Chocolat chaud et Potions

Chapitre 3 : Paternité

3157 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 16/01/2018 20:55

Severus attendait dans le hall de l’hôpital St Mangouste. Il fixait d’un regard mauvais la secrétaire qui lui avait gentiment dit de patienter. Il ne comptait pas s’attarder des heures et des heures dans ce lieu, il venait juste régler un malentendu.

Finalement, une médicomage fit son apparition avec un grand sourire que Severus détestait déjà.

- Bonjour, vous êtes bien Severus Rogue ?

Il hocha la tête.

- C’est donc vous le papa des filles !

Severus faillit s’étouffer.

- Je ne suis pas le père, grommela-t-il. Je suis venu justement pour vous prouver le contraire.

- Et bien, nous allons vérifier cela. On va vous faire passer un test. Venez.

Elle l’entraîna dans une salle, qui ressemblait à un laboratoire et elle lui montra fièrement une potion.

- Il suffit de mettre une goutte de sang de chaque membre de la famille, pour savoir si vous avez un lien ou pas. J’en ai déjà prélevé sur les filles. Si vous êtes bien leur père, la potion deviendra bleu, si vous ne l’êtes pas elle sera rouge.

Severus leva les yeux au ciel. Il était maître des potions, il le savait bien. La médicomage préleva une goutte de sang qu’elle versa dans la potion avec celle des quatre filles.

- Il faut patienter cinq minutes.

Il allait répliquer une remarque cinglante lorsque sa vision se brouilla.

« Severus tournait en rond dans le salon. Assis dans un fauteuil bleu, une jeune femme le suivait du regard. Julie. Elle était magnifique avec ses longues jambes bronzées, sa chevelure bouclée et blonde et ses yeux bleus.

- Calme-toi Sev’.

- Je suis parfaitement calme.

Julie eut un petit rire.

- Mais bien sûr.

- Tu te rends compte ? Un bébé… Tu me vois être père ?

Julie posa une main sur son ventre encore plat.

- Parfaitement.

- Je ne supporte pas les mômes, et puis…je ne serais pas un bon père après celui que j’ai eu…

- Ne dis pas n’importe quoi, Sev’. J’ai confiance en toi, moi.

Elle se leva et entoura la nuque de Severus de ses bras avant de plonger son regard dans celui de son homme.

- Tout va bien se passer.

- Je t’aime, chuchota Severus.

- Moi aussi.

Un baiser ponctua cette phrase. »

Severus revint à lui, lorsque la médicomage –qui n’était autre que Stéphanie, posa une main apaisante sur son épaule. Elle semblait toute excitée. Le professeur se dégagea vivement.

- Vous avez eu une vision ? Vous avez vu un souvenir que Julie Martins vous avait oublietté ?

- La potion sera bleue, se contenta-t-il de grommeler.

Et son ton était résigné. Severus Rogue venait de comprendre qu’il était le père de quatre adolescentes dont il ne souvenait pas un jour avoir été le père. Il se sentit soudainement très faible. Comment avait-il pu en arriver là ?

***

- Vous croyez qu’il sera comment ? Demanda rêveusement Lily, le regard fixé sur le paysage qu’offrait la fenêtre de la chambre.

Emma haussa les épaules, visiblement peu encline à discuter de leur géniteur.

- On va aller vivre avec lui ? Fit alors la voix un brin aigu d’Elyanna.

Les trois jeunes sœurs tournèrent le regard vers leur aînée. Kathleen sursauta à la question.

- J’en sais rien Ely’. Je suppose.

- Mais on a le choix, non ? On pourrait refuser.

- A quoi bon ? Lâcha Emma avec sarcasme. Ce n’est pas comme si on a encore un membre de la famille vivant !

Kathleen secoua la tête.

- Le problème c’est que si on refuse, ils vous placeront dans des foyers. Je suis la seule majeure ici. On risque d’être séparé.

- Alors, c’est comme ça ? On a pas le choix !

Les yeux d’Elyanna brillaient d’une colère qu’elle avait visiblement du mal à contenir.

- Pas vraiment, soupira Kathleen, et puis c’est peut-être la meilleure des choses pour tout le monde. On va pouvoir connaître notre père.

- Mais je ne veux pas le connaître, protesta la benjamine. Je n’ai aucune confiance, on ignore tout de lui !

- Il ne peut pas être pire que maman, lâcha durement Emma. On avait confiance en elle, et regarde le résultat.

A cette phrase, Lily jeta un coup d’œil d’avertissement à sa jumelle. Elyanna supportait déjà difficilement la mort de leur mère, inutile d’en rajouter ; mais trop tard, leur jeune sœur avait bondi sur ses pieds.

- Ne la critique pas !

- Je ne fais que dire la vérité, répliqua Emma, ignorant les coups d’œil assassins de Lily qui lui disait de laisser tomber.

- Maman a fait une erreur ! Une erreur, ça arrive à tout le monde ! Elle le regrettait.

- C’était surtout une menteuse. Juste une menteuse.

Elyanna ouvrit la bouche puis la referma. Finalement elle reprit la parole.

- Je te déteste.

Elle l’avait pratiquement chuchoté.

- Ely’ ! Emma ! Ce n’est pas le moment de se disputer, intervint calmement Kathleen, tentant de calmer la situation.

Le regard furibond d’Elyanna se tourna vers elle.

- Tu la laisses dire ça ? Est-ce vous en aviez quelque chose à faire de maman ? Est-ce que vous l’aimiez ?!

Kathleen ouvrit la bouche, mais Elyanna ne lui laissa pas le temps de parler.

- J’arrive pas à croire que vous oubliez aussi facilement tous les bons moments qu’on a passé avec elle !

Et avant que quiquonque ne puisse répliquer, elle sortit de la chambre en oubliant pas de claquer la porte.

- Emma ! Pourquoi tu ne l’as pas fermé pour une fois ? S’exclama Lily. Elle est perturbée, et toi tu la pousses !

- Rhoo… Si on peut plus donner son avis…

Kathleen soupira pour la énième fois.

- Vous êtes irrattrapables. Maintenant que maman n’est plus là, il faut qu’on soit unis. On l’a toujours été et ça ne va pas changer maintenant.

Emma hocha finalement la tête.

- D’accord, je reconnais, je n’aurais pas dû dire ça, mais…je ne sais pas comment expliquer…  Maman me manque tellement d’un côté et de l’autre, je lui en veux terriblement… Je me sens perdue.

Lily attrapa affectueusement la main d’Emma.

- On l’est toutes.

Kathleen détourna le regard. Elle avait été la moins proche de Julie et même si bien évidemment elle se sentait sans cesse triste, elle savait que la vie continuait et elle comptait bien rendre à nouveau le sourire à ses sœurs.


Un peu plus haut, Elyanna s’était réfugiée dans les toilettes désaffectées du dernier étage de l’hôpital. Recroquevillée sur elle-même, elle s’était assise à même le sol et elle pleurait à chaudes larmes. Ses longs cheveux noirs lui tombaient sur le visage.

En ce moment, elle n’en pouvait plus. Elle avait l’impression d’être une bombe sur le point d’exploser. Ses sentiments étaient si confus, et elle ne cessait de revoir le visage de sa mère. Elle se sentait si triste et si vide à la fois.

C’est de ta faute si elle est morte. C’est toi qui avais peur des transports de sorcier ! C’est à cause de toi que vous avez utilisé une voiture moldue.

Cette petite voix de la culpabilité venait sans cesse la tracasser. Elyanna se sentait si coupable. Elle ferma les yeux, en tentant d’oublier tout ce qui venait de se passer. Evidemment, elle n’avait pas pensé ce qu’elle avait dit à Emma, elle aimait sa sœur plus que tout. Mais entendre une critique sur sa mère la plongeait dans une colère noire. Et puis sérieusement : allaient-elles vraiment aller vivre chez un père qu’elles ne connaissaient pas ? Ce n’était pas vraiment leur père. C’était juste un homme qui leur avait transmis ses gènes. Il n’avait de père que le nom.

Son cœur se serra lorsque ses pensées la ramenèrent à sa mère.

Sans toi, elle serait encore en vie. Tu mériterais de mourir.

La petite voix était de retour.

Tu es un monstre. Un véritable monstre.

- Je suis désolée, murmura Elyanna, la voix brisée, je ne voulais pas.

***

- Kathleen est l’aînée. Elle a 17 ans. Disons que c’est la moins affectée par la mort de leur mère. C’est une sorcière brillante, ça, je l’ai tout de suite vu ! Elle est très courageuse, c’est grâce à elle que ses sœurs et elle ont survécu à cette chute. Elle a lancé un puissant sortilège qui a stoppé leur chute alors même qu’elle était blessée à l’un de ses bras.

Ensuite, il y a les jumelles. Emma et Lily.

- Lily ?

Severus avait sursauté à ce prénom. Stéphanie haussa les épaules.

- Oui, c’est ça. Elles ont 16 ans. Emma a l’air d’avoir un sacré caractère. Reniflement dédaigneux de Severus. Elle est très jolie, vous allez devoir faire attention à ce que tous les garçons de Poudlard ne lui tombent pas dessus ! Haussement de sourcils. Sa jumelle, Lily, est beaucoup plus calme et réservée. C’est une fille qui a l’air très aimante.

Enfin, il y a Elyanna, la petite dernière, de 15 ans. C’est celle qui m’inquiète le plus. Elle est psychologiquement parlant, très affectée par le sort de sa mère, et je pense qu’elle devrait voir régulièrement un psychomage. J’ai moi-même un diplôme, elle pourra faire ses séances avec moi. Elle est très renfermée sur elle-même, et même si ça ne se voit pas, elle souffre.


Severus sembla soulagé que la médicomage cesse enfin ce discours qu’il n’avait jamais voulu entendre. Apprendre qu’il était père était déjà bien assez, il fallait lui laisser le temps de digérer.

- Quand est-ce que vous voulez les rencontrer pour la première fois ? Aujourd’hui ? Demain ?

- Dans deux jours, répliqua Severus, peu décidé à donner satisfaction à cette médicomage trop bavarde.

Elle haussa les sourcils, un peu surprise par le ton froid mais il n’était pas très difficile de comprendre que Severus était un homme introverti.

- Vous allez les accueillir chez vous ?

- Si elles le souhaitent.

Tout au fond de lui, il savait bien que jamais elles ne le voudraient. Rien que son apparence allait les effrayer avec ses cheveux gras, ses tenues sombres et son expression perpétuellement méprisante. Severus se reprit : pourquoi s’en inquièterait-il ? Il ne les connaissait pas, et ça n’allait pas changer de sitôt.

Cependant, Stéphanie qui ne pouvait suivre le cours de ses pensées, avait recommencé à parler et il remarqua qu’elle attendait qu’il lui réponde.

- Quoi ? Demanda-t-il, agacé.

- Vous pouvez simplement y aller si vous le souhaitez.

Severus hocha la tête. Dehors la nuit commençait déjà à tomber et il lui tardait de retrouver la solitude de son manoir pour s’atteler à quelques-unes de ses potions. Il eut un bref hochement de tête agacé à l’égard de la médicomage et sortit de la salle. Il arriva dans le hall, et malgré lui, il hésita à quitter l’hôpital. Quelque chose le retenait. Il voulait juste voir. Voir à quoi ressemblait ses filles et alors peut-être qu’il réussirait à y croire. Tout lui semblait si irréaliste. Il rebroussa alors chemin et il se dirigea vers les nombreux couloirs de Ste Mangouste. Trouver leur chambre ne fut pas chose aisée, et lorsqu’enfin il l’atteignit, Severus avait dû faire au moins trois étages. Il resta à la porte, hésitant. Il entendait des voix à l’intérieur.

- Je suis désolée, souffla une voix plutôt rauque, je ne voulais pas te blesser.

- Moi non plus, Emma. Je ne pensais pas ce que j’ai dit.

- Viens ici, que je te fasse un câlin pour me faire pardonner.

Severus entendit des rires.

- Vous vous rappelez quand maman nous faisait des après-midis crêpes, résonna une autre voix, plus douce, on rigolait bien.

Visiblement, elles se remémoraient des souvenirs.

- Oui, gloussa la voix rauque, c’était mes journées préférées petite. Pas toi, Kathleen ?

Une voix qu’il n’avait jusque-là pas entendue, répondit.

- Si, surtout lorsqu’elle nous les tartinait de chocolat.

Après-midi crêpe. La vision de Severus se brouilla.

« - Est-ce vous êtes prêtes pour l’après-midi crêpes les filles ?

Trois petites voix aigues crièrent des oui avec enthousiasme.

Julie Martins-Rogue se tenait debout au milieu de la cuisine, vêtue d’un tablier, qui lui donnait un drôle d’air. Elle tenait d’une main un saladier et de l’autre une spatule.

Face à elle, assises sur la table, trois petites filles. La plus grande devait avoir 4 ans, tout au plus, et elle avait les cheveux presque roux. Elle était entourée de deux petites blondes.

Julie posa le saladier au centre de la table.

- Maman, je peux casser les œufs ? S’enquit la rouquine.

- Bien sûr ma puce.

- Non, moi je veux aussi ! Bougonna une des petites blondes.

Celle qui avait parlé était une mini-copie –du moins physiquement, de Julie.

- Chacun son tour, les filles.

Severus, lui, se tenait au seuil de la cuisine. Aucune d’elles ne l’avaient vu, et il les observait en souriant.

- Mais avant toute chose, déclara avec sérieux Julie, il faut commencer par la farine. Elle sortit un paquet, qu’elle ouvrit et elle en versa un peu dans le saladier. Puis elle en mit sur ses doigts et en étala sur le nez de chacune de ses filles, leur arrachant des rires et des « Arrêteee maman ». Severus eut un nouveau sourire.

 Doucement, il baissa les yeux sur le précieux paquet qu’il tenait entre ses mains. Le « paquet » en question était un bébé de deux ans, aux cheveux aussi noirs que les siens, et qui dormait paisiblement. Oui, Severus avait toutes les raisons d’être heureux. Il avait une famille qu’il aimait. »

Severus recula, légèrement retourné après s’être souvenu d’un nouveau souvenir. Il secoua la tête, comme pour chasser ses pensées qui venaient le torturer. Il avait eu une brève apparition d’une vie qui ne lui semblait pas un jour avoir pu se réaliser. Tout avait l’air si paisible dans le passé. Et il était bel et bien le père de quatre filles.

Les voix derrière la porte continuaient de parler. Doucement Severus se lança un sortilège pour qu’il devienne invisible aux yeux des autres. Il poussa la porte et entra.

- Cette porte ne ferme décidément pas bien, marmonna une fille. Elle passa à deux centimètres à peine de Severus et claqua fortement la porte. Severus la reconnut immédiatement. C’était le portrait craché de la Julie qu’il avait vu dans ses souvenirs, quelques années en moins, et plus mince. Elle avait une chevelure ondulée dorée et deux grands yeux bleus. Visiblement, elle n’avait rien hérité de lui. Ça devait être Emma. La deuxième fille qu’il vit, ce fut une autre blonde, aux cheveux cependant plus clairs et plus lisses. Lily. Elle souriait doucement, et était étendue sur un matelas. Lorsque Severus aperçut ses yeux, il eut presque un mouvement de recul. Son regard était absolument identique aux siens. Deux onyx. Cependant les siens semblaient plus doux et plus vivants. La troisième de ses filles qu’il remarqua ce fut la plus jeune, Elyanna. Elle semblait beaucoup plus petite que les autres. C’était sans doute dû à sa taille ou le fait qu’elle soit vraiment très –voir trop, mince. Elle avait de longs cheveux noirs, et deux yeux bleus très clairs. De larges cernes s’étalaient sous ceux-ci. Elle devait être véritablement affectée par la perte de leur mère. Enfin, il se tourna vers la dernière silhouette. Kathleen. C’était une fille aux cheveux auburn, et aux yeux noisette. Elle avait également une peau pâle et elle semblait être le parfait mélange de Julie et de lui. Severus les épia ainsi durant de longues minutes. Il ne parvenait pas à prendre pleinement conscience de la situation : ces filles-là étaient ses filles. Comment allait-il faire pour gérer quatre adolescentes ? C’était déjà bien assez dur d’avoir à supporter des élèves toute l’année alors si en plus il devait vivre avec…

Cependant quelque chose le retenait de s’enfuir à toutes jambes, et de déclarer qu’il ne voulait pas d’elles. Il n’aurait su dire quoi, mais à chaque fois qu’il fixait l’un des regards des filles un sentiment inconnu le retenait dans cette pièce. Severus savait bien que c’était sans aucun doute, le fait que sa mémoire commence à se remémorer d’anciens souvenirs oubliés, où il les avait un jour aimés. Et Severus n’aimait vraiment pas ça. Il voulait contrôler la situation –et ses sentiments par la même occasion.


Il quitta l’hôpital ce soir-là, plus retourné que jamais. Son humeur était également encore plus exécrable que d’habitude et toutes les personnes qui croisèrent son chemin, s’écartèrent brusquement. Il n’était pas prêt. Il n’était pas fait pour être père, et pourtant dans deux jours, si ses filles acceptaient, elles viendraient vivre chez lui. Severus attrapa la première bouteille de Whisky-Pur-Feu qu’il trouva sur son bureau ; il avait bien le droit d’oublier cette journée le temps de quelques heures. 

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