Dramione : le Feu et la Glace

Chapitre 16 : Simple et clair

5725 mots, Catégorie: K+

Dernière mise à jour 07/07/2019 19:57

Dans le chapitre précédent les vacances de Noël ont eu lieu, Drago est resté au château pour sa mission tandis qu’Hermione était chez ses parents, d’où elle est rentrée étrangement tôt.


POV DRAGO.


Essoufflé, je l’attendais patiemment devant les immenses portes du château. Je m’étais pressé pour me changer, faire une petite toilette et tenter d’avoir une autre gueule que celle d’un mort-vivant. J’avais peur qu’elle soit sur les lieux du rendez-vous avant que je n’y sois moi-même arrivé, ce n’est pas ainsi que l’on accompagne une dame. Je ne l’attendis cependant pas longtemps, elle, en revanche, n’avait pas pris la peine de retirer cet immonde pull de Noël. Cette vision me fit sourire, je ne connais pas beaucoup de filles sur cette planète qui iraient boire un verre avec Drago Malfoy en portant ce genre d’horreurs. Il n’y a qu’elle pour faire ça…


Nous nous sommes donc dirigés ensemble vers les Trois Balais dans un silence aussi pesant que gênant, qui commençait à me faire regretter d’avoir suggéré cette idée débile. Mais elle était là, et j’avais besoin de m’évader de mon enfer, de ma tête, besoin de ne plus être seul. Quelques pauvres mais fidèles ivrognes étaient accoudés au bar, ou bien avachis sur les tables, hurlant des chansons ringardes ou parlant de femmes qu’ils avaient baisé, ou plutôt qu’ils rêveraient de baiser. Elle a commandé une bière au beurre et moi un whiskey, là encore la différence entre elle et moi était notable, comme pour tout. Nous nous sommes installés sur une table dans un coin plutôt sombre, retiré, histoire d’être sûrs que même s’il y avait quelqu’un, personne ne nous verrait ensemble. Je suppose qu’aucun de nous n’a envie d’être vu aux côtés de l’autre. Je l’observais toujours, ses joues roses et ses yeux ambrés, elle était gênée, visiblement mal à l’aise, peu sûre d’elle. Pour la première fois de ma vie face à une fille, je crois que je l’étais aussi. Je supposai alors qu’il était temps pour moi de lancer la conversation, après tout c’est moi qui nous ai entraînés dans ce bourbier, et c’est moi qui ai besoin de compagnie :


-         Tu as passé un bon Noël ?


Ses bras étaient croisés sur la table, mais au moment où je prononçai ces mots elle porta une main à son oreille, tripotant pas si discrètement une des boucles d’oreilles que je lui avais offertes. Elle laissa un léger, mais notable sourire se dessiner sur ses lèvres et répondit avec une voix douce bien que tremblante :


-         Oui, très bon. Je… J’ai une question, c’est peut-être stupide mais je…


Elle ne savait pas comment me demander si oui ou non je lui avais offert ces boucles, et je suppose qu’elle ne souhaitait pas particulièrement se ridiculiser si jamais ce n’était pas le cas. Dans un élan de bonté, je me décidai à lui faciliter la tâche :


-         Elles te plaisent ?  


Elle afficha un sourire un tantinet plus large cette fois, et se laissa aller au risque de rencontrer mes yeux avec une douceur surprenante. Elle arrêta enfin de tripoter la boucle d’oreille et répondit presque en chuchotant :


-         Elles sont magnifiques… Merci… Mais je ne peux pas accepter un cadeau pareil…

-         Ce ne sont que des boucles d’oreilles, il n’y a pas besoin d’en faire tout un plat.

-         Ce sont… Ce n’est pas de la fantaisie, c’est…

-         Quel genre de mec je serais si j’offrais de la fantaisie à une femme ? la coupai-je.  


Elle sourit timidement à nouveau et me remercia une fois de plus, acceptant finalement que je lui fasse ce cadeau sans plus insister pour me le retourner. Cependant, sa légendaire curiosité franchit une limite de plus, comme j’aurais sans doute dû le prévoir :


-         Mais… Comment as-tu trouvé l’adresse de mes parents ?

-         Que veux-tu que je te dise ? Je suis un sorcier redoutable.


Je suppose donc que maintenant je m’essayais à l’humour. Un nouveau sourire se dessina sur ses lèvres, accompagné d’un léger hochement d’épaules exprimant probablement qu’elle me trouvait stupide. Elle avait raison, je l’étais très probablement. Chaque fois qu’un de ses sourires m’était destiné, une de mes plaies était apaisée. Si je suis tout à fait honnête, ça me faisait vraiment flipper. Avec toutes les autres filles, quand elles affichent ce genre de sourires débiles et niais, je me dis que ça y est, je les ai, elles sont mordues et je vais enfin pouvoir en faire ce que je veux. Elle, je la regarde sourire, et c’est elle qui peut faire de moi ce qu’elle veut.


Elle eut ensuite l’air de m’observer réellement pendant quelques trop longues secondes durant lesquelles ses lèvres appelaient les miennes, mais je savais qu’elle cherchait à jeter un coup d’œil à mon âme. Granger est bien trop honnête, tout ce qu’elle vit, ressent, aime, déteste ou veut se lit à travers chacun des pores de sa peau délicatement dorée. Elle me regardait vraiment, elle voulait savoir quel malheur m’animait, connaître mes peines et chacun des maux qui me troublaient. Ses yeux suggéraient même une attendrissante inquiétude.


-         Est-ce que… Est-ce que tu vas bien ? elle tenta donc.


Je ne savais pas vraiment quoi lui répondre. Déjà, j’étais en train de boire un verre avec Granger, mais comme si ce n’était pas assez énorme en soit, elle en rajoute une couche en voulant savoir ce qu’il se passe dans les tréfonds de mon âme. Si ce n’était pas encore clair, ce n’est pas vraiment un endroit auquel je laisse libre accès. Mon raisonnement me força à conclure qu’il fallait mieux que je la fasse parler elle, pour éviter de devoir parler de ma propre personne :


-         Et pourquoi n’irais-je pas bien Granger ? répondis-je avec plus d’assurance que nécessaire.


Elle m’observa à nouveau quelques courtes secondes, comme pour confirmer ses premières impressions, avant de se risquer à tenter de rentrer dans les sujets trop personnels avec Drago Malfoy. C’était profondément amusant de la regarder faire : comment elle s’adapte et tente de me manipuler pour me faire parler. Elle est douée, mais malheureusement pour elle, je suis bien plus fort à ce genre de jeux qu’elle.


-         Eh bien… Tout d’abord, tu n’es pas rentré dans ta famille pour les vacances…

-         La situation est compliquée, je répondis avec une once d’agressivité défensive dans la voix.


Il serait un tantinet déplacé de sa part d’omettre qu’elle est en partie responsable de la situation actuelle de ma famille, c’est-à-dire l’échec cuisant de mon père pour récupérer la prophétie, et son emprisonnement à Azkaban. Je ne lui permettrais donc pas de parler de ma famille, ou des visites que je ne lui rends pas en toute impunité. Intelligente comme elle est, elle comprit parfaitement ou je voulais en venir, et laissa donc les Malfoy bien sagement dans leur coin, mais évidemment, elle continua de s’attaquer à moi :


-         Tu n’as… Tu n’as juste pas l’air d’aller bien. Tu n’es pas aussi vivant que tu l’es d’habitude.

-         Tu n’as aucune idée de comment je suis d’habitude, coupai-je sèchement.


Je commençais à sérieusement m’énerver. Pour qui se prenait-elle au juste ? « Pas aussi vivant que tu l’es d’habitude », c’est une blague ? Depuis quand elle et moi avons un « d’habitude » ?


-         Je sais que tu ne ratais pas une occasion pour te moquer de tout le monde, pour rabaisser les gens. Je sais que tu riais beaucoup, certes des autres, mais tu riais. Je sais que tu voyais beaucoup tes amis, et que tu faisais beaucoup de choses stupides avec eux. Je sais que tu me détestais. Je sais aussi que tu étais moins blanc, moins… transparent. Tu avais le regard joueur, les lèvres roses et non bleues. Quelques cernes, mais pas des poches violettes. Tu étais élancé, mais pas maigre pour autant. Alors je me demande ce qui…

-         … Peut-être que le fait que mon père soit à Azkaban parce qu’une bande d’adolescents a voulu jouer aux héros n’aide pas vraiment à ce que j’ai une mine radieuse ces derniers temps.


Cette fois j’étais profondément agressif, autant dans ma voix que dans mon regard. La Sang de Bourbe eu l’air de revenir difficilement à la réalité, comme si elle sortait tout droit d’une illusion, se sentant clairement stupide. Ses sourcils étaient froncés alors qu’elle regardait autour d’elle, la bouche entre-ouverte et la tête se secouant légèrement de gauche à droite. Alors qu’elle commençait à se lever, elle ajouta avec une voix bien moins tendre, mais toujours aussi tremblante :


-         Je ne sais pas ce que je fais ici. Ce n’était pas une bonne idée.


Je savais au plus profond de moi que je n’avais aucune envie qu’elle s’en aille, mais je ne la retenais pour autant pas. Pour tout dire, je ne crois pas que c’était une bonne idée non plus, et me retrouvant maintenant seul dans ce bar miteux et moisi, abandonné par putain d’Hermione Granger, je me demandais à mon tour ce que je pouvais bien foutre là.


POV HERMIONE.


Bien sûr Hermione, à quoi t’attendais-tu exactement ? Comment ai-je pu penser une infime seconde que Malfoy et moi pouvions avoir une conversation normale, à propos de sujets normaux sans que les choses ne dégénèrent ? Désenchantée, je rebroussai chemin pour retrouver ma chambre, m’insultant d’un nouveau nom à chaque pas que je faisais. Quelle idiote ! Je me suis rarement trouvée aussi stupide que depuis que Drago Malfoy est entré dans ma vie. Je ne fais plus que des choses insensées ! Rentrer plus tôt de chez mes parents sans prévenir mes amis, sans même prendre la peine de passer les voir pour finir les vacances avec eux ! Non, à la place je suis rentrée au château, parce qu’il me manquait. Parce que j’avais envie de revoir ses yeux incroyablement gris, j’avais envie de céder une nouvelle fois à ses lèvres, je voulais entendre sa voix. Je ne sais pas à quoi je m’attendais, ni ce que je pensais. Me voilà maintenant au château, désillusionnée par la frustrante réalité qui me rappelle à l’ordre : bien sûr, Malfoy et moi, ça ne pourra jamais marcher. Me risquer à être vue en public en train de boire une bière avec lui, par Merlin Hermione, il faut revenir sur Terre ! Et ce peu importe les sentiments qui m’animent envers lui !


Fermement décidée à emprunter à nouveau le droit chemin, je me décidai à prendre une douche. Après tout, j’avais fait un long voyage aujourd’hui, un bon coup de savon serait le bienvenu. Maintenant habituée à ce genre de situations ou je dois impérativement occuper mon trop bruyant esprit, je me récitais quelques leçons de potions dans la tête, nous aurons un examen peu de temps après la rentrée. Hors de question pour moi qu’en plus de toutes ces histoires, mes notes baissent !


Une fois propre et séchée, je me suis installée à mon bureau de chambre, oh il m’avait manqué… Il est en chêne, pas particulièrement grand, mais il m’est suffisant. Je l’ai éclairé d’une petite lampe de chevet discrète, j’aime travailler tard le soir, quand le reste du monde dort. Les cheveux mouillés et une serviette enroulée sur la tête, portant un de mes pyjama favoris de Noël et sirotant un délicieux thé ramené droit de chez mes parents, je travaillais sur un devoir de Défense contre les Forces du Mal. Concentrée dans le travail que je fournissais, il me fallut un instant pour me rendre compte que je n’étais plus seule dans ma chambre lorsque j’entendis une voix familière derrière moi :


-         Tu es à ton paroxysme Granger…


Sursautant d’un bond, je me retournais pour découvrir Malfoy, se tenant tranquillement devant moi, au plein milieu de ma chambre, pendant la nuit !


-         Malfoy ?! Qu’est-ce que tu fais là ?! Comment es-tu entré ?!


Les coins de ses lèvres eurent l’air de vouloir sourire, mais il les en empêcha, à juste titre. Il ne porta cependant aucun intérêt au fait de cacher la satisfaction lisible sur son visage, il était ravi de s’incruster ainsi dans ma vie. Il permit à ses yeux de balayer la pièce du regard sans discrétion pendant qu’il me répondait :


-         Les premières années sont faciles à soudoyer, même si elles appartiennent à ta maison…


Il était si content de lui, plus les secondes passaient et plus je sentais la rage monter en moi, mais pour qui se prenait-il exactement ?


-         Je peux savoir ce qui t’as fait penser que tu pouvais entrer impunément chez les Gryffondor, puis dans ma chambre ?!

-         Ça ne t’avait pas dérangé toi pourtant.

-         Je… C’est… Je croyais que nous avions réglé cette histoire ! me défendais-je comme je le pu, il marquait là un point pertinent que je ne pouvais contester.

-         C’est le cas, nous l’avons réglée, continua-t-il, toujours aussi imperturbable.

-         Tu ne peux pas décider que tu t’introduis dans ma chambre comme ça Malfoy ! rajoutai-je encore plus énervée.

-         Je voulais te parler.


Son regard termina alors son tour de pièce et rencontra enfin le mien. Oh ces yeux gris... Il semblait bien sérieux ce soir, bien que toujours aussi mal et fatigué que quelques heures plus tôt. Je ne lâcherai cependant pas l’affaire :


-         Et si je dormais ?

-         Tu ne dors pas à cette heure-ci, c’est là que tu travailles le mieux. Mon expression faciale devait exprimer la surprise face à l’exactitude du fait qu’il venait d’énoncer, puisqu’il ajouta « j’écoute les gens quand ils parlent Granger ».

-         J’ai mon intimité Malfoy ! Ne refait jamais ça, si tu veux me voir tu dois… Au moins frapper à la porte, on n’entre pas chez les gens comme ça !

-         On peut passer à la raison de mon intrusion avant que je change d’avis ? J’hochai la tête en guise de réponse. Mon intention n’était pas de te blesser, ni de t’énerver, pour la discussion de tout à l’heure. C’est une situation compliquée dont je ne parle jamais avec personne, alors en parler avec toi alors que… Tu es toi, c’est compliqué. Je ne sais pas quoi ajouter de plus Granger, j’avais juste pas envie que tu te couches comme ça.

-         Est-ce que ce sont des excuses ?

-         Si c’est comme ça que tu veux voir les choses, dit-il en hochant les épaules.

-         Je ne veux pas voir les choses d’une façon qui m’arrange, je veux voir les choses comme elles sont réellement.


Je voyais clairement sur son visage qu’il s’agissait d’excuses mais qu’il était tout bonnement incapable de le dire distinctement. Seulement, si j’avais une chance de chambouler un peu les choses dans sa tête, je refusais de passer à côté.


-         Je t’ai dit comment étaient les choses réellement Granger, je ne voulais pas que tu prennes mal les choses, on peut avancer maintenant ?


Je suppose donc que c’est le maximum que je puisse avoir aujourd’hui en temps qu’excuses, et je saurais m’en satisfaire. Par contre, il ne semble pas être arrivé aux mêmes conclusions que les miennes après notre petite dispute aux Trois Balais, je vais donc devoir formuler à haute voix cette dure vérité :


-         Malfoy… Je te remercie d’être venu te… Me dire que tu n’avais pas l’intention de m’offenser, mais… Ce sera toujours comme ça. Tu diras quelque chose à propos de ta famille, ou bien je parlerais de mes amis, ou même de ma propre famille et ça finira toujours de la même façon...


Il se donnait toujours l’air imperturbable, mais je le voyais sur son visage : il avait peur, peur de ce que je pouvais lui dire, de ce que je pouvais lui faire, de ce pouvoir qu’il ne détenait plus et qui semblait dépendre de moi. Ses sourcils étaient si discrètement froncés et pourtant si expressifs à mes yeux : je ne crois pas qu’il avait envie d’entendre ce que j’avais à dire, au moins tout autant que moi je n’avais pas envie de le dire. Mais quelqu’un ici devait avoir du courage pour deux, et je suis la seule Gryffondor dans cette pièce.


-         Eh bien, reprit-il la voix plus rauque, je viendrais m’excuser à nouveau.

-         Malfoy…

-         … Ecoute Granger, me coupa-t-il avec d’autant plus de gravité dans la voix, il n’y a pas besoin d’en faire tout un plat. Tu as ton monde, j’ai le mien, on le sait. Tu ne supportes pas le mien, je ne supporte pas le tien. Les choses sont simples et claires, pas besoin de broder autour. Garder les choses simples et claires, tu peux faire ça, non ?

-         Je ne sais pas…

-         Merde Granger, je ne suis pas en train de te demander ta main, on a pris un verre, pourquoi tu dois toujours tout rendre compliqué ?

-         Parce que la situation est compliquée ! A présent, le ton montait des deux côtés.

-         Il n’y a pas encore de situation. Le jour où il y en aura une, si ce jour arrive, nous aurons cette discussion à nouveau. En attendant, tu peux arrêter d’être aussi rabat joie ?


J’avais beau chercher, je ne trouvais pas la moindre trace de méchanceté et encore moins le désir de me blesser dans ses mots, à la limite l’envie de me contrarier gentiment, ce qui n’avait rien de dérangeant. Le fait que je sois « rabat joie » et que je rende tout compliqué comme il le dit, faisait partie, et je le savais, des raisons pour lesquelles je lui plaisais. Cependant, ce que je notais également, c’est qu’il parlait beaucoup de la situation comme étant simple et claire, ce qui me démontrait sans le moindre doute au moins une chose : il se voile encore profondément la face et je suis persuadée que rien en lui n’est ni clair, ni simple. J’appréciais néanmoins l’effort, il a dû mener un combat acharné dans sa tête pour décider qu’il n’aimait pas que je sois contrariée et qu’il devait me « présenter des excuses », et de toute évidence, ça ne me laissait pas indifférente. Je mis donc de côté ma mauvaise humeur ainsi que mon devoir pour quelques instants :


-         Je peux t’offrir une tasse de thé ? Il vient de chez mes parents, je ne pense pas que ce soit le genre de thé que tu connaisses, je propose avec gentillesse.


Il fixa mon bureau avec ma théière à fleurs posée dessus d’un air suspect, comme si je risquais de l’empoisonner. Il leva un sourcil interrogateur et répondit :


-         Parce qu’il existe plusieurs genres de thé ?

-         Les thés du monde des sorciers sont bien plus forts, ils sont trafiqués pour que leurs effets bénéfiques soient exacerbés, mais ce n’est pas naturel. Les thés du monde moldu sont tout à fait naturels, plus doux, bien meilleurs pour nous. Personnellement, je consomme des deux types de thé. Si par exemple j’ai beaucoup de mal à m’endormir au bout de longues heures d’attente, je bois un « thé sorcier », c’est bien plus efficace pour l’effet immédiat. Mais je n’aime pas faire ça, je préfère quand c’est plus naturel, et moins violent… Donc pour un usage quotidien je privilégie les « thés moldus ». Bien sûr il existe des thés moldus un peu trafiqués avec des substances ajoutées, mais ce n’est pas le genre de thé que mes parents achètent. Alors, tu veux goûter ?


Il souriait pas si discrètement à l’écoute de mon petit monologue, et accepta la tasse que je lui tendais. Je prenais conscience à cet instant seulement que je portais un pyjama rouge et blanc de Noël et une serviette de bain sur la tête, devant lui, qui portait un habituel costume noir. Je suppose que j’aurais l’air d’autant plus ridicule si je me pressais devant lui pour me changer, après tout, c’est lui qui a débarqué ici au milieu de la nuit. Je déplaçai à présent ma table de chevet pour poser la théière dessus ainsi que nos deux tasses accompagnées d’un peu de sucre. Je trouvais dans ma valise pas encore défaite quelques gâteaux venant eux aussi de chez mes parents, et les posa à côté. Il s’assit alors au bord de mon lit, se tenant droit comme un piquet, peut-être un peu méfiant mais surtout attentif à tout, à moi, à nous. Moi, je pris place sur la chaise de mon bureau que je tournai face à lui, ma table nous tenant séparés.


Alors que je sirotais ma tasse, je pouvais sentir qu’il m’observait, ce qui était gênant compte tenu de l’allure que j’avais, mais je décidais de ne pas me laisser intimider, après tout, il était sur mon territoire.


-         Alors, ce thé ?

-         Trop doux à mon goût, répondit-il avec un rictus provocateur. Mais ce n’est pas désagréable pour autant, merci. Tu travaillais sur quoi ?

-         Le devoir de Défense contre les Forces du Mal sur les Inferi. Plus je le rédige, et plus je suis débectée. Tu savais que « Inferius » vient du latin « Inferus » qui signifie « placé en dessous » en référence au fait que ces créatures sont moins que des êtres vivants ? Et le pluriel d’Inferius, « Inferi » signifie « enfers » ? Je trouve que ça résume bien mon devoir.

-         Les Inferi sont des cadavres, c’est comme manger de la viande déjà morte, pourquoi faire du gâchis ? Tu as l’opportunité d’avoir des créatures qui t’obéissent au doigt et à l’œil sans même qu’elles pensent par elles-mêmes, tu n’as pas de problème de confiance ou de trahison à te poser. Et de toute façon, ils sont déjà morts.

-         Les sorciers qui pratiquent ce genre de magie ne cherchent pas des cadavres, ils tuent des gens pour en avoir, et tu le sais très bien ! Et ces cadavres étaient des personnes, avec des idées, des pensées, un passé et pour certains un avenir aussi ! Ils avaient des prénoms et des familles, je ne crois pas que tu tiendrais ce genre de discours si quelqu’un que tu connaissais en devenait un pour servir une quelconque cause.

-         Tu avoueras qu’ils peuvent se révéler utiles, lors d’une bataille, par exemple. Placés en première ligne, d’anciens morts ou même des nouveaux, ils peuvent sauver de nombreuses vies encore humaines par leur seul sacrifice, et ce n’est pas comme si ça changeait grand-chose pour eux. Ils n’ont aucune intelligence, ils ne se rendent même pas compte de ce qui leur arrive ou de ce qu’ils font ! Ils ne sont pas à plaindre. Ceux qui sont à plaindre, ce sont les vivants, ceux qui sont encore là et qui savent ce qui leur arrive, ce qu’ils font. 


Je savais parfaitement qu’il ne parlait plus des Inferi, il ne parlait plus de mon devoir, et il ne parlait pas non plus de n’importe quels vivants. Je savais au plus profond de moi qu’il se passait quelque chose d’important et probablement de très grave pour lui cette année, tout de lui et tout de moi me le disait. Mais je savais aussi que si je lui demandais, il ne me répondrait pas. Pire même, il se renfermerait et s’énerverait contre moi. Je décidai donc d’opter pour une approche moins personnelle :


-         Les vivants ont, eux au moins, toujours le choix, parce qu’ils ont leur intelligence, leurs sentiments, leurs valeurs. Ce qu’ils acceptent et ce qu’ils refusent, ce qu’ils croient et ce qu’ils combattent. Mais les vivants ont toujours le choix.

-         C’est une vision bien naïve et simpliste du monde. Nous n’avons pas tous le loisir de choisir, ni le luxe d’avoir nos propres valeurs. Certains subissent, et c’est tout ce qu’ils peuvent faire. Je ne vois pas de chance là-dedans.

-         On choisit ce qu’on subit.

-         Tu crois ? Quand c’est ça ou la mort, je ne vois pas vraiment d’alternatives.

-         C’est toujours « ça » ou la mort. C’est un choix. Et tu choisis « ça ».


Un silence pesant s’ensuivit, il ne me regardait pas, il avait les yeux fixés au fin fond de sa tasse de thé qu’il finit d’une traite, puis enchaîna, le regard toujours perdu dans la tasse :


-         Ou la mort.


Nous regards se croisèrent alors que le silence s’abattait à nouveau sur nous : je n’avais aucun doute, quelque chose de terriblement grave était en train de lui arriver, et je ne pouvais rien y faire. Je pouvais lire la peine, la peur et le désespoir dans ses yeux. Peu importe à quel point il essayait de me le cacher, ses yeux m’appelaient à l’aide. Ils hurlaient « sauve-moi » à la lumière de la lune, mais de la même étrange façon, ils me repoussaient le plus loin possible, créant un fossé immense entre nous, s’assurant que je ne pourrais jamais le franchir.


Avant que je n’aie eu le temps de trouver quoi que ce soit à lui répondre, il se leva tranquillement, proposa de m’aider à remettre ma chambre dans son état original, et me remercia pour le thé. Mais moi, je n’étais pas satisfaite. Tout comme lui ne voulait pas me laisser me coucher contrariée, je ne voulais pas le laisser se coucher effrayé. Il se tenait debout devant moi, prêt à me souhaiter de passer une agréable nuit et de disparaître dans la noirceur des couloirs de ce château, et je ne pouvais le permettre, pas comme ça.


-         Malfoy.


Je me levai de ma chaise pour me positionner face à lui, ne sachant pas très bien ce que j’avais prévu pour la suite. Ses yeux se noyaient dans les miens, il ne me lâchait pas du regard : il avait compris. Il savait parfaitement bien que je n’aimais pas le voir ainsi, pire que je ne le supportais pas, et que je me sentais impuissante. Il le savait, il le ressentait tout autant que moi, et il savait tout autant que moi que je n’avais aucune idée de ce que j’étais censée ajouter pour le rassurer. A la place, je me noyais dans ses yeux divinement gris. Je ne comprenais même pas comment une telle couleur pouvait exister, comment tout un monde pouvait être à l’intérieur de ses pupilles, comment autant de beauté pouvait être en lui. Il était magnifique. Il laissa le plus délicat et honnête sourire se dessiner sur sa fine bouche, accompagné d’un regard que je n’avais jamais connu si doux. Il s’avança vers moi d’un pas discret tout en me souriant, approcha ses blanches mains de mon visage, prit pleine possession de mon crâne de ses paumes, et fit délicatement tomber la serviette dans mes cheveux sur le sol. J’admirais la beauté de ses traits, mais surtout la nouvelle incroyable beauté que j’avais sous les yeux : celle quand il me regarde, celle quand il me touche. Celle-ci est tellement plus profonde, cent fois plus précieuse, et incroyablement vertigineuse. Je rêvais qu’il m’embrasse, je voulais sentir sa bouche contre la mienne, sa langue s’emmêler à la mienne, sa peau contre la mienne, je voulais le sentir, je voulais le toucher, mais il n’en fit rien. A la place, il passa une main délicate dans mes cheveux mouillés jusqu’à rencontrer ma nuque, puis il s’abaissa vers moi et déposa un tendre baiser sur ma joue. Immobile, je profitais de cet instant comme s’il s’agissait de la dernière fois que je le voyais ainsi, doux et vulnérable devant moi, me rendant moi-même d’autant plus fragile.


- Bonne nuit Granger, murmura-t-il avant de disparaître dans la nuit. 


J'espère que vous aurez apprécier ce chapitre, faites-le-moi savoir dans les commentaires ! Vous pouvez aussi me retrouver sur Twitter si vous le souhaitez : @livstivrig

A très vite ! LivStivrig

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