We will rock you

Chapitre 1 : Friends will be friends

1366 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 25/05/2020 19:32

Ce texte a été commencé cet été dans le but plus ou moins avoué de me venger par l'écriture d'un groupe de randonneurs qui m'ont pourri une balade par leurs intempestifs et peu discrets beuglements de putois. Cela dit, si jamais vous vous reconnaissiez dans ce texte, je nierais formellement : bien sûr, tout est inventé, rien n'est vrai, mis à part les noms des villages et des lieux traversés par Aziraphale et Crowley : si vous regardez attentivement une carte de Haute-Savoie, vous pourrez les trouver.


Friends will be friends [1]


Ce n’était pas que Crowley fût contre l’idée de prendre des vacances, non, non, bien sûr que non. Au contraire. Le concept même de vacances, inexistant au Paradis comme en Enfer, avait quelque chose d’excitant, d’interdit, de… d’humain, il fallait bien l’avouer, qui l’attirait (sans parler du fait de glandouiller, bien évidemment, une valeur sûre – car après tout, il s’agissait du but ultime de toutes vacances, pour n’importe quelle personne sensée – mais le démon n’était pas bien certain qu’Aziraphale pût vraiment être qualifié de sensé). Et puis, après toute cette histoire d’Antéchrist, il estimait avoir bien mérité une longue, trèèèèès longue période de repos et d’inactivité.

Non, c’était juste que ce n’était pas vraiment comme ça qu’il envisageait la suite des événements.

Bien sûr, avec le recul, il aurait dû se douter qu’Aziraphale n’avait pas exactement la même conception des vacances que lui. Il aurait dû insister pour choisir leur destination, au lieu de laisser un ange aux goûts vestimentaires plus que douteux lui imposer ses désirs masochistes.

Il aurait dû, mais il avait accepté l’invitation, et maintenant il était trop tard pour reculer. Direction les Alpes françaises, Dieu seule savait pourquoi – son complice n’avait pas voulu lui expliquer pour quelle raison il avait choisi ce trou paumé, ni ce qu’il comptait y faire. Crowley aurait, pour sa part, préféré un endroit un peu plus bruyant, peuplé, chaud et bordélique, mais il avait dit oui, parce qu’il avait toujours trouvé compliqué de dire non à Aziraphale lorsqu’il le regardait comme ça, avec ses yeux de chien battu.

Mais il commençait déjà à regretter, parce qu’il avait le pressentiment que ces quelques jours seraient tout sauf des vacances.

.

Aziraphale nageait dans le bonheur.

La fin du monde avait été reportée à une date ultérieure (la plus ultérieure possible, merci bien), Crowley et lui-même s’en étaient sortis vivants (grâce à une ruse démonique, certes, mais il y avait bien longtemps que l’ange ne faisait même plus semblant d’avoir ce genre de scrupules) et le démon avait accepté sans protester (un fait étonnant en soi, qui avait rendu Aziraphale euphorique) sa proposition d’aller passer quelques jours en France, dans les Alpes. Un de ses clients lui avait vanté l’air pur qu’on y respirait, la beauté des neiges éternelles que l’on y contemplait et les tartes aux myrtilles qu’on y mangeait. Sans parler du reblochon, accompagné d’un petit vin blanc sec du pays, Chardonnay ou autre. Il en avait déjà l’eau à la bouche.

Que l’on ne s’y trompe pas : l’ange avait un but bien plus noble que simplement passer quelques jours au vert et au frais – mais il s’était bien gardé d’en faire part à Crowley. Car son ami tenait toute activité physique comme un moyen de torture particulièrement raffiné inventé par les humains pour satisfaire leurs pulsions à la fois masochistes (pour les sportifs) et sadiques (pour les médecins, coachs, professeur d’éducation physique, et autres moralisateurs qui affirmaient que le sport était bon pour la santé – mens sana in corpore sano, blablabla). Aziraphale, pour qui la transpiration était l’une des fonctions corporelles les plus inacceptables de la condition humaine, partageait en grande partie cette théorie, mais la remarque de Gabriel sur sa forme physique l’avait piqué au vif.

Si les humains y arrivaient, pourquoi pas lui ?

.

Caroline jeta un coup d’œil aux deux Anglais assis de l’autre côté de l’allée centrale de l’avion. Il était difficile d’imaginer couple plus mal assorti que ces deux-là : le premier, raide en même temps que maniéré, joufflu, tout de blanc vêtu, les cheveux clairs et frisottés, arborait le sourire béat de ceux qui ont reçu le don de s’extasier sur les plus petits miracles de la vie ; le second, d’une décontraction étudiée, les joues creuses, vêtu de noir des chaussures aux lunettes, les cheveux artistiquement décoiffés, ne semblait pas particulièrement jouasse de se trouver là, et récriminait contre tout. Il faisait trop chaud, l’eau était trop froide, les sièges étaient inconfortables, l’avion était trop lent, il y avait un bébé braillard trois ou quatre sièges devant eux, bref, rien n’était assez bien pour lui.

Aucune de ses plaintes ne semblait cependant capable d’entamer la bonne humeur inébranlable de son voisin au costume immaculé, qui se contenta d’une remarque compatissante en guise de réponse (prononcée avec un accent so british que Caroline jugea absolument irrésistible), et à une ou deux reprises d’une pression des doigts sur la main de son compagnon, qui le fusillait alors du regard de derrière ses lunettes noires. Sans pour autant retirer sa main.

Bref, ils étaient tellement mignons qu’elle ne put s’empêcher de les espionner un peu. Une occasion d’améliorer son anglais, n’est-il pas ? Leur conversation consistait en une sorte de congratulation respective – apparemment, ils avaient tous deux ensemble réussi un exploit, quel qu’il fût, et ils n’en étaient pas peu fiers. Jamais nous n’aurions pu le faire sans toi, avait déclaré l’homme en blanc en lançant vers son compagnon un regard d’adoration auquel ce dernier avait répondu par un haussement d’épaules et un énigmatique « pas de flatterie, mon ange (mon ange ! c’était vraiment trop mignon !), ce n’est pas moi qui ai demandé s’il y avait un canard en plastique dans les sept cercles de l’Enfer », plaisanterie inexplicable qui les avait fait sourire tous les deux.

L’avion se posa à Lyon et, dans le brouhaha de la foule impatiente de descendre, Caroline entendit l’homme en noir poser une question à son compagnon d’un air inquiet :

- Dis-moi, tu ne t’es pas encore occupé de la location de la voiture, n’est-ce-pas ? Ne me dis pas que tu as réservé une Clio ou une merde française de ce genre ?

Mais ce que répondit son compagnon, elle ne le sut jamais, car le bébé braillard se remit à hurler (et l’Anglais en noir avait raison, il était vraiment pénible) et noya sous la puissance de ses piaillements stridents toute velléité de conversation…

… jusqu’à ce que soudainement, inexplicablement, un énorme biberon empli d’un liquide d’un rouge épais apparaisse dans la bouche du gamin, le faisant efficacement taire. Un homme relativement corpulent passa devant Caroline, lui bouchant la vue un instant, et lorsqu’elle aperçut de nouveau l’enfant, il dormait paisiblement sur l’épaule de sa mère, un sourire béat sur le visage. De biberon, nulle trace. Elle avait sans doute rêvé.

.

- Crowley, tu n’as quand même pas…

- C’est pour la bonne cause, mon ange. Un petit Côte-de-Beaune grand cru. Ne t’inquiète pas, je n’en ai pas mis beaucoup dans le biberon – juste ce qu’il faut pour qu’il s’endorme.



[1] Tous les titres de chapitres, comme le titre de la fic, seront des titres de chansons de Queen... pour faire plaisir à Crowley, bien sûr.

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