Fall

Chapitre 2 : Que faire ?

3050 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 27/03/2020 21:51

Chapitre 2 : Que faire ?


En ramenant Aziraphale chez eux, le jeune couple avait espéré qu'il reprenne rapidement ses esprits... Du moins suffisamment pour pouvoir bouger et communiquer avec eux. Oh, ils s'étaient bien douté que ça ne serait pas facile. Vu l'état dans lequel ils l'avaient trouvé, l'ange mettrait sans doute longtemps à se remettre. Aziraphale avait été allongé sur le canapé et recouvert d'une couverture chaude pour la nuit. Après avoir tenté de le faire parler, Anathéma et Newton s'étaient résolus à aller dormir. Il commençait à se faire tard, et ils avaient aussi besoin de réfléchir. Et peut-être que leur hôte avait juste besoin d'une bonne nuit de sommeil pour reprendre un peu de force. Ils ignoraient bien entendu que les anges n'avaient en général pas besoin de dormir. Et ils furent surpris de le retrouver dans la même position que celle où ils l'avait laissés le soir. S'il avait bougé d'un millimètre, c'était le maximum.


-Allons Aziraphale, vous êtes sûr que vous ne voulez rien ? Même pas une tasse de thé ? Du porridge ? Des œufs ?


Anathéma avait tenté de convaincre son hôte de se lever pour manger quelque chose, mais rien à faire. Il n'avait ni bougé, ni parlé... Elle avait tenté de le regarder dans les yeux dans les yeux, mais n'y avait vu que du vide. Un vide profond et abyssale de chagrin et d'impuissance. La jeune fille en était tombée sur les genoux toute retournée, et était allée se réfugier auprès de son compagnon en pleurant. Ne supportant pas toute la peine qu'elle avait vu dans le regard de l'ange déchu. Aziraphale fut laissé en paix toute la matinée, et Newt vint essayer de le convaincre de venir manger un morceau le midi. Mais rien. Tout comme pour le dîner. L'entité ne bougeait pas. Ne remuait même pas des cils ou des lèvres.

Et les semaines passèrent.


Newton et Anathéma se trouvaient dans le jardin à étendre le linge. Ils avaient essayé de demander à Aziraphale s'il voulait qu'ils lui nettoient ses affaires, mais ce fut un échec. Et les vêtements de l'entité ne semblaient pas être touché par le passage du temps. Pas plus que lui d'ailleurs. Il n'avait ni faim, ni soif, ni froid, ni sommeil... La seule chose qui le faisait réagir était la mention d'ange déchu. Et vu le sanglot qu'il produisait à ce moment-là, ils évitaient précautionneusement d'en parler devant lui.


« Je me demande s'il ne serait pas mort. Il est tellement... Immobile. Et son regard est fixe comme celui d'un cadavre.


-Tu as déjà vu beaucoup de cadavres ?


-Non. Mais je pense qu'ils auraient le même regard que lui.


-Mais la poitrine des morts ne se soulève pas, Newt. Il respire, j'en suis sure. Et puis, ses yeux ne sont pas ceux d'un mort.


-Tu les as regardé depuis la première fois ? »


Anathéma marqua un temps d'arrêt. Non, elle n'avait plus jamais réussi à regarder Aziraphale droit dans les yeux depuis les cinq mois où ils l'avaient recueillis. Elle avait été beaucoup trop bouleversée par toute la peine qu'elle y avait lu, au point que Newt avait été pendant deux semaines le seul interlocuteur de l'entité déchue. Un interlocuteur bien ignoré puisque jamais, jamais l'ange n'avait répond à quoique se soit. Comme si le monde qui l'entourait ne l'atteignait pas. Comme si rien n'avait plus aucune espèce d'importance. Et le jeune homme n'avait jamais voulu essayer de lire son expression, suffisamment secoué par ce que lui avait raconté sa compagne.


« N'empêche, on ne va pas pouvoir le garder éternellement ici, Théma. Si quelqu'un entre et le voit, il va forcément se poser des questions. Il faut absolument le faire sortir de sa torpeur.


- Oui... A ton avis c'est normal ce qu'il se passe... ?


-Les anges et les démons sont des entités spirituelles, peut-être qu'ils n'ont en réalité aucun besoin de dormir et de manger.


-Oui. Non. Ce n'est pas ça dont je parlais. Est-ce que ça te semble normal que nous puissions garder un ange comme ça, chez nous ? Que depuis que nous l'avons trouvé nous n'avons entendu parler d'aucun phénomène bizarre ou vu aucun ange ou démon ?


-Je suis bien content de ne pas en avoir vu un.


-Moi aussi. Il n'empêche que je trouve tout ça anormal. On a un ange à la maison Newt. Un ange déchu peut-être, mais un ange. Son ancien camp doit savoir qu'il est là. Et les démons aussi. Est-ce que... Est-ce qu'ils ne devraient pas essayer de le récupérer à présent... A présent que le Ciel l'a rejeté ? »


Techniquement, si Aziraphale était un ange déchu alors il était un démon... Bien que le terme démon ne paraisse pas du tout approprié pour lui. Au-delà du fait qu'il ne soit maintenant plus qu'une poupée sans vie, il ne lui avait pas paru comme particulièrement cruel, sadique... Bref. Démoniaque. Son acolyte à lunettes également, mais passons.


« Si... Enfin, je pense... Peut-être qu'il est trop angélique pour eux malgré sa Chute. Enfin, je ne sais pas... Et ça m'inquiète, je t'avouerais. Je sens, tu sais, je sens que quelque chose ne va pas dans cette histoire. Depuis qu'on est allés dans cette base.


-Mais alors qu'est-ce qu'on fait ? On va voir un prêtre ? Un homme d'église ?


-Non mais ça va pas ! Tu te vois expliquer au curé qu'on a recueilli depuis plusieurs mois un ange déchu qui, non, n'est pas un démon. Que d'ailleurs il ne peut pas être démoniaque puisqu'il a tenté d'arrêter l'Apocalypse. Parce que, oui mon père, elle a failli se produire. Nous avons même vu les anges et les démons prêt à se battre. Et les quatre cavaliers de l'Apocalypse être réduits à néant par une bande de gosses.


-Mort n'a pas été tuée.


-Certes. Mais tu vois ce que je veux dire.


-Je t'avoue que... Même sans la dernière partie à propos de la fin du monde, il risque fortement de ne pas nous croire. Ou de vouloir nous exorciser. Surtout si on fini par lui parler de ce pauvre Adam. »


Les deux jeunes gens se croisèrent du regard avant d'éclater d'un rire à la fois nerveux et libérateur en imaginant la réaction du pauvre prêtre à qu'ils devraient aller raconter tout ça. Non, franchement, ils ne le pouvaient pas. Ils ne pouvaient pas demander le secours d'une église qui serait de toute façon dépassée par les événements... Si jamais elle les croyait. Mais leur rire cessa lorsqu'ils réalisèrent qu'ils n'avaient pas bougé de leur point de départ. Ils avaient un ange sur leur canapé depuis plusieurs mois déjà au point que plus personne ne pouvait venir les voir. Pas même les Eux. Et ce refus de les laisser entrer blessaient les enfants qui s'étaient pourtant attaché à eux, ils le savait. Mais qu'auraient-ils pu faire pour aider le malheureux ange déchu ? Pas grand chose de plus que Théma et Newt. C'est à dire rien du tout en fait... Car la situation d'Aziraphale ne s'était pas améliorée d'un iota depuis que le couple humain l'avait récupéré.


« Qu'est-ce qu'on fait Newt ? Qu'est-ce qu'on peut faire ?


-Je... je ne sais pas. Franchement. J'ai l'impression qu'on a déjà tout essayé, qu'on a fait tout ce qu'on a pu... Mais peut-être qu'on a été présomptueux... On le connaît à peine. Et on y connaît rien aux anges et aux démons. »


Anathéma acheva d'étendre le linge et alla s'asseoir sur le sol, aux côtés de son petit ami. Il avait hélas raison... Ils ne pouvaient rien faire. Rien faire de plus que ce qu'ils avaient déjà fait en tout cas. Recueillir Aziraphale, s'occuper de lui ou du moins essayer, et lui fournir un toit où se reposer. Pour peu qu'il en ai vraiment besoin. Si ça se trouve, rien de tout ça n'avait été utile. Ça n'avait été que poussière dans le vent. Et ça les désespéraient, car ils se sentaient à présent atrocement démunis. Soudain, Newton se tourna vers sa petite-amie, les yeux brillants. Il avait une idée.


« Théma... Je crois savoir à qui on pourrait demander de l'aide.


-A qui ?


-Ils étaient deux, tu te souviens ? »


Théma ouvrit la bouche pendant plusieurs secondes, l'air de ne pas savoir quoi répondre. Elle n'avait même pas l'air de savoir de qui Newton pouvait bien parler. Puis, la lumière se fit aussitôt dans son esprit tandis que son visage affichait une forme de dénégation automatique. Presque instinctive même.


« Mais non, on ne peut pas !


-Pourquoi ? Il était avec lui, non ? Et il a aussi essayé de sauver la Terre.


-Mais c'est un démon ! »


Elle aurait pu crier qu'il s'agissait d'un monstre, ça n'aurait pas changé grand chose. En fait pour la quasi-totalité des habitants de cette planète, ça n'aurait effectivement pas changé grand chose puisque les démons étaient par définition des monstres. Les pires des monstres pouvant exister. Même si Rampa avait voulu les sauver, elle ne pouvait admettre qu'il était une possible porte de sortie. Il avait peut-être des raisons égoïstes qui lui étaient propres pour agir ainsi. On... On ne demandait jamais d'aide aux démons, non ? En tout cas, pas quand on était des personnes bien intentionnées qui voulaient aider les autres. Mais d'un autre côté...


-On doit essayer Théma. C'est peut-être notre unique chance de comprendre son état de lui venir en aide.


Mais d'un autre côté, Newt avait peut-être raison... Après tout, l'ange et le démon avaient semblé s'entendre suffisamment pour ne pas essayer de s'écharper une fois la crise réglée. Ils étaient restés l'un à côté de l'autre durant tout le temps qu'avait duré les explications, et s'en étaient allés ensemble. Pendant qu'ils s'éloignaient, elle avait même pu entendre venant d'eux ce qui ressemblait à une dispute taquine. Oui... Aussi incroyable que cela puisse paraître, Aziraphale et Rampa avait semblé bien s'entendre. Peut-être étaient-ils assez proches pour que le démon accepte de venir secourir l'ange. Aussi incroyable et incongrue que cette idée pouvait l'être d'ailleurs. Ils devaient essayer de contacter le démon qui se trouvait avec l'ange durant la non-apocalypse. Mais... Comment le trouver ? Comment aller le chercher ou le faire venir jusqu'à eux ?


« Il peut-être n'importe où... En Angleterre ou ailleurs. On perdra trop de temps à le chercher à l'aveuglette. On ne le retrouvera jamais.


-On pourrait... Peut-être lui demander ? A lui ? Newt tourna son regard vers l'intérieur de la maison, là où se trouvait Aziraphale.


-Mais... Il ne parle pas. Il ne nous a jamais parlé. Pourquoi est-ce que ça serait différent ?


-... Parce qu'on lui parlera de son ami ?


-Un ami qui n'est jamais pas venu, en six mois.


-Bah... Peut-être qu'il n'a aucune manière de savoir où se trouve son ami. Peut-être qu'il le cherche depuis tout ce temps. »


Anathéma n'en n'était pas vraiment sure... Mais ils étaient dans une impasse de toute façon. Appeler Rampa à la rescousse semblait réellement être la seule option possible autre que d'abandonner. Et ils avaient prit sur eux de recueillir l'ange après sa chute, se serait malvenu de leur part de l'abandonner maintenant. Il était si triste... Il y avait tellement de peine dans son regard et dans les pleurs qui lui échappaient dés qu'on parlait d'anges déchus. Le laisser tomber serait trop cruel.


« Je vais tenter de lui parler.


-Tu es sure ? Je peux m'en charger si tu veux.


-Non... C'est gentil. Mais non.


-Très bien. Comme tu veux »


Même si elle avait recommencé à s'approcher de l'ange, elle n'avait jamais été tout près de lui. Gardant toujours quelques centimètres d'écart. Comme si elle craignait que la douleur d'Aziraphale ne se jette sur elle pour la dévorer. Ce qui était idiot, elle le savait bien. Mais elle n'avait jamais pu surmonter cette crainte, enfin jusqu'à maintenant. Maintenant, elle était obligée d'essayer à présent. Pour qu'ils aient une chance de l'aider à sortir de cette abominable torpeur qui s'était emparé de lui. Alors, Anathéma se dirigea vers le canapé où l'ange déchu avait élu domicile et s'assied en face de lui. Au niveau de son visage.


-Aziraphale ?


Aucune réaction. Comme d'habitude. Comme toujours. Il restait aussi muet qu'une carpe, et aussi inexpressif qu'une statue. Enfin, sauf au niveau des yeux... Même de là où elle était, elle pouvait voir sa tristesse.


-Aziraphale. Nous avons besoin de vous.


-...


-Nous voulons vous aider. Newt et moi. Nous ne savons pas ce qu'il s'est passé exactement, mais nous voulons faire quelque chose pour vous. Pour vous aider à aller mieux. S'il vous plaît Aziraphale, il faut que vous nous parliez. Il faut que vous nous aidiez à vous aider.


Elle attendit quelques minutes, puis mit sa main dans celle de l'ange sans savoir si elle avait le droit. Mais puisque rien ne se produisait, elle en conclu que tout allait bien. Puis, elle prit une profonde inspiration et plongea une nouvelle fois son regard dans celui de l'ange. Ce fut comme sombrer dans un puits sans fond. Se noyer dans un océan de chagrin sans aucun espoir de remonter à la surface. Théma trembla de tous ses membres, incapable de bouger et n'avait plus l'impression de respirer. Elle étouffait sur place et les ténèbres menaçaient de l'engloutir. Jusqu'à ce qu'une violente poussée l'éloigne brutalement du canapé. Coupant ainsi le lien entre l'ange et l'humaine. Haletante et ne voyant pas Newt autour d'elle, elle conclu que c'était Aziraphale lui-même qui l'avait sauvée. Qui avait éloigné son esprit avant que le pire n'arrive.


-Où est Rampa. Dites-moi comment le contacter. Comme l'appeler. Vous êtes amis non ? Lui est-ce qu'il pourrait vous aider ?


Reprenant son souffle, elle se rapprocha de l'ange et eut l'impression que quelque chose s'était modifié dans sa physionomie. Elle en savait pas quoi exactement, mais elle le sentait. Lorsque l'ange parla, elle sursauta presque. Depuis le temps qu'ils essayaient en vain, elle avait presque fini par désespérer de l'entendre un jour parler.


« R... Rampa...


-Oui, Rampa ! Le démon qui vous accompagnait. Où est-il ? Comment le contacter ?


-Il n'est pas... Venu ? »


Un instant, Anathéma craignit qu'il ne retombe dans sa torpeur, mais l'ange semblait vouloir faire un effort pour rester conscient. Mais il paraissait tellement triste. Tellement seul... C'était vraiment un crève-cœur de le voir ainsi.


« Peut-être... Peut-être qu'il vous cherche Aziraphale. Comment le contacter ?


-Pourquoi le contacter ? Il est un démon. Et je suis un ange... Enfin, je l'étais... Maintenant, je ne sais pas... Je ne sais plus... Maintenant... Mais j'ai été son adversaire pendant tant d'années que... »


Pourquoi un démon aiderait-il un ange ? C'était vrai. Dans leur empressement, Newton et Anathéma n'avait pas pensé à ce léger détail. Aziraphale soupira et se releva lentement, secouant la tête. Après tout, rien n'avait d'importance.


« Vous pouvez essayer de le contacter... Avec son numéro de téléphone. Pas besoin de chercher une invocation.


-Un démon avec un téléphone ?!


-Oui. Un téléphone portable... Hight-tech il me semble que c'est ce qu'il a dit. Mais... Je doute qu'il vous réponde. Et je doute encore plus qu'il vienne. Il serait déjà venu, sinon.


-Vraiment ?


-S'il ne l'a pas fait... Ou il se moque de de mon sort... Ou il lui arrivé quelque chose. Je ne sais pas laquelle des deux solutions me rend le plus triste. Non... En fait, je crois que je ne ressens plus rien d'autre que de la tristesse... »


L'ancien ange secoua la tête... Pourquoi est-ce qu'il lui parlait au juste ? Après tout il ne l'avait croisé qu'une seule autre fois avant celle-ci. Certes, il avait senti ses efforts et ceux de son compagnon pour lui parler. Pour s'occuper de lui malgré qu'il ne le connaissait pas plus que ça... C'était un geste noble, de bonté pur... Il le savait, il le ressentait... Et il leur en était reconnaissant, même s'il était incapable de l'exprimer pour le moment. Il lui semblait qu'il était encore en train de Chuter. Qu'elle ne s'était jamais terminée en fait.


-Vous voulez bien...


La voix douce de Théma l'aida à revenir sur Terre, et machinalement Aziraphale le numéro de téléphone de Rampa. Il leur indiqua ensuite l'endroit où le démon habitait sans trop savoir pourquoi. Peut-être quelque part, voulait-il réellement que son ami vienne. Alors qu'il savait bien qu'il y avait davantage de chances pour qu'il ne vienne pas... Enfin, en théorie.En fait, il ne savait plus très bien. Alors qu'Anathéma s'éloignait de lui pour tenter d'appeler le démon, l'ange déchu s'enfonça une nouvelle fois dans sa souffrance... Assis sur canapé. Lorsqu'elle voulu lui reparler pour l'inviter à manger, il se leva et la suivit comme un pantin... Mais il ne toucha à rien. Et si le couple en fut inquiet, Rampa aurait aisément pu leur dire à quel point la situation était critique. 

Laisser un commentaire ?