Mad Love (Jerome Valeska)

Chapitre 15 : Frappe encore

3293 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 26/12/2016 17:06

-         Tu savais très bien que je ne voulais pas travailler avec tes chevaux ! pourquoi je ne peux pas avoir mes propres choix ? je ferai ce que j’ai envie de faire ! tu n’as pas le droit de décider pour moi !

La jeune femme avait fait comprendre à son père qu’elle ne voulait aucunement continuer à faire la représentation avec les chevaux, et qu’elle présenterait désormais son propre numéro, avec ses cordes volantes.

-         Wade ! arrête de te conduire en enfant, nom d’un chien !

Kaysha s’emporta. Elle prit sa casquette entre ses mains pour la projeter sur le sol. Ses cheveux s’étalèrent en rafale sur son dos.

-         MAIS JE SUIS UNE ENFANT !

Sa voix forte résonna comme un coup de tonnerre déchirant dans tout le chapiteau. Les quelques personnes qui assistaient à la scène, déjà immobiles, cessèrent de respirer, le souffle surpris par la violence dans le ton de la jeune femme. Jérôme observa son amie, dont le visage et le reste du corps exprimaient une frustration extrême, comme si elle se retenait de se jeter sur Christopher en face d’elle.

-         C’est tes chevaux ! Depuis que maman est partie, je suis pas ta fille ! je suis « Wade », je mérite même plus mon prénom ! J’ai été un garçon pour toi ! j’ai tout fait ! maintenant, c’est mon tour !

Elle se retenait de pleurer, c’était plus qu’évident. Christopher fit quelques pas rapides vers elle et la gifla, sous les yeux de tous. Jérôme fit un pas en avant, presque sonné, comme s’il avait lui-même reçu le coup. Il vit Kaysha tanguer violemment, et relever sa tête dans un même mouvement, une main sur sa joue. Elle n’eut rien à répondre. Son regard foudroyant était l’expression même de la haine. Avant que les larmes ne tombent sur le sol du chapiteau elle se détourna et courut loin pour se cacher des regards indiscrets. Jérôme ne la suivit pas immédiatement, les sens incertains. Il savait qu’il devait faire quelque chose pourtant, mais il n’aurait pas vraiment su dire quoi. Prenant exemple sur les gestes qu’avaient souvent répétés Kaysha, il quitta le chapiteau, alors que personne n’osait encore bouger. Son mouvement engendra celui des autres, qui reprirent petit à petit leurs affaires.

Jérôme chercha Kaysha longtemps, avant de la trouver sous le même arbre où ils avaient évoqué leurs rêves, il y avait tellement d’années déjà. Le passé reste si collant. Il ne la voyait pas, mais savait qu’elle était là, à cause des reniflements inélégants qui s’échappaient de l’autre côté du tronc. Il fit le tour de l’arbre et découvrit Kaysha assise par terre, les yeux dans le vide. Elle ne parut pas voir Jérôme. Le rouquin s’installa près d’elle, en évitant les mèches de cheveux qui inondaient le sol à ses pieds. Elle avait déjà effacé ses larmes et étranglé ses sanglots. D’énormes ciseaux gisaient à côté des cadavres de mèches. Maintenant, elle ressemblait tout à fait à un garçon, les cheveux maladroitement coupés proche de son crâne.

-         Je devais couper la crinière des canassons, dit-elle en essayant d’oublier les dernières minutes.

Jérôme se contenta d’hocher la tête.

-         Tu sais, Kaysh…

-         Wade, rectifia-t-elle avec amertume.  

Il sourit avec gêne.

-         Je préfère Kaysha, dit-il.

Soudainement, elle abattit sa tête sur les jambes de Jérôme pour s’allonger en pleurant. Surpris, le jeune homme ne bougea pas, laissant aux sanglots de Kaysha une liberté totale. Le comportement de cette dernière ne lui ressemblait pas. Elle avait toujours été ce personnage fort et impassible. Il posa une main sur sa nuque, sans dire un mot. Au bout de quelques minutes, il passa ses doigts entre ses cheveux courts. Elle pressa une de ses jambes entre ses bras, en retenant une nouvelle vague de larmes. Le temps passa, le soleil déclinait tranquillement sur la poussière du Kansas. Rien n’arriva, et les pleurs de Kaysha cessèrent doucement. Même lorsqu’il n’y eut plus aucun bruit, l’adolescente resta contre Jérôme, s’endormant presque, fatiguée. Elle se ramassa un peu plus sur elle-même.

Jérôme baissa son buste vers l’avant, pour essayer de voir le visage de Kaysha. Celle-ci tourna discrètement son regard vers lui. Il passa ses mains sous elle et l’éleva contre lui. Il aurait cru porter un cadavre tout juste mort alors qu’elle se laissait porter comme une poupée inanimée. Il prit son menton entre ses doigts et colla son front sur le sien. Leurs deux souffles se mêlèrent. Jérôme lui fit comprendre qu’ils allaient se lever. Il la prit par la taille pour l’aider à se soulever, et n’ayant besoin d’aucune parole, il passa son bras pour le poser sur ses épaules larges, et la rapprocher de lui. Il glissa sa main sur le côté et la chatouilla gentiment. Elle contorsionna son corps pour l’éviter en esquissant un petit rire. Ils se retrouvèrent face à face. Dans une pulsion qu’il ne comprit pas, il la serra dans ses bras, dans lesquels elle se laissa se faire étouffer, sentant les effluves de son odeur singulière. Il approcha son visage de son oreille.

-         Tu peux être qui tu veux. Kaysha ou Wade. Mais moi, je serai toujours Jérôme pour toi.

Il avait eu tout le temps de répéter cette phrase dans sa tête, des millions de fois, alors qu’elle pleurait sur lui. Il l’avait préparée, pour qu’elle soit parfaite, pour qu’elle soit écoutée. Kaysha allait lui laisser un baiser sur la joue, qu’il aurait savouré longuement, mais une voix malvenue fut plus rapide.

-         Alors les homos, on fait ça en public maintenant ?

Une ombre bestiale recouvrit les yeux de Kaysha lorsqu’elle entendit Cole. Jérôme écarquilla les yeux en la voyant, et n’eut pas le temps de la retenir. Elle fit demi-tour, se détachant du jeune homme et s’avança de quelques pas en remuant la poussière sous ses pas assurés.

-         Tu peux répéter ?

-         T’as bien compris, Wade, sois pas si étonnée. T’étais joli en fille, sale homo.

Kaysha n’attendit pas qu’il rajoute quoi que ce soit, et elle s’avança prestement sur lui. Elle engagea tout son corps comme si elle allait le frapper. Lorsqu’elle arriva à sa hauteur, Cole envoya son poing vainement, puisqu’elle l’évita, aveuglée par la violence qui lui chauffait les veines. Elle plia les genoux et dans un même mouvement, se redressa pour le frapper au visage. Cole lui rendit le coup immédiatement. Fier de sa frappe, il ne laissa aucun temps à Kaysha et lui envoya son pied dans le ventre. Elle s’étala sur le sol, en atterrissant sur ses coudes. Jérôme s’empressa pour intervenir, mais les autres garçons le retinrent.

-         Alors Wade, on est plu aussi forte qu’à l’époque, hein ? T’aime le goût du sang ? t’en veux encore ?

Il lui envoya son pied dans le flanc.

-         J’ai jamais pu te sacquer, garçon manqué. T’essaye d’être quoi au juste ? t’es pas un mec, t’es pas une fille, t’es rien du tout.

A ces mots, Jérôme éclata d’un coup. Il envoya les garçons valser et se jeta sur Cole sans que celui-ci ne comprenne. Il lui prit une poignée de cheveux et le fit tomber à terre, juste à côté de Kaysha. Il semblait qu’il ne contrôlait plus son corps. Les coups partaient tout seuls, s’abatant en rafale sur le visage de Cole qui n’émit rapidement plus aucun mouvement. Le voyant agir, Kaysha ne comprit pas. Jérôme se déchainait, méconnaissable. Elle se leva difficilement, retombant une première fois à terre, faisant mine d’oublier la douleur qui la lançait dans tout le corps, en entendant les garçons lui crier de s’arrêter.

Mais Jérôme était sourd. Aucun son ne lui parvenait, hormis celui des os brisés de Cole, et de ses phalanges rencontrant sa peau blessée. Chaque coup était bénéfique. Certains étaient pour venger Kaysha, d’autres destinés à sa mère, et parfois même à ce père qu’il ne connaissait pas. A ce père qui avait un jour baisé avec sa mère, et qui était très certainement une des personnes de ce cirque. Une voix lui parvint enfin, pour le sortir de ces insupportables pensées.

-         Valeska ! Jérôme ! JEROME !

Il se retourna pour découvrir le visage inquiet de Kaysha qui saignait. Il baissa les yeux, comme s’il voyait le sang de Cole pour la première fois. Elle se baissa prudemment pour se poser sur ses genoux. Elle posa une main sur son épaule, alors qu’elle retenait ses propres côtes de l’autre.

-         C’est fini, Jérôme. Ça va aller. Viens avec moi. Viens, Jérôme, on va rentrer toi et moi, d’accord ? elle parlait avec un calme contrôlé, alors que sa voix allait dérailler.

Elle avait envie de pleurer encore, ne comprenant plus rien à cette situation irréelle, mais Kaysha avait déjà bien trop versé de larmes. Les yeux piquant, et la vue légèrement brouillée, elle regardait Jérôme.

Comme se réveillant d’un rêve, il se leva pour suivre Kaysha. Elle lui prit la main pleine de sang, et l’emporta avec elle alors que les garçons se précipitaient sur Cole. Ils foncèrent tout droit à la caravane de la jeune femme, cette dernière espérant que son père ne s’y trouvât pas. A peu près surs, ils entrèrent. Elle amena Jérôme directement à la cuisine, et lui plongea les mains dans le lavabo en frottant dessus. Elle croisa son regard, qui n’exprimait rien. Ni la douleur ou l’effroi, aucun regret ou questionnement. Elle ne le releva pas, concentrée sur sa douleur et celle de Jérôme. Elle l’entraina et ils s’assirent sur le canapé, sans dire un mot.

-         On… on fait quoi ? demanda Jérôme, hésitant.

Kaysha lui encadra le visage de ses petites mains. Jérôme observa la figure meurtrie de la jeune femme, le sang lui coulait de son nez, et sa lèvre était saignante.

-         Qu’est-ce qui s’est passé, Jérôme ?

Sa question avait été posée sans transition, incroyablement sérieuse. Le garçon la regarda avec incompréhension. Il ne répondit rien, se contenta d’essayer de chercher si ce qu’il avait fait était bien ou mal, à travers tout ce qu’elle lui avait apprit, et les expressions de son visage.

-         Il te frappait, dit-il enfin.

-         Okay… murmura-t-elle démunie en soupirant d’appréhension, okay…

Elle lâcha son visage et attrapa des bandes dans la pharmacie.

-         Donne-moi tes mains.

Elle s’appliqua à entourer ces dernières avec les bandes.

-         Pour l’instant, t’as pas mal, mais tu vas finir par ressentir la douleur. Garde les bandes plusieurs jours.

Elle se dirigea à son tour vers le robinet pour se nettoyer le visage et retirer le sang qui commençait à sécher. Elle se retint dessus plusieurs secondes, les yeux fermés. Jérôme se leva.

-         C’est mal ?

Elle tourna son regard vers lui. Elle vit son visage insouciant percer derrière ce regard vide d’émotion.

-         Jérôme… commença-t-elle, en laissant le reste de la phrase en suspend.

Elle s’approcha.

-         Comment tu te sens ?

-         Je sais pas vraiment… normal ?  

-         C’est ça qui est « mal », dit-elle avec beaucoup de précaution. Même s’il le méritait, tu dois pas te sentir indifférent. J’avais jamais vu ça, et encore moins venant de toi. C’était quoi ce bordel ?

-         Il te frappait, répéta-t-il. Pour toi, j’aurais fait plus.

-         Je sais, dit-elle.

-         Je l’aurais tué.

Elle clôt ses paupières fermement pour les rouvrir dans la seconde.

-         Je sais, souffla-t-elle. Mais je sais aussi que tu ne l’aurais pas fait que pour moi, Jérôme. Dis-moi qu’il n’y avait que Cole que tu frappais, et je ne te croirais pas. Il y a des choses que tu ne m’as jamais dit, Jérôme. Des choses dont on n’a jamais parlé, toi et moi.

Il se sentit tout de suite attaqué, comme si on le déshabillait sur une place publique. Elle remarqua son regard impuissant.

-         Je suis désolée, Jérôme, j’aurais pas du te demander, je n’ai pas réfléchi…

Kaysha lui passa une main juste au dessus de sa nuque et attira la tête du jeune homme contre elle. Elle le prit dans ses bras et le maintint ainsi, au dessus de sa poitrine, comme s’ils étaient restés à l’âge de onze ans.

-         Il y a des fois ou j’ai envie de la tuer, se confia-t-il. De lui faire payer pour ce qu’elle me fait.

Elle l’étreignit plus fort encore.

-         Elle me hait, dit-il en serrant les dents.

Kaysha berçait légèrement Jérôme, comme s’il avait été un enfant trouvé.

-         Je suis là, murmura-t-elle.

Il frotta sa joue à la sienne, tranquillement. Elle balada ses doigts dans ses cheveux, tout en réfléchissant.

-         Tu n’y retourneras pas. Je refuse que tu y retournes.

-         On ne peut pas.

Il avait raison. Elle le savait. Mais elle voulait pourtant croire en ses propres paroles.

-         Pourquoi ? on fait ce qu’on veut.

-         Vraiment ?

Il sentait son cœur s’agiter dans sa poitrine, chose qui n’arrivait que très rarement. Seulement lorsqu’il se sentait proche de Kaysha. C’était sûrement ce qu’on appelait le « bon moment ». Il passa une main tendre sur son cou.

-         Est-ce que je peux faire ce que je veux ? questionna-t-il.

-         Qu’est-ce que tu veux, Jérôme ? demanda-t-elle en fronçant légèrement les sourcils.

-         Je sais pas trop encore…

Il colla ses impatientes lèvres aux siennes, indélicatement. Elle eu un frisson, et elle s’éloigna de Jérôme. Elle ne le regardait plus, gênée.

-         Ce n’est pas comme ça que je t’aime, s’excusa-t-elle en se retenant de passer ses doigts sur ses lèvres, pour effacer ce baiser imprudent.

Ne s’attendant pas à cette réaction, Jérôme resta immobile, ne laissant aucune expression se dessiner sur son visage. Mais un feu interne lui brûlait les organes, et consumait toute son âme qui s’effrita lentement. Kaysha se leva, pour lui tourner le dos, en feintant de regarder le poste de télévision éteint. Elle croisa ses bras sur sa poitrine, le dos droit, le visage dissimulé. Il se leva à son tour, en restant derrière elle. Bon nombre d’images lui virent à l’esprit, qu’il refoula immédiatement. Il lui aurait attrapé les épaules, et l’aurait retourné vers lui, pour l’embrasser à nouveau, la jeter sur ce fauteuil et passer au dessus d’elle pour ne plus jamais la laisser partir.

-         Ça restera au milieu de tous les autres secrets, dit-il d’une voix grave et qu’il voulait neutre.  

Elle ne répondit rien, et il claqua la porte derrière lui. En sortant, il croisa Christopher qui rentrait chez lui à grands pas, semblant chercher Kaysha. Christopher regarda Jérôme avec des yeux interrogateurs. Son expression se transforma en une inquiétude qu’il ne chercha même pas à dissimuler. En comprenant ce que son père soupçonnait, Jérôme sourit avec malveillance, plissant ses yeux narquois, son visage devenant subitement démoniaque. Christopher s’arrêta pour le regarder, et courut jusqu’à sa porte. Il l’entendit appeler sa fille, et Jérôme s’éloigna, en perdant peu à peu ce sourire angoissant.



Mwaahahaha :3 Alors, j'ai adooooré écrire ce chapitre :3 J'espère que vous l'aurez tout autant aimé ! N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé ! :)

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