Mad Love (Jerome Valeska)

Chapitre 27 : Christopher Wade

1507 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/02/2017 14:59

Jérôme entendit un son aigu et tournoyant passer non loin de sa caravane. Curieux, il sortit la tête pour surprendre les lumières d’une ambulance se déplacer tant bien que mal dans le cirque. Sa mère absente, il se couvrit pour vaincre le froid de l’Illinois. Il suivit la progression sonore de l’ambulance, et la trouvait finalement à côté de la caravane de Kaysha.

Sa tête semblait prête à tomber, et il sentit une vague de froid l’envahir, puis une impression de chaleur glaciale, qui l’obligeait à s’immobiliser un instant, tout en lui bouleversant l’estomac. Il avait peur. Il était même angoissé. Il se refusait les pires scénarios, n’osant imaginer de perdre Kaysha. Mais, ne s’y attendant pas, il vit sa silhouette familière se précipiter à l’extérieur de la caravane, le visage profondément inquiet. Retrouvant ses sens et sa stabilité, Jérôme courut vers elle.

-         Kaysha ! appela-t-il.

Elle lui répondit pas son prénom en le voyant et s’empressa de se réfugier dans ses bras.

-         Qu’est-ce qui se passe ? interrogea-t-il, alarmé.

-         C’est mon père, expliqua-t-elle la voix saccadée, ne sachant comment raconter ce qui lui arrivait. Je sais pas comment c’est arrivé, mon père, je l’ai trouvé sur le sol, il devait venir à l’entrainement, mais il n’était pas là, et pas aux chevaux non plus, il ne bougeait plus ! j’ai appelé les urgences, je savais pas quoi faire ! termina-t-elle en pleine panique.

Au même instant, Christopher était transporté dans une civière et posé à l’intérieur de l’ambulance. Un urgentiste s’approcha d’eux.

-         On doit le ramener à l’hôpital, son état est inquiétant.

Il était pressé, et n’avait pas le temps de donner de longues et interminables explications. Kaysha ne réagit pas immédiatement, et rapidement l’ambulancier s’éloigna pour rejoindre ses collègues à l’arrière de l’ambulance. Cette dernière démarra et fila droit sur Gotham, première ville où on pouvait lui offrir des soins. Kaysha qui tenait le bras de Jérôme se tourna vers lui pour le regarder comme si elle allait dire quelque chose. Cependant, elle resta muette, et se contenta de tirer sur le bras du jeune homme pour le prendre avec elle.

Ils se dépêchèrent jusqu’à la voiture sans réfléchir. Kaysha s’empara des clefs cachées dans le battant au dessus de sa tête, et démarra la voiture, pour suivre les traces de l’ambulance. Elle avait les mains crispées sur le volant, et avalait difficilement sa salive. Elle ne parlait pas, sûrement incapable de sortir une parole de sa bouche sèche. Jérôme regardait droit devant lui. Il n’était pas inquiet. Du moins, il ne l’était plus. Ce n’était pas Kaysha qui était dans l’ambulance, et de ce fait, il y aurait pu y avoir n’importe qui à l’intérieur. Cela ne le dérangeait plus. Ainsi, même si Christopher venait à mourir, il n’aurait qu’à consoler Kaysha quelques temps, et ils n’en seraient que plus proches.

Mais à ce moment, Kaysha ne semblait du même avis. Bien au contraire. Jérôme ne trouvait rien à lui dire pour la délivrer un temps soit peu de ses angoisses. Elle faisait semblant de se concentrer sur la route, et n’avait aucune considération pour le rouquin. Il se demandait même si elle ne l’avait pas oublié.

Bizarrement, l’hôpital fut simple à trouver. Kaysha se gara rapidement, et les deux sortirent de la voiture. Ils marchaient côte à côte, sans parler.

-         Christopher Wade, annonça Kaysha en s’approchant de l’accueil.

On lui indiqua sans plus attendre, l’étage et le numéro de chambre, bien qu’ils ne puissent toujours pas y entrer. Ils s’assirent en face de la porte. Le couloir blanc et uniforme était vide, quelqu’un le traversait de temps en temps, mais personne ne semblait les voir.

Kaysha avait les mains posées sur les genoux, le visage effacé dans le vide, et les yeux perdus et fatigués. Jérôme posa sa main sur la sienne. Elle eut un bref sursaut, comme de ceux qu’on a au réveil parfois, et leva les yeux vers lui. En sentant enfin tout à fait sa main sur la sienne, elle la serra longuement et lui sourit brièvement.

-         Ça va aller, dit-il.

C’était ridicule, certes, mais il n’avait rien trouvé d’autre.

-         T’es pas obligé de te forcer, si tu ne sais pas quoi dire, répondit-elle.

Elle n’avait pas été agressive, et il n’y avait aucun reproche dans sa voix. Elle était juste d’une réalité simple, qui ne vexa pas le jeune homme, mais qui le soulagea. Les infirmiers et les docteurs entraient et sortaient de la chambre de Christopher, sans que le cœur de Kaysha ne s’allège. Elle se sentait simplement plus en sécurité, au contact de Jérôme. Elle avait posé sa tête sur son épaule, et avait fermé les yeux, sans s’endormir.

On vint enfin.

-         Vous pouvez aller le voir, annonça-t-on, mais il n’est pas réveillé.

Kaysha se leva d’un bond.

-         Vas-y seule, lui dit Jérôme, sachant qu’il n’avait absolument pas sa place au chevet de Christopher.

Elle hocha la tête prestement, et s’enquit dans la chambre. Elle y resta de longues minutes, pendant que Jérôme restait assis à regarder le sol. Il se demandait bien ce que pouvait trouver Kaysha à son père, alors qu’elle avait semblé le détester tout ce temps. Si on lui apprenait que sa mère était à l’hôpital, il l’y aurait laissé sans problème, et aurait attendu sa chute mortelle. Ce jour ne paraissait pas vouloir arriver cependant, ce qui désolait le garçon. La porte s’ouvrit à nouveau sur le visage dévasté de Kaysha qui avait pleuré. Il se leva pour la rejoindre.

-         On va y aller, dit-elle. On reviendra demain. Sauf si tu veux pas m’accompagner, je comprendrai. Il faut juste que je m’assure qu’il aille bien, et qu’il s’en sorte…

Personne n’expliqua à Jérôme ce qui était réellement arrivé à Christopher. Ni ce jour-là, ni plus tard. Et il avait l’impression que Kaysha non plus ne savait pas. Il ne lui posa pas la question pour autant, se disant finalement qu’il n’en avait rien à faire.

De retour au cirque, rien n’avait changé, tout avait gardé sa parfaite place. La mère de Jérôme n’était toujours pas de retour – Dieu merci.

-         Tu veux que je reste avec toi pour la nuit ? hésita-t-il.

Il utilisa les secondes qui suivirent pour prier une réponse positive.

-         Tu es très gentil, répondit-elle le visage reconnaissant, mais je crois que je vais rester seule, un peu. Merci, ajouta-t-elle en lui laissant un baiser sur la joue.

Jérôme ne put s’empêcher de reporter mentalement ce baiser sur ses lèvres. Car à ce moment-là, il avait vraiment eu envie de l’embrasser, et la convaincre de le laisser dormir à ses côtés. Il savait bien que cette envie n’était pas anodine, et qu’il aurait aimé avoir Kaysha au plus proche de lui. Il n’arrivait pourtant pas à formuler le sentiment clairement : Jérôme voulait tout bonnement faire l’amour avec Kaysha. C’était un sentiment bien naturel, pensait-il, que les adolescents ressentent. Et Kaysha était la seule personne qui valait la peine qu’on y pense.

Cependant, elle ne cessait de se refuser à lui. Et ce refus que Jérôme avait enduré, et auquel il avait compati toutes ces années se transformait en un agacement réel. Il se contenta pourtant d’hocher négligemment la tête, et de prendre le chemin de sa caravane, laissant Kaysha à la sienne.


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