Luna Mula
Le temps s’était drastiquement rafraîchi. L’automne semblait arriver plus tôt que prévu. Les arbres se teintaient déjà d’innombrables couleurs. Les chemins autour de l’école de sorcellerie se recouvraient doucement de feuillages. La température avait baissé. Les élèves se couvraient avec de longues écharpes et des gants quand ils s’aventuraient hors du château vers la serre du professeur Chourave. L’hiver s’annonçait quant à lui long, rigoureux, presque envoûtant et, surtout, plus proche que jamais.
Il s’était passé deux semaines après ce que les élèves appelaient ‘l’incident’. La principale intéressée était restée plus de quatre jours à l’infirmerie pour se remettre sur pieds. Sa directrice de maison lui avait posé des questions embarrassantes pour déterminer ces maux d’estomac et ses nausées perpétuelles. Il lui était même arrivé à l’esprit que la jeune fille fût enceinte. Après avoir rougi jusqu’aux oreilles, l’élève avait presque crié qu’elle n’avait jamais eu de petit-ami et que cela était impossible qu’elle fût dans ce genre d’état terriblement déconcertant. Elle avait ajouté n’avoir jamais eu de sévices quelconques. Ses maux de ventre et ses vertiges étaient probablement provoqués par la potion du professeur Rogue. Ce dernier s’était conduit plus sèchement et plus violemment que jamais envers les Gryffondor. Le pauvre Neville Londubat en fut la première victime. Lors de la préparation d’une potion coupe-faim, le maître des potions avait donné un échantillon à Trévor, le crapaud du Gryffondor, qui s’était mis à croasser de façon aiguë avant de se ratatiner.
Hagrid avait retrouvé Rogue et Hermione dans la forêt ce jour-là, de fin septembre, sous une pluie battante. Le professeur faisait les cent pas devant la jeune fille allongée contre un arbre. Quand ils étaient enfin arrivés à l’infirmerie, Madame Pomfresh avait émis un hurlement de terreur en voyant l’état de la jeune fille et s’était mise à défier quiconque qui voulait la faire sortir de l’infirmerie avant qu’elle en donne l’ordre. Le professeur McGonagall était à deux doigts de transporter la jeune fille à Sainte-Mangouste jusqu’à ce que Madame Pomfresh la convainque qu’elle réussirait à faire tomber la fièvre. Elle y était arrivée après plusieurs jours. Hermione Granger avait encore des nausées et quelques vertiges, mais plus de quoi s’évanouir.
Elle n’avait plus croisé le regard de son professeur de potions, consciente qu’il essaierait de lui faire regretter la scène dans la forêt. Elle ne voulait même pas savoir ce qu’il s’était passé après son évanouissement. Ron et Harry étaient heureux que leur amie fût à nouveau sur pieds. Le roux avait ajouté un peu égoïstement qu’il allait enfin réussir à faire ses devoirs depuis qu’Hermione était à nouveau en pleine forme. Harry quant à lui n’avait fait aucun commentaire et s’était contenté de sourire. La jeune fille n’avait pas pu déterminer si ce sourire était un sourire de bienveillance ou de malice. Quoiqu’il en fût, elle avait pris du retard dans les cours et comptait bien le rattraper.
Sous ordre du professeur McGonagall, elle ne pouvait plus rester jusqu’à très tard dans la nuit à la bibliothèque. Hermione se contentait d’emprunter quelques livres à Madame Pince, de s’enfermer quelque part dans la salle commune de Gryffondor et griffonner des dizaines et des dizaines de parchemins. Elle ne répondait jamais aux questions de ses camarades sur ‘le pourquoi du comment’ sur son geste dans le cours de potions ce jour-là. Elle ne le savait pas elle-même. Elle avait une idée, oui. Cependant, elle ne voulait pas l’avouer à ses camarades de peur de se tromper lourdement. Elle s’était demandé un soir si elle n’avait pas agi de la sorte pour provoquer une réaction chez son professeur. Lui qui refusait de l’interroger quand elle levait le bras aussi haut qu’elle le pouvait — certains Serpentard plaisantaient sur le fait qu’à force, Hermione avait un bras plus long que l’autre. Lui qui refusait d’inspecter sa potion de long en large même si celle-ci était réussie, parfaitement réussie. Lui qui n’avait jamais pris la peine de faire attention à elle. Tous les autres professeurs étaient heureux quand elle levait le bras bien haut ; quand elle répondait tel un automate à chaque question, récitant ligne par ligne, à la virgule près le contenu d’un chapitre. Cependant, pour un seul professeur dans tout Poudlard : elle était une vantarde. Il y avait eu la professeur de divination, mais c’était une tout autre histoire...
Rogue n’avait plus parlé de la potion ‘Luna Mula’ à ses élèves ou en faisait une allusion sarcastique. Quand un élève avait fini une potion, il lui disait qu’il devait attendre avant de se la jouer ‘Granger’ et de tester la potion avant que le professeur ne la vérifie. Les ‘Mula’ que les élèves avaient préparés, devaient cogiter pendant un cycle complet de lune, c.-à-d. un mois complet, dans la réserve du professeur de potions. Il avait réussi à prendre un échantillon de la potion d’Hermione pour la conserver avec les autres.
La potion avait maintenant toute du pétrole mis à part l’odeur. Elle dégageait une odeur parfumée, comme de l’herbe fraîchement coupée. Il aurait pu tout aussi bien jeter la potion de la jeune fille, il avait préféré ne pas prendre de risque. Au cas où Miss Granger se serait empoisonnée avec ‘Mula’. Il était impératif de garder un échantillon pour analyse s’il le fallait.
Durant la deuxième moitié du mois de septembre, il avait dû affronter le regard accusateur du professeur McGonagall. Ce n’était pourtant pas de sa faute si Miss Granger s’était jetée sur sa potion sans que son professeur eût le temps de dire que c’était le moment. Cela n’avait jamais été le cas puisque la potion devait mijoter dans l’obscurité pendant tout un mois avant de pouvoir la tester. Pourtant, la directrice de Gryffondor avait presque hurlé ce jour-là dans le bureau de Dumbledore que tout incident dans une classe durant un cours était sous la responsabilité du professeur en fonction en ce moment-là. Quoiqu’il arrive, c’était de la faute de Severus Rogue. Du moins sous sa responsabilité.
Le Directeur de Poudlard — Dumbledore — n’était pas de cet avis. Il était persuadé qu’Hermione avait fait ça dans un but précis et ne voulait pas nuire au professeur de potions même s’il était évident qu’elle ne le portait pas dans son cœur. Ce fut pourquoi rien ne se fit contre le professeur de potions et il avait pu continuer à donner ses cours jusqu’à ce qu’Hermione put sortir de son lit de l’infirmerie. Durant les cours suivants de potions, il n’avait même pas jeté un seul regard à la jeune fille, comme si elle lui avait déjà pris assez de temps comme cela. Hermione avait brillamment réussi les autres potions que le professeur avait demandé de préparer et celui-ci ne s’était même pas donné la peine de venir vérifier son chaudron par quatre fois. Hermione Granger lui en avait remercié en silence.
Un mercredi matin, alors qu’Hermione venait de prendre place entre ses deux amis de toujours pour avaler ses bacons du matin, quelque chose attira son attention. Les jeunes filles de Gryffondor murmuraient entre elles dès qu’elles la voyaient. Certaines gloussaient. Celles de Serdaigle paraissaient de la même humeur. Ron était aussi pâle que son lait mijotant pitoyablement dans son bol de céréales.
Quant à Harry, de très bonnes humeurs, il avait répondu à la question muette d’Hermione en disant que Ron avait son premier match de Quidditch cet après-midi.
— Mais c’est formidable ! s’exclama Hermione en se versant du jus de citrouille.
— On affronte les Serpentard en premier, fit Harry en se servant du jus d’orange à nouveau. J’attraperai le vif d’or avant Malefoy, c’est sûr, mais...
Ron avait réussi à décrocher la place de gardien de but de l’équipe de Gryffondor. Il n’avait cependant jamais participé à un match devant tout un stade rempli à ras bord. Surtout, il n’avait pas encore réussi à bien parer les tirs de ses propres joueurs. Le nombre de Souaffles parés durant les heures d’entraînements se comptait sur les doigts de la main.
Le tract le paralysait.
— Je suis sûre que tu seras parfait ! encouragea Hermione en lui tapotant l’épaule amicalement.
— Parfaitement... nul, balbutia son ami rouquin.
La jeune fille soupira et commença à manger sa première tranche de bacon quand Lavande et Parvati lui adressèrent la parole avant de se mettre à glousser :
— Hé Hermione ! lança Parvati.
— Il paraît que tu as un petit-ami ! acheva Lavande avant de glousser derechef.
Le morceau de bacon emprunta le mauvais chemin dans la gorge de la jeune fille, la faisant tousser plusieurs fois. Elle but une gorgée pour se soulager alors que les deux Gryffondor ne cessèrent de glousser à côté d’elle. Harry Potter émit un rictus indéchiffrable tandis qu’il porta son verre aux lèvres.
— Qu’est-ce que vous racontez, vous deux ? réussit-elle enfin à dire en se tordant vers la gauche, au-delà de son ami Harry.
— Il-paraît-que-tu-as-un — petit-ami, prononça syllabe par syllabe Lavande Brown.
— Cachottière ! ajouta Parvati avant de se remettre à glousser.
— N’importe quoi ! fit Hermione avec mauvaise humeur. Harry ! Tu entends ça !
— J’entends en effet, répliqua-t-il, le sourire au coin.
— Pourquoi tu souris comme elles ?
— Oh pour rien. Tu as le droit d’en avoir un, tu sais... Même, j’en suis très content ! Comme ça, tu ne passeras peut-être pas tout ton temps d’étudiante dans tes livres...
De nouveaux gloussements plus audibles s’élevèrent de la table de Gryffondor. Hermione se leva d’un bond et ne fit aucun commentaire.
Elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander d’où venait cette histoire idiote. Elle n’avait pas de petit-ami. Sans doute encore des résidus d’histoires avec Viktor Krum et rien d’autre.
Elle se dirigea à pas précipités vers le premier cours de la journée : défense contre les forces du mal. Elle avait eu l’agréable surprise de revoir le professeur Rémus Lupin à ce cours. Le professeur Dumbledore avait réussi à le convaincre de revenir. Tous les élèves étaient enjoués d’avoir leur cinquième année, leur année de BUSE avec un tel professeur. Seuls les Serpentard rechignaient à cette idée. Pour eux, le professeur Lupin n’était qu’un hybride dangereux et sans cervelle.
Hermione rentra sans frapper dans la salle de classe et y trouva Lupin en train d’effacer le tableau noir au fond de la classe. Il se retourna légèrement, le bras toujours levé vers le tableau et sourit à une Hermione quelque peu ronchonne.
— Le cours ne commence que dans vingt minutes, annonça-t-il en regardant sa montre.
— Cela ne vous dérange pas que je m’installe déjà, professeur ? demanda timidement Hermione.
— Non, bien sûr que non. Asseyez-vous.
Hermione remercia d’un signe de la tête son professeur et s’assit à la deuxième rangée près des fenêtres. Elle sortit de son sac le livre de cours, une plume, un encrier et un parchemin. Elle les plaça avec délicatesse devant elle et attendit en tapotant des doigts le bout de son banc. Rémus Lupin, amusé de la voir de si bonne heure, lança sur le ton de la conversation :
— On m’a dit que Madame Pomfresh avait fait des merveilles sur vous. Cela m’étonne qu’à moitié. Cette femme a un don de guérison assez incroyable !
La jeune fille lui décrocha un sourire poli avant de se retourner vers la fenêtre qui donnait sur le terrain de Quidditch. Elle posa la tête sur sa main gauche, accoudée.
— Cela m’étonne qu’Harry et Ron ne soient pas avec vous, fit remarquer Lupin en inscrivant plusieurs noms de créatures au tableau.
— Ils n’avaient pas fini de manger, répondit Hermione, ce qui n’était pas tout à fait faux.
Elle en avait juste assez d’entendre les deux sottes glousser dans son dos.
— Ha ! Pendant que j’y pense, le professeur Rogue voudrait vous voir après le cours, termina Lupin en frottant ses mains pour enlever les traces de craies blanches.
Hermione se retourna vers son professeur :
— Le professeur Rogue ? Vous savez pourquoi ?
Lupin haussa les épaules, en faisant la grimace, ce qui voulait dire : ‘Je n’en sais rien’.
— Il ne m’a rien dit. Cela ne doit pas être très grave, rassura le loup-garou. Il vous attendra dans son bureau. Ne vous en faites pas pour ce bon Flitwick, je l’ai mis au courant. Vous arriverez un peu en retard.
Hermione n’écoutait déjà plus. Elle avait les idées qui se bousculaient dans sa tête. Pourquoi le maître des cachots voulait-il la voir ? Encore pour cette sombre histoire de potions ?
Durant tout le cours pourtant très intéressant sur les Serpencendres, Hermione ne fit pas du tout attention. Quand le professeur Lupin demanda ce qu’il se passait si l’on ne gelait pas à temps un œuf de Serpencendre, personne ne leva la main dans la classe. Hermione n’avait pas pris la peine d’essayer de répondre, trop occupée à se demander pourquoi le professeur de potions voulait la voir.
Avait-elle rédigé son devoir de façon vantarde ? L’avait-elle agacé par le manque d’intérêt qu’elle lui apportait maintenant dans son propre cours ? La jeune fille n’essayait plus de répondre à ses questions, essayant même de se faire oublier par son professeur. Elle restait dans son coin à faire la potion, à prendre un échantillon, le déposer sur le bureau du professeur et tourner les talons.
Quand la sonnette retentit, Hermione parut sortir d’un rêve en secouant la tête d’un mouvement vif. Les élèves sortirent du cours dans un brouhaha et se séparèrent pour se diriger vers la salle de cours des enchantements pour les Gryffondor et la salle de classe de transformations pour les Serpentard.
Hermione ne prévint pas ses amis qu’elle devait faire un détour au cachot. Elle se dirigea d’un pas ferme vers les donjons, espérant que son professeur ne la retiendra pas bien longtemps. Elle savait que Flitwick était un amour et qu’il ne lui ferait aucune remarque si elle arrivait en retard, même s’il n’avait pas été prévenu comme l’avait fait le professeur Lupin.
La salle de cours de potions se vidait doucement de Serdaigle et de Poufsoufle de deuxièmes années. Au fond de la salle se tenait le professeur Rogue qui rangeait précautionneusement dans une caisse les bouteilles d’échantillons de ses élèves. Hermione Granger déglutit doucement et s’avança vers le pupitre de son professeur, son lourd sac d’étudiante sur l’épaule. Elle prit la parole la première, se doutant que son professeur n’avait pas encore remarqué sa présence :
— Vous vouliez me voir, professeur Rogue ?
Le concerné leva les yeux de sa caisse. Ils étaient noirs et insondables. Il lui répondit dans un murmure :
— Vous voilà, Miss Granger. En effet, je voulais vous voir.
Bientôt, la salle fut complètement vide. Ils furent seuls. À nouveau seuls. Cette perspective rendit nerveuse la jeune fille.
— Je suis désolé de vous prendre en intercours, fit-il en rangeant la caisse dans une armoire et en sortit une fiole qu’Hermione n’eut pas le temps de voir la couleur de son contenu. Mais il était temps de régler certains... problèmes.
Il avait ajouté ce mot en la regardant froidement. Elle ne comprenait pas ce qu’elle avait fait de mal. Elle n’aimait pas non plus ce ton accusateur qu’il prenait tandis qu’il continuait ses explications.
— Vous avez cours avec le professeur Flitwick, je crois. Gentil homme. Il ne ferait même pas de mal à une mouche. Mais intelligent. Très intelligent... J’ai su par Dumbledore que vous avez failli être envoyée chez les Serdaigle. Mais peut-être que le choixpeau a décelé chez vous ce... culot qu’ont les Gryffondor à bafouer les règles de l’établissement.
Hermione se souvenait que les Maraudeurs — ancêtres en bêtises des jumeaux Weasley — étaient chez les Gryffondor. Elle ne connaissait que trop bien leur réputation.
— Venez-en au fait, professeur, dit-elle, ferme.
— Buvez ça.
Le professeur posa la fiole sur le bureau en faisant un bruit sourd. Hermione parut choquée par l’ordre sec de son professeur, mais se ravisa très vite. Elle prit la fiole entre les doigts de sa main gauche, la droite occupée à soulager son épaule du poids de son sac.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle en scrutant la fiole, cette dernière contenait un liquide assombri par la teinte de la fiole.
— Buvez et vous n’aurez plus vos nausées et vertiges. Et McGonagall arrêtera de s’égosiller à chaque fois qu’elle me voit, répondit Rogue dans un murmure, croisant ses bras sur sa poitrine.
— Est-ce du poison ? se risqua Hermione, tout en sachant que cela ne pouvait être le cas.
— Buvez. Vous n’en mourrez pas.
— Je ne boirai pas une potion qui m’est inconnue, professeur. Même si c’est vous qui me la proposez.
— Ce qui ne vous a pas empêché d’avaler une potion fraîchement fabriquée en classe sans mon consentement, Granger.
Nous y voilà donc. Hermione s’en était doutée. Elle reposa avec force la fiole sur le bureau et lâcha son sac sur le sol. Elle leva les yeux vers son professeur, soutenant son regard :
— Encore cette histoire de potion ?! s’exclama-t-elle. Je vous ai déjà présenté mes excuses !
C’était vrai. Juste après qu’elle eut quitté l’infirmerie, elle avait été directement parler à son professeur de potions pour lui présenter des excuses sur son comportement irresponsable en classe qui lui avait valu des jours d’infirmerie. Le professeur n’avait pas répondu et s’était contenté de la renvoyer dans sa salle commune.
— Buvez ça !
La voix du professeur se voulait ferme. C’était un ordre presque militaire.
Pourtant, Hermione n’obtempéra pas.
— Je ne boirais pas, professeur, même si ma vie en dépendait ! répliqua-t-elle.
— Je suis votre professeur et je vous demande de boire cette fiole, Miss Granger, fit-il de sa voix doucereuse. Je ne me répéterai plus. Buvez-la.
— Dites-moi au moins ce que c’est !
Il soupira d’exaspération et ramena ses bras le long de son corps. Hermione réfléchit quelques instants. Si elle buvait cette fiole, elle ne se sentirait plus fébrile. Elle n’aurait plus de vertige, plus de nausées. Plus de mal d’estomac si oppressant. Était-ce un remède ? Il voulait juste l’aider. Cependant, il y avait Madame Pomfresh pour cela. Même si cette dernière n’avait pas réussi à faire partir ses douleurs complètement.
— Vous avez pris 'Mula’ sans avoir bu 'Luna’ avant. Et vous l’avez bu avant qu’elle ait pu mijoter pendant un mois. Vous aurez pu vous tuer, pauvre idiote ! Et ‘Mula’ vous fait ces effets-là : nausées, vertiges, ulcères... Vous ne soupçonnez même pas des effets dévastateurs qu’elle peut engendrer en la prenant seule ! Vous avez eu de la chance, Miss Granger. Beaucoup de chance. Une chance même insolente. Je vous propose donc cette fiole pour annuler les effets de ‘Mula’. Maintenant si vous tenez à mourir à petit feu, que cela ne tienne ! Mais ne venez pas pleurer à Madame Pomfresh ou à moi pour vous sortir de là.
Il avait dit sans ciller, sans faillir, sans élever la voix. Hermione en restait bouche bée. Elle se sentait même quelque peu ridicule. Après tout, Rogue ne voulait que l’aider. C’était cela. Il voulait l’aider. Il ne pouvait pas la tuer. Cela lui attirerait des tas d’ennuis et elle ne valait pas la peine qu’il risque Azkaban pour cela.
— Maintenant, buvez, Miss Granger, ajouta-t-il plus doucement.
Elle prit la potion des bouts des doigts et ouvrit le couvercle. Elle dégageait une odeur étrange. Hermione n’arriva pas à mettre un nom dessus.
Néanmoins, elle n’aimait pas cette même odeur. La potion semblait très liquide. Il y avait à peine pour une gorgée. Il suffisait d’engloutir le tout en une fois et c’était tout. Elle allait porter la fiole aux lèvres quand elle s’interrompit au beau milieu de son geste et regarda son professeur :
— Mais, professeur, j’ai raté ‘Mula’. Pourquoi… pourquoi devrais-je boire cette potion qui “l’annule” si la responsable n’a pas été réussie ? demanda-t-elle timidement.
Son professeur s’était assis derrière son bureau et rangeait des parchemins dans les tiroirs. Il lui répondit dans un souffle sans même lever les yeux sur elle :
— Vous avez réussi ‘Mula’.
— Non, c’est faux, rétorqua Hermione. J’ai fait n’importe quoi... J’ai mal coupé les ingrédients, j’ai mal tourné, j’ai… — mais le professeur Rogue la coupa :
— La potion ‘Mula’ est différente des autres potions que vous faites, Miss Granger. Comme je vous l’ai déjà dit dans l’infirmerie, ‘Mula’ sentait que vous vouliez la rater. Fabriquer des potions est un art, Miss Granger. Et l’art n’est pas toujours “juste”. Une porte dessinée par quelqu’un ne sera pas parfaitement identique à celle dessinée par une autre personne. Il y a une touche personnelle. Une touche qui fait toute la différence. Trop de touches personnelles conduisent à l’échec. Un peu de cette touche rendra une potion plus ou moins forte. Ses effets raccourcis ou pas. Vos potions étaient toujours très strictes. Trop... parfaites. Il manquait une partie de votre âme, Miss Granger. ‘Mula’ permet d’accaparer une partie de vous, de la rendre unique. C’est pour cela qu’elle ne prend pas la même couleur, la même consistance chez tous les gens qui la fabriquent.
— J’ai... j’ai du mal à comprendre. Pourtant, Neville l’a ratée... Pourquoi alors ?
— M. Londubat l’a ratée, en effet. Pourquoi ? Car il est incompétent ? Il n’était pas assez avancé dans sa fabrication pour ajouter “sa touche personnelle”. ‘Mula’ n’était pas encore “prête” à recevoir “son âme”. Alors que vous, vous avez tenté de la rater en dernier lieu, non ?
Hermione ouvrit la bouche puis la referma aussitôt. C’était exact. Elle n’avait saboté que trois ou quatre manœuvres sur la potion. Il y en avait au moins une trentaine. Tous ceux qui avaient raté la potion avaient mal fait leur travail depuis le début et c’était aussi simple que cela.
Si elle l’avait su... Même ! Elle trouvait cette histoire de potions étrangement fascinante. Une potion qui s’adaptait à la personnalité des gens, à leur désir sur le moment. C’était beaucoup plus intéressant qu’une potion de rapidité ou qu’une potion de mutisme.
— Je vous ai bien vue essayer de saboter la potion, Miss Granger. Je ne sais pas pourquoi, je ne veux même pas le savoir. Toujours est-il que vous avez un “poison” en vous et qu’il faut l’éradiquer. Si vous voulez bien avaler la potion ‘Luna’, j’ai quelques copies des premières années à corriger, dit le professeur Severus Rogue en sortant des copies de ses tiroirs.
— ‘Luna’ ? fit Hermione d’un air dubitatif.
— Vous n’avez pas encore compris ? ‘Luna' avec 'Mula’ permet de faire ressortir en vous ce qui est le plus caché. S’il se cache chez M. Londubat — pour reprendre son exemple — un parfait gentleman, il se comportera comme cela durant toute la durée de la potion. Si vous cachez en vous une dévergondée impertinente, vous le serez aussi sans vous contrôler. ‘Mula’ prise seule est un poison. Il faut prendre son homologue 'Luna’ pour l’annuler. 'Luna’ prise seule ne fait aucun effet. Même si vous ne buvez jamais ‘Mula’ de votre vie. ‘Luna’ restera comme endormie en vous. Maintenant que vous avez vos réponses, buvez.
Hermione se pinça les lèvres, scrutant le fond de la fiole. Elle hésitait toujours. Rogue s’impatienta :
— Vous voulez le sortilège d’Imperium pour vous décider à la boire ?
Hermione fit « non » de la tête énergiquement.
— Ou ne me faites-vous pas assez confiance ?
Hermione hésita encore un moment. Elle avait une dernière question :
— Professeur, pourquoi m’avez-vous demandé de fabriquer ‘Luna’ avec vous ?
Elle avait demandé cela dans un souffle. Le professeur la dévisagea avant de répondre :
— Si je vous réponds, vous avalerez cette fichue potion ? — Hermione acquiesça doucement — j’avais besoin de vous. Maintenant, buvez.
— Besoin de moi ? s’étrangla Hermione. Comment ça, besoin de...
— J’ai répondu à votre question, maintenant, avalez !
Elle obéit sur-le-champ. La potion n’avait aucun goût, à son grand soulagement. Une fois entrée dans son estomac, Hermione eut une sensation de bien-être.
Son mal d’estomac et sa migraine disparurent presque immédiatement. Elle déposa délicatement la fiole et s’empara de son sac.
Elle murmura un rapide « Au revoir, professeur » et s’en alla au pas de course. Le professeur Rogue la regarda s’éloigner en soupirant. Il ratura une copie de première année puis passa à un deuxième parchemin.
Hermione ne savait pas combien de temps elle était restée à parler avec Rogue. Parler n’était pas le mot approprié. Plutôt se battre ou disputer. Quoiqu’il en fût, elle arriva en plein cours de Flitwick qui avait laissé à ses élèves le temps de s’exercer au sortilège de « poussée de poil » sur des boîtes. Elle s’excusa au sein du petit professeur qui la rassurera en disant qu’elle arrivera très bien à réaliser l’enchantement sans explications théoriques et qu’il serait ravi de lui donner plus d’informations en fin de cours. Il l’invita à prendre place à côté de Neville qui avait réussi à faire pousser des feuilles sur sa boîte au lieu de poil blanc et luisant comme l’avait fait Harry Potter une table plus loin.
Quand Hermione prit place, des murmures derrière elle s’élevèrent. Bien entendu, son absence avait été remarquée. Elle entendait déjà les gloussements exaspérants de Lavande et de Parvati un peu plus loin dans la classe. Elle soupira et regarda Neville pâle comme de la neige devant sa boîte qui avait maintenant des pattes. Elle se mit à courir le long du banc. Hermione l’agrippa et la ramena vers elle. Elle lui jeta un contre-sort et la rendit à son voisin.
— Pardon, je suis vraiment nul, bafouilla Neville.
— Je suis sûre que tu peux y arriver, rassura Hermione.
Les vingt minutes restantes du cours passèrent très vite. Neville avait réussi à faire pousser deux poils sur le bord de la boîte. Hermione avait bien entendu rendu sa boîte aussi poilue que Pattenrond sous le regard pétillant de son professeur. Dans un coin de la tête, elle espérait que ce regard rempli de fierté fût celui de son professeur de potions. Pour une fois. Au lieu de ce regard rempli de dégoût. Quand Hermione sortit de la classe, elle fut presque agressée par Lavande et Parvati :
— Alors ? Il embrasse si bien que tu n’as pas pu le lâcher à l’intercours ? lança Parvati tandis que Lavande continuait à glousser.
— Lâchez-moi, vous deux, cracha Hermione.
— Hermione Granger a un amoureux ! fit Lavande, un peu fort.
— Mais…, commença Hermione. Je…. Ho puis flûte. Si ça vous amuse !
— Ah l’amour ! dit une voix fluette un peu plus loin qu’elle.
C’était celle du professeur Flitwick qui portait cinq livres dans ses bras minuscules, cachant presque tout son visage.
— Rappelez-moi de vous apprendre un sortilège spécial Saint-Valentin cette année ! dit-il enjoué. Des théières qui sifflent une déclaration d’amour ! Des chérubins qui vous jettent des cœurs ! Je me souviens avoir enchanté un chat en chocolat qui ronronnait afin qu’on le mange pour le professeur McGonagall et…
Il s’arrêta, les joues empourprées.
— Je… je vous enseignerai des tas de trucs pour vos amours. Allez ! Bonne journée ! balbutia-t-il avant de refermer la porte de sa classe.
Hermione sourit. Elle aimait voir le professeur Flitwick si heureux d’enseigner. Quand elle se retourna vers ses deux camarades de classe, elles avaient cessé de glousser. Elles lui affichaient leur plus beau sourire. Hermione nota dans le coin du cerveau de tuer la personne qui avait lancé une telle rumeur. Sans doute encore les remous qu’elle avait eus avec Viktor. Pourtant, c’était fini depuis longtemps. Elle ne repensa plus à cette rumeur jusqu’au cours après la récréation : cours de métamorphoses avec le professeur McGonagall.
Quand elle entra dans la salle, le professeur la regarda s’asseoir avant de se remettre derrière son bureau. Pendant toute sa convalescence, la directrice de Gryffondor avait été très inquiète pour son élève. Elle s’était énervée plusieurs fois sur son homologue de Serpentard. Sans succès.
Le professeur McGonagall remit ses lunettes sur le bout de son nez et commença l’appel. Hermione se trouvait entre Ron et Harry. Derrière elle, d’autres gloussements venant des deux énergumènes. Harry souriait.
— Aujourd’hui, nous allons apprendre à transformer un objet en parchemin. Si le parchemin contient quelques écritures, vous recevrez des points supplémentaires. Je ne m’attends pas pour autant que vous réussissiez. Bien, bien, ouvrez votre livre page 5 et commencez. Si quelque chose tourne mal — elle jeta un regard à Londubat —, avertissez-moi.
Le cours du professeur McGonagall aurait pu être passionnant si Hermione n’avait pas été déconcentrée pour Lavande et son amie derrière elle. Harry avait noté l’agacement de la jeune fille. Durant le déjeuner, il prit place à côté d’elle :
— Elles sont impossibles, fit-il avec un sourire.
— Elles m’énervent, avoua Hermione en coupant son steak. Elles M’E-N-ER-VENT !
— Tu as le droit d’avoir un petit-ami.
— Harry, je n’ai pas de petit-ami.
— Oui, oui.
Il avait dit cela dans un scepticisme agaçant. Hermione n’en croyait pas ses oreilles. Même son meilleur ami ne la croyait pas. Elle se tourna vers Ron qui avait un morceau de steak en bouche :
— Ron ! Tu me crois, non ?
— Ben tu as pas à te justifier, dit-il. Juste qu’on aurait juste voulu être au courant.
— Mais en quelle langue dois-je vous le dire ? s’énerva Hermione en regardant tour à tour Harry et Ron.
— Hermione ! C’est pas de notre faute ! Tout le monde dit qu’on t’a vu dans les bras de quelqu’un, fit Ron, en baissant les yeux sur ses petits pois.
— Qui ça ‘tout le monde’ ? cracha Hermione avec mauvaise humeur.
— Ben... tout le monde, répliqua Ron en haussant les épaules, en sachant que sa réponse était futile.
— Fariboles ! Et je suis déçue que vous croyiez plus facilement une rumeur de couloir plutôt que moi ! s’emporta Hermione.
— ‘mione, ‘mione, ‘mione, fit Harry innocemment. Ce n’est pas si grave. Que tu sortes avec un élève. C’est même très bien.
— Je-ne-sors-pas-avec-quelqu’un, fit Hermione en scandant les syllabes. Je suis quand même mieux placée pour le savoir.
Elle n’avait déjà plus faim et se leva de la table des Gryffondor. Elle quitta la Grande Salle sans un mot. Ron se tourna vers Harry, un morceau de steak planté dans sa fourchette :
— Elle a un sale caractère... je plains son copain, murmura-t-il.
— Je suis sûr qu’il s’en accommode très bien, fit Harry en souriant. Regarde-nous, on la supporte.
— Je me dis quelquefois qu’elle est pire que Rogue, avoua Ron à mi-voix.
— Oui, Rogue et elle formeraient un beau couple de mauvais caractère, fit Harry avec une mine faussement dégoûtée.
— Yerk, fit Ron.
Il repoussa son plat et se servit un dessert. Harry porta un dernier morceau de steak en plissant les yeux vers la porte de la Grande Salle. Il savait qu’Hermione n’avouerait pas sa relation avec Rogue. Bien entendu ! Sinon ils risquaient d’être renvoyés tous les deux. Hermione peut-être pas, mais Rogue... C’était plus que probable.
Le jeune Potter souriait encore plus fort tandis qu’il entendait les jumelles Patil et Lavande parler du mystérieux petit-ami d’Hermione. Il était ravi de son coup. Ravi d’avoir réussi à propager une telle rumeur aussi vite. Quelle tête ferait Malefoy s’il voyait son cher et tendre directeur de maison embrasser ce qu’il appelait « sang-de-bourbe ». Un arrêt cardiaque ?
Il se demandait où était passée Hermione avant le cours de Flitwick. Partie rejoindre Rogue durant l’intercours ?
Quand il entendit un élève de Gryffondor dire à Neville qu’il avait vu Hermione remonter des donjons tout à l’heure, pendant un cours, Harry se força à ne pas éclater de rire.
Pourtant, il ne cessait de se demander ce qu’elle pouvait bien lui trouver à ce professeur aux cheveux gras. Parce que lui aussi était réputé pour savoir tout sur tout ? De connaître des sortilèges que des élèves plus âgés que lui à sa scolarité ne connaissaient même pas de nom ?
Hermione marchait rapidement dans les couloirs de l’école. Alors qu’elle arrivait à l’escalier menant à sa maison, une voix traînante s’éleva derrière elle. Il manquait plus que lui. Drago Malefoy. Il était appuyé contre un mur derrière elle. Elle ne l’avait pas vu venir. Dès qu’il prononça un mot, elle leva les yeux au ciel, respirant bruyamment :
— Alors, Granger ? On quitte plus tôt le déjeuner pour rejoindre son copain ?
Elle fit volte-face. Il arborait son sourire narquois. Elle ne voulait même pas lui répondre.
— C’est qui ? demanda-t-il en se retirant du mur.
Pas de réponse. Elle le fusillait du regard. Elle ne serait pas surprise si des jets de flammes sortaient de ses propres narines.
— Attends, voyons, fit-il en prenant une mime sérieuse de réflexion. Qui serait assez fou pour sortir avec une sang-de-bourbe ?
— La…, commença Hermione qui voulait lui dire de se taire, mais une voix la coupa nette :
— Malefoy !
Elle écarquilla les yeux en voyant un peu plus loin dans le couloir un professeur avec une robe de sorcier noire et une cape de la même couleur. Son visage avait pris des traits sévères :
— Professeur Rogue ! lança Malefoy en se retournant. Je..
— Comment l’avez-vous appelée ? demanda Rogue, d’une voix sèche.
— Qui... qui ça ? balbutia Malefoy, un peu terrorisé.
— Miss Granger.
— Mais...
— Il m’a appelée “Sang-de-bourbe”. Comme à son habitude, professeur, répondit Hermione.
— Répondez-vous donc toujours aux questions que l’on ne vous pose pas, Miss Granger ? cracha Rogue. Quant à vous Malefoy, vous aurez une retenue. Et cessez de me regarder de la sorte !
Hermione n’en croyait pas ses oreilles : une retenue ? Rogue donnait une retenue à un serpentard ? Mais qu’est-ce qui...
— Mais enfin, professeur, je.. , commença Malefoy encore plus blanc que d’habitude.
— Dix points en moins pour Serpentard vu que vous ne semblez pas comprendre votre punition, ajouta Rogue.
Dix… points en moins pour... QUI ? HEIN ?!
— Oui, oui… professeur, fit Malefoy en tremblant presque.
Rogue dépassa un Malefoy déconcerté et une Hermione aussi perdue sans lui adresser le moindre regard. Il se dirigea d’un pas décidé vers la Grande Salle. La jeune fille n’avait toujours pas réalisé ce qu’elle venait de voir. Rogue donnant une retenue à un Serpentard. À Malefoy.
Enlever des points. Quoique, il faisait cela assez souvent, mais... à Serpentard. C’était impossible. Rogue n’avait jamais fait attention aux railleries de Serpentard sur Hermione.
Il avait même été odieux avec elle quand Malefoy lui avait fait pousser ses dents. Il avait dit quelque chose comme « je ne vois rien de différent de l’ordinaire ». Il n’avait jamais fait attention à sa main levée en classe. Jamais de bons points, toujours des points enlevés. Et là... Et là, il avait donné une retenue à son chouchou, car il avait... insultée Hermione Granger ? Il avait enlevé des points à sa propre maison ?
C’était complètement fou. Malefoy fusilla Hermione du regard et partit en courant. La jeune fille resta quelques instants plantée là, puis grimpa vers la salle commune.
— Ce professeur va me rendre folle, pensa-t-elle.
Le reste de la journée, Hermione ne faisait plus attention à ses camarades gloussant à tort et à travers. Elle était trop prise par ce qu’elle venait de voir. Elle avait entrepris de l’annoncer à Harry et à Ron pendant le cours du professeur Chourave, mais elle s’était ressaisie. C’était invraisemblable. Elle avait du mal à l’admettre elle-même bien qu’elle fût témoin de la scène.
Drago, qui participait au même cours, lançait de temps à autre des regards mauvais à Hermione qui n’y prêtait même pas attention. Elle aidait Ron à rempoter une plante. Neville quant à lui s’extasiait devant sa plante qui ronronnait de plaisir dans son nouveau pot. Elle donnait de temps à autre des coups de fleur affectueux à Neville tandis que celle d’Harry cherchait à le mordre sauvagement, ne voulant pas être rempotée.
— Saleté de plantes carnivores, pensa Harry en se léchant le sang sur sa main.
Mrs Chourave accorda cinq points à Gryffondor en voyant la démonstration affective de la plante de Neville. Ce dernier dut emporter la plante avec lui, car, à la seconde où il avait mis un pied dehors, elle s’était mise à hurler, à pleurer à chaudes larmes. Le pauvre Neville se promenait avec une plante carnivore ronronnant dans un pot de vingt centimètres de diamètre. En voyant cela, Hermione se souvenait de ce qu’avait dit le professeur Flitwick plutôt dans la journée : « un chat en chocolat ronronnant pour se faire manger ». Elle esquissa un sourire en rentrant dans la Grande Salle en compagnie de ses amies.
Ils prirent place à la table de leur maison. Hermione jeta un œil à la table des professeurs. Elle réprima un fou rire amusé en voyant le minuscule professeur Flitwick qui bougea poliment la chaise du professeur McGonagall pour qu’elle puisse s’asseoir. Elle sembla le remercier et le professeur des enchantements reprit sa place. Il lui sourit en laissant tomber maladroitement sa fourchette. Le professeur McGonagall s’était tourné vers le professeur Dumbledore et n’avait rien vu. Hermione détourna son regard de leur table et regarda sa propre assiette.
— Le match a lieu demain après-midi, entendit-elle à côté d’elle.
— Mais… mais je ne suis pas prêt, répondit une voix paniquée.
— Mais si, Ron, voyons ! fit Harry Potter. T’inquiète pas, j’attraperai le vif d’or avant même qu’ils aient le temps de t’approcher. »
Les deux amis continuèrent de parler de Quidditch tandis qu’Hermione coupa soigneusement une partie de son pain frais. Elle allait prendre un peu de confiture aux myrtilles quand une voix derrière elle l’interpella :
— Hé Granger !
C’était Pansy Parkinson.
— Ouiiiiii ? fit Hermione faussement aimable en se tournant vers elle, le couteau en main.
— Je te ferai payer ça, dit Parkinson avec dégoût.
— Ça, quoi ? rétorqua Hermione, décidément, personne ne voulait lui parler clairement ces temps-ci.
— La retenue de Drago. Je te la ferai payer.
— Je n’ai plus de liquidité, dit Hermione amèrement. Désolée pour Drago, vraiment.
Son ton sarcastique laissa échapper un juron à Parkinson qui se retourna vers son dîner. Harry, qui avait tout entendu, se tourna vers son ami :
— Drago a une retenue par ta faute ? fit-il, agréablement surpris.
— Oui, mais ce n’est rien, s’empressa d’ajouter la jeune fille.
— Qui est l’heureux élu ? demanda Ron, les yeux pétillants.
— Je ne sais plus très bien, mentit Hermione en haussant les épaules. »
Elle engloutit une partie de son pain tartiné quand son professeur de potions passa derrière elle. Elle ne sursauta pas quand il l’effleura. Elle fit presque un bond cependant quand il s’adressa à Malefoy de sa voix doucereuse :
— Vendredi soir à 20 heures dans mon bureau pour votre retenue, Malefoy. Ne soyez pas en retard.
Il continua son chemin vers la table des professeurs. La jeune fille se fit soudainement plus petite. Ses deux amis se tournèrent vers elle en même temps et s’exclamèrent en un bel ensemble :
— Rogue a donné une retenue à Malefoy ?! À cause de toi ?!
— Tu rigoles ? ajouta Ron. C’est impossible. Rogue ne donne jamais de retenue aux Serpentard.
— Oui c’est incroyable…, murmura Hermione en mordant doucement dans son pain, en loupant de peu sa propre main.
Harry but une gorgée de son chocolat chaud et imagina la scène. Rogue avait dû donner une retenue à Malefoy, car il avait sans doute encore agressé Hermione. Et comme Rogue... Oui, c’était cela. Il avait utilisé son pouvoir de professeur pour protéger sa petite amie.
— Comme c’est mignon, chuchota Harry Potter à lui-même.