Luna Mula

Chapitre 4 : « Visite »

2772 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 27/03/2020 22:04

Sa vision était trouble. Le sol était étrange. Des pavés… ? Il faisait froid et très humide. Elle regarda ses mains. Elle émit un hurlement de terreur : des pointes noires en guise de mains ! Huit. Hermione Granger était devenue une araignée. Elle cria dans le couloir sombre où elle se trouvait. L’ombre d’un livre s’abaissant sur elle fut sa dernière vision. 


Hermione Granger se releva en sursaut dans son lit, le visage ruisselant de sueur, le souffle haletant. Il fallut quelques secondes à la jeune fille pour reconnaître l’endroit où elle se trouvait : l’infirmerie. Elle se recoucha dans ce même lit douillet et fixa le plafond, la respiration rapide. Un rêve complètement idiot. C’était sans doute les résidus de ses tentatives de faire disparaître une araignée au cours des vacances d’été qui lui revenaient à l’esprit. Sa mère avait aussi peur des araignées que Ron. En bonne fille, Hermione a tenté de secourir sa mère. Malheureusement sans succès. L’araignée avait été très espiègle.


La jeune fille parcourut les alentours du regard. Sur la table de nuit se trouvait une cruche d’eau. Madame Pomfresh était derrière son bureau à remplir des papiers. Il n’y avait personne dans l’infirmerie à part Hermione Granger. Les personnages des tableaux fixés aux murs firent des signes timides à Hermione. Une infirmière se pencha vers elle, les yeux bienveillants. La jeune fille ramena le drap au niveau de son menton. Sa respiration se calmait petit à petit. 


Depuis combien de temps était-elle là ? Comment s’était déroulée la fin du cours du professeur Rogue ? Elle ne put s’empêcher de remarquer que c’était la deuxième fois en vingt-quatre heures qu’elle se réveillait dans un lit dont elle ne se souvenait pas de s’y être glissée. Elle se sentait bien. Très bien même. Elle ne semblait pas s’être transformée en chat comme en deuxième année. Elle ne semblait pas s’être transformée en araignée comme dans son rêve. Elle ne semblait pas s’être transformée en souaffle ou en elfe de maison. Tout allait bien. La jeune fille ferma les yeux et se mit à respirer profondément.


— Comment va Miss Granger ?


La voix la fit presque sursauter à nouveau, mais elle se força de ne montrer aucun signe de son réveil. La voix inquiète appartenait à sa directrice de maison : Mrs McGonagall. Il était évident qu’elle viendrait prendre des nouvelles de son élève si brillant.


— Elle va bien. Elle se repose pour le moment, répondit Pomfresh sans lever le nez de ses papiers. 


Granger sentait le repos lui revenir. Le lit était chaud et si douillet...


— Vous aurez dû la surveiller ! M’enfin ! Elle aurait pu se tuer avec votre satanée potion ! 


Hermione leva timidement un œil et se réfugia en dessous de ses draps, tournant le dos aux professeurs près de Pomfresh. Dumbledore, McGonagall et… le professeur Rogue. Bien sûr Rogue ! Il devait être là. Cela s’était produit chez lui. Normal. McGonagall continua à s’indigner :


— Quelle idée de préparer une potion aussi… !

— Si je puis me permettre, Miss Granger est une élève quelque peu disciplinée. Il m’était impossible de... deviner ses intentions, se défendit Rogue d’une voix doucereuse. 


Disciplinée. Oui. C’était exact. Hermione Granger était disciplinée. Brillante et sage.

— De plus, ce genre d’accident n’est jamais arrivé.

— Vous vous fichez des conséquences sur les élèves en cas d’échecs de leur potion ! continua McGonagall en élevant le ton.

— Si je rassure les élèves, ils ne feront pas assez attention à mes cours.

— C’est comme ça que vous enseignez ? Sur la terreur ? Après on s’étonne que M. Londubat ait peur de vous !

— Ai-je attaqué votre façon d’enseigner, professeur McGonagall ?

Hermione sentit une fureur monter dans la voix du professeur de potions. Après tout, c’était de sa faute, tout ça. Il n’avait qu’à faire sa potion tout seul au lieu de l’emmener dans ce donjon froid et de l’obliger à l’aider et à penser…


— De plus, que faisiez-vous avec Miss Granger cette nuit, Severus ?


Cette fois-ci, c’était le directeur de l’école qui prit la parole. Hermione tendit l’oreille. Cette partie l’intéressa amplement. La voix de Rogue ne s’éleva pas tout de suite, réfléchissant sans nul doute aux mots appropriés. Ou peut-être ne voulait-il pas tout simplement répondre à la question d’Albus Dumbledore.


— Miss Granger ne se souvenait pas du mot de passe de la tour de Gryffondor. 


C’était tout ?


— Elle m’a suivi jusqu’à mon donjon où elle s’est endormie. 


« Elle m’a suivi ». Comment cela ? C’était lui qui lui avait demandé de le suivre, non ?


— Qui l’a ramenée a son dortoir ? Vous, Severus ? s’enquit McGonagall.

— M’accuseriez-vous de quelque chose ? Saviez-vous que les couloirs du château sont dangereux après une certaine heure ? Je ne parle pas des fantômes qui se promènent misérablement entre ces murs en attente d’une personne à effrayer. De plus, je ne puis monter jusqu’au dortoir des filles, professeur McGonagall. Vieux règlement, n’est-ce pas ? Aucun homme ne peut gravir ces marches.


La directrice ouvrit la bouche pour répliquer, mais se ravisa. C’était vrai. Il n’aurait pas pu la monter. Hermione balaya les alentours devant elle très vite, réfléchissant à toutes les éventualités : qui ? Qui avait bien pu faire cela ?


— Vous avez pris soin de Miss Granger. Elle devrait arrêter de travailler jusqu’à des heures impossibles. Ça serait mieux pour sa forme physique et mentale, déclara Dumbledore d’une voix fatiguée. Qu’importe qui l’a ramenée à son dortoir. L’important, c’est qu’elle aille bien. Madame Pomfresh, assurez-vous qu’elle ne quitte pas son lit avant demain. Je ne voudrais pas qu’elle s’évanouisse de nouveau… . Hum, Severus ? Je vous demanderai de suspendre votre cours avec les Serpentard et les Gryffondor pour cet après-midi. Je m’arrangerai pour que vous récupériez les heures courant de la semaine… sauf si vous y teniez... — Rogue hocha brièvement la tête — bien, nous faisons comme cela donc.

— Hum… il y a une nourriture contre-indiquée pour Miss Granger ? demanda Madame Pomfresh.

— Donnez-lui ce qu’elle veut, répondit Rogue. Sauf de la potion faite en classe. 


La dernière phrase était remplie d’amertume, presque blessante. Hermione entendit les professeurs quitter la salle de l’infirmerie. Elle soupira et attendit que le sommeil la regagne. Après dix bonnes minutes de somnolences, elle put enfin s’abandonner au sommeil.


Ni Harry ni Ron ne vinrent la voir à l’infirmerie en fin d’après-midi. Visiblement, ils en avaient profité pour s’entraîner au Quidditch ou de faire leur devoir. Pour cette dernière chose, Hermione en doutait fortement. Elle fut assez en forme pour se redresser sur le lit et lire un livre tandis que Madame Pomfresh s’occupait d’un élève du professeur Chourave qui s’était fait mordre par une de ses plantes carnivores. Quelquefois, l’infirmière venait prendre la température de la jeune fille et s’en alla quelques secondes plus tard en maugréant. Plusieurs fois Hermione émit la volonté de sortir de l’infirmerie, mais à chaque fois elle fut ignorée ou “suggestion rejetée”. La directrice de Gryffondor vint la voir en début de soirée. Elle lui adressa un sourire inquiet. Elle harcela l’infirmière de questions avant de repartir pour la Grande Salle. Hermione n’eut pas le temps de lui demander des nouvelles de ses amis. Elle se résigna donc à passer la nuit à l’infirmerie.


Elle venait de terminer pour la deuxième fois de la soirée son livre sur les défenses contre les forces du mal quand un professeur entra. Elle engloutit avec peine sa chocogrenouille, manquant de peu de s’étrangler. 


Le professeur de potions. Que venait-il faire ici ? Hermione fit mine que son livre fut le plus attrayant pour elle et s’y replongea. Elle commença à lire quatre à cinq fois le même mot sans y prêter attention.


— Miss Granger ? 


La miss en question leva timidement la tête de son livre. Le maître des potions se tenait au-dessus d’elle, les bras croisés. Il arborait son air hautain et sa mauvaise humeur qui lui faisaient sa réputation. Étrangement, cela rassura l’adolescente.


— Pro... professeur ? lança timidement la jeune fille. 


L’enseignant prit un tabouret près du lit voisin, le déposa près de celui d’Hermione et s’assit. L’estomac de la jeune fille lui rappela qu’il existait. Il lui fit si mal qu’elle en avait la nausée. De l’angoisse. Une angoisse oppressante, envahissante et violente. 


Que faisait-il là ? Venait-il prendre de ses nouvelles ? Venait-il l’interroger sur les effets de la potion ? Ou voulait-il tout simplement… la voir ? 


Le professeur joignit ses mains, coudes posés sur le bord du lit de la jeune fille avant de la fixer. Elle n’aimait pas ça. Elle déglutit avec peine :


— Vous vouliez me parler, professeur ? 


Il ne répondit pas tout de suite. Il ramena ses mains sur ses genoux :


— Vous avez failli être la première élève à vous suicider en classe.


Hermione cligna les yeux : se suicider ?


— Je vous demande pardon ?

— Vous m’avez bien compris, Miss Granger. 


Elle voulut se défendre, mais aucun mot ne put sortir de sa bouche. Elle secoua la tête, faisant danser ses cheveux couleur chocolat devant ses yeux :


— Je... je... ce n’était pas mon intention, arriva-t-elle à dire.

— Et quelles étaient vos intentions, Miss Granger ? Vous décrochez un ’T’ ? Et tous les professeurs me sauteront à la gorge pour que je défende votre ’T’ mérité ? Malgré vos tentatives, votre potion était réussie. Très étonnant, non ? Cette potion a su que vous essayerez de la rater…

— C’est ridicule ! s’indigna Granger. Comment une potion peut-elle… ?

— Aviez-vous oui ou non l’intention de rater cette potion ?

— Je… enfin…

— Ou aviez-vous l’intention de vous décocher la pire note pour me discréditer envers les professeurs ? Comment ? Miss Granger a eu un “D” chez le professeur Rogue ? Mais c’est ridicule !


Hermione avait les larmes aux yeux. Elle n’avait pas pensé à cela. Tout le monde avait l’habitude qu’elle décroche des “O” ou des “E”… Mais des “D” ou pire des “T” pour “Troll”… C’était impossible. On se serait posé des questions sur le professeur concerné et sur elle en même temps. La potion qui savait qu’elle allait être délibérément ratée ? Comment était-ce possible ? C’était ridicule. Aussi ridicules que de croire toutes les fabulations citées dans le Chicaneur.


Sentant le regard de Rogue peser sur elle, elle prit la parole, essayant de cacher ses larmes et sa voix cassée :


— Que s’est-il passé hier soir, professeur ? Après la potion ? je veux dire… vous voyez… Je ne me souviens de rien…


Le professeur se redressa et respira longuement avant de répondre :

— Vous m’avez entendu pourtant le dire à Dumbledore.

— Après que je me suis évanouie, je veux dire…

— Si vous pensiez que je vous ai violée, abusé de votre impertinence-personne, vous vous mettez le doigt dans l’œil jusqu’à l’omoplate Miss Granger. Est-ce bien clair ?

— Mais je n’ai jamais…

— Mais bien sûr, c’est tout ce que les petites impertinentes de votre âge veulent. Se faire courtiser par un professeur, lui rendre la vie dure entre vie professionnelle et affective. Le menacer de tout révéler au directeur de l’école et ainsi le faire renvoyer.

— Mais…

— Si c’est cela que vous pensiez, vous pouvez toujours espérer que Voldemort danse comme un elfe de maison le soir de pleine lune à Londres avec une armée de squelettes dont les os seraient si sales qu’aucun chien n’en voudrait pour son déjeuner même si la famine lui broyait l’estomac. 


La dernière phrase du professeur eut un drôle d’effet sur Hermione Granger. La brillante Granger et l’impertinente jeune fille miss-je-sais-tout éclata d’un rire aigu, faisant peur aux tableaux. Elle imaginait très bien des squelettes dont les os cliquetteraient au son de la voix de Voldemort, les chiens pris de dégoût. Le seigneur des ténèbres en nouveau chanteur de rock. Le maître des potions observa son élève rire d’un air presque ahuri.


— Qu’y a-t-il de drôle, Miss Granger ? demanda-t-il entre deux fous rires.

—.. À…. absolument…. rien..du… tout, arriva-t-elle enfin à dire. 


Elle essuya ses larmes du coin du drap. C’était nerveux ou peut-être que la phrase de son professeur était vraiment hilarante. Elle ne se souvenait plus d’avoir ri comme ça auparavant. Ça lui avait fait un bien fou. Elle souriait au lieu de faire la tête d’une vache qui allait à l’abattoir.


— Miss Granger ?


La jeune fille se calma enfin. Elle respira profondément une fois ou deux avant d’ajouter un ‘désolée’ inaudible. Elle en avait même oublié la crise de colère sur les jeunes filles impertinentes de son professeur.


— Je voulais juste savoir ce qui m’était arrivé après mon évanouissement, professeur, avoua-t-elle. Je ne vous accusais de rien.

— Je vous ai conduit jusqu’à votre dortoir, Miss Granger. Je n’ai pas pu grimper les marches comme vous le saviez. Je vous ai confié à Miss Bell qui vous a porté jusqu’à votre lit. Cela vous suffira-t-il… Miss Granger ?


La jeune fille acquiesça. Elle s’en contenterait. Le professeur se releva de son tabouret :


— Le cours est suspendu jusqu’à demain après-midi. Jusque-là, veuillez rester dans votre lit, Miss Granger.

— J’y veillerai ! lança Madame Pomfresh depuis le fond de la salle.


Le professeur de potions se pencha vers Hermione. Elle put sentir son souffle contre son visage :


— Si vous sortez de ce lit, je vous ferai regretter de ne pas avoir avalé votre chaudron durant mon cours, Miss Granger.

— Oui... oui, professeur.


Dans la douce lumière de l’infirmerie, Hermione crut apercevoir qu’avant de partir, son professeur de potions lui fit un clin d’œil très discret. Elle se demanda par la suite si elle n’avait pas simplement rêvé. Elle le regarda quitter la pièce avant de se replonger dans son bouquin. Elle mit dix secondes pour se rendre compte qu’il était à l’envers. Elle le retourna. Il lui échappa des mains et tomba lourdement sur le sol.


— Pour l’amour de Merlin, Miss Granger ! lança Madame Pomfresh. Pouvez-vous lâcher ces maudits bouquins et vous reposer ?

— Mais je n’apprends rien ! assura Hermione, ce qui était totalement vrai.

— Restez couchée et dormez ! Laissez les livres se reposer aussi… roh mais ce n’est pas possible ça… !


Et l’infirmière continue à maugréer tandis que la jeune fille se résigna à se recoucher, non sans avoir une pensée pour son professeur. Pourquoi était-il venu exactement ? Juste par obligation ? Ou était-il vraiment inquiet… ?


Elle bâilla longuement, se blottit sous ses draps et s’endormit.



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