Luna Mula
Quand le pied d’Hermione Granger eut l’audace d’effleurer le sol de l’infirmerie, ce fut comme si Voldemort lui-même venait d’apparaître à Poudlard. Madame Pomfresh poussa un hurlement :
— RESTEZ DANS CE LIT !
Elle devait obéir. Il lui restait encore trois heures à patienter jusqu’à ce qu’elle puisse se lever pour aller en cours de potions l’après-midi. Elle se demandait ce qu’en pensaient Ron et Harry de son geste de la veille. Peut-être pensaient-ils qu’elle était devenue folle et qu’elle avait craqué sous la pression ? Était-ce pour cela qu’ils ne s’étaient même pas donné la peine de venir la voir à l’infirmerie ? Ou les visites des élèves étaient-elles interdites ?
La jeune Gryffondor commençait à s’impatienter. Elle tapotait du bout des doigts son livre de potions. Elle se sentait bien et voulait se dégourdir les jambes. Mais ça aussi, ça lui était interdit. Elle devait rester couchée. Elle trouvait cela particulièrement ridicule.
Quand midi sonna et que Madame Pomfresh annonça d’une voix excédée qu’Hermione pouvait quitter l’infirmerie, cette dernière soupira longuement et sortit enfin du lit. Elle s’étira en long et en large, regroupa ses affaires et se dirigea vers le dortoir des filles pour se changer avant de se rendre dans la Grande Salle pour manger. Elle ne trouva personne dans la salle de Gryffondor et alla tout de suite mettre sa robe de sorcière, après avoir pris une douche bien chaude qui ne dura pas plus de dix minutes, de s’être recoiffée et avoir préparé ses affaires de cours. Hermione descendit les marches vers la Grande Salle, de bonne humeur. Elle allait retrouver ses deux bons vieux amis, non sans leur avoir passé un savon avant de manger, bien entendu.
À sa grande surprise, aucun Gryffondor de sa classe ne se trouvait dans la Grande Salle. Elle avala en quatrième vitesse son déjeuner avant de se précipiter à la table des professeurs :
— Professeur McGonagall, où sont… ? commença Hermione, mais elle fut coupée par sa directrice.
— Ha ! Miss Granger ! Ravie de vous voir en pleine forme ! Vos camarades de classe vous attendent devant l’école. J’espère que vous vous êtes vêtue assez chaudement. L’automne commence à bien s’installer.
— Je vous demande pardon… ?
— On ne vous a rien dit ?
— Je suis restée toute la soirée à l’infirmerie ! s’indigna Hermione.
— Bien entendu. Le professeur Rogue et le professeur Chourave ont réussi dans un commun accord de rassembler leurs cours pour cet après-midi. Vous avez une sortie de prévue dans la forêt de Poudlard avec eux. Allez… dépêchez-vous !
Hermione était furieuse quand elle atteignit le dortoir des filles pour la seconde fois. Elle ne comprenait pas pourquoi ni Ron ni Harry ne l’avaient prévenue pour cette sortie ! Elle savait que normalement elle avait cours avec le professeur Chourave cet après-midi, mais rien n’indiquait que le professeur Rogue et cette dernière avaient trouvé un accord pour rassembler leur heure de cours en une seule ! Une sortie, en plus !
Elle renversa son sac sur son lit pour en retirer les lourds bouquins des autres cours et les parchemins de ses devoirs. Elle fourra dans son sac devenu vide son équipement de cueillettes de plantes, une plume, un encrier, deux ou trois parchemins vierges. Ainsi que les deux livres des cours en questions et quelques flacons vides de potions.
Elle chercha alors frénétiquement son écharpe en dessous de son lit. Elle sentit quelque chose de chaud qui se mit à ronronner comme une cafetière : Pattenrond. Elle le chassa de la main et trouva son écharpe en dessous de lui. Elle la passa autour du cou. Pattenrond l’avait bien réchauffé. Elle retira ses chaussures et opta pour ses bottes de marche. Elle attacha ses cheveux en queue-de-cheval. Elle vérifia pendant une fraction de seconde sa coiffure : acceptable. Limite de l’acceptable compte tenu du fait que ses cheveux voulaient d’ores et déjà se rebeller.
Elle se mit à courir vers la sortie du dortoir avant de se rendre compte qu’elle avait omis quelque chose d’important : sa baguette. Elle chercha à tâtons dans son ancienne robe, la saisit et sortit du dortoir la baguette en main. Elle courut le plus vite que ses jambes le purent vers l’entrée de l’école. La porte était entrouverte. Elle s’y engouffra, ne regarda pas où elle allait et… boum ! Elle se télescopa contre quelqu’un :
— Miss Granger !
Elle leva timidement les yeux et balbutia :
— Pardon, professeur Rogue.
Le professeur de potions rajusta sa robe noir-ébène et ses cheveux gras.
— Je me demandais si vous allez arriver à sortir de votre lit.
Elle rougit. Des rires moqueurs et des murmures s’élevèrent. Derrière le professeur Rogue, les Gryffondor et les Serpentard réunis en rang. Devant eux, le professeur Chourave au sourire éclatant. Hermione remarqua que Neville souriait aussi. Le professeur Rogue portait l’écharpe des Serpentard, tandis que sa collègue les couleurs dorées de Poufsouffle. Hermione trouva Harry et Ron dans les rangs et les rejoignit.
— Désolé, Pomfresh nous refusait l’accès à l’infirmerie, fit Harry une fois que le cortège se mit en route. On s’inquiétait…
— Oui, c’est cela, dit Hermione de mauvaise humeur.
— On va dans la forêt cueillir des ingrédients pour Rogue et Chourave nous expliquera les vertus des plantes en même temps, continua Ron.
— Et je suppose que j’allais être au courant à la fin de la sortie n’est-ce pas ?
Sa mauvaise humeur avait le dessus.
— On t’a dit qu’on ne pouvait pas venir te voir ! s’indigna Harry.
— Et passer le mot à Pomfresh, ça aussi, c’était interdit ?!
Hermione leur jeta un regard noir et se mit à marcher plus rapidement pour se décaler d’eux. Elle ne leur adressa plus la parole de la journée. Le garde-chasse Hagrid les attendait à la lisière de la forêt.
— Hagrid est là pour assurer que nous nous ne perdions pas, expliqua le professeur Chourave. Allons-y !
Hermione marchait assez rapidement, plus rapidement qu’elle ne le devrait, car ses jambes reflétaient déjà de la fatigue. Elle serrait contre elle son livre de botanique. Elle se trouvait à la hauteur de Neville qui semblait aux anges et avait complètement oublié la présence des Serpentard et du maître des potions. Elle jeta malgré elle un regard par-dessus son épaule. Harry et Ronald discutaient avec Hagrid. Le professeur Rogue, quant à lui, fermait la marche.
La jeune fille avait plus en plus de mal à tenir le rythme et regrettait amèrement d’avoir piqué un sprint aussi grotesque. Ce fut par la force des choses qu’elle se retrouva en fin de cortège. Elle entendait toujours le professeur Chourave présenter chaque arbre de la forêt qui lui semblait exceptionnel. Neville notait tout ce qu’il entendait sur un parchemin aussi rapidement que ferait une plume à papottes. Les Serpentard reflétaient un intérêt quelconque aux dires du professeur des plantes.
— Fatiguée, Miss Granger ?
Hermione tourna la tête vers l’origine de la voix doucereuse. À sa hauteur, sur sa gauche, se tenait son professeur de potions.
— Non, ça va, mentit Hermione.
Le professeur ne répondit pas. Le sac surchargé d’Hermione commençait à lui labourer l’épaule tandis que Chourave désignait les fleurs d’un arbre dont les vertus curatives étaient impressionnantes et mélangées à une potion de force, elle affaiblissait quiconque la buvait. La jeune fille changea quatre à cinq fois d’épaules tandis que le groupe contournait un saule pleureur.
Au bout de cinq minutes d’échanges, Hermione laissa tomber son sac, prétextant devoir rajuster son écharpe. Elle s’apprêta à soulever sa besace quand une main lui prit de court et la souleva à sa place. Le professeur porta le sac à son épaule et continua à marcher sans dire un mot. Hermione le regarda s’éloigner de quelques mètres avant de décider de continuer à suivre le groupe.
— Vous devriez éviter de vous promener avec vos bagages en sorties scolaires, Miss Granger.
Elle ne fit pas attention à sa remarque.
— D’autant plus qu’il vous fallait juste apporter vos oreilles pour cette sortie. À moins que vous possédiez cinquante oreilles supplémentaires dans votre valise...
Tandis que le professeur Chourave vantait les propriétés des branches d’un arbre, Hermione réfléchissait. Elle se tourna doucement vers le professeur de potions :
— Pourquoi ne me retiriez-vous pas des points pour mon insuffisance à suivre le cours ?
Les mots étaient sortis d’eux-mêmes. Comme sortis d’une transe.
Le professeur Rogue s’arrêta net dans une flaque de boue.
— À quoi jouez-vous, Miss Granger ?
Elle s’arrêta aussi et lui fit face. Il la dévisageait. Elle lui rendit son regard :
— Vous aimez pourtant ça, nous retirer des points.
Provocation.
— Je réitère ma question : à quoi jouez-vous, Hermione Granger ?
Le groupe s’éloignait dangereusement et personne ne faisait attention aux deux personnes restées en arrière.
— Qui êtes-vous pour décider quand un professeur doit retirer des points ? murmura Severus Rogue sans la quitter des yeux.
Hermione resta silencieuse. Elle ne comprenait pas pourquoi elle avait abordé ce sujet. Peut-être à cause de sa mauvaise humeur et sa dose de sarcasme pour la journée.
Ils se dévisagèrent pendant un long moment. Jusqu’à ce que le ciel se couvre et que la pluie commence à tomber.
Rogue leva les yeux au ciel avant de les poser derechef sur la jeune fille. Cette dernière tremblait de tout son être. Elle avait ses bras croisés contre la poitrine, le souffle rapide. Elle mourrait de froid. Le professeur Rogue lâcha le sac rempli d’instruments scolaires inutiles et secoua l’adolescente :
— Miss Granger ?
L’inquiétude avait pris la place du sarcasme et de la cruauté dans la voix du maître des potions.
— J’ai froid…, murmura timidement la jeune fille en frissonnant.
Le professeur porta sa main sur le front de la jeune fille : elle était brûlante.
— Professeur Chourave ! hurla-t-il, mais elle était déjà bien loin. Miss Granger !
La jeune fille se sentait mal. Elle avait l’impression que ses jambes n’étaient plus assez fortes pour la supporter. Elle tremblait. Elle avait chaud et froid en même temps. La pluie n’arrangeait rien, faisant coller le pan de sa robe sur ses jambes frêles.
Le professeur retira son manteau ébène et le passa par-dessus les épaules de la jeune fille et l’emmitoufla. Il retira par la même occasion son écharpe de Serpentard pour la passer autour du cou de l’adolescente. Il chercha des yeux le moindre signe du groupe ou un abri quelconque. Le saule pleureur. Il agrippa le bras de la jeune fille et l’amena sous l’arbre imposant, laissant la besace derrière eux, dans une flaque de boue. Il fit asseoir Hermione contre le tronc, là où il faisait le plus sec et le plus sécurisant au cas où le vent se lèverait. La jeune fille commençait à haleter. Elle avait la nausée et des vertiges. Elle avait beaucoup de mal à rester consciente. Elle n’était plus capable de dire où elle se trouvait.
Le maître des potions réfléchissait en quatrième vitesse. Il devait prévenir quelqu’un que Miss Granger avait fait une rechute. Dans un autre côté, il ne pouvait pas la laisser sans surveillance.
La pluie redoublait d’intensité. La visibilité était très réduite. Rogue dut se résigner à s’asseoir près de la jeune fille bientôt endormie. Il commençait à avoir froid, mais il pouvait résister. Il examina des bouts des doigts sa baguette magique — un sortilège, peut-être ? Non, c’était trop dangereux — avant de se tourner à nouveau vers son élève.
Hermione avait les joues rouges et les yeux fermés. Elle ne devait pas être suffisamment réchauffée ou avoir chaud rien qu’avec un second manteau. L’enseignant tendit doucement le bras, le passa discrètement derrière la jeune fille et la tira à lui. Elle posa la tête contre sa poitrine et s’endormit complètement tandis que Rogue joignit ses bras derrière le dos de la jeune fille, la tête relevée vers le ciel, espérant que la pluie cessera bientôt.