Love Ineffably

Chapitre 11 : Les Exclus du Paradis

3757 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/01/2024 23:11

God sometimes you just don't come through

God sometimes you just don't come through

Do you need a woman to look after you

God sometimes you just don't come through

You make pretty daisies pretty daisies love

I gotta find what you're doing about things here

A few witches burning gets a little toasty here

I gotta find why you always go when the wind blows

Will you even tell her if you decide to make the sky fall

Will you even tell her if you decide to make the sky

God sometimes you just don't come through

God sometimes you just don't come through

Do you need a woman to look after you

God sometimes you just don't come through

God, Tori Amos

 

Petite précision : comme pour l'Archange Michael, j'utilise le pronom "neutre" pour Belzébuth. 

 

Vous souvenez-vous des lieux les plus effrayants de votre enfance ? La maison décrépie d’une vieille femme aux allures de sorcière vous saluant sur le chemin de l’ école ? Les bunkers couverts de tags dans lesquels, prétendaient vos parents pour vous dissuader d’y pénétrer, des enfants imprudents avaient péri ? La réserve de votre vieille école où votre instituteur conservait des cadavres de serpents dans des bocaux remplis de formol ? Tous ces endroits qui avaient peuplé vos cauchemars d’enfance et nourris votre imaginaire, aujourd’hui, nichés dans un coin de votre cervelle, simples souvenirs qui se ravivent lorsque vous vous promenez sur le chemin côtier de votre enfance ou passez devant votre ancienne école. La maison a été rénovée, les bunkers rendus inaccessibles et la réserve a disparu ; mais la sensation de peur délicieuse est toujours là, prête à resurgir au moment le plus inattendu. Fermez les yeux et redevenez cet enfant incapable de se défendre contre ce que les adultes appellent une « peur irrationnelle ». L’Enfer, pauvres pécheurs, c’est cela : un endroit où se concentrent toutes vos peurs d’enfant mais cette fois-ci, elles n’ont rien de fantasmes. Un cauchemar éternel, voilà ce qui attend tous ceux franchissant les portes de l’Enfer.


Le Prince Belzébuth s’était longtemps abreuvé(e) des peurs des Damnés, mais iel s’en était lassé(e) et se languissait, seul(e) en son royaume de cris et de crasse. Iel avait chassé les démons de la salle du trône mais pouvait encore les entendre se traîner et geindre autour de la pièce ; certains tentaient même d’attirer son attention en léchant la petite lucarne de la porte au verre fendillé. Les Damnés, au bout de quelques siècles, abandonnaient toute dignité et finissaient par se dépouiller de toute humanité, bêtes parmi les bêtes. Ils n’étaient plus que des carcasses privées de raison et de parole, cherchant à s’attirer les bonnes grâces des démons pour espérer échapper à cet enfer. Un sourire s’étira sur les lèvres du Prince. Pauvres fous ! Il n’y avait aucun moyen de s’enfuir de ce marécage façonné par l’esprit tortueux d’un Satan qui avait voulu faire de son lieu d’exil, le reflet de ses tourments.


Belzébuth leva les yeux vers la porte. L’un des Damnés, croyant avoir suscité son intérêt, caressa la vitre d’une langue couverte de pustules. L’un de ses compagnons de misère le poussa pour prendre sa place en imitant des grognements obscènes. Le démon esquissa une grimace. Iel était désormais seul capitaine à bord de ce vaisseau infernal à la dérive depuis que le Maître des lieux avait décidé de jouer aux belles endormies. Le menton posé au creux de sa main aux ongles rongés et noirs de saleté, iel observait la carte aux points scintillants accrochée au mur. Le nombre des méfaits oscillaient dangereusement vers le bas depuis quelques heures. Les tentations, autres que sexuelles, s'étaient interrompues et le nombre d’âmes damnées avaient chuté depuis que Kelen s’était emparé d’une bonne partie de l’Europe. Si iel ne mettait pas un terme aux actions du démon désirable, iel devrait rendre des comptes à l’autre camp… Qu’allait-il advenir de l’Enfer si Satan lui-même l’abandonnait ? Les anges – ces culs-bénits hypocrites – allaient-ils en profiter pour lancer l’assaut et provoquer cette guerre maintes fois promise ?


Belzébuth aurait pu s’aventurer dans le Neuvième Cercle, celui où se terrait le Maître, mais iel n’osait pas. En vérité, personne ne s’y était jamais risqué. Traverser le lac gelé – certains prétendaient qu’il ne s’agissait que d’une simple mare – emprisonnant les âmes les plus viles, franchir le jardin aux herbes chuchotant les pires insanités et pénétrer dans l’antre de la Bête, l'effrayait, car iel ne savait pas ce qu’iel allait y trouver. Les rumeurs, plus vives que les éclats de génie en Enfer, disaient que ce lieu de perdition était constitué de toute la rancœur que leur Maître portait à Mon égard, et que quiconque oserait en franchir le seuil, prenait le risque d’être empoisonné par les miasmes s’en échappant.


On racontait tellement de choses sur ce Neuvième Cercle aussi mort que ne l’était Ma Cité d’Argent. Nous Nous étions, Lui et Moi, condamnés à la même solitude, loin de ceux qui étaient supposés Nous aimer. Ma seule liberté était ce don d’ubiquité, dont J’usais à outrance, pour garder un œil sur la Terre et cet Enfer né des entrailles de Ma colère puis façonné par la Sienne. Au fil de temps, IL avait cessé de forger le lieu maudit que Je Lui avais offert en guise de châtiment, laissant mourir son imagination qui jadis, lorsque Nous étions un « NOUS », était florissante.


Je n’avais pu Te sauver lorsque Tu avais osé Te rebeller contre Moi, pourquoi le ferais-Je à présent ? Je n’étais pas celle qui avait trahi ! Toi, Tu es le seul responsable de Ta damnation et Je ne Me lancerai pas à Ta poursuite. Je l’ai trop souvent fait par le passé dans l’espoir, futile, de retrouver cette âme qui M’était si chère et de Te faire regagner – folle que je suis – ce Paradis qui était autant le Tien qu’il n’est le Mien. Je ne Me mêlerai pas de cette affaire qui Te concerne Toi et pas Moi. Toi et tes maudites séductions, Toi qui te laisses si facilement berner par de pitoyables créatures infernales, Toi et tous Tes pathétiques échecs. Toi qui penses pouvoir rivaliser avec Moi. Toi, pauvre être à la créativité devenue stérile et qui se complaît dans ses rages comme le ferait un porc dans sa fange ! Et pourtant, au Commencement… Bien avant le Commencement. Non. Je dois cesser d’y penser. Ce « NOUS » n’a jamais existé, n’est-ce pas ? Ce NOUS qui aurait pu accomplir des choses incroyables, qui aurait pu bâtir un monde tellement meilleur que celui auquel Je suis confrontée à présent. Ce beau rêve est définitivement mort le jour où Tu l’as assassiné par orgueil, ce jour où Tu nous as condamnés : Moi au Paradis et Toi à l’ Enfer.


Avais-je manqué de discrétion ? car à cet instant, Je vis Belzébuth se redresser et scruter les alentours. Qu’est-ce que l’Enfer a fait de toi, petit prince ? Il n’a toutefois pas réussi à te priver de ce regard défiant les Archanges. Tu as pris du galon dans ce lieu dépourvu de joie et d’espoir , mais es-tu libre d'agir à ta guise ? Le Prince de l’Enfer se leva et se mit à parcourir la salle avec les allures d’une lionne aux aguets tandis que derrière la porte, les cris et les coups s’intensifiaient. Iel sentait ma présence et la reniflait, comme un prédateur s’abreuvant du sang de sa proie tout juste égorgée.


– Que fais-tu ici ? murmura-t-iel en s’arrêtant à quelques mètres de cette présence qu’iel pouvait percevoir sans toutefois la voir. Sais-tu où IL est ?


Non, Je l’ignorais et n’avait nulle envie de le savoir ; mais, petit prince, qu’il est bon de t’entendre t’adresser de nouveau à Moi.

Belzébuth ôta son chapeau et le pressa contre sa poitrine. Iel jeta un regard par-dessus son épaule et s’assurant que nul ne pouvait l'entendre, se retourna vers Moi, Me défiant de ce regard avec lequel iel avait affronté les êtres célestes l’ayant condamné(e) à la damnation.


– Dis-le-moi ! reprit-iel d’un ton précipité, comme s'iel craignait qu’un démon eut vent de cette discussion . Je vais finir par devenir fol ! Je ne peux pas tout gérer toute seul(e) ! Je…

Iel redressa le menton et confessa d’un ton où transperçait un soupçon de honte :

– Je commence à me lasser de toutes ces horreurs… les cris, les bruits, la souffrance et cette guerre qu’ils espèrent tous. À quoi bon rime tout ça ? Dis-le-moi !


Le Prince de l'Enfer attendit quelques secondes et comprenant qu’iel n’obtiendrait qu’un silence de Ma part, remit son chapeau en place et M’adressa une grimace désabusée, se riant de sa propre sottise. Qu’avait-iel espéré ? Que Je lui apporte une réponse aux nombreuses questions qu’iel se posait depuis quelque temps, alors que de vagues, si vagues réminiscences, venaient hanter son esprit ? Comment avait-iel pu croire que ce Dieu renié se montrerait rassurant ? Belzébuth ferma les yeux, saisissant un débris de son passé angélique, lorsqu’iel crapahutait dans le monde tout juste né et qu’iel s’émerveillait de ses couleurs éclatantes. Le démon chassa ce souvenir, refusant de s’abandonner aux rêveries n'ayant aucune place en Enfer. Le Prince avait fait son choix et nul regret ne devait le détourner de ses devoirs. Iel était enchaîné(e) à ce lieu puant et ne pouvait s’en libérer. Ange, iel avait cru que s’allier avec l’Adversaire lui apporterait un semblant de liberté, mais iel avait en fin de compte troqué une chaîne pour une autre, beaucoup plus solide, et qu’iel ne pouvait briser.


À cet instant, un grand coup l’arracha à ses regrets. Belzébuth M’adressa un dernier regard empli de rancune, et fit sauter le verrou de la porte d’un claquement de doigts. Shax fit son apparition, guindée sur des talons répandant de la poussière à chacun de ses pas. La Représentante de l’Enfer sur Terre écarta ses narines et se mit à palper l’air, comme si elle venait de détecter une présence qu’elle n’aurait pas dû sentir en ces lieux corrompus.


– Quelque chose ne tourne pas rond ici, marmonna-t-elle tout en scrutant ma présence invisible.

– Assurément, répliqua Belzébuth en la toisant avec mépris. As-tu réussi à localiser Kelen ? Après tout, c’est ta mission.

– Il demeure introuvable, en revanche, le démon Crowley…


Le Prince de l’Enfer leva les yeux en signe d’exaspération : les allées et venues de ce traître ne l’intéressaient guère ! Il s’était moqué d’eux en faisant capoter le grand projet de leur Maître et en échappant à une juste punition. Iel ne tenait pas à remettre le sujet « Crowley » au cœur de ses préoccupations. Ils avaient tout essayé pour le ramener dans le rang, comme lors de cette histoire avec l’Inquisition et de cette mésaventure écossaise au XIXe siècle. À chaque fois, il n’avait pas compris la leçon et s’était acharné à servir ses propres intérêts plutôt que ceux de l’Enfer. Le Seigneur infernal lui-même avait abandonné la partie après l’échec – le non fonctionnement – de son Apocalypse et avait renoncé à punir le démon désobéissant. Et pourtant, ils avaient presque failli réussir une fois – une seule fois – à anéantir la créature trop libre qu’il avait toujours été : lorsqu’il avait été de nouveau plongé dans les flammes de l’Enfer, après une certaine nuit. Ce Crowley-ci n’avait opposé aucune résistance, s’était soumis sans protester aux châtiments infligés comme désireux d’ être anéanti pour de bon. Son esprit, à l'époque, paraissait avoir été annihilé par une force encore plus puissante que n’importe quel pouvoir infernal…


– Le démon Crowley semble impliqué dans cette histoire, reprit Shax.

Le Prince de l’Enfer poussa un grognement mais l’invita toutefois à poursuivre son compte-rendu :

– Il a rencontré l’angle renégat et ils se trouvaient tous les deux dans un magazine où Kelen a usé de son pouvoir.

– Comment le sais-tu ?

– Je voulais emprunter une paire de chaussures chez Harrods, répondit Shax, mais l’accès avait été interdit. La panique était totale ! Un spectacle des plus charmants ! Je les ai vus en sortir… et l’angle

– L’angle ?

– Était bizarre… Son odeur, surtout … murmura Shax pour elle-même. Peu importe !

Belzébuth s’apprêtait à la questionner davantage sur ses soupçons lorsque leur entretien fut interrompu par un démon aux abois :

– Seigneur Belzébuth ! C’est encore les extrémistes qui nous posent problème !

– Très bien, j’arrive.


Le Prince de l’Enfer réajusta son chapeau tout en ordonnant à Shax de poursuivre ses investigations sur Terre. Avant de rejoindre le couloir, iel jeta un regard au miroir brisé abandonné dans un coin de la pièce. Iel crut y apercevoir, un bref instant, la silhouette de l’ange qu’iel avait été. L’ange dansant parmi les fleurs. Belzébuth détacha ses yeux de l’éphémère image qui disparut, soufflée par l’oubli. La porte se referma. Shax, ayant surpris son regard, se dirigea vers le miroir et en profita pour remettre de l’ordre dans sa tenue. Elle adressa un sourire satisfait à son reflet diabolique et tout en tirant sur sa joue afin de lui donner un semblant de couleur, s’adressa à son image :

– Ô miroir, miroir magique au mur, qui sera bientôt Prince de l’Enfer ?

Elle prit un ton plus gave, imitant de façon imparfaite, celle du Maître qu’elle servait par pure ambition :

– C’est toi.


Son reflet se métamorphosa et elle se vit, juchée sur le trône de Belzébuth, la poitrine bardée de médailles honorifiques, la tête ceinte d’une couronne dorée. Devant elle, était agenouillé l’angle du démon Crowley devenu l’un des leurs, car l’odeur qu’elle avait sentie sur lui, n’était autre que l’odeur de la corruption, celle qu’elle pouvait percevoir sur sa propre peau et celle des autres démons. Un autre ange ne tarderait pas à rejoindre les Déchus et elle s’en réjouissait : tout nouveau combattant était le bienvenu pour grossir leurs rangs en vue de la prochaine guerre. Elle porta son index à ses lèvres, le baisa et le déposa sur le miroir. Et ce jour-là, ce serait elle, Shax, qui guiderait les Légions à la victoire.


Belzébuth traversa le dédale de couloirs et se fraya un chemin jusqu’au vieux monte-charge faisant office d’ascenseur et reliant les différents Cercles. Iel se plaça sur la plateforme branlante et actionna la manivelle rouillée. La poulie émit un grincement inquiétant avant d’entamer sa longue et lente descente jusqu’au Cercle désiré. Des cris et des pleurs accompagnaient son périple, ceux des Damnés torturés pour leurs péchés. Le Prince hésita un instant à abaisser de nouveau la manivelle pour se rendre dans les entrailles de l’Enfer mais la peur d’être confronté(e) à cet endroit sinistre, l’en dissuada.


Le Prince de l’Enfer parvint au Septième Cercle là où étaient parqués, faute de mieux, les faux serviteurs de Dieu. Iel quitta le monte-charge et s’enfonça sur un sentier escarpé, tout en prenant garde de ne pas tomber dans le Phlégéthon, le fleuve crachant des caillots de sang brûlants. Non pas qu’iel craignît le feu, mais il était toujours fort désagréable d’être taché du sang des pauvres hères qui y étaient régulièrement jetés. Belzébuth parvint jusqu’aux arbustes desséchés – qui n’étaient autres que les âmes des suicidés –, levant leurs branches pourries pour se défendre des trois Harpies qui leur picotaient l’écorce. Iel évita de justesse une meute de loups chatouillant les chevilles de quelques blasphémateurs, et s’approcha de la petite table devant laquelle s’étendait une file de Damnés.

L’un des démons chargés des admissions dans le Septième Cercle tentait de faire entendre raison à trois hommes bien agressifs et voulant gagner le Paradis auquel ils se croyaient destinés. Belzébuth poussa un soupir agacé : depuis quelques années, l’Enfer faisant face à une recrudescence de serviteurs zélés de Dieu et, comme lors de l’Inquisition ou à l’apogée de la chasse aux sorcières, lesdits serviteurs n’acceptaient guère leur sort.


– Seigneur Belzébuth ! l’accueillit le démon avec soulagement.

Iel lui adressa un petit signe de tête et se planta face aux récalcitrants. L’un des hommes s'approcha du démon. 

– Ce n’est pas ce qui était convenu ! s’écria-t-il en lui postillonnant au visage. On nous avait promis le Paradis pour notre sacrifice !

– Qui ça, « on » ? l’interrompit Belzébuth d’un ton mordant. Ceux qui vous ont fourré ces drôles d’idées dans la tête ?

L’homme se recula de quelques pas. La simple présence du Prince de l’Enfer avait suffi à imposer le silence à ces êtres comprenant que leurs idéaux corrompus venaient de les conduire dans ce lieu qu’ils redoutaient tant.

– « Tu ne tueras point », qu’est-ce qui vous a donc échappé dans ce foutu Commandement ?!

– Mais, au nom de Dieu… balbutia un autre Damné.

– Ne prononcez jamais Son Nom en ce lieu ! lança Belzébuth avec rage. ELLE ne vous sera d’aucun secours !

Les hommes échangèrent un regard perplexe. Belzébuth ne put réprimer un ricanement gorgé de mépris :

– ELLE, parfaitement… voilà de quoi vous faire cogiter pendant toute une éternité, pas vrai ? Quoi qu’il en soit, plus aucune jérémiade ne sera tolérée !

Iel tendit la main vers le trio et replia ses doigts contre sa paume.

– Vous avez tué, vous voilà damnés. Bienvenue en Enfer !


Les Harpies, abandonnant les arbres, s’élancèrent sur le petit groupe et les poussèrent à l’aide de leurs becs et de leurs serres en direction du fleuve rugissant. Les hommes disparurent dans le sang bouillonnant. Tous sauf un. Celui qui avait tenté de mener cette petite rébellion. Belzébuth s’approcha de lui, le saisit par le col de son vêtement et le souleva comme s’il ne pesait pas plus lourd qu’une plume. Il cessa de se débattre et chuchota un faible « maman » tandis que des larmes roulaient sur ses joues. Les mortels étaient tellement prévisibles, surtout lorsqu’ils se trouvaient, seuls, face à leurs peurs. 


Le Prince de l’Enfer resserra son emprise et entrouvrit les lèvres, faisant jaillir une nuée de mouches belliqueuses. Elles se ruèrent sur l’homme suppliant et le piquèrent avec rage, lui assénant des coups rageurs pour chaque victime sacrifiée au nom de Dieu. Son visage se couvrit de plaies où elles s’enfoncèrent avec joie, y pondant leurs œufs pour corrompre sa peau jusqu’à l’os. Belzébuth desserra sa main. L’homme tomba au sol, aveuglé par les mouches pénétrant ses narines et sa bouche, il tenta de fuir en rampant.


Belzébuth, lassé(e) de ce spectacle pathétique, exécuta un petit mouvement de poignet. Les trois Harpies fondirent sur l’homme et le plongèrent dans les flammes du fleuve sanglant. Belzébuth prit une longue inspiration, les mouches regagnèrent le doux giron de son estomac. Le démon l’applaudit avec force, saluant sa brillante mise en scène. Le Prince de l’Enfer ne répondit pas à ses flatteries. Iel avait simplement joué le rôle qu’on attendait d'un démon de son rang. Le rôle qu’iel interprétait depuis qu’iel avait été précipité(e) dans cet Enfer bruyant, sale et sombre, si différent de cette Terre qu’iel avait contribué, jadis, à créer. 


Notes et autres blablas


1. La description de l'Enfer, et tout particulièrement du Neuvième Cercle (que vous découvrirez dans un autre chapitre), est inspiré du roman L'Océan au bout du chemin (mon roman préféré) de Neil Gaiman. Bien entendu, je ne peux aussi que citer l'Enfer de Dante qui nourrit mon imaginaire "infernal" depuis de nombreuses années : on n'a jamais fait mieux depuis en terme de représentation de l'Enfer. 

 

Laisser un commentaire ?