Mad Love (Jerome Valeska)

Chapitre 28 : Hello Darkness my Old Friend

3040 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/02/2017 12:56

La mère de Jérôme rentra au milieu de la nuit, le réveillant partiellement. Il devait être dans les alentours de trois heures. Il retrouvait pendant une seconde les frustrations de la veille, la mine défaite de Kaysha, son père sur la civière, et surtout leur retour au cirque, qui avait été une nouvelle déception pour le jeune homme. Avant de se rendormir, il eut le temps de détester ce sentiment, et inconsciemment de détester la jeune femme, qui n’avait pas l’air de vouloir répondre à ses attentes. Ce qui l’agaçait vraiment, pensait-il, parce que finalement, il y avait bien droit.

Néanmoins, Jérôme se rendormit, le cerveau trop embrumé pour pouvoir réfléchir plus longuement. Il se réveilla avant sa mère, ne voulant pas la voir. Il s’habilla rapidement, se coiffa minutieusement, et sortit de la caravane sans un bruit. Il devait désormais courber l’échine pour pouvoir passer la porte devenue trop petite. Ou lui, devenu trop grand. Il se dirigeait vers la grande roue, pour retrouver la caravane de Kaysha.

Il n’était pas loin de là, lorsqu’un chat qui ressemblait étrangement à Shamallow, l’ancien chat de Kaysha, lui passa devant. Ce ne pouvait être lui cependant, le chat était mort de vieillesse, et ils l’avaient enterré, après que Kaysha ait récité un court discours dont il ne se souvenait pas les mots.

 Il le suivit pour l’attraper, mais les chats du cirque n’ont pas vraiment confiance, et s’enfuient dès qu’ils voient quelqu’un s’approcher. C’était infondé d’ailleurs, puisqu’à part les enfants méchants, il n’y avait personne qui leur voulait de mal. L’animal se glissa sous une voiture. Jérôme se baissa vers lui pour l’attraper, et étira sa main en sa direction.

Mais le chat apeuré griffa violemment Jérôme qui saigna sur le coup. Le jeune homme eut une grimace douloureuse et observa le sang perler sur sa peau excessivement pâle. Furieux, il regardait le chat qui feulait en sa direction. Dans une pulsion bestiale, il attrapa le chat par la peau du cou avec virulence et le fit trainer sur le sol froid pour le ramener jusqu’à lui, en ignorant ses miaulements agressifs et plaintifs.

Il souleva l’animal et le jeta littéralement contre la voiture. La bête resta étendue sur le sol, la respiration fragile.

Sentant une présence dans son dos, Jérôme se retourna. Kaysha avait les mains posées sur sa bouche, les yeux grands ouverts, le visage épouvanté. Il ne l’avait pas entendue arriver. Jérôme entre-ouvrit les lèvres, pour lui parler, mais la jeune femme s’échappa en courant. Il n’eut pas le temps de penser à ce qu’il avait fait, cet acte s’effaçant rapidement de son esprit. Que ce soit bien ou mal, ne faisait aucune différence. Et puis de toute façon, il ne s’en souviendrait pas.  

Il se mit alors à lui courir après pour la rattraper. Même si cela ne lui paraissait pas si grave, il devait des explications à Kaysha. Il ne savait pas encore ce qu’il lui dirait, ne savait pas s’il lui dirait quelque chose d’ailleurs, mais ce geste n’était évidemment pas conventionnel. Il arracha la veste de la jeune femme devant lui en essayant de l’arrêter, et la laissa tomber sur le sol.

Elle fuyait. Elle le fuyait lui. Jérôme haïssait cette pensée, c’était bien la dernière chose dont il avait envie. Pourquoi avait-il fallut qu’il s’occupe de cet animal ? Il était un véritable idiot, c’était certain maintenant. Et Jérôme se mit à se détester, plus qu’il ne l’avait déjà fait.

Il semblait que plus rien n’intervenait, ni les caravanes et les tentes qui les entouraient, il ne se souciait plus du sol sous ses pieds. S’il avait du s’ouvrir sous lui, il ne l’aurait pas remarqué. Il n’y avait que son corps hurlant, et celui fuyant de Kaysha. Il la vit trébucher rapidement sur le sol, mais elle reprit son élan pour repartir. Elle courrait vraiment très vite, et il avait du mal à la rattraper. Il aurait préféré qu’elle reste sur le sol.

 

Kaysha tenta de fermer la porte derrière elle en arrivant devant sa caravane, mais Jérôme arrivait au même moment, et repoussa la porte avec brusquerie. La jeune femme recula en essayant de courir, mais elle se prit les pieds sur la table, et tomba sur le sol. Elle se retourna sur le ventre pour s’éloigner de lui en essayant de se relever, haletante, réellement apeurée, les larmes horrifiées s’emmagasinant au bord de ses yeux. Jérôme ferma la porte derrière lui, et se jeta sur Kaysha pour la retourner brutalement vers lui et lui mettre une main sur la bouche avant qu’elle ne crie. Il était tout contre elle, et devait l’étouffer avec son poids. Il se releva pour se poser sur ses genoux, en entourant ses hanches de ses cuisses.

Les yeux alarmés de Kaysha le regardaient, suppliants. Elle avait les deux mains posées sur son poignet qui retenait sa bouche, faisant tout pour essayer de le repousser. Sa casquette tomba dans le mouvement, pour laisser ses mèches brunes s’étaler et faire découvrir son visage féminin. Jérôme la tenait fermement entre ses mains. Elle lui posa une main sur le visage pour le faire reculer, le faisant grimacer.

-         Arrête, Kaysha, arrête ! je vais te lâcher, mais promets-moi de ne pas crier !

Elle hocha difficilement la tête, et il retira sa main. Elle reprit une grande inspiration, se détacha du corps de Jérôme en s’aidant de ses coudes. Elle se colla contre un mur.

-         Qu’est-ce que t’as fait ? murmura-t-elle en retenant ses sanglots.

Kaysha ramena ses mains à son visage, comme pour s’assurer qu’elle ne rêvait pas, sans arriver à toucher sa propre peau. Parce qu’elle avait toujours cru Jérôme, pensa-t-elle avec un étrange mouvement dans son cœur, comme un hoquet interne.

-         C’est pas moi, essaya-t-il de s’expliquer en s’approchant d’elle.

-         Ne me touche pas ! hurla-t-elle presque en essayant de reculer un peu plus, comme si elle avait pu creuser le mur.

Il posa néanmoins ses mains sur ses jambes, et caressa son visage.

-         Je t’en prie Kaysha, il faut que tu comprennes, je t’aime, mais je ne pouvais pas rester…

Ses paroles n’avaient aucun sens, ni pour lui, ni pour elle. Il allait plonger son nez entre son cou et son épaule, mais elle l’en empêcha, et le frappa au visage. Elle se releva immédiatement, et courut vers la porte. Il la rattrapa par la taille et la souleva. Elle se débattit, mais Jérôme avait bien plus de force. Il l’emporta avec lui et la laissa tomber sur le lit. Il lui empoigna une mèche de cheveux, ne se rendant pas compte de la violence dont il faisait preuve. Kaysha lâcha une grimace de douleur sans arriver à crier. Jérôme lui entoura à nouveau la taille de ses bras et posa sa tête sur son ventre, comme pour pleurer. Mais la jeune femme le repoussa d’un coup de pied.

Jérôme recula de quelques pas, et elle se redressa sur le lit en le regardant avec agressivité.

Le rouquin sentait sa patience s’effriter subitement, et son visage n’exprimait plus la pitié, n’était plus suppliant. Le visage de Jérôme était devenu effrayant, quasi-inexpressif. Il était « fatigué d’attendre ». Il avança vers Kaysha et la gifla, en la faisant tomber sur le ventre. Elle se mit à pleurer contre les draps, démunie, angoissée. Jérôme s’allongea lentement sur elle, en sentant sa peau, et passant ses mains sur son corps tremblant. Il la retourna sur le dos, pour la voir. De ses doigts indélicats, il effaça les larmes qui coulaient sur ses joues.

-         Non, non, ne pleure pas, dit-il sur son exemple, tu verras, tout fini par s’arranger. Toi et moi, on va réussir à sortir de là, hein, Kaysha ?

Les sanglots silencieux de Kaysha augmentèrent en entendant ses paroles qu’elle avait elle-même prononcées.

-         Chutchutchut, continua-t-il en posant son index sur ses lèvres. Tu vas voir, ça va bien se passer, je ne vais pas te faire mal.

Ses yeux se perdirent dans les iris bleus de Jérôme, qu’elle avait tant aimé regarder autrefois, dans lesquelles elle avait si souvent vu la tristesse, et qui aujourd’hui affirmaient la folie.

-         Kaysha, murmura-t-il en approchant sa bouche de son oreille.

Il lui tenait la tête de la main gauche et lui caressait lentement le flanc de sa main droite, s’approchant de sa poitrine, tout en se posant tranquillement sur elle.

-         Jérôme, je t’en prie, ne fait pas ça, souffla-t-elle en retenant ses larmes.

Il fit semblant de ne pas l’entendre, et l’embrassa. Elle détourna la tête sur le coussin, mais Jérôme lui attrapa la mâchoire de ses longs doigts, et la fit revenir vers lui.

-         Mais je t’aime, répondit-il le souffle court.

-         Non, c’est pas ça aimer, Jérôme, essaya-t-elle pour lui rendre la raison.

Il la regarda un instant.

-         C’est comme ça que moi je t’aime, finit-il.

Il ne lui laissa pas le temps de répondre, et émit une pression de tout son corps sur le sien pour la faire taire. Elle ferma les yeux, résignée, et laissa Jérôme parcourir son corps. Curieux, il lui retira son haut aussi bien qu’il le pu, et observa le corps de la jeune femme, pouvant deviner désormais chacune de ses courbes sans le vêtement large, et le jean noir. Il passa ses mains sur son ventre, puis sur sa poitrine. Dans l’ordre des choses, il retira son propre haut. Il lui retira son jean, sans qu’elle ne bouge, comme si elle était morte sous lui. Kaysha avait toujours en elle cette image de Jérôme enfant, pleurant si régulièrement, sans un bruit, contre son épaule. C’était à son tour de pleurer, à cause de celui qu’elle avait toujours considéré comme un ami.

Il sentait son corps chaud contre lui. Il embrassait sa peau, sans arrêt. Sans réfléchir, il attrapa son corps comme il le pouvait, et se laissa entrer en elle, avec difficulté. Kaysha grimaça lentement, et se raccrocha à Jérôme malgré elle, ne pouvait se soutenir sur autre chose. Elle avait tellement prit l’habitude de se tenir à ce malheureux garçon, même si elle savait pertinemment que ce n’était pas lui à ce moment-là, au dessus d’elle. Jérôme se concentrait sur chacun de ses mouvements, recherchant le bon rythme, recherchant la perfection. Il l’entendait gémir lentement, souffrante, priant peut-être même pour qu’il s’arrête et parte enfin.

Et Jérôme en oublia ses promesses, toutes celles qu’il avait faites à Kaysha, la protection qu’il avait juré lui rendre. Mais il en oublia aussi tout le reste, sa mère qu’il détestait tant, les coups répétés qu’elle lui infligeait. Cela ne faisait aucun doute, Jérôme aimait Kaysha. Et il savait que, malgré tout, Kaysha l’aimait aussi.

Lorsqu’il se sentit faiblir seulement, il s’arrêta, la respiration haletante, le corps transpirant. Il avait tant rêvé de ce moment, où enfin il ne ferait qu’un avec cette fille qui se prenait pour un garçon, et qu’il aimait plus qu’il n’avait rien aimé d’autre. Pas même sa propre vie. Jérôme se laissa tomber sur elle. Sans savoir pourquoi, elle entoura sa tête de ses bras, comme pour le rassurer, enroulant tendrement ses cheveux roux en bataille entre ses doigts. Elle se refusa de parler. Un « Ce n’est rien Jérôme, on va arranger ça », n’aurait pas été compatible. Elle souffrait, mais n’arrivait pas à le haïr. Jérôme glissa ses mains dans son dos et la prit contre lui.

-         Comment vas-tu faire ? demanda-t-il le visage enfouit dans ses cheveux.

Son haleine douce s’étala dans sa nuque.

-         Faire quoi ? dit-elle la voix coupée par sa gorge souffrante des sanglots retenus.

-         Pour me pardonner, répondit-il en pressant son corps.

Les yeux de Kaysha pleurèrent à nouveau, silencieusement, sans qu’elle ne puisse les retenir plus longtemps.

-         Je ne pourrai pas, larmoya-t-elle avec une tranquillité inquiétante.

-         Je suis désolé, dit-il en posant son visage contre le sien.

-         Ne me mens pas, ordonna-t-elle.

Jérôme ne répondit pas, et se laissa couler contre elle. Kaysha se détacha de lui, pour se lever du lit, sans qu’il ne bouge. Il attendait de savoir si elle allait passer la porte d’entrée, mais elle n’en fit rien. Chez qui irait-elle courir ? Elle n’avait personne, elle non plus. Elle était simplement allée dans la cuisine, pour boire. Elle revint, couverte d’un kimono aux couleurs d’automne par-dessus ses sous-vêtements, et d’un verre d’alcool. Jérôme le remarqua, il se leva immédiatement et jeta le verre contre le sol d’un revers de la main.

Il lui attrapa le dessous des mâchoires pour éviter de lui prendre la gorge. Dans son élan, il la fit reculer jusqu’au bureau de la chambre. Il entendit le meuble percuter contre le mur.

-         Tu ne bois pas cette merde, articula-t-il en approchant son visage du sien. T’as compris ?

Elle le regardait droit dans les yeux. Elle glissa discrètement sa main dans son kimono. Jérôme la vit faire du coin de l’œil, mais ne réagit pas immédiatement. Elle sortit un couteau de cuisine. Dans un mouvement rapide, elle tenta de lui ouvrir la peau avec, mais Jérôme retint son poignet d’une main. Il lui fit lâcher le couteau qui tomba à leurs pieds. Cette fois, il s’empara de sa gorge.

-         Pourquoi tu as fait ça, Kaysha ? demanda-t-il avec une réelle expression étonnée.

Elle essaya de se défaire de lui, mais dans sa précipitation, ils tombèrent tous les deux sur le sol.

-         Tu ne comprends pas que je t’aime !

Elle ne pouvait répondre, étouffée. Elle posait ses mains sur Jérôme pour le faire reculer, et ne comprit pas lorsqu’il se mit à rire. Elle essaya de dire son nom, mais rien ne pu sortir de sa bouche, la voix coincée dans son abdomen. Tout doucement, son corps se détendit entre ses mains. Jérôme lâcha la gorge de Kaysha.

-         Comme tu es douce, dit-il sans comprendre d’abord.

Mais la bouche entre-ouverte de la jeune femme ne répondit pas. Jérôme essaya de la faire bouger en la secouant doucement d’abord. Puis, comprenant peu à peu qu’elle ne pourrait plus jamais lui répondre, il paniqua. Il porta son corps pour l’étendre sur le lit, en répétant maladivement son prénom, croyant qu’il pourrait la faire revenir ainsi. Mais Kaysha restait obstinément figée. Jérôme la regarda, pendant de longs instants, se disant qu’elle avait l’air endormie. Elle était belle, ses cheveux lui caressant les épaules, son corps de danseuse étendu sur le lit, gracieux et puissant. Ses yeux vides et injectés de sang regardaient sur le côté. Et à ce moment-là, Jérôme se sentait tout à fait serein.

Pourtant, il venait de réduire à néant son seul pilier de morale, sa seule Raison, sa conscience qui l’avait gardé loin de ce qu’il était vraiment tout ce temps.

En comprenant son horrible Fortune, il se mit à rire avec emportement, en tombant petit à petit sur le corps de Kaysha. Il la prit tout contre lui une nouvelle fois, la dernière fois, pour rire, rire encore, et ne plus verser de larmes.


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