Réécriture de contes à la Ghost Whisperer
Chapitre 28 : L'histoire de Samuel Lucas
2651 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 02/11/2025 13:38
Voici la référence du conte : « La vieille dans la forêt », dans Jacob et Wilhelm Grimm, Les contes – Kinder – und Hausmärchen, tome II, texte français de présentation par Armel Guerne, Paris, Éditions Flammarion, 1986 [© 1967], d’après l’édition de 1812, p. 196 à 199.
Il était une fois une pauvre servante, prénommée Nicole(1) qui voyageait avec ses maîtres, et comme ils traversaient une grande forêt, leur voiture fut attaquée par des bandits qui surgirent des fourrés et qui tuèrent tout ce qui se présentait. Il n’y eut pas un survivant, hormis la jeune servante qui s’était jetée de la voiture dans sa peur, et qui s’était cachée derrière un arbre. Lorsque les bandits se furent éloignés avec leur butin, timidement Nicole approcha, et ne put que constater le malheur sans remède.
Pauvre moi, gémit-elle, que vais-je devenir ? Jamais je ne serai capable de sortir de cette immense forêt où ne demeure âme qui vive, et je vais y mourir de faim !
En larmes, la servante se mit à errer à la recherche de quelque chemin, mais ne put en trouver aucun. De plus en plus malheureuse, quand le soir arriva, elle se laissa tomber au pied d’un arbre, se recommanda à la grâce de Dieu et décida de ne plus bouger de là, quoi qu’il pût arriver. Il n’y avait pas bien longtemps qu’elle y était, et l’obscurité n’était pas encore venue quand elle vit arriver une blanche colombe qui volait vers elle, tenait une petite clef d’or dans son bec. L’oiseau lui posa la petite clef dans sa main droite et lui dit :
— Tu vois ce grand arbre là-bas ?
Nicole, le cœur battant la chamade en entendant la voix de l’animal, qui lui semblait familière, songea Sam, est-ce toi ? Pourquoi as-tu été transformé en colombe(2) ?
La jeune femme était amoureuse d’un prince, un certain Samuel Lucas, qui était passionné d’architecture, qu’elle n’a pas revu depuis quelques mois. C’est pourquoi ses maîtres et elle étaient partis à sa recherche(3).
L’oiseau continua :
— Il y a dans son tronc une petite serrure ; si tu l’ouvres avec cette petite clef, tu trouveras de la nourriture en suffisance pour ne plus souffrir de la faim.
Nicole balbutia, les yeux grands comme des soucoupes, en fixant la colombe :
— Sam, que fais-tu ici, sous cet aspect ?
— Nikki, c’est moi… Je suis content de te voir ! Moi qui pensais ne plus te revoir !
Puis l’oiseau s’envola à tire-d’aile, avec que la femme ne posa à nouveau sa question(4).
Nicole s’empressa de sécher ses larmes de tristesse mêlée à une amère joie et alla jusqu’à l’arbre, ouvrit la serrure et trouva à l’intérieur du lait dans une petite jatte et du pain blanc pour tremper dans le lait ; ainsi put-elle manger son content.
Sa faim passée, elle songea Voici l’heure où les poules rentrent se coucher, et je me sens si fatiguée, si fatiguée…
La jeune femme soupira.
Comme je voudrais pouvoir me mettre dans mon lit(5) !
Elle vit alors la colombe blanche revenir vers elle, tenant une autre petite clef d’or dans son bec.
— Nikki, ouvre l’arbre que tu vois là-bas, dit l’oiseau en lui donnant la petite clef. Tu y trouveras un lit.
Elle ouvrit l’arbre et y trouva un beau lit bien doux ; la servante demanda dans sa prière au bon Dieu de la garder pendant la nuit, se coucha et s’endormit aussitôt.
*****
Au matin, la colombe revint pour la troisième fois lui apporter une petite clef.
— Si tu ouvres cet arbre là-bas, tu y trouveras des robes, dit-elle.
La jeune femme s’exclama :
— Sam, dis-moi comment tu es devenu une colombe ? J’avais entendu de ton père, Son Altesse Gerald Lucas(6), que tu avais eu un accident avec ton carrosse lorsque tu étais passé à Grandview…
— Oui, répondit d’un air triste l’oiseau, mon carrosse avait heurté un autre carrosse, mais le choc avait été si terrible que j’étais sorti de mon corps. Une sorcière m’avait attendu, pour me dire que je ne pouvais revenir que dans le corps d’un arbre et d’une colombe. Je n’avais pas voulu l’écouter et j’étais revenu dans mon corps propre… Sauf que j’ai compris quelques instants plus tard que la méchante sorcière m’avait aussitôt transformé en une colombe… J’avais pris mon envol pour regagner cette forêt, en espérant te trouver… Et là, elle m’avait transformé en un arbre(7)...
— Mais pourquoi ? protesta-t-elle en faisant un geste vers l’oiseau, qui vint se poser sur sa main droite.
Il regarda autour de lui, puis dit :
— Je te l’expliquerai plus tard !
Et la colombe prit son envol. Nicole baissa les bras en soupirant, exaspérée.
Comment délivrer Sam de ce sort ? songea-t-elle, très inquiète pour son bien-aimé. J’espère bien y parvenir…
Elle se dirigea vers l’arbre que Sam lui avait indiqué(8). Et quand elle l’eut ouvert, elle trouva dedans des robes brodées d’or et de pierres précieuses, des vêtements d’une telle magnificence que même les princesses n’en possèdent pas d’aussi beaux.
La servante pensa Est-ce Sam qui se préoccupe ainsi de moi ? Il est tellement attentif envers moi… Ce doit être lui et personne d’autres… Malgré qu’il m’avait fâché avec ses galanteries autour de la fille aînée de mon maître, et avec d’autres princesses, je l’aime… Sam, tu demeures l’homme cher à mon cœur ! Je ne veux me marier qu’à toi(9).
*****
Alors Nicole vécut là, dans la forêt, pendant un temps, et la colombe revenait tous les jours et s’occupait de tout ce dont elle pouvait avoir besoin, ne lui laissant aucun souci ; et c’était une existence calme, silencieuse et bonne.
*****
Puis un jour, la colombe vint et lui demanda :
— Nikki, voudrais-tu me rendre un service ?
— De tout cœur ! répondit la jeune femme.
— Je vais te conduire à une petite maison, dit alors la colombe ; tu entreras et il y aura là, devant la cheminée, une vieille femme qui te diras bonjour ; mais tu ne dois à aucun prix lui répondre un seul mot. Pas un mot, quoi qu’elle dise ou fasse ; et tu iras sur ta droite où tu verras une porte, que tu ouvriras pour entrer dans une petite chambre, où il y a un tas de bagues de toutes sortes sur une table : une énorme quantité de bagues parmi lesquelles tu en verras de très précieuses, de merveilleux bijoux montés de pierres fines, de brillants extraordinaires, de pierres les plus rares et les plus éclatantes ; mais tu les laisseras de côté et tu en chercheras une toute simple, un anneau ordinaire qui doit se trouver dans le tas.
— Mais pourquoi ? questionna Nicole, les sourcils levés.
— C’est la bague de fiançailles que je voulais te donner avant mon accident, dit l’oiseau d’un ton sûr.
— Pourquoi ne pas me l’avoir dit ? fit-elle, émue jusqu’aux larmes.
— Parce que j’ai eu l’accident au moment où je voulais revenir dans mon palais pour t’envoyer un messager pour t’informer de mes intentions… Nikki, tu es la femme avec laquelle je veux des enfants. Je t’aime et tu m’aimes et c’est ce qui compte. Je ne veux pas être avec une autre, tu comprends ?
Elle confirma silencieusement en pleurant de joie. Elle leva la tête vers le ciel en pensant Que le Seigneur soit loué ! Mon vœu le plus cher se réalisera bientôt ! Me marier à Sam !
— Alors tu me l’apporteras, reprit l’oiseau, je veux dire, ta bague de fiançailles(10), en faisant aussi vite qu’il te sera possible.
Nicole manifesta sa compréhension en opinant du chef, et aussitôt, la colombe prit son envol.
*****
La jeune servante arriva, après quelques heures de marche à travers la forêt, devant la petite maison, poussa la porte et entra. Il y avait une vieille femme assise, qui ouvrit de grands yeux en la voyant et qui lui dit : « Bonjour, mon enfant ! » Sans lui répondre, Nicole alla droit à la petite porte. « Où vas-tu ? » lui cria la vieille femme en essayant de la retenir par le pan de sa robe. « Tu es chez moi ici ! C’est ma maison, et nul n’y doit entrer sans mon consentement. Tu m’entends ? »
Toujours sans souffler mot, la jeune femme se dégagea d’un coup de reins et pénétra dans la petite chambre. Mon Dieu ! Quelle fantastique quantité de bagues s’entassait donc sur l’unique table, jetant mille feux, étalant mille splendeurs sous ses yeux ! Mais elle les dédaigna et se mit à fouiller pour chercher l’anneau tout simple, tournant et retournant tout le tas sans le trouver. Elle le cherchait toujours quand elle vit, du coin de l’œil, la vieille femme se glisser vers la porte en tenant dans ses mains une cage d’oiseau qu’elle voulait emporter dehors. D’un bond, Nicole fut sur elle et lui enleva des mains cette cage, dans laquelle elle vit qu’il y avait un oiseau ; et cet oiseau avait la bague dans son bec. La jeune servante s’empara de l’anneau qu’elle emporta puis mit aussitôt à son doigt, tout heureuse, en courant hors de la maison, s’attendant à voir la colombe arriver pour le recevoir. Mais l’oiseau n’était pas là et ne vint point.
Nicole, attristée en son âme, pensa, la tête entre les mains, Sam, comment puis-je te délivrer de ce terrible sort ? Je ne peux pas l'épouser tant qu’il est un oiseau… C’est absolument contre-nature ! Ah, mon Dieu, aide-nous(11) !
Alors, la future fiancée de Samuel Lucas se laissa tomber au pied d’un arbre, un peu déçue, mais décidée en tout cas à l’attendre ; et alors il lui sembla que l’arbre se penchait sur elle et la serrait tendrement dans ses branches.
Légèrement rougissante, elle pensa Sam, est-ce toi(12) ?
L’étreinte se fit insistante et elle se rendit compte soudain que c’étaient deux bras qui la serraient ; Nicole tourna un peu la tête et s’aperçut que l’arbre n’était plus arbre, mais un bel homme familier qui l’enlaçait avec amour et l’embrassait de tout son cœur. Cette tendresse de l’homme blond aux yeux marron ne pouvait être nul autre que Samuel Lucas. Il murmura avec émotion :
— Tu m’as délivré du pouvoir de la vieille femme, qui est la méchante sorcière dont je t’ai parlé. C’est elle qui m’avait changé en arbre, et pendant quelques heures, chaque jour, j’étais une colombe blanche. Mais tant qu’elle gardait l’anneau en sa possession, je ne pouvais pas reprendre ma forme humaine. Et ce sort avait également frappé mes serviteurs et mes chevaux… Et ils sont délivrés en même temps que moi(13).
Samuel Lucas regarda autour de lui et, avec un large sourire, ajouta, les yeux brillant de joie :
— Ils étaient changés eux aussi en arbres à mes côtés.
Nicole se blottit contre son bien-aimé et les serviteurs s’approchèrent d’eux avec un carrosse doré, conduit par deux chevaux blancs. En le désignant d’un geste de main, le prince dit d’un air sérieux :
— À partir d’aujourd’hui, ma chérie, nous sommes fiancés et je demanderai ta main officiellement auprès de ton père et de ton maître, afin que tu sois affranchie de ta condition de servante(14).
La jeune femme, émue en son âme, lui sauta au cou, puis se dégagea de son étreinte. L’ensemble du convoi du prince reprit leur voyage avec la fiancée de leur maître et chevaucha jusqu’à leur royaume. Sam Lucas demanda la main de Nicole, qu’il épousa quelques mois plus tard, et ils vécurent heureux ensemble.
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(1) Dans la série Ghost Whisperer, Nicole, surnommée Nikki, est le prénom de la copine de Sam Lucas, qui n’apparaît qu’au cours de la quatrième saison.
(2) Nous précisons que la voix humaine est celle de Sam Lucas, que Nicole connaît. C’est un ajout par rapport au conte, dans lequel ce n’est qu’à la fin qu’elle sait qu’il est un prince.
(3) Nous avons ajouté la raison du voyage des maîtres de la servante du conte. Nous avons fait de Samuel Lucas un prince, pour la cause de notre réécriture. Dans la série, il n’est qu’un architecte.
(4) Ajout dans le dialogue par rapport au conte.
(5) Nous avons ajouté le soupir après la première phrase de ses pensées, par réalisme.
(6) Dans Ghost Whisperer, Gerald Lucas est le père de Sam Lucas. Son métier n’est aucunement précisé, c’est pourquoi, en raison de la transposition du conte, nous faisons de lui un roi, puisque son fils est un prince.
(7) L’accident de Sam Lucas de la série américaine (septième et huitième épisodes de la quatrième saison, Threshold — Ici ou là-bas ; Heart and Soul — L’Autre moi) est ici un peu modifié. Il s’agit d’un accident de moto avec la voiture d’Alan Walters. Cependant, il y a déviation par rapport à ces épisodes, car l’âme de Sam était partie dans la Lumière, tandis que celle de Jim Clancy, le mari de Melinda Gordon, donna à nouveau vie au corps. Comme nous sommes dans un conte, nous avons changé ceci pour un accident entre carrosses. Et nous avons préféré ignorer la mention de Jim et de Melinda, ce qui n’est pas pertinent pour notre réécriture. Par rapport au conte, le prince explique un peu plus tard comment il peut être délivré de ce sort.
(8) Ajout par rapport au conte, dans lequel la servante ne connaît qu’à la fin la vraie nature humaine de la colombe et des arbres.
(9) Nous avons ajouté cette pensée, afin de rendre compte du fait que, dans la série américaine, Nicole et Sam Lucas ont été ensemble et qu’elle revient vers lui. L’architecte est présenté comme un coureur de jupons.
(10) Allusion au changement de comportement de Sam Lucas dans le neuvième épisode de la quatrième saison Pieces of You — Le Dernier Vœu. Dans cet épisode, Jim-Sam retrouve une bague, mais il ne sait pas à quelle femme il voulait la remettre. Dans le conte, il ne s’agit que d’un simple anneau.
(11) Ajout de ces pensées par rapport au conte, afin de faire sens de ce qui précède et de ce qui suit.
(12) Ajout de cette pensée, par réalisme.
(13) Nous avons ajouté et modifié les deux dernières phrases pour l’inclure dans le monologue du prince.
(14) Nous avons ajouté cette remarque pour la cause de la réécriture.