour cette année.

— Sans problème, dit-elle d’un ton aimable.


Une fois l’achat complété, je me rends directement dans ma boutique, où je dépose sur le comptoir les décorations. Je remarque que l’esprit m’a suivi silencieusement.

Avec mon plus beau sourire et mon air le plus aimable, je questionne l’entité :

— Dennis Hightower, en quoi ces décorations sont-elles particulières ?

— Ce sont les cadeaux de ma meilleure amie.

— Comment s’appelle-t-elle ?

— Christine Nelson.

— Merci de la réponse… Pouvez-vous maintenant m’expliquer que voulez-vous faire de ces objets ?

— Les donner à Christine.

— Très bien…

Je griffonne rapidement les noms dans mon calepin, puis je commence mes recherches sur l’ordinateur de l’arrière-boutique. Je trouve que Dennis Hightower, âgé de de douze ans, est décédé il y a deux jours d’une intoxication au monoxyde de carbone dans la maison de ses parents adoptifs, Diana et Charles Vogel, au 122 rue Dean, à Grandview. 

Je soupire en pensant : « Dieu que c’est triste de mourir si jeune ! J’espère seulement que ce n’est pas encore un acte criminel… »

L’esprit, à ma droite, murmure : 

— Je ne pense pas que ce soit le cas…

Je murmure : 

— Peut-être que oui, peut-être que non… Laissez-moi poursuivre ma recherche…

En poursuivant ma lecture, je trouve que l’intoxication est survenue en raison d’un radiateur d’appoint non-ventilé. Selon certaines sources, il s’agit d’un accident ; selon d’autres, Charles Vogel serait le responsable. Bien que les parents aient été interrogés, ils n’ont pas étaient considérés coupables. Dennis est la seule victime de cet accident, en raison d'une erreur du radiateur. Les autres membres sont survivants.

Je pense : « Si c’est le père adoptif qui est soupçonné d’être le coupable de la mort de Dennis, c’est forcément qu’il y a un soupçon légitime… Mais pourquoi ? Peut-être serait-il un complice de Carl Neely ou de je ne sais quel obscur agent secret ? »

En cherchant un peu plus sur Charles Vogel, je trouve qu’il est un homme d’affaires de Grandview qui possède son entreprise d'ébénisterie à Longview. 

Perplexe, je pense : « Pourquoi un tel homme voudrait tué son fils adoptif ? À mon avis, rien ne dit qu’il aurait été coupable de la mort du garçon… À moins, peut-être que oui, peut-être que non… Après tout, je ne connais pas tous les contacts de Carl Neely… Surtout depuis ce que j’ai récemment entendu des Observateurs… Ses amis peuvent exercer n’importe quel métier… Ce qui est vraiment inquiétant… S’il n’a pas de scrupules, ses amis non plus… En ce sens-là, je n’exclus pas la possibilité d’un meurtre planifié… Comme c’est triste ! Ah, mon Dieu, protège-nous d’une telle situation ! »

Je renifle, essuie mes larmes et je me retourne vers l’entité et je demande :

— Dennis Hightower, il semble que vous avez été le seul à…

Il termine ma phrase d’une voix triste : 

— À mourir ! Oui… Christine et nos parents adoptifs sont alors sortis… Ils sont partis je-ne-sais où…

— Merci de l’information, dis-je en griffonnant quelques notes dans mon calepin.

Après un long silence, je questionne à nouveau le revenant d’une voix qui se veut douce :

— Saviez-vous où se trouvait Christine ? Je n’imagine quand même pas qu’elle vit dans la maison…

— En effet, elle vit avec nos parents adoptifs dans un appartement, le numéro 12, au 1990, rue Georgetown, à Grandview.

— Merci de l’information, dis-je dans un murmure, après avoir terminé de noter dans mon calepin.

— Merci à vous, Madame.

Et il disparaît de ma vue. 

Je pense, en relisant mes notes : « Et si je demandais aux parents adoptifs ? Peut-être sauront-ils plus de détails au sujet de cette histoire. Bonne idée ! Sinon, Seigneur, aide-moi à la comprendre ! »



Voyant l’heure qu’il est, je me rends à l’adresse en question. Une femme qui me dépasse d’une tête malgré mes talons hauts m’ouvre la porte. Je lui adresse mon plus beau sourire et je dis d’une voix chaleureuse :

— Je suis Melinda Gordon, propriétaire de l’Antique Shop of Grandview. Et je cherche Monsieur Charles Vogel et Madame Diana Vogel.

— Je suis Diana Vogel, dit mon interlocutrice. Quelle est la raison de votre visite ?

— Dennis Hightower, votre fils adoptif.

— Que voulez-vous savoir ou dire ? demande-t-elle d’une voix larmoyante qui me sonne faux.

— Je veux vous dire que j’ai reçu la visite de son esprit il y a environ une heure…

Devant la moue sceptique que la femme manifeste, je m’empresse d’ajouter :

— C’est en raison d’un don que j’ai, faisant en sorte que je vois les esprits errants. Et j’ai rencontré votre fils un peu plus tôt cet après-midi, au marché de la ville.

— Et quoi alors ? balbutie Diana

— Et bien, il m’a dit qu’il voulait que Christine Nelson ait les décorations de Noël que j’ai trouvé au marché…

Elle m’interrompt sèchement, en essuyant une larme qui coule sur sa joue droite :

— Madame Gordon, je n’ai pas besoin de ces décorations ! Gardez-les pour vous !

Et elle ferme la porte.

Je soupire en pensant : « Quelle incrédulité et quelle manque de compréhension ! »


Je reviens dans mon arrière-boutique, attristée d’un tel accueil. 

Dennis Hightower apparaît devant moi, derrière la table sur laquelle trône l’ordinateur.

Il murmure d’une petite voix :

— Je suis vraiment désolé, Madame Gordon… Je n’ai pas prévu que Diana agira d’une telle façon.

Je réplique avec mon plus beau sourire : 

— Ce n’est pas de votre faute… C’est le scepticisme de votre mère adoptive…

— Mouais, mais comment remettre les décorations à Christine ? demande-t-il avec une lueur d’inquiétude dans ses yeux bruns.

— C’est une bonne question…

Je reprends d’une voix douce :

— À part être un cadeau pour votre sœur d’adoption, qu’est-ce que ces décorations ont de particulières ?

Il hausse les épaules

— Merci de la réponse… 

Je réfléchis aux moyens de prendre contact avec Christine. « À moins que Dennis me guide jusqu’à elle ? Ou bien qu’il agisse sur elle pour que je la rencontre ? Ou bien je dois espérer que le Seigneur guidera les pas de Christine pour que je la rencontre ? »

Je me signe puis lève les yeux au plafond en pensant : « Seigneur, aide-moi à comprendre le cas de Dennis Hightower ! »

À ce moment précis, un esprit apparaît à la droite de Dennis Hightower : Jean Bude de Guébriant.

Je pense « Qu’avez-vous à me dire au sujet de Dennis ou de Christine ? »

Sans se départir de son sérieux, il confirme d’un geste positif.

L’Observateur ajoute :

— Madame Melinda Gordon-Clancy et Monsieur Dennis Hightower, vous devez savoir que ces décorations de Noël sont un cadeau de la mère de Christine Nelson, Liz Nelson, comme indice pour retrouver son père biologique.

— Qui est-il, si ce n’est pas trop indiscret ? dis-je à mi-voix.

— Non, pas du tout, reprit le Français. Le père de Christine Nelson est Carl Neely…

Je m’exclame, étonnée, en lâchant mon stylo de surprise : 

— Quoi ?

— Oui, vous avez bien entendu, réplique mon interlocuteur. Carl Neely a eu une aventure avec Liz Nelson de janvier à octobre 1999. Lorsqu’il a su qu’elle était enceinte de lui, il l’a menacé de la tuer si elle osait lui demander l’alimentation…

Je pense : « Oh, mon Dieu ! Quelle cruauté ! »

Je murmure :

— Il me semble que Carl Neely était marié…

— Pas tout à fait, me corrige Jean Bude de Guébriant. Il a été alors en relation avec Marlène Lavigne qu’il a mariée l’année suivante…

Je pense cyniquement : « Là, j’espère que vous n’allez pas me dire encore quelques autres petits détails dégueu de leur vie sexuelle ? »

Avec un bref sourire, il répond comme s’il a lu ma pensée :

— Ne vous inquiétez pas, Madame Gordon-Clancy, je ne vous dirai que ce qui est essentiel pour mieux comprendre le cas de Dennis Hightower.

Rassurée, je pense, en passant le dos de ma main droite sur mon front : « Merci de revenir au sujet… »

L'Observateur s’interrompt pendant quelques secondes avant de reprendre d’un air sérieux :

— Bien sûr, Madame Liz Nelson a accouché le 2 juin 2000 d’une fille, qu’elle a prénommé Christine. Elle a déposé le berceau au Centre d’adoption de Grandview, où le bébé a été pris en charge puis adopté par le couple Vogel.

Je demande, perplexe : — Quel est le rapport des décorations de Noël avec Carl Neely ? 

— Le rapport, il est simple…

Je soupire en pensant : « Facile pour vous, puisque vous savez tout ! »

L’Observateur français poursuit, comme s’il a ignoré ma pensée :

— Parce que c’était un peu avant le Noël de 1999 que Madame Liz Nelson a dit à Carl Neely qu’elle était enceinte de lui. Elle avait acheté ces décorations, qui étaient alors neuves, dans l’espoir de se marier avec lui avant qu’elle n’accouche, mais ceci ne s’est pas ainsi passé.

— Comment si Carl Neely a caché sa relation avec sa future épouse ?

— Exactement. Il lui a fait croire qu’il était célibataire.

Je me signe en pensant : « Quel machiavélisme ? Mais pourquoi mentir ? »

Le Français fait une courte pause et regarde l’esprit du gamin puis dit ;

— Mais revenons aux parents adoptifs de Dennis Hightower, Monsieur Charles et Madame Diana Vogel, qui sont des complices de Monsieur Matthew Mallinson…

Je pense : « Au moins, mes doutes se trouvent en partie confirmés… »

J’interviens :

— L’agent du FBI que j’ai déjà rencontré après l’écrasement de l’avion ?

— Oui, c’est le même.

En déposant mon stylo à côté du calepin, je demande, en fixant l’Observateur : 

— Et alors, qu’est-ce que cela change à ma vie que les parents adoptifs de ce pauvre garçon soient des complices d’un agent du FBI ? Est-ce que cela expliquerait pourquoi je soupçonne que le père adoptif soit responsable de sa mort ?

Mon interlocuteur approuve d’un signe de tête positif.

Je soupire, exaspérée, en pensant « Donc un coup monté ! C’est ce qui me semblait ! »

— Madame Gordon, je vous confirme que les informations entourant la mort de ce pauvre gamin sont vraies.

Dennis intervint :

— Monsieur, comment pouvez-vous en être si sûr ?

— Parce que je suis un Observateur, ce qui signifie que rien ne m’échappe parmi les vivants et les esprits.

Je demande d’une petite voix gênée :

— N’y aurait-il pas une raison plus profonde pour faire périr ce pauvre garçon innocent ?

— Bien vu, Madame Gordon-Clancy, commente Jean Bude de Guébriant sans se départir de son sérieux. La vraie raison est simplement un ordre de l’agent Matthew Mallinson.

Je fais un geste pour poser une question, mais mon interlocuteur me devance et continue :

— Mais pourquoi précisément lui, le fils adoptif des Vogel ? Parce qu’il était curieux de savoir qui étaient ses vrais parents, ce qui était une question gênante pour eux. Ils ont plutôt voulu l’éliminer.

Je dépose mon stylo à côté de mon calepin et je proteste : 

— Mais qu’est-ce qu’il y a de si dérangeant que de savoir ses vrais parents ?

— Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.

— Qui sont-ils ? demandai-je, intriguée.

— Albert Hightower et Erin Beranger-Hightower, tous les deux tués par l’ordre d'Arthur Mallinson, le père de Matthew Mallinson, car ils avaient des dons de télékinésie, que l’agent pensait être transmissibles à leur fils.

— Et j’imagine qu’ils avaient refusé de collaborer ?

— Oui… C’est pourquoi ils sont morts deux jours après la naissance de Dennis, soit le 3 septembre 1995. Voilà, c’est tout ce que je voulais vous dire !

Et l’Observateur s’évapore dans les airs jusqu’à ce qu’il disparaisse complètement de ma vue.


Je tourne mon regard vers l’esprit, qui a tout écouté en silence. Il murmure :

— Je ne peux pas y croire… Mon père adoptif, Charles, qui est responsable de… Pourtant, il m’aimait comme son fils…

Je réplique mentalement : « Ça ne semble pas être le cas… »

— Peu m’importe qui sont mes parents biologiques, mais puisque Monsieur l’a dit… Merci de l’information…

Il soupire, puis ajoute, en levant ses bras en un geste désespéré :

— En tout cas, l’explication fait sens d’un fait…

— Lequel ?

— Le fait que, peu après être sorti de mon corps, j’ai vu un couple de jeunes esprits qui m’ont salué comme si j’étais leur fils…

Je commente, une larme au coin de l’œil :

— En effet, ceci pourrait expliquer leur comportement…

Dennis me fixe d’un air inquiet et crie :

— Ce qui m’importe, c’est que vous remettez ces décorations à mon amie Christine !

Puis il disparaît en passant au travers le mur le plus près de lui.

Voyant qu’il est tard, je range mon calepin et mon stylo dans mon sac à main beige, je mets les décorations dans un sac en plastique que je laisse sur le comptoir puis procède à la fermeture de la boutique.




De retour chez moi, Jim et nos fils m’accueillent avec joie. Nous nous attablons pour le repas. Au menu : une soupe aux légumes.


Après avoir envoyé Christopher et Jack dormir dans leur chambre, je résume à mon mari, au salon, le cas de Dennis Hightower.

Je gémis :

— Mais comment donner les figurines décoratives à Christine, si je ne peux pas la retrouver ?

Mon époux, assis à ma droite, caresse doucement le dos de ma main en signe d’encouragement.

Il répond après un long silence :

— Mel, ne panique pas…

— Facile pour toi ! Je ne pourrais même pas la reconnaître ! C’est la première fois que je la verrai !

— Dis-toi bien qu’il se peut que Dennis te guide jusqu’à elle, ou qu’il guide Christine jusqu’à toi ?

Moue renfrognée, je réplique :

— Si tu le dis… C’est vrai qu’un esprit peut influencer, voire posséder un vivant, mais je ne peux pas m’attendre à ce que Dennis fasse une telle chose à Christine…

— Pourquoi pas ? Rien ne l’empêche d’être très collaboratif ?

Je hausse les épaules, exaspérée. Je pleure même.

— Mel, laisse-toi le temps pour réfléchir au bon moyen d’entrer en contact avec Christine… Peut-être pourrais-tu un jour la rencontrer au marché ou Dieu-sait-où…

— Mouais… Tu es vraiment optimiste… Mais pour cela, je dois compter sur la collaboration de Dennis pour qu’il me confirme que je me trouve en présence de Christine…

— Pour l’instant, ne t’en préoccupe pas trop… Il est tard… Allons dormir, qu’en penses-tu ?

Je confirme d’un mouvement de tête positif. Et nous nous rendons dans notre chambre, récitons la prière du soir, puis nous nous endormons, enlacés. Heureusement, aucun cauchemar ne vient troubler mon sommeil.




Le lendemain matin, je suis dans ma boutique d’antiquités. J’ai laissé Christopher et Jack avec ma mère que j’ai appelée, car Jim doit être au travail. J’ai laissé les décorations de Noël sur le comptoir, dans l’attente du dénouement de toute cette histoire.


Vers 10 h 15, je vois une fillette entrer dans ma boutique. Elle est peut-être un peu plus âgée que mes fils, vêtue d’un manteau d’hiver rose, d’une tuque et d’une écharpe de la même couleur. Je remarque que son âme suit son corps, inquiète.

Je pense, attristée : « Sans doute qu’elle est possédée par Dieu-sait quel esprit… »

La fillette arrive devant le comptoir et ordonne :

— Madame, voulez-vous me remettre les objets décoratifs ?

Ensuite, je vois clairement que l’esprit qui l’a possédé sort de son corps, tandis que l’âme de la fillette y revient. Je reconnais immédiatement l’esprit en question : Dennis Hightower. Il se tient à sa droite et s’exclame :

— Voilà, Madame Gordon, puisque vous n’êtes pas parvenue à venir jusqu’à Christine, j’ai amené Christine jusqu’à vous !

Je le remercie d’un signe de tête en pensant : « Que le Seigneur soit loué ! »

Je me tourne vers la fillette, qui me fixe de ses grands yeux bruns, étonnée, comme si elle se demandait ce qu’elle faisait ici.

Je pense : « Comment a-t-elle pu venir ici sans que sa mère… adoptive ne soit pas loin d’elle ? »

Je m’adresse à la fillette :

— Quelle est ton nom ?

— Christine, balbutie-t-elle.

Je pense : « Est-ce la sœur d’adoption de Dennis Hightower, la fameuse Christine Nelson ? »

L’esprit du gamin, comme s’il a lu mes pensées, hoche la tête.

Je ramène mon attention vers mon interlocutrice vivante et je dis d’une voix qui se veut douce : 

— Christine, où est ta mère ?

Je pense : « J’imagine qu’elle ne doit pas être loin… Très peu probable qu’une si jeune fille se promène ainsi toute seule dans la ville… »

Elle répondit, en haussant les épaules :

— Je ne le sais pas…

— Elle est avec toi ?

— Oui… Seulement, elle traîne derrière, comme toujours…

— Ne veux-tu pas l’attendre ?

Christine baisse la tête et murmure :

— C’est toujours moi qui l’attend…

— Ma petite, que fais-tu ici ?

Elle regarde vers sa droite et dit, en pointant l’esprit du pouce :

— C’est Dennis qui m’a emmené ici… 

Elle me fixe puis dit d’un ton ferme : 

— Je veux ravoir mes décorations !

À ce moment, Diana Vogel fait irruption dans la boutique, le souffle court.

Elle regarde à gauche et à droite. S‘avançant vers la fillette, elle s’exclama d’un air sévère :

— Christine ! Que fais-tu ? Arrête de traîner comme une méchante gamine !

La femme prend la main droite de sa fille adoptive et murmure, en jetant un bref coup d’œil vers ma direction :

— Excusez-la, Madame…

— Madame Melinda Gordon, précise-je.

— Christine est une fillette vraiment turbulente…

Avec mon plus beau sourire, je réplique : 

— Ce n’est pas grave, je comprends très bien que les enfants en bas âge ne se tiennent pas tranquilles. Ayant moi-même deux fils, je sais qu’est-ce que c’est…

— Par curiosité, quel âge ont vos fils ?

Dennis jette à sa mère adoptive un regard noir en s’exclamant :

— Arrête de faire de la divergence !

Il me fixe et ordonne d’un ton très insistant :

— Madame Gordon, voulez-vous immédiatement donner les objets décoratifs à Christine ?

Je regarde alternativement le revenant, Christine et Diana, en pensant : « Seigneur, aide-moi ! Que dois-je faire ? »

Je m’éclaircis la gorge, puis je murmure de mon air le plus aimable :

— Excusez-moi du délai de réponse, mais je calculais l’âge de mes fils… Mon aîné a cinq ans, mon benjamin, quatre…

En désignant d’un geste de ma main droite Christine, je questionne :

— Et votre fille, quel âge a-t-elle ?

— Sept ans, répond sèchement Diana Vogel.

Je prends le petit sac en plastique dans lequel j’ai rangé les décorations de Noël et je le tends à Christine en murmurant :

— Voici un cadeau de ton ami Dennis…

Diana fronce des sourcils et proteste : 

— Mais Dennis est…

Elle termine sa phrase d’une voix larmoyante : 

— … mort il y a trois jours ! 

Diana sèche ses larmes et crie, en serrant ses mains en des poings, en un geste d’impuissance : 

— Impossible qu’il lui fasse un cadeau !

Je réplique, en clignant des yeux pour retenir en vain des larmes :

— Pourtant, je vous assure, Madame Vogel, que votre fils adoptif, Dennis Hightower, veut que je remette à Christine ces objets décoratifs qui ont appartenu à sa mère. 

Devant la moue sceptique de mon interlocutrice, j’ajoute :

— Comme je vous l’ai déjà dit lorsque je suis venue hier chez vous, j’ai un don qui fait en sorte que je vois de telles entités, je veux dire, les esprits, qui sont invisibles pour la plupart des êtres humains…

Christine tourne sa tête vers Dennis et s’exclame, les yeux agrandis de surprise :

— Maman, moi aussi, je le vois !

Diana marmonne, légèrement penchée vers la fillette :

— Veux-tu arrêter avec ton imagination ? Dennis ne peut pas être là, puisqu’il nous a quitté…

Le revenant, des éclairs de colère dans ses yeux, croise se bras sous sa poitrine et éructe :

— C’est vraiment pas gentil ! Moi, imaginaire ? Pff !

Il décroise ses bras et se déplace vers ma droite. Je remarque du coin de l’œil le discret mouvement de la tête de Christine, comme si elle aussi suivait du regard Dennis.

Je toussote pour garder mon sérieux puis je me corrige :

— En fait, les enfants en bas âge peuvent aussi voir les esprits, sans forcément avoir un don similaire au mien…

La femme relève la tête vers moi et réplique :

— Et quoi alors ? Vous voulez dire que Dennis est un fantôme ?

— Exactement. Et chaque esprit errant a une histoire, comme les vivants, vous comprenez.

— Mouais…

— Et bien, comme je vous l’ai dit la première que je vous ai rencontré, il m’a clairement dit (et d’ailleurs, il le répète à nouveau) que je dois remettre…

En tendant le sac en plastique vers la fillette, je termine ma phrase : 

— … ces objets à Christine.

— S’il te plaît, maman ! supplie la fillette.

Diana soupira :

— Prends-les et revenons à la maison !

Christine prend le sac et toutes les deux sortent de la boutique.


Moi, je me retourne vers le revenant et je murmure d’une voix douce :

— Dennis Hightower, maintenant que votre amie Christine a les objets que vous voulez lui donner, êtes-vous prêt à partir dans la Lumière ?

Il réplique :

— Quelle lumière ?

— Concentrez-vous… Ne voyez-vous pas quelque chose ?

Dennis regarde à gauche puis à droite pendant un certain temps, je ne saurai dire combien de minutes. Puis il fixe sa droite et murmure d’une voix émue :

— Madame, je vois… une lumière… jaune avec le bord blanc… Mes parents sont là… Ils me font des grands gestes de bras pour que je les rejoigne…

Je murmure, en larmes : 

— Allez-y, elle est pour vous ! Bon voyage !

Il crie à l’intention des êtres chers qui l’attendent dans la lumière :

— Maman, Papa ! J’arrive !

Et l’esprit s’avance vers sa droite jusqu’à ce qu’il disparaisse complètement de ma vue.

Je ne peux pas m’empêcher de lâcher une larme de joie, tellement les esprits des enfants m’émeuvent.

Je pense, en levant la tête vers le plafond : « Dieu soit loué ! »



Lorsque je reviens à midi, après la vaisselle, j’informe Jim de la fin de cette histoire avec Dennis Hightower. Il m’écoute en silence, comme toujours, puis commente :

— Mel, tu es comme toujours, aussi géniale ! Dis-toi bien qu’impossible n’est pas russe !

— C’est vrai, tu as raison…

Il m’embrasse sur les lèvres pour me faire taire ; je l’embrasse en retour.


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