Réécriture de contes à la Ghost Whisperer
Chapitre 33 : La triste vieillesse de Faith Clancy
4956 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 23/11/2025 21:50
Voici la référence du conte : « La vieille maman », dans Jacob et Wilhelm Grimm, Les contes – Kinder – und Hausmärchen, tome II, texte français de présentation par Armel Guerne, Paris, Éditions Flammarion, 1986 [© 1967], d’après l’édition de 1812, p. 519.
Il était une fois, dans la petite ville de Grandview, aux États-Unis d’Amérique(1), par une journée de novembre 2008(2), une vieille maman, Faith Clancy, qui était assise toute seule, dans sa chambre ; elle songeait tristement qu’elle avait perdu d’abord son mari, Aiden, puis ses deux enfants, puis ses divers parents l’un après l’autre, et enfin son dernier ami maintenant.
« Qu’ai-je fait de mal pour perdre tous les êtres qui me sont chers ? Mon pauvre époux, mon Aiden, mort jeune, à l’âge de vingt-huit ans… Il n’est plus à mes côtés depuis… maintenant vingt-quatre ans maintenant… Comme tu me manques(3) ! »
La cinquantenaire soupira, car un souvenir douloureux lui revint à l’esprit.
C’est le 12 décembre 1984.
Elle se rappelle exactement de la date qui était gravée dans sa mémoire.
Elle est au salon, en train de tricoter un pull, assise sur un canapé beige. Tout à coup, le téléphone sonne, brisant le silence de la pièce dont elle n’entend que le bruit étouffé des aiguilles droites qu’elle frotte l’une contre l’autre. Faith dépose à côté d’elle son tricot et court jusqu’au téléphone, pour noter que c’est le numéro du travail de son mari.
Étonnée, elle soulève le combiné :
— Bonjour, Faith Clancy à l’appareil.
— Bonjour, Madame Faith Clancy, répond une voix masculine au bout de la ligne. Matthew Sutter, le patron de votre mari, Aiden Clancy.
— Quelle est la raison de votre appel ?
— Pour vous informer que votre mari, Aiden Clancy, est dans un état très critique…
— Que s’est-il passé ? questionne-t-elle, le cœur battant la chamade.
Elle pense « C’est ce qui arrive quand son métier est dangereux, en tant qu’élagueur… »
Matthew répond :
— Votre mari est hospitalisé d’urgence en raison d’une très grosse branche d’arbre qui lui est tombée sur la tête, de sorte qu’il s’est blessé avec sa scie. Il a été amené il y a quelques minutes à l’hôpital Mercy. Nous espérons tous qu’il survivra.
— Je l’espère aussi, murmura la jeune femme, ses yeux bleus brillent d’une lueur d’inquiétude.
— Merci beaucoup, Madame Faith Clancy ! Nous vous informerons dès que nous aurons des nouvelles de Aiden.
— Dans tous les cas, merci à vous ! Et je vais de ce pas à l’hôpital…
— D’accord, merci et bonne journée à vous !
— Pareillement pour vous !
Elle raccroche le téléphone, prend ses clés et se rend aussitôt à l’hôpital de la ville. À la réception, Faith demande à la secrétaire si elle sait quelle est la chambre dans laquelle se trouve Aiden Clancy. Celle-ci jeta un coup d'œil rapide à une liste sur la table devant elle. Faith remarque pendant une fraction de seconde que les yeux de son interlocutrice s’agrandissent jusqu’à devenir grands comme ceux d’une chouette.
La femme d’Aiden demande de sa voix la plus douce que lui permet la situation :
— Madame, pouvez-vous me dire la chambre où se trouve…
— Votre mari, Aiden Clancy ? termine son interlocutrice. Il n’est pas du tout sur la liste des patients de l’hôpital…
Faith lui lance un regard inquiet et murmure :
— Êtes-vous certaine que Aiden est vivant…
— Ne vous inquiétez pas, Madame Clancy, fit la secrétaire avec son plus beau sourire. Je vais me renseigner à l’instant dans la salle des urgences.
Et la jeune femme attend pendant plusieurs minutes avant que la secrétaire ne revienne. Faith note aussitôt son air étonné.
La secrétaire dit d’une voix douce, après un long silence, ce qui n’augure rien de bon pour son interlocutrice :
— Madame Clancy, nous annonçons avec regret que votre époux, Monsieur Aiden Clancy, est… mort(4).
La cinquantenaire s’éclaircit la gorge pour cesser de divaguer dans ses souvenirs. Ensuite, elle avait payé les frais d’enterrement. Après la période de deuil, Faith s’était trouvée un emploi comme caissière dans un petit magasin local de Grandview(5), poste qu’elle occupe encore aujourd’hui.
« Mon fils aîné, Daniel, lui, est mort aussi à vingt ans… Aussi au travail… Il était couvreur(6)... »
Un autre triste souvenir se réveilla en son âme, lui arrachant un cri plaintif.
C’est le 3 avril 1993.
Faith est dans la cuisine, en train de préparer de la sauce tomate. Tout à coup, le téléphone sonne. Elle soulève le combiné :
— Bonjour, Faith Clancy à l’appareil.
— Bonjour, Madame, dit une voix féminine. C’est de l'hôpital Mercy…
Faith pense, les yeux agrandis d’effroi, le cœur cognant très fort dans sa poitrine, « En espérant qu’il n’est pas arrivé un malheur à Dan ou à Jim… »
La voix féminine poursuit d’un ton neutre :
— Pour vous dire que votre fils, Daniel Clancy, qui est…
Elle fait une courte pause, comme si elle réfléchit à ce qu’elle voulait dire.
Faith, alarmée, pense : « Une telle hésitation n’annonce rien qui vaille… »
Son interlocutrice reprend :
— …est mort…
— Quoi ? croasse la mère, la gorge nouée par l’émotion.
— Euh, désolée, je voulais dire… est décédé il y a quelques minutes dans les urgences…
— Que s’est-il passé ? demande Faith d’une voix tremblante, les mains moites, les yeux larmoyants.
— Nous savons seulement que Daniel Clancy a été amené à l’hôpital en raison d’une chute depuis le toit de l’université Rockland…
— Sans doute en raison de son travail de couvreur…
— Merci du détail… Dans tous les cas, ses collègues ont appelé les urgences…
— Merci de l’information, murmure d’une voix faible la pauvre mère éplorée.
— Il n’y a pas de quoi. Sur ce, je vous transmets toutes mes condoléances…
Faith raccrocha le combiné d’un air perdu, en fixant le vide devant elle(7).
La femme d’Aiden se massa les paupières pour ne pas pleurer. Elle se demandait bien ce qu’elle avait fait de mal dans sa vie pour mériter un destin si cruel. Pourquoi tous ses proches et amis devaient mourir avant elle ? Pourquoi devait-elle les survivre ?
Elle soupira pour se ressaisir. Puis elle reprit ses tristes réflexions.
« Et mon dernier fils… Jim… Le pauvre, il est mort jeune, à trente-quatre ans, le sept novembre dernier(8)... »
Des larmes coulaient sur ses joues. Faith renifla.
Elle avait appris la mort de son benjamin de la bouche de sa bru, Melinda Gordon, une propriétaire d’une boutique d’antiquités, The Same It Never Was Antiques, qui aidait aussi du mieux qu’elle pouvait les esprits qui demandait son aide(9). Jim fut mort d’une embolie pulmonaire à l’hôpital Mercy. Il avait été visé par un escroc, un certain Robert Langowski, qui voulait marier Tricia, une amie d’enfance de Jim. Melinda, Jim et Tricia avaient réalisé à quel homme il avait affaire après avoir compris les indices de Owen Grace, l’âme d’un gamin décédé dans le chalet de Tricia, lieu de son mariage(10). Si Faith connaissait les détails, simplement parce que sa bru avait un don similaire au sien, à savoir communiquer avec les esprits errants. Elle l’avait appris une fois, lorsqu’elle était venue en visite peu après le mariage du jeune couple(11).
« Je suis désormais toute seule au monde, abandonnée », pensa-t-elle en son for intérieur(12). « Surtout depuis que mon vieil ami Edward(13) est mort hier… C’est sa fille qui me l’a dit… »
Une lourde et noire tristesse descendit sur son cœur, et ce qui lui pesait le plus, c'était la perte de ses deux fils, dont elle restait inconsolable depuis que Dieu les avait rappelés. Elle restait là sans bouger, toute plongée dans ses sombres pensées, quand elle entendit soudain sonner la première messe. Faith fut étonnée que la nuit eût si vite passé sans qu’elle eût dormi, plongée dans son chagrin ; elle alluma sa chandelle, prit sa mantille et se rendit à l’église, qu’elle trouva déjà éclairée lorsqu’elle arriva ; non pas avec les cierges comme d’habitude, mais par une drôle de lueur crépusculaire. L’église était pleine de monde, aussi ; toutes les places étaient occupées, et quand Faith Clancy voulut s’asseoir à sa place habituelle, elle ne put même pas se glisser sur son banc, tant les gens y étaient serrés. En observant un peu l’assistance, elle s’aperçut qu’il n’y avait là que des vivants — des gens de la ville de Grandview — et des morts — tous des parents, dans leurs costumes à la vieille mode et avec des visages livides(14). Ils ne parlaient pas, ne chantaient point ; et pourtant on entendait dans l’église comme un bourdonnement léger ou un souffle. La passeuse d’âmes soupira lorsqu’elle vit qu’une aïeule, son arrière-arrière-grand-mère maternelle, une vieille femme vêtue d’une robe bleu pâle en deux pièces à manches longues avec son col montant, se lever et s’approcher d’elle.
Faith l’apostropha :
— Anna !
— Faith !
— Que veux-tu me dire ?
Son aïeule haussa les épaules et affirma d’une voix claire :
— Je veux seulement que tu portes ma broche préférée de mon vivant.
— Quelle est sa forme ? Et où se trouve-t-elle ?
— Elle a la forme d’une fleur…
La revenante reprit après une courte pause, la mine pensive :
— Si je ne trompe pas, il me semble que ma fille, Mary, l’a porté… Mais une fois qu’elle aussi…
Elle fut interrompue par une voix enrouée :
— Mère ?
— Mary ? dirent Anna et Faith en tournant leurs têtes vers l’esprit qui avait parlé. C’était une vieille femme vêtue d’une ample robe vert forêt à manches longues.
— Je t’entends parler de ta broche préférée…
— Oui… Je veux que… mon arrière-arrière-petite-fille, Faith, dit Anna en faisant un geste vers la passeuse d’âmes, la porte…
Elle termina d’un air penaud sa phrase, en laissant retomber mollement ses bras le long de son corps :
— Seulement, je ne sais pas ce que tu as fais de ma broche…
— Ta broche, dit Mary d’une voix calme, tu veux sérieusement savoir ce que j’ai fait d’elle ?
— Oui, fit Anna.
— Et bien, je l’ai donné en héritage à ma fille, Diana…
— Merci…
— Excusez-moi, intervint Faith, mais puisque vous êtes des…
Elle n’osa pas terminer sa phrase, mais ses deux ancêtres comprenaient ce qu’elle voulait dire : « esprits ».
La passeuse d’âmes reprit :
— N’y a-t-il pas l’une d’entre vous qui avait suivi ce qui est advenu de cette broche…
En faisant un grand geste désespéré des bras, elle termina sa phrase :
— Pouvez-vous comprendre que je n’ai aucun moyen de savoir où se trouve la broche préférée d’Anna…
— Ouais, on comprend ce que tu veux dire, murmura Mary, mais je ne sais pas où elle se trouve…
— Alors pourquoi demeures-tu encore ici ? fit Faith, les sourcils levés.
Mary haussa les épaules et répondit :
— À vrai dire, je ne le sais pas…
La passeuse d’âmes soupira. Après un long silence, elle demanda d’une voix douce à son arrière-grand-mère :
— Mary, peux-tu me dire ce que tu te souviens de la broche d’Anna ?
L’interpellée demeura pensive pendant plusieurs secondes avant de répondre d’une voix hésitante :
— Si ma mémoire ne me fait pas défaut… J’ai donné cette broche à ma bru, Meredith, celle qui a marié mon fils aîné John…
— Et alors ? firent Faith et Anna.
— Il me semble qu’elle l’a porté puis l’a donné à sa fille… Laquelle, déjà ?
Mary haussa les épaules et continua :
— Je ne le sais pas, car j’ai trois petites-filles de mon fils aîné…
Anna soupira.
Une autre revenante s’approcha des trois femmes : une vieille femme vêtue d’une longue jupe beige et d’un chandail bleu ciel(15).
Mary s’écria d’un air surpris, les yeux écarquillés :
— Meredith ! Que le Seigneur soit Loué ! Tu arrives à point nommé !
— Qu’est-ce qui se passe ? questionna l’interpellée en regardant alternativement les deux autres esprits et la vivante.
Anna répondit :
— Je veux savoir où se trouve ma broche !
— Je l’ai porté de mon vivant, conformément à la dernière volonté de Mary, ma belle-mère…
— Et après ?
— Je l’ai donné à ma fille, Diana qui l’a donné à son tour à sa fille aînée, Maria. Cette dernière l’a porté jusqu’au jour où elle ne l’a plus trouvé intéressante… Comme elle n’a que des fils, elle garde alors cette broche dans une boîte à bijoux, dans son chevet…
— Autrement dit, intervint Faith d’une voix douce, je dois me rendre chez Maria… Dont je ne connais rien, hormis son prénom, pour récupérer la broche de mon arrière-arrière-grand-mère maternelle…
Elle fit une courte pause et promena son regard entre les trois esprits en demi-cercle devant elle puis reprit :
— Mais je ne connais pas son adresse… Quelqu’un d’entre vous peut m’aider ?
— Oui, fit Meredith. Elle s’appelle Maria Johnson et vit au 129, rue Sun à Grandview.
— Merci, murmura Faith en notant les informations dans un petit calepin dans lequel elle consignait les noms des différents esprits qu’elle avait aidé depuis sa jeunesse(16).
Anna se retourna, pointa de son index droit devant elle puis ajouta :
— Faith, regarde là-bas, près de l’autel, tu y verras tes deux fils.
Elle regarda vers ladite direction et vit, en effet, ses deux fils : Daniel et Jim étaient assis sur un banc, la tête tournée vers la chaire, comme s’ils écoutaient la messe(17).
— Tu vois, reprit Anna, j’ai discuté avec tes fils… Comme ils sont adorables ! Jim regrette seulement de ne plus pouvoir être aux côtés de sa femme…
— C’est vrai que c’est triste, commenta la passeuse d’âmes. Surtout que je ne sais même pas si je serai grand-mère… À croire que ma lignée est condamnée à disparaître de la Terre !
Faith ne pouvait s’empêcher de pleurer.
« Ah, Mon Dieu ! Qu’ai-je fait pour connaître un destin si cruel ? »
Et elle se signa.
Peu après, les esprits errants de ses fils apparurent devant Faith, qui sécha rapidement ses larmes. Daniel était un jeune homme vêtu d’un sweater bleu moyen et d’un pantalon de même couleur avec des bottes de travail en cuir à ses pieds. Il affichait une mine triste. Son frère, lui, plus âgé que son aîné, était vêtu d’une chemise bleue à carreaux et d’un pantalon jeans.
Leur mère les aborda d’une voix tremblante malgré tous ses efforts pour garder son calme :
— Dan et Jim…
En faisant un geste des mains vers eux, elle continua :
— Pourquoi…
Jim, d’un air résigné, termina la phrase d’une voix rauque :
— Nous demeurons encore parmi les vivants ?
Faith approuva d’un signe de tête.
Daniel répondit :
— J’attends après Jim pour qu’on parte ensemble dans la Lumière avec père…
— Pourquoi ? fit la mère, les sourcils levés. Je pensais que votre père était déjà…
Elle ne termina pas sa phrase, car son défunt époux apparut devant elle, à la gauche de Daniel. Elle le reconnut immédiatement : un jeune homme vêtu d’une chemise à carreaux brune et de pantalons brun foncé, avec une trace de sang sur la tête. Aiden lui sourit faiblement puis intervint d’une voix émue :
— Faith, je ne veux pas encore te quitter tant que je ne sais pas si notre descendance est assurée… Maintenant que Jim… nous a rejoint, je m’inquiète pour notre lignée…
Son fils benjamin ajouta d’une voix éraillée :
— C’est la raison pour laquelle je demeure encore ici… Je voudrais être certain de savoir si je serais père ou non…
Aiden et Daniel échangèrent un regard complice en levant rapidement leurs sourcils, faisant bouger leurs arcades sourcilières de haut en bas, ce qui fit sourire Jim et Faith.
Le mari de Melinda ajouta aussitôt :
— Je m’excuse si vous attendez après moi pour partir dans la Lumière…
— Nous attendrons, s’exclama son frère. Attendre un peu plus ou un peu moins, ça ne changera pas grand chose pour nous !
Leur père approuva.
Faith murmura :
— Au moins, dès que Jim saurait si sa femme est enceinte, vous partirez tous les trois dans l’Autre Monde ?
— Oui ! dirent les trois défunts à l’unisson.
Puis tous écoutaient en silence la messe jusqu’à la fin(18).
Faith Clancy rentra chez elle, un peu moins triste que lorsqu’elle était entrée dans l’église : elle gardait espoir que la lignée pouvait se perpétuer par son benjamin(19).
*****
Le lendemain matin,
L’épouse d’Aiden Clancy se rendit à l’adresse de Maria Johnson et lui expliqua la requête de son ancêtre. Son interlocutrice, malgré son scepticisme initial, se laissa convaincre, influencée par l’esprit errant qu’était Anna.
La passeuse d’âmes revint chez elle avec la boîte à bijoux de son aïeule puis demanda à cette dernière d’une voix douce :
— Anna, maintenant que je porterai ta broche…
Faith ouvrit la boîte à bijoux, prit la broche et l’accrocha sur sa robe vert forêt, puis continua :
— Tu es prête à partir dans la Lumière ?
Son aïeule regarda autour d’elle, puis fixa un point vers sa droite. Sur son visage, un large sourire se dessina.
Anna murmura d’une voix hésitante :
— Je vois une lumière…
— Elle est pour toi, la rassura d’une voix douce sa descendante. Va-y sans crainte…
— C’est tellement chaleureux… divin…
La revenante plissa les yeux et s’exclama :
— Mon cher Samuel me fait des grands gestes des bras !
Elle cria vers la lumière :
— Mon amour, j’arrive !
Faith murmura, émue :
— Bon voyage, Anna !
La revenante se retourna une dernière fois vers la médium et murmura d’un air joyeux, les yeux bleus brillaient d’une joie indescriptible :
— Merci à toi, Faith !
Puis elle se rendit dans l’Autre Monde d’un pas léger, en sautillant comme une fillette.
La passeuse d’âmes, elle, depuis ce jour, portrait la broche d’Anna.
*****
30 novembre 2009, magasin dans lequel Faith Clancy travaille comme caissière, 13 h 00.
La cinquantenaire était derrière la caisse, en train de balayer les produits d’un client. C’était un geste automatique pour elle. Tout à coup, derrière le client, un homme un peu plus jeune qu’elle, elle vit clairement son fils benjamin apparaître, large sourire aux lèvres et les yeux scintillant d’une joie manifeste. Le fantôme s’écria d’un air enjoué :
— Mère, bonne nouvelle !
« Laquelle ? », pensa-t-elle.
— Mel est enceinte ! Hourra ! Me voilà rassuré d’avoir un enfant !
Cette explosion de joie fit sourire la mère de Jim.
À ce moment, Daniel et Aiden apparurent devant elle, alors que le client s’éloignait de la caisse en ramassant rapidement ses commissions.
Faith ferma sa caisse et les aborda à mi-voix :
— Prêts pour le départ définitif ?
Les trois esprits disent en fixant vers leur droite une lumière jaunâtre qu’eux seuls voyaient :
— Oui ! Voilà une lumière devant nous…
— Tellement douce, commenta Aiden.
— Elle nous appelle, ajouta Daniel.
— Lumière qui est chaleureuse, surenchérit Jim. Ceci confirme bien ce que j’ai entendu de Mel… La paix en l’âme… Cette sensation de légèreté… Ne plus être retenu par rien auprès des vivants…
— J’ai entendu une chose similaire de ta mère, murmura son père d’une voix émue.
— Alors, prêts ? demanda Faith d’une voix vibrante.
Tous les trois confirmèrent d’un geste positif.
— Bon voyage ! fit-elle en essuyant prestement une larme de joie.
Son mari s’approcha d’elle pour déposer un chaste baiser sur sa joue droite puis, avec leurs deux fils, se dirigea d’un pas assuré vers la Lumière(20).
Lorsque les trois esprits disparurent de sa vue, Faith fixa pendant quelques secondes un point dans le vide. Sauf qu’un collègue l’interpella, faisant en sorte qu’elle se concentra à son travail.
*****
Le 14 août 2009, maison de Faith Clancy, 8 h 15.
La vieille femme tricotait un pull pour se changer les idées de ses tristes pensées sur les décès qui frappaient ses proches et ses amis. Tout à coup, le téléphone sonna. Intriguée, elle jeta un coup d’œil rapide au numéro : le numéro de cellulaire de Melinda.
« Pourquoi ma bru m’appelle-t-elle ? » pensa-t-elle, étonnée. « Si c’est pour savoir si Jim est parti dans la Lumière, je pense bien qu’elle pourrait le deviner par elle-même… »
Faith souleva le combiné :
— Melinda, quelle est la raison de ton appel ?
L’interpellée répondit d’une voix enjouée :
— Pour t’annoncer une bonne nouvelle…
— Laquelle ?
— J’ai accouché il y a une semaine d’un adorable enfant… Jim serait content, c’est un fils !
— Félicitations ! Tout s’est bien passé ?
— Oui, sans aucun problème…
— Quel est son prénom ? demanda Faith d’un air curieux.
— Aiden(21).
— Comme mon défunt mari…
— Oui, en l’honneur de mon beau-père…
— Merci, Melinda, de me faire savoir que je suis grand-mère !
— Il n’y a pas de quoi…
— Si jamais tu as besoin d’aide, je peux toujours venir chez toi…
— Merci d’avance du soutien, Faith !
— De rien… À la prochaine alors !
— À bientôt !
Puis la vieille femme raccrocha le téléphone. Elle pensa, les yeux ornés de larmes de joie au coin : « Hourra ! Un petit-fils à gâter ! »
*****
Plusieurs années plus tard, Faith Clancy, en âge avancé, mourut dans son lit et fit ses adieux à sa bru et à son petit-fils puis partit, légère comme une plume, dans la Lumière, rejoignant son mari et ses fils(22).
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(1) Nous avons changé la ville du conte, afin de transposer celle de Grandview, dans laquelle se déroule Ghost Whisperer.
(2) La date est précisée pour cadrer avec le septième épisode de la quatrième saison de la série mentionnée (Threshold — Ici ou là-bas), le 14 novembre 2008.
(3) Aiden Clancy est le mari de Faith et le père de Daniel et de Jim Clancy. Il est mort lorsque son fils benjamin, Jim, a dix ans. Comme ce fils est né en 1974, Aiden meurt en 1984. Nous respectons ces informations de la série Ghost Whisperer.
(4) Nous avons inventé la cause et la date du décès de Aiden Clancy, le mari de Faith, qui ne sont aucunement mentionnées dans la série. Ces détails sont ajoutés par réalisme et pour la cause de la réécriture.
(5) Nous avons précisé le métier que Faith Clancy exerce, car il n’est point mentionné dans Ghost Whisperer.
(6) Nous avons inventé le métier de Daniel Clancy, ce qui n’est point mentionné dans la série américaine. On sait seulement qu’il est tombé du toit de l’université.
(7) Nous avons inventé la date et la cause du décès de Daniel Clancy, car dans la série américaine, nous n’avons aucune information, mais nous remarquons, lors de ses rares apparitions, qu’il a une apparence juvénile.
(8) C’est l’âge qu’avait Jim Clancy au moment de sa mort, le 7 novembre 2008.
(9) Ces informations concernant Melinda Gordon sont exactes par rapport à la série.
(10) Au sixième épisode de la quatrième saison de Ghost Whisperer, Imaginary Friends and Enemies — L’Ennemi imaginaire, Jim meurt d’une embolie pulmonaire à l’hôpital Mercy à la suite d’une opération pour extraire une balle de son épaule. Cette balle résulte du tir par inadvertance de Carl Neely, un ami policier de Jim, qui est arrivé sur l’appel de Melinda sur les lieux. Jim est entré dans la cabane abandonnée dans laquelle se trouvait Robert Langowski, le fiancé escroc de son amie d’enfance, Tricia. Celui-ci tenait un fusil de chasse. Nous avons fait ce changement en faisant en sorte que l’escroc a blessé Jim, plutôt le policier, car une telle attitude est peu professionnelle pour Carl Neely.
(11) Allusion à la visite de Faith Clancy à Jim et Melinda au deuxième épisode de la première saison, The Crossing — J’aurai toujours six ans. À la seule différence que, pour notre réécriture, la mère de Jim sait au sujet du don de Melinda et nous lui attribuons un don similaire.
(12) Nous avons repris la phrase du conte, en changeant un peu la formulation afin de la rendre de la perspective de Faith Clancy.
(13) Nous avons inventé un prénom à l’ami de la vieille maman du conte, par réalisme.
(14) Nous avons ajouté la présence des vivants venus assister à la messe, ce qui est absent dans le conte original.
(15) Nous avons précisé les apparences et les prénoms des aïeules de Faith Clancy, par réalisme, car dans la série, la médium voit les âmes selon leurs dernières apparences, ayant la même forme que leurs corps. Sauf que dans Ghost Whisperer, les seuls médiums qui peuvent les voir sont Melinda Gordon, Elizabeth Gordon, Gabriel Gordon et Rebecca Cahill. Elie James, lui, est un passeur d’âmes qui peut seulement les entendre. Le fait que Faith Clancy voit les esprits est nécessaire pour notre réécriture.
(16) Par rapport au conte, nous avons changé les propos de l’aïeule, qui ne fait que montrer le supplice qu'auraient connu les deux fils de la vieille maman s’ils avaient vécu plus longtemps. Nous avons plutôt choisi de faire ce dialogue comme une conversation banale entre trois esprits et la médium, pour mieux cadrer avec un épisode de Ghost Whisperer, dans lequel la plupart des requêtes des revenants peuvent être simples.
(17) Changement important par rapport au conte, dans lequel l’un des fils était pendu au gibet, le second couché sur la roue du supplice.
(18) Déviation par rapport au conte allemand, dans lequel les enfants sont morts en bas âge, en raison de la transposition des morts de Daniel et de Jim Clancy de Ghost Whisperer, où le premier est mort vers la vingtaine, l’autre vers la trentaine. Changement aussi par rapport au conte où l’aïeule précise que c’est ce qui leur serait arrivé si Dieu ne les avait pas rappelés dans l’innocence de leur enfance.
(19) Déviation par rapport au conte allemand, en raison de la transposition des personnages de Daniel et de Jim Clancy dans les personnages des défunts fils de la vieille maman, qui revient de l’église en tremblant de tous ses membres et qui tombe à genoux pour remercier Dieu, dans Sa providence, qui avait mieux agi pour elle, qu’elle n’avait pas été capable de le comprendre.
(20) Déviation par rapport au septième épisode de la quatrième saison de Ghost Whisperer, Threshold — Ici ou là-bas, dans lequel seuls le père et le frère de Jim partent dans la Lumière. Jim, lui, reste aux côtés de sa femme, Melinda, et revient à la vie en entrant dans le corps de Sam Lucas.
(21) Nous avons calculé la naissance de Aiden Clancy, le fils de Jim et Melinda, en fonction du fait qu’il a été conçu en novembre 2008. Cependant, dans la série américaine, sa naissance est fixée le 25 septembre 2009.
(22) Déviation par rapport au conte allemand, dans lequel la vieille maman meurt trois jours après sa rencontre avec son aïeule dans l’église.