Réécriture de contes à la Ghost Whisperer

Chapitre 12 : Les prisonniers des sorciers

1905 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 12/08/2025 17:57



Voici la référence du conte : « La boule de cristal », dans Jacob et Wilhelm Grimm, Les contes – Kinder – und Hausmärchen, tome II, texte français de présentation par Armel Guerne, Paris, Éditions Flammarion, 1986 [© 1967], d’après l’édition de 1812, p. 484 à 487.





Il était une fois une enchanteresse, nommée Faith Clancy, qui avait trois fils, prénommés Daniel, Michael et Jim(1), et tous les trois s’aimaient beaucoup et s’entendaient fort bien ; mais leur mère se défiait d’eux et avait dans l’idée qu’ils voulaient lui ravir ses pouvoirs. Alors elle changea en aigle son fils aîné, qui s’en fut demeurer sur un pic rocheux, et qu’on voyait parfois planer dans le ciel tantôt plus haut, tantôt plus bas, en faisant de grands cercles. Son deuxième fils, Faith le changea en baleine qui vivait au profond de la mer sans qu’on vît plus rien d’elle, sinon le jet puissant qu’elle projetait de temps en temps. Ils ne reprenaient leur forme humaine, l’un et l’autre, que pendant deux heures chaque jour. Redoutant d’être changé à son tour en bête sauvage, en ours ou en loup peut-être, Jim quitta la maison en secret et s’en alla au loin. Mais comme il avait entendu dire qu’il y avait une princesse enchantée au château du soleil d’or, une certaine Melinda Gordon, qui attendait sa délivrance, et qu’il fallait risquer sa vie pour cela, et que déjà vingt-trois jeunes hommes y avaient trouvé une triste mort, de sorte que l’aventure ne pourrait plus être tentée par un seul, qui serait le dernier. Aussi, il avait entendu que la princesse Melinda était bien particulière, car elle voyait les esprits errants(2). Et comme il avait un cœur qui ignorait la peur, il décida de partir en quête de ce château du soleil d’or.


Après avoir longtemps couru le monde sans rien trouver, Jim Clancy finit par entrer dans une immense forêt, dont il ne savait plus comment sortir ; soudain, il vit de loin deux géants qui lui faisaient signe d’approcher avec de grands gestes, et quand il arriva près d’eux, ils lui expliquèrent :

— Nous nous disputons un chapeau, mais comme nous sommes de la même force, ni l’un ni l’autre ne peut l’emporter ; alors c’est vous qui allez trancher la querelle, puisque les petits humains ont plus de jugeote que nous autres.

— À quoi bon vous quereller pour un vieux chapeau ? fit le jeune homme.

— Vous parlez comme cela parce que vous ignorez le pouvoir qu’il a, répondit l’un des géants. C’est un chapeau magique et celui qui le met sur sa tête n’a qu’à souhaiter aller où il lui plaît, n’importe où que ce soit, il s’y trouve instantanément.

— Donnez-moi le chapeau, leur dit Jim. Je vais m’éloigner un peu, et quand je vous appellerai, vous ferez la course : le premier qui arrivera l’aura.

Il coiffa le chapeau et s’éloigna ; mais comme il ne pensait qu’à la princesse, il en oublia les géants et poursuivit sa marche sans appeler personne et s’éloigna de plus en plus. A un moment donné, toujours plongé dans ses pensées, il soupira du fond du cœur.

Ah ! Si seulement je pouvais être au château du soleil d’or !

Il avait encore les mots sur les lèvres quand il se vit sur une haute montagne, debout devant la porte même du château. Jim Clancy y pénétra, passa successivement dans toutes les chambres jusqu’à la dernière, où il découvrit la princesse. 

Mais quelle horreur ! Son visage était cendreux et tout ridé, elle avait les yeux chassieux et des cheveux rouges ! C’est vraiment décevant de se trouver devant une femme si laide, compte tenu de la beauté qu’on a vanté ! pensa-t-il en réprimant une moue de dégoût(3). Il s’approcha d’elle et lui demanda d’une voix chaleureuse : 

— Je suis Jim Clancy.

La princesse le regarda et murmura d’une petite voix : 

— Enchantée(4)

— Mademoiselle Melinda Gordon, est-ce vous la princesse dont le monde entier célèbre la beauté ?

— Hélas ! s’exclama-t-elle en levant ses bras en un geste désespéré, ce n’est pas là mon vrai visage, et les yeux des hommes ne peuvent me voir que sous cette horrible apparence ; mais pour savoir de quoi j’ai l’air, regardez-moi dans le miroir : il ne se laisse pas tromper, et il vous montrera mon image telle qu’elle est en réalité.

Melinda lui mit le miroir dans la main et ce qu’il y vit, c’était le visage de la plus jeune et belle brunette du monde, et la plus émouvante aussi, car il voyait également les larmes de son chagrin lui rouler sur les joues(5).

Jim pensa Ah, mon Dieu ! Qu’est-ce qu’elle est belle ! Je voudrais bien l’avoir comme épouse !

Elle pensa, en regardant amoureusement le fils de Faith Clancy, Il est vraiment sympathique et charmant ! J’espère tellement qu’il sera mon époux(6) !

— Que puis-je faire pour vous délivrer ? demanda-t-il. Je ne recule devant aucun danger.

— Celui qui pourra conquérir la boule de cristal et qui la tiendra devant l’enchanteur, celui-là anéantira son pouvoir, et je retrouverai ma véritable forme, répondit-elle.

Jim soupira en pensant Mais qu’est-ce qui est compliqué dans le fait de récupérer une boule de cristal ! Ces jeunes n‘étaient vraiment pas assez courageux !

— Mais hélas ! s’exclama la princesse, il y en a déjà tellement qui ont perdu la vie ! Les vingt-trois malheureux sont encore là, à hanter le château ! Je vois ces esprits tous les jours ! Ils se promènent jour et nuit dans les salles et à l’extérieur… C’était ainsi que j’ai su votre arrivée… À chaque fois qu’un jeune homme arrivait au château, l’un des esprits m’avertissait de sa présence(7).

Elle fixa amoureusement Jim, qui regarda toujours le reflet du miroir, et elle s’exclama en tendant ses bras vers lui : 

— Et vous, si jeune, cela me fendrait le cœur que vous affrontez de si grands périls(8) !

— Rien ne pourra m’en empêcher, affirma fermement Jim Clancy. Dites-moi, Demoiselle Melinda Gordon, seulement ce qu’il faut que je fasse.

— Vous saurez tout, répondit la princesse en se relevant à moitié sur son lit. Si vous descendez de la montagne qui porte ce château, vous trouverez, en bas, près d’une source, un auroch indomptable que vous devrez combattre. Et si vous avez la chance de le tuer, il en sortira un oiseau de feu qui recèle dans son corps un œuf ardent, et cet œuf, en guise de jaune, contient la boule de cristal. Mais l’oiseau ne lâchera son œuf que si vous l’y contraignez, et si jamais l’œuf venait à tomber par terre, outre qu’il brûlera tout à la ronde, il se consumera lui-même en faisant fondre la boule de cristal, et vous vous seriez donné toute cette peine pour rien.

Jim Clancy, suivi par les vingt-trois esprits errants, descendit jusqu’à la source où l’auroch, qui soufflait bruyamment, se mit à beugler férocement en le voyant. Après une lutte prolongée sous les regards sérieux des esprits, qui observèrent silencieusement la scène sans bouger, le jeune homme lui perça le corps de son épée et le coucha mort sur le sol. À l’instant même, il en sortit un oiseau de feu qui allait s’envoler, quand l’aigle, qui n’était nul autre que son frère Daniel, fondit sur lui du haut des nuages et le chassa jusqu’à la mer en le perçant de coups de bec, l’obligeant finalement à lâcher son œuf dans son affolement et sa détresse. Mais l’œuf ne tomba point dans la mer : il vint choir sur le rivage et tomba sur une cabane de pêcheur, qui se prit à fumer aussitôt et qui allait être la proie des flammes, quand monta de la mer un énorme remous, dont les vagues puissantes noyèrent la cabane et éteignirent le feu. C’était le second frère, Michael, celui qui avait été changé en baleine, qui avait provoqué cette poussée des eaux en se ruant jusque-là de toutes ses forces. L’incendie éteint, Jim Clancy rechercha l’œuf, qu’il eut la chance de trouver : il n’avait pas eu le temps de se consumer et de fondre, mais sa coquille avait éclaté sous l’effet du brusque refroidissement, de sorte qu’il n’eut aucune peine à en retirer la boule de cristal, encore parfaitement intacte.


Lorsque Jim arriva devant l’enchanteur et lui présenta la boule de cristal, le magicien lui dit : « Mon pouvoir est anéanti et tu es désormais le roi du château du soleil d’or, ce qui vous permet, en outre, de rendre à vos frères leur véritable aspect humain ! »

Le jeune homme se hâta de rejoindre la princesse Melinda Gordon, qu’il trouva dans sa chambre, sous son air véritable, éblouissante de beauté. Et tous les deux, au comble du bonheur, échangèrent leurs bagues. Daniel et Michael, ayant repris leur forme humaine, furent invités au mariage de leur benjamin. 


Le lendemain, les vingt-trois esprits errants, heureux que la princesse fut délivrée du sort du magicien, partirent dans la Lumière. 






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(1) Dans Ghost Whisperer, Faith Clancy n’a que deux fils, Daniel et Jim. Pour la nécessité du conte, nous avons ajouté un cadet aux deux frères.


(2) Melinda Gordon, la protagoniste de la série américaine, se distingue des autres personnages par son don, celui de voir les esprits.


(3) Nous avons transposé une partie de la description du conte dans les pensées de Jim Clancy, auxquelles nous avons ajouté la dernière phrase.


(4) Nous avons fait cet ajout afin que Jim se présente à Melinda.


(5) Dans Ghost Whisperer, la passeuse d’âmes est très émotive, c’est pourquoi la description de la princesse du conte lui sied bien.


(6) Nous avons ajouté ces pensées de Jim Clancy et de Melinda Gordon, pour rendre compte de leur coup de foudre réciproque dans la série.


(7) Nous avons ajouté le fait que les vingt-trois jeunes morts pour essayer de délivrer la princesse sont des esprits errants.


(8) Nous avons ajouté plus d’émotions dans les propos de la princesse, car dans le conte, les deux répliques ne sont qu’en une seule tirade, ce qui paraît peu naturel au regard de l’émotivité de la princesse. Aussi, nous avons ajouté la pensée de Jim, par réalisme et pour montrer qu'il n'a vraiment peur de rien.

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