Réécriture de contes à la Ghost Whisperer

Chapitre 16 : L'esprit du gamin

1569 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 16/08/2025 13:30




Voici la référence du conte : « Le sou volé », dans Jacob et Wilhelm Grimm, Les contes – Kinder – und Hausmärchen, tome II, texte français de présentation par Armel Guerne, Paris, Éditions Flammarion, 1986 [© 1967], d’après l’édition de 1812, p. 314 à 315.




Un père, Martin, une mère, Mary, et leurs deux enfants, Andrew et Diana, étaient tous à table, un jour, avec leurs amis, Jim Clancy, un ambulancier, et Melinda Gordon, une antiquaire, qui étaient venus leur faire visite et qui partageaient leur repas(1). Melinda avait un don unique depuis son enfance, à savoir celui de voir les esprits errants, ceux qui ont encore des choses à résoudre avec les vivants. Elle les aidait à quitter en paix le monde d’ici-bas et à partir dans la Lumière, nom que la passeuse d’âmes donnait à l'au-delà(2).

Midi sonna pendant qu’ils étaient en train de manger, et au douzième coup, la porte s’ouvrit. Étonnés, tous tournèrent leurs têtes vers la porte, mais personne de vivant n’y était. Seule Melinda vit un esprit d’un enfant pâle, vêtu de blanc.

Elle pensa Qui est ce pauvre enfant ? Pourquoi hante-t-il la maison des amis de Jim ?

Les amis de Jim murmurèrent entre eux : « Qu’est-ce qui se passe ? Qui s’amuse ainsi à ouvrir la porte sans entrer ? »(3)

Le revenant, sans prononcer une parole, sans seulement détourner les yeux, alla droit dans la chambre à côté, d’où il ressortit au bout d’un petit moment pour gagner la porte.

Melinda, en regardant les autres vivants autour de la table, dit d’un ton assuré : 

— C’est l’esprit d’un enfant qui vient d’entrer, mes amis…

— Où est-il ? demanda Martin, les sourcils levés.

— Là, devant la porte, répondit-elle en désignant de sa main droite l’entité.

Le revenant s’en alla aussi silencieusement qu’il était venu, en disparaissant au travers la porte.

La passeuse d’âmes soupira et dit : 

— Martin, l’esprit vient de disparaître… 

— A-t-il dit quelque chose ?

— Rien. Il s’est seulement rendu dans la chambre voisine puis est reparti.

Mary intervint d’une voix chaleureuse : 

— Au moins, Melinda, peux-tu nous le décrire ?

— Hmm… Pas vraiment, puisqu’il est rapidement passé… Étant donné sa taille, il s’agit peut-être d’un enfant… Il est pâle et vêtu d’une chemise blanche… 

Martin et Mary haussèrent les épaules pour dire « avec la description que tu fais, nous ne pouvons pas savoir qui est cet esprit qui hante notre maison ».

Melinda s’empressa d’ajouter, avec son plus beau sourire : 

— Mais sans doute qu’il va revenir… De sorte que j’essaierai de parler avec lui… Ne vous inquiétez pas… Je sais comment faire, avec les nombreuses années d’expérience que j’ai avec les esprits…

Martin répliqua d’un ton doux : 

— Tu sais, Melinda, que nous te faisons confiance…

— Merci beaucoup, murmura-t-elle.


Le lendemain, comme cela se reproduisit, la passeuse d’âmes regarda attentivement le revenant qui balbutia, visiblement étonné :

— Madame…

De sa voix la plus douce, elle se présenta :

— Melinda Gordon, et toi ?

— Victor.

— Très bien, Victor, que cherches-tu ?

Mary intervint d’une voix tremblante : 

— Victor est… notre fils… notre cher petit… que nous… avons… perdu… il y a une semaine.

L’esprit répondit : 

— Je cherche ce qui est dans la chambre.

Il disparut pour se rendre dans la chambre à côté.

Melinda le suivit et ouvrit doucement la porte. Elle vit que le petit Victor fouillait fiévreusement avec ses petits doigts dans les raies entre les lames du parquet ; mais dès qu”il aperçut la passeuse d’âmes il disparut. L’amie revient auprès de son mari à la table et raconta au couple ce qu’elle avait vu.

Jim, Mary et Martin allèrent alors arracher le parquet dans la chambre et trouvèrent deux petits sous. Martin, étonné, balbutia : 

— Qu’est-ce que notre Victor voulait ? Il ne peut rien faire avec cela, maintenant qu’il est mort.

Melinda accourut aussi dans la chambre et leur demanda : 

— Qu’avez-vous trouvé ?

Martin, en agitant les sous dans sa main, répondit : 

— Deux sous.... À ton avis, c’était ce que Victor cherchait ?

— À ne pas exclure…

À ce moment précis. l’esprit se manifesta à la droite de son père et dit d’une voix fluette : 

— Maman m’avait donné ces sous pour pouvoir faire charité aux pauvres, mais moi je voulais acheter des sucreries et je les avais caché dans les raies du parquet…  

Melinda s’approcha de lui et demanda d’une voix qui se veut douce :

— Victor, dis-moi sans crainte ce que tu voulais faire avec ces deux sous…

— Pourquoi ? fit l’esprit, lueur de méfiance dans ses yeux bruns.

— Parce que tes parents ne peuvent pas te voir…

— Mais pourquoi vous ?

— En raison de mon don… que j’ai hérité de ma grand-mère maternelle(4)… D’ailleurs, ne t’inquiète pas, je dirai ce que tu me diras à tes parents… Ce n’est pas la première fois que je fais ceci… Tu peux me faire confiance… Je te l’assure… Je veux t’aider du mieux que je peux… 

Le revenant demeura silencieux pendant un certain temps, la mine pensive.

Martin commenta : 

— Il semble Melinda, que nous avons raté une partie de ta conversation avec…

Sa femme termina a phrase d’une voix larmoyante : 

— … notre fils…

La femme de Jim se retourna vers le couple d’amis, et dit d’un ton assuré : 

— Votre fils Victor m’a demandé pourquoi il devait passer par moi pour vous communiquer sa dernière volonté…

— Et alors, demanda Jim, qu’est-ce qu’il a dit concernant les deux sous ?

En levant ses bras en un geste désespéré, Melinda répondit : 

— Encore rien… Mais il est encore là, apparemment en train de réfléchir…

L’esprit dit en regardant la main de son père, qui continuait à agiter nerveusement les deux sous dans sa main : 

— Je veux que ces sous soient donné à un pauvre. C’est tout !

Melinda le remercia d’un signe de tête et dit en faisant un geste de la main vers le père : 

— Martin, ton fils veut que les sous que tu as trouvé sont donnés à un pauvre. 

— Très bien ! répliqua le père, sans problème !

Il sortit de la maison pour donner les deux sous à un pauvre voisin puis il revint dans la chambre.

L’esprit regarda soudainement vers sa droite et murmura : 

— Madame, je vois une lumière blanche… Elle m’attire… Elle est tellement douce !

Il tourna sa petite tête vers la femme extraordinaire qui murmura : 

— Tu viens de voir la lumière… Elle est pour toi… Va-y sans crainte… 

Victor ramena son attention vers la lumière, s’avança lentement.

Jim demanda, en serrant les mains de sa femme entre les siennes : 

— Mel, l’esprit est prêt à partir ?

Elle approuva silencieusement ses propos. Il lâcha ses mains.

Victor se retourna et cria : 

— Au revoir, papa et maman ! Au revoir Andrew et Diana ! 

Melinda, émue, lâcha une larme de joie. Elle se ressaisit en passant le dos de sa main sur ses yeux. Elle se retourna vers Mary et Martin d’une voix chaleureuse :

— Mes amis, votre fils vient de dire ses derniers adieux… à vous et son frère Andrew et à sa sœur Diana…

L’esprit, large sourire au visage, hocha la tête, se retourna et marcha d’un pas assuré vers la lumière. Lorsqu’il disparut, complètement absorbé, la passeuse d’âmes ramena son attention vers les parents et murmura :

— Victor vient de quitter définitivement le monde des vivants. Vous voilà assurés qu’il ne viendra plus hanter votre maison…

— Merci, Melinda ! s’exclamèrent à l’unisson le couple.


Les adultes se saluèrent, puis Jim et Melinda revinrent dans leur maison(5).




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(1) Nous avons ajouté des prénoms au père, à la mère et aux enfants. Nous avons fait de Jim et Melinda les amis de cette famille du conte. Dans ce dernier, il n’est question que d’un ami.


(2) Melinda Gordon est la protagoniste de la série américaine Ghost Whisperer. La description que nous faisons d’elle correspond à celle qui est faite dans celle-ci.


(3) Nous avons ajouté cette pensée de Melinda, car même dans le conte, seul l’invité voit l’esprit de l’enfant. De même pour la réaction réaliste des amphitryons.


(4) Nous respectons la transmission générationnelle du côté maternel du don de Melinda Gordon.


(5) Nous avons modifié considérablement le conte, qui résume la raison de l’esprit à rester encore parmi les vivants. Nous avons simplement repris les éléments-clés, que nous avons développé sous forme de dialogue.


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