Réécriture de contes à la Ghost Whisperer
Chapitre 21 : Melinda au Chaperon Rose
2775 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 07/09/2025 13:20
Voici la référence du conte : « Le Petit Chaperon rouge », dans Charles Perrault, Contes, préface de Marc Soriano, illustrations de Martine Lasnet, Paris, Hachette, 1977, d’après l’édition originale de 1697, p. 33 à 36.
Il était une fois une petite fille de village, Melinda Gordon, la plus jolie qu’on eût su voir : sa mère, Elizabeth, en était folle, et sa mère-grand, Ann-Mary Patterson, plus folle encore, car elles partagaient un don commun, à savoir celui de voir les esprits errants. Elles étaient passeuses d’âmes de mère en fille. Elizabeth envoyait souvent Melinda chez sa mère, qui avait plus de patience qu’elle pour expliquer les principes de leur travail en tant que médium(1). Elizabeth lui fit faire un sweater à capuche rose qui lui seyait si bien, que partout on l’appelait Melinda au Chaperon Rose(2).
Un jour, la mère de Melinda, alors une jeune adolescente(3), ayant cuit et fait des galettes, lui dit :
— Mel, va voir comment se porte ta grand-mère, car on m’a dit qu’elle était malade…
— Mère, qui te l’a dit ? demanda l’interpellée, mine inquiète.
— Une Observatrice(4), celle qui est une bonne connaissance de ta mère-grand...
Elizabeth fit une courte pause puis reprit d’une voix douce :
— Alors, porte-lui une galette et ce petit pot de beurre. Et comme la route est longue, voilà une galette pour toi(5).
Melinda au Chaperon Rose partit aussitôt pour aller chez sa mère-grand, qui demeurait dans un autre village. En passant dans un bois, elle rencontra un esprit errant. C’était un jeune homme vêtu comme un paysan, dont la chemise était déchirée un peu partout.
La jeune passeuse d’âmes le regarda et l’aborda gentiment :
— Je m’appelle Melinda Gordon, surnommée Melinda au Chaperon Rose… Quel est votre nom et que faites-vous ici ?
— Enchanté ! Moi, c’est Michael Wilkins, répondit-il(6). Je suis dans cette forêt, car le Loup m’a dévoré…
Moue au visage, elle pensa, Quelle horreur ! Que Dieu me protège de rencontrer le Loup !
Il ajouta avec un petit sourire pour la rassurer :
— Ne vous inquiétez pas, Mademoiselle Gordon, depuis cinq ans que j'erre dans la forêt, et je suis la seule victime du Loup… Car il n’y a pas d’autres esprits… Selon les propos de Carl l’Observateur(7), le Loup a mangé un peu avant son acte d’anthropophagie un champignon…
La fille d’Elizabeth le regarda d’un air étonné, ses yeux bruns écarquillés de surprise, en pensant, j’ignorais que les champignons avaient un tel pouvoir… Bon, c’est vrai que j’ai entendu de ma grand-mère que certains pouvaient causer des hallucinations… Leçon à retenir : ne pas manger de champignons dans une forêt lorsque nous ne savons pas lesquels sont comestibles.
L’esprit, sourire furtif devant la réaction de l’adolescente, continua :
— … qui le rend fou. En plus d’être influencé par les Ombres, des esprits démoniaques qui ressemblent à des fumées noires sans aucune apparence humaine(8)… Ceci explique son comportement bizarre…
Melinda cligna des yeux, très craintive, en pensant Oh, Mon Dieu ? Je suis fichue si je rencontre le Loup !
Michael s’interrompit lui-même puis ajouta d’un air sérieux :
— C’est tout ce que je voulais vous dire… Je vous laisse, je vais aller voir où il est. Bien sûr, je vous informerai s’il rôde dans les parages.
Ainsi parla l’esprit qui disparut aussitôt de sa vue.
Melinda observa attentivement autour d’elle, comme si elle craignait qu’un mouvement de feuille puisse trahir la présence du Loup. Elle ne vit que des oiseaux qui volaient entre deux chênes ou encore d’un chêne à un conifère. Sur la sente devant elle, un chevreuil passa timidement comme s’il ne voulait pas la déranger. D’ailleurs, l’adolescente extraordinaire ne remarqua aucun autre esprit humain ; elle vit quelques esprits des chevreuils et des lièvres décédés, mais ils disparurent dès que son regard se posa sur eux. Rassurée, elle poursuivit sa marche d’un pas ferme. Elle marchait pendant quelques heures, sans rencontrer sur sa route un animal dangereux.
Sentant la faim tirailler son estomac, Melinda s’arrêta aux pieds d’un chêne centenaire pour savourer avec plaisir sa galette. Une fois son repas terminé, elle remarqua un esprit près de l’arbre voisin au sien : Michael Wilkins.
Les yeux agrandis de peur, le cœur battant la chamade, les mains moites, elle pensa : Qu’est-ce qui se passe, Michael ? Est-ce que le Loup est là ?
L’adolescente s’éclaircit la gorge puis l’interrogea d’une voix tremblante :
— Michael… Le Loup est-il… dans les parages ?
— Oui…Si vous continuez tout droit, vous allez le rencontrer…
Des sueurs froides coulèrent dans son dos secoué par l’effet paralysant de la peur. Melinda imagina que le Loup, avec un regard hypnotique en raison des champignons hallucinogènes, montrait ses crocs sur elle et l’attendait pour la dévorer.
Elle déglutit avec difficulté, puis demanda d’une voix blanche :
— Pourtant, il n’y a pas d’autres chemins pour se rendre chez mère-grand… Elle habite par-delà le moulin, là-bas, au loin…
Elle pointa de son index droit devant elle et termina sa phrase :
— … à la première maison du village(9).
Mine pensive, l’esprit dit d’un ton sévère :
— Mademoiselle Gordon, attendez-moi ici ! Surtout, ne bougez pas d’un millimètre !
Effrayée, l’adolescente extraordinaire jeta sa capuche sur sa tête et confirma sa compréhension d’un mouvement positif. Sa gorge fut tellement nouée par la peur qu’elle ne trouva point la force de dire un seul mot.
Michael, avec un petit sourire, continua d’une voix chaleureuse :
— Je serais rapidement de retour. Je vais voir s’il n’y aurait pas un passage possible pour se rendre chez votre grand-mère en évitant le Loup.
Sauf que des entités sombres entendirent l’adresse de la mère-grand : deux Ombres rôdaient depuis quelques minutes près du chêne où se trouvait Melinda. Elles retrouvèrent le Loup qui avait mangé quelques champignons hallucinogènes avec son chevreuil. Comme un vent froid, elles murmurèrent les indices pour trouver l’adresse de la grand-mère de la jeune fille. Le Loup remercia ses informateurs d’un geste de tête en agitant ses oreilles. Il courut par le chemin le plus court. L’esprit errant, qui le vit courir, fouilla les environs puis revint vers Melinda. Cette dernière l'attendait, en tenant fermement le panier avec la galette et le petit pot de beurre pour sa mère-grand.
Il dit :
— Mademoiselle Gordon, suivez-moi, j’ai trouvé un autre chemin. Allons-y ! Vite, car le Loup a pris le chemin le plus court !
— Mais si le Loup a pris le chemin le plus court, protesta Melinda, les larmes aux yeux, il nous reste que le plus long !
— Suivez-moi et assez parler !
Michael se dirigea vers sa droite, près d'une aubépine. La passeuse d’âme le suivit et ils s'enfoncèrent dans la forêt, en empruntant un passage inconnu de la jeune fille.
Le Loup ne fut pas longtemps à arriver à la maison de la grand-mère ; il frappa : toc, toc.
A ce moment précis, devant Ann-Mary Patterson un esprit apparut : une brunette d’âge mûr, vêtue d’une robe blanche scintillante de style baroque brodée avec des fils d’argent. La passeuse d’âmes, allongée sur son lit, se releva à moitié pour mieux la voir. Elle reconnut l’entité : une Observatrice.
La grand-mère de Melinda la salua d’un geste de tête et murmura :
— Madame, qu’avez-vous à dire ?
— Le Loup est présentement à votre porte, répondit calmement l’Observatrice.
— Qu’est-il advenu de ma petite Melinda ? demanda d’une voix enrouée Ann-Mary.
— Melinda est en sécurité. Elle suit Michael Wilkins pour venir jusqu’à vous.
— Et le Loup, l’a-t-il vu ?
— Non, répondit d’une voix chaleureuse son interlocutrice.
Dieu merci que ma petite Melinda est sauve ! pensa la vieille femme en s’allongeant confortablement dans son lit.
L’Observatrice, elle, disparut de sa vue.
Le Loup, impatient de n’obtenir aucune réponse, frappa à nouveau à la porte.
Ann-Mary s’éclaircit la gorge et dit d’une voix éraillée :
— Qui est là ?
Le Loup toussota puis répondit, en contrefaisant sa voix du mieux qu’il put :
— Je suis votre petite-fille, Melinda…
La vieille passeuse d’âmes pensa avec humour Bien essayé de vous faire passer pour ma petit-fille bien-aimée ! Votre voix est trop grave malgré vos tentatives de l’adoucir ! La prochaine fois, pour être plus crédible, n’oubliez pas de manger de la réglisse pour adoucir votre voix !
Elle l’interrompit d’une voix claire :
— Monsieur le Loup, je vous recommande de ne pas rester devant ma porte. Sinon, vous aurez affaire à Carl Neely, mon ami policier qui est aussi un redoutable chasseur qui ne rate jamais sa cible(10) !
Le Loup, effrayé en son âme, comprit que la menace était sérieuse. Le nom du policier le dégrisa d’un coup.
La vieille parle trop fort pour une malade, pensa-t-il. À moins qu’elle soit une bonne comédienne ? Mais comment peut-elle savoir que je suis là ?... Ne serait-elle pas une sorcière ? Et ce Carl Neely… Ce nom me dit vaguement quelque chose… Il me semble que j’ai entendu d’un compère à l’autre bout de la forêt que ce Carl est un chasseur et policier aguerri… Il a même tué le plus violent des nôtres — et ce, sans sourciller !… Je suis fichu s’il arrive ! Alors, vite ! Prenons nos jambes — nos pattes — à notre cou !
Et le Loup tourna le dos à la maison d'Ann-Mary Patterson et courut aussi vite que le permettait ses pattes. Il se rendit dans un coin perdu de la forêt, où il rencontra un compère, qu’il avertit du danger que représente la première maison du village près du moulin car la dame qui y habitait était sans doute une sorcière qui était une amie du redoutable Carl Neely. Et la nouvelle était connue en quelques heures de tous les loups de la forêt. Depuis, aucun d’eux n’osa plus jamais s’approcher de la maison de la grand-mère de Melinda.
Melinda, elle, arriva sauve, à l’exception de quelques égratignures par les branches des arbustes au visage, devant la porte de la maison de sa mère-grand. Elle vint frapper à la porte : toc, toc.
Ann-Mary demanda :
— Qui est là ?
Elle répondit :
— C’est ta petite-fille, Melinda au Chaperon Rose, qui t’apporte une galette et un petit pot de beurre que ma mère t’envoie.
— Tire la chevillette, la bobinette cherra.
Melinda au Chaperon Rose tira la chevillette, et la porte s’ouvrit. Elle entra et salua sa mère-grand. Cette dernière remarqua les égratignures au visage de sa petite-fille, elle lui en demanda la cause. Melinda lui expliqua sa mésaventure dans les bois. Ann-Mary lui conta comment le Loup avait essayé de contrefaire sa voix, mais sans succès. Ensuite, Ann-Mary mangea avec joie la galette et le beurre(11).
Quelques jours plus tard, la mère d’Elizabeth guérit complètement et remercia sa petite-fille d’être venue. Au moment où Melinda se prépara pour sortir de la maison de sa grand-mère, Michael Wilkins apparut devant elles et déclara être prêt à partir dans l’Au-delà.
La plus vieille des passeuses d’âmes dit de sa voix enrouée par l’âge :
— Michael Wilkins, voyez-vous la Lumière ?
L’esprit regarda autour de lui, pour fixer une lumière vers sa droite, que lui seul voyait. Il murmura :
— Si, une lumière pure, blanche et très accueillante…
Il plissa ses yeux puis s’exclama d’un air enjoué :
— Je vois aussi grand-pa et grand-ma ! Ils font des grands gestes de bras !
Le visage de Michael s’illumina d’un large sourire et se tourna vers Melinda en disant :
— Maintenant que vous êtes en sécurité et que le Loup ne peut plus nuire à personne, je n’ai aucune raison pour rester parmi les vivants…
— Comment savez-vous que mère-grand l’a menacé ?
— Une Observatrice m’a informé tout à l’heure.
Les deux passeuses d’âmes s’entre-observèrent, étonnées, en pensant Dieu que le monde est petit !
L’esprit regarda à nouveau vers sa droite et cria :
— Grand-ma ! Grand-pa ! J'arrive !
Et il s’avança vers la lumière, jusqu’à y entrer complètement, disparaissant de la vue des deux femmes(12).
Melinda, elle, revint chez sa mère et lui raconta tout ce qui s’était passé ; Elizabeth lui conseilla prudence et la félicita d’être parvenue à convaincre un esprit errant à partir dans la Lumière.
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(1) La généalogie du côté maternel et la transmission du don de Melinda est reprise de Ghost Whisperer. De même pour l’apprentissage de Melinda par sa grand-mère.
(2) Dans le conte, il est question d’un chaperon rouge.
(3) Nous avons précisé à-peu-près le dernier moment quand Melinda voit sa grand-mère maternelle dans la série, ce qui est vaguement présenté en flash-back dans la série américaine.
(4) Les esprits Observateurs se distinguent des simples esprits errants par le fait qu’ils ne partent pas dans la Lumière (ou l'au-delà) et qu’ils savent ce qui se passe parmi les vivants. D’ailleurs, dans la quatrième saison de la série, une Observatrice non-nommée apparaît pour avertir Melinda d’un danger.
(5) Nous avons ajouté la galette pour Melinda. La pauvre, sa mère ne veut pas qu’elle revienne affamée de chez sa grand-mère.
(6) Dans Ghost Whisperer, Michael Wilkins est l’esprit errant d’un gamin de dix ans que Melinda rencontre au dix-septième épisode de la troisième saison, Stranglehold — Le Visage derrière le masque - première partie. Pour la cause du conte, nous l’avons vieilli.
(7) Dans Ghost Whisperer, Carl l’Observateur est en effet un esprit Observateur familier à Melinda depuis la fin de la quatrième saison. Pour la cause du conte, nous le faisons intervenir beaucoup plus tôt et en considérant qu’il sait tout ce qui passe dans la forêt.
(8) Nous avons repris de la série américaine la description des Ombres, en y ajoutant le qualificatif d’esprits démoniaques.
(9) Les indices pour trouver la maison de la mère-grand sont repris du conte. Cependant, dans le conte, le Chaperon Rouge dit cette information au Loup. Dans notre réécriture, nous avons modifié ce détail.
(10) Dans la série Ghost Whisperer, Carl Neely est un policier, ami de Jim Clancy et de Melinda Gordon. Il n’intervient que dans les troisième et quatrième saisons. C’est pour la nécessité du conte que nous le faisons aussi ami avec la grand-mère de Melinda et qu’il est chasseur.
(11) Nous avons considérablement modifié la fin du conte, dans lequel le Petit Chaperon rouge rencontre le Loup et parla avec lui en ignorant qu’il était dangereux. Le Loup arriva chez la grand-mère en passant par le chemin le plus court, tandis que la fillette passa par le chemin le plus long. De plus, elle s’amusait en chemin à cueillir des noisettes, à courir après les papillons et à faire des bouquets des petites fleurs qu’elle rencontrait. Le Loup arriva de ce fait avant la fillette, entra en contrefaisant sa voix et dévora la grand-mère. Ensuite, le Petit Chaperon rouge arriva et entra. Étonnée de l’apparence de sa mère-grand, la fillette questionna le Loup, qui, finalement, la dévora aussi.
(12) Nous avons ajouté le départ de Michael Wilkins dans la Lumière, afin de respecter la fin de l’épisode de Ghost Whisperer.