Luna Mula
Chapitre 8 : « Gryffondor contre Serpentard »
8471 mots, Catégorie: T
Dernière mise à jour 27/03/2020 22:13
Le lendemain, jeudi matin, Hermione déjeunait dans la Grande Salle en compagnie de Ginny qui était à moitié réveillée. À la grande table des professeurs, Hermione aperçut les professeurs McGonagall et Rogue. Le professeur de Métamorphose lisait la gazette des Sorciers, un verre de jus de citrouille dans la main gauche. Le maître des potions — à l’opposé de la table — avait le nez dans une tasse de café. À la table des Serpentard, quatre ou cinq élèves déjeunaient. Quant aux tables de Serdaigle et de Poufsoufle, elles étaient vides.
— Je sens que le match va être un désastre, maugréa Ginny en se coupant un morceau de pain de travers.
Dans l’après-midi avait lieu le match tant attendu de l’école : Gryffondor contre Serpentard. Ce n’était pas la première fois qu’ils se rencontraient, c’était cependant le premier vrai match de l’année.
Le premier match de Ronald Weasley en tant que gardien.
Le brave Dubois avait fini ses études, laissant derrière lui une équipe sans gardien de but. Il était clair que, durant le match, les Serpentard n’allaient pas résigner sur les moqueries sur le pauvre Ron. Il était gauche dans sa tâche. Il avait laissé passer plus des trois quarts des Souaffles des Gryffondor qui n’avaient pas donné beaucoup d’eux-mêmes lors des entraînements.
Sans doute par pitié.
Les jumeaux Weasley avaient parié sur leur frère qu’il s’évanouirait au premier cognard venu. Harry Potter quant à lui était bien décidé à ne pas laisser le match s’éterniser. Il comptait attraper le vif d’or dans les dix premières minutes, au nez et à la barbe de Malefoy. Ce dernier ne s’était pas encore remis de la retenue engendrée par Hermione. Il n’arrêtait pas de jurer en son égard.
La retenue avec son directeur de maison était prévue pour le lendemain en soirée. Sans doute, allait-il nettoyer les étagères du bureau de Rogue ou récurer à la main les chaudrons. Il n’avait aucune idée ; il restait fermement campé sur ses positions.
Il avait simplement « dit » la vérité à Hermione. Ce n’était pourtant pas la première fois qu’il disait ce mot en présence de professeurs et aucun n’avait levé la voix sur lui. Peut-être que Rogue était simplement de mauvaise humeur.
Ou bien… ?
— Ron va paniquer, continua Ginny. Je l’ai vu à l’entraînement. Il rattrape les balles que quand personne ne regarde... Là, tout Poudlard le regardera !
Hermione n’écoutait pas vraiment son amie. Elle réfléchissait. Elle avait un peu de mal vu l’heure matinale. Elle avait pourtant les idées claires.
Elle se rappelait les événements de la veille. Le professeur Rogue lui disant qu’il avait besoin d’elle pour une potion. Peut-être que 'Luna' demandait deux personnes ? Mais dans ce cas, Hermione aurait pu tout aussi bien la faire rater. Elle n’était pas aussi experte que son professeur.
Pourquoi n’avoir pas demandé à un de ses collègues de l’aider ? Ou bien à Madame Pomfresh tout simplement ? Pourquoi elle, simple élève de cinquième année ? Alors qu’il y avait des élèves de septièmes années avec des BUSE en potions ? C’était insensé.
Ou le professeur Rogue avait totalement confiance en elle. Il était sûr qu’elle ne raterait pas la potion et apporterait l’aide demandée. Ou c’était encore une combine bizarre dans la préparation de la potion, comme le fait d’« accaparer » une partie de la personne qui la fabrique ? Elle ne le saura peut-être jamais. En tout cas, elle ne voulait plus entendre parler de cette stupide potion. Elle n’avait plus mal nulle part. Par contre, elle paierait cher pour comprendre pourquoi la moitié de Poudlard gloussait à chaque fois qu’elle passait dans un couloir.
L’année passée, quand elle était avec Krum, ça ne gloussait pas autant. Était-ce parce que Miss je-sais-tout — était réputée pour ne pas avoir suffisamment de temps à se consacrer à un petit-ami que cela semblait si improbable qu’elle en eût un ? C’était vrai qu’elle n’avait pas vraiment le temps de penser aux garçons contrairement aux autres filles de sa classe. Elle avait plus de cœur à mettre son nez dans ses livres que de sourire bêtement à un jeune homme qu’elle trouvait mignon. D’ailleurs, qui trouvait-elle mignon ? Harry n’avait que d’yeux que pour Cho Chang malgré ce qui s’était produit avec Cédric. Ron ? Il ne parlait que Quidditch. Elle se disputait trop avec lui pour tenter quoi que ce soit maintenant. Neville ? Il avait une peur bleue de Rogue et était extrêmement doué en herboristerie. Il était maladroit, attachant, mais trop timide peut-être. Elle ne connaissait pas beaucoup de Serdaigle et de Poufsouffle. Un Serpentard ? Drago Malefoy devait l’avoir fait détester de toute sa maison. Même si le jeune homme avait été suffisamment amoureux de Hermione pour tenter quoi que ce soit, Malefoy lui aurait fait changer d’avis par elle-ne-savait-quel moyen.
Non, elle n’avait vraiment pas le temps de penser aux garçons pour le moment. Elle avait suffisamment crié après les filles qui gloussaient pour tout un mois. Elle se contentait de soupirer d’exaspération quand elle les entendait derrière elle. D’ailleurs, Harry semblait beaucoup s’amuser de cette situation. Il souriait toujours quand les filles taquinaient Hermione. Bien sûr que ça l’amusait ! Hermione « sortait » de ses bouquins d’après lui. Peut-être avait-il le temps de flirter avec Cho, mais elle, elle ne voulait tout simplement pas. Elle correspondait toujours un peu avec Krum, mais rien de plus. Ils ne comptaient pas se revoir ou se recroiser pour le moment.
Un peu de chaleur et de réconfort lui seraient favorables. Cependant, elle pouvait encore vivre sans pour le moment.
Non, Hermione Granger n’était pas encore parée à l’Amour. Amour avec un grand « A » bien entendu.
Elle fut tirée de ses pensées par Harry qui prit place à côté d’elle. Il avait ses cheveux en bataille — comme à ses habitudes — les lunettes de travers sur le nez et il baillait à s’en décrocher la mâchoire.
— “lut ‘mione’.
Il se servit un peu de céréales tandis qu’Hermione finissait ses bacons. Elle se promit de changer de petit-déjeuner le lendemain.
— Hé Petit Pote Potter ! lança une voix derrière elle.
Harry Potter se retourna de façon traînante, la cuillère de ses céréales dans la bouche.
— Quoi ? fit-il sans la lâcher.
C’était Pansy Parkinson. Elle n’était pas prêtre à lâcher l’affaire. Hermione trouvait qu’elle avait maintenant l’aire d’un bull-dog enragé. Ses yeux noirs crépitaient. À côté d’elle, un Drago mal réveillé et certainement de mauvais poil vu comment il envoyait promener un autre Serpentard à côté de lui.
— J’espère que tu as fait ton testament pour le match de cet aprèm', fit-elle sans le quitter des yeux.
— Mouais, répondit Harry sans prêter attention aux menaces.
— Tu auras une surprise durant le match ! ajouta-t-elle en se redressant sur le banc.
— Chi tu l’dis, dit Harry sans lâcher sa cuillère de sa bouche — il se tourna vers Hermione — Cha leur arrive d’être aimable, tu crois ?
Hermione haussa les épaules en hochant la tête négativement. Elle but le fond de son jus de citrouille avant de se lever, le cartable sur son épaule.
— Je vais à la bibliothèque pour le devoir de McGonagall. Bon courage pour ton cours de divination, fit-elle.
Harry lui adressa un sourire ironique, tandis qu’Hermione s’éloigna doucement, avant de replonger dans ses céréales. Ginny le regarda avec un sourire en coin. Hermione lui dit au revoir de la main et la jeune Weasley lui répondit avec un clin d’œil. Interloquée, Hermione regarda son amie à l’œuvre. Sans que Potter pût s’y attendre, Ginny se rua sur lui, lui chatouillant les entrecôtes vivement. Harry sursauta, lâchant sa cuillère qui glissa sur toute la largeur de la table avant de finir sa course sur le sol dans un cliquetis métallique. Il fut pris de fou rire et tenta de repousser son amie. Celle-ci ne lâcha pas prise, redoublant les rires.
— Hé bien, Potter, vous combattez les pires dangers et vous ne savez pas repousser une pauvre jeune fille ? déclara McGonagall à l’autre bout de la salle, visiblement amusée par le spectacle.
Il fallut plus de cinq minutes à Harry avant de reprendre le dessus sur son amie et lui faire payer les châtouilles.
Hermione était déjà loin, près de la bibliothèque. Madame Pince se trouvait derrière son bureau avec une Gazette des Sorciers. Elle regarda Hermione entrer avec un regard mauvais avant de replonger dans sa lecture.
La jeune fille posa son sac sur une des tables et partit dans une des allées de la bibliothèque. Elle trouva rapidement ce qu’elle cherchait. Elle sortit d’une étagère un vieux livre poussiéreux sur les transformations de parchemins. Elle ouvrit le bouquin à la table, sortit deux parchemins de son sac, un encrier et une belle plume blanche. Elle feuilleta le bouquin sans y faire attention, la tête posée sur sa main gauche. Après cinq bonnes minutes de feuilletages, elle referma le bouquin d’un coup sec, libérant quelques poussières sur le côté. Elle aurait dû y penser plus tôt.
Elle se leva doucement de la table et rapporta le livre sur l’étagère. Madame Pince était absorbée par la gazette du sorcier pour ne plus faire attention à la jeune fille. Hermione jeta un dernier coup d’œil à la bibliothécaire avant d’enjamber un cordon. Elle se dirigea à pas de loup vers le couloir des recettes de potions. Elle prit un bouquin assez épais de l’étagère du fond et le feuilleta rapidement. Cela parlait de potions de mort instantanée, de potions faisant rajeunir, de potions qui transformaient celui qui la buvait en loup-garou pendant un moment.
— Je suis sûre que je trouverai…, murmura-t-elle.
Elle remit le livre et s’empara d’un autre. Elle visionna la table des matières :
— Je t’ai trouvé, chuchota Hermione.
— Qu’avez-vous trouvé, Miss Granger ?
Elle réprima un hoquet d’horreur, se figeant sur place avant de faire rapidement volte-face, faisant tomber un tas de livres posé sur un meuble à côté d’elle. Les livres s’écroulèrent sur le sol en s’ouvrant, pour certains, face contre terre.
— Oh ! Quelque chose pour le devoir du professeur McGonagall, professeur Rogue, mentit la jeune fille.
Debout devant elle, à peine deux mètres d’elle, le professeur Rogue la dévisageait, un livre ouvert en main. L’ouvrage avait la reliure noirâtre et les pages jaunies. La jeune fille aurait cru que le professeur était toujours en train de déjeuner. Elle tenta de cacher le livre derrière son dos, en lui souriant poliment.
— Vraiment ? fit-il sceptique en haussant un sourcil. Et vous avez besoin de visiter la réserve pour cela ? Je suis sûr que vous trouverez toutes vos réponses dans vos livres de cours.
— Oh, mais je..., dit Hermione en cherchant une excuse dans le creux de son cerveau — cherche Hermione, cherche… — J’aime être précise dans mes réponses. Vous devriez le savoir, professeur.
— Dans ce cas, que faites-vous dans le couloir réservé aux livres sur les potions ?
Hermione se pinça les lèvres. Elle n’allait pas s’en sortir. Résignée, elle soupira et extirpa le livre qui se cachait derrière son dos. De toute manière, si Madame Pince la voyait dans la réserve sans autorisation, ç’allait mal tourner aussi. Même si Hermione avait toujours respecté l’ordre et le rangement des livres. Le règlement était le règlement.
Rogue examina le livre qui lui était tendu. Un bouquin dont la couverture avait été mangée par endroit. Son titre était devenu illisible. Les joues d’Hermione Granger étaient roses. Le maître des potions prit le livre des mains de celle-ci. Il l’ouvrit, calant le sien ouvert entre son bras gauche et son torse. Il le feuilleta tandis qu’Hermione se mit à danser sur la pointe des pieds.
Le visage impassible, sans extirper son nez du livre, le professeur Rogue dit de sa voix doucereuse :
— Je ne crois pas que vous trouveriez quoi que ce soit en faveur de la métamorphose dans ce livre, Miss Granger. Néanmoins...
— Mais qu’est-ce que vous faites ? s’exclama une voix derrière le cordon.
Hermione aurait voulu se réfugier dans un trou de souris. Madame Pince se rua vers eux.
— Professeur Rogue ! Miss Granger ! Mais qu’est-ce que… ?
— Oui, Madame Pince ? demanda Rogue sans fermer le livre devant lui.
— Je... mais de quel droit ! Je veux dire, la réserve est interdite aux élèves !
— Je..., commença Hermione, mais le professeur la coupa.
— Miss Granger est avec moi. Ne vous en faites pas, nous rangerons bien soigneusement vos livres.
— Oh, mais dans ce cas, fit Madame Pince, les joues légèrement roses. Bien, bien, je vous laisse...
— Miss Granger voudrait emprunter ce livre au passage, si cela est possible, ajouta Rogue en refermant le livre d’Hermione et en le tendant à la bibliothécaire.
— Oh, mais... oui, oui, bien sûr. Suivez-moi, Miss Granger.
Hermione était trop abasourdie pour réagir immédiatement. Ce fut seulement quand Rogue lui mit le livre sous son nez qu’elle réalisa ce qu’il se passait. Elle prit le livre des mains un peu trop rapidement, ce qui le fit tomber. Elle le ramassa les joues empourprées avant de suivre Madame Pince en dehors de la réserve.
Rogue suivit des yeux la jeune fille avant de se replonger dans son propre livre.
Quand Hermione sortit de la bibliothèque, elle se dépêcha de se rendre à son cours de l’histoire de la magie avec le professeur Binns. Un professeur fantomatique qui parlait d’une voix monotone. Elle avait soigneusement rangé le livre emprunté dans son sac. Elle n’avait pas encore compris pourquoi Rogue lui avait permis d’emprunter ce livre ni même pourquoi il n’avait pas sauté sur l’occasion de lui enlever cinquante points pour être allée dans la réserve. Il se comportait de façon de plus en plus étrange avec elle tandis qu’il gardait son habituel sarcasme pour les autres élèves. Ils avaient cours avec lui après la récréation.
La jeune fille s’installa au premier rang à côté de ses amis qui étaient déjà assommés à cause du cours de divination de tout à l’heure. Ron baillait à s’en décrocher la mâchoire alors que le professeur n’avait même pas encore prononcé un mot. Hermione sortit de son sac son encrier, sa plume et un parchemin. Harry en fit de même. Ron mit plus de temps à les imiter. Dix, quinze, vingt minutes passèrent et la page de parchemin d’Hermione était toujours blanche. Harry s’en étonnait même. Elle avait hâte que le cours finisse pour lire son nouveau livre. Obtenu d’une drôle de manière. À plus de la moitié du cours, Hermione craqua et extirpa son livre de son cartable. Elle l’ouvrit au-dessus de son livre sur l’histoire de la magie. Elle commença à le lire, la plume en main. Le professeur Binns ne fit même pas attention. Il ne faisait attention à rien en fait. Harry se tordit le cou pour lire au-dessus de l’épaule d’Hermione, sans résultat. L’écriture du livre était trop petite pour qu’il arrive à lire quoi que ce soit d’où il était. Ron était assis entre ses deux amis. Le rouquin regardait le plafond, la tête reposée sur sa main gauche. Hermione commença à lire le chapitre sur ce qui l’intéressait. Il restait à peine dix minutes de cours.
« Luna tire son nom de sa consistance argentée. Des rumeurs ont prétendu que la potion attirait les loups-garous. Nous savons à l’heure actuelle que c’est totalement faux. Cette potion devrait au contraire les éloigner vu la peur qu’ont les lycanthropes vis-à-vis de l’astre lunaire. La lune cache la moitié d’elle-même durant les pleines lunes et n’est pas pareille suivant l’endroit où l’on se trouve. La lune avait été le rêve de l’homme dans sa conquête de l’espace. Nous ne savons pas pourquoi Luna ne fonctionne pas sans son homologue Mula qui doit être impérativement préparée par la personne voulait utiliser la potion. »
La lune cachant toujours une partie d’elle-même, la potion qui révélait la partie que cachaient les gens. Hermione commençait doucement à comprendre son origine. Pas pour autant qu’elle en comprenait son utilité. Elle ne put en lire davantage vu que la cloche sonna la fin des cours. Elle rangea en vitesse son livre dans son sac et quitta la classe.
Quand elle se retrouva dans le couloir, elle fut soulagée de voir que Lavande et Parvati avaient cessé de la harceler pour son « petit-ami ». La jeune fille se tourna vers ses amis qui étaient passablement endormis par le cours.
— Il a dit quoi après les retraites des Gobelins du Magma ? demanda Ron avant de s’étirer. Je crois que j’ai eu une absence.
— Et une prolongée, fit Harry en souriant. Cela date du cours passé.
— Ha..ben... au moins, je m’en souviens !
— Dites les garçons…, commença Hermione timidement.
Ils marchèrent doucement vers le donjon de Rogue. Hermione était entre les deux jeunes hommes.
— Vous ne trouvez pas que les gens sont bizarres ces temps-ci ? s’enquit-elle. Je veux dire... Drago qui me traite de sang-de-bourbe et qui chope une retenue ! Et ces deux pipelettes de Lavande et de Parvati qui n’arrêtent pas de glousser...
— Pour Lavande et Parvati c’est normal, mais pour Drago, ce n’est pas la première fois qu’il a une retenue, fit remarquer Ron. Peut-être que McGonagall a sonné les cloches à Rogue pour son favoritisme envers Serpentard ? Après tout, elle nous enlève bien des points, elle...
— Et cela ne nous empêche pas de gagner la coupe des maisons !
— Tu crois vraiment que McGonagall a pu convaincre Rogue d’arrêter de nous enlever des points à tout va ? dit Harry en jetant un œil aux sabliers des quatre maisons. Regarde, Serdaigle est en tête et Poufsoufle et nous, sommes à égalité. Serpentard est dernier. Je te parie qu’après le cours de Rogue, on sera tout dernier et Serpentard, deuxième au moins.
— C’est ridicule, fit Hermione en hochant la tête de gauche à droite. Pourquoi le professeur Rogue ferait-il cela ?
— Parce qu’il l’a toujours fait ! Mais enfin, tu le sais très bien en plus. À chaque fois que tu réponds juste, il t’enlève des points…
—… parce que j’ai répondu sans lever la main ou qu’il ne m’a pas permis de répondre, corrigea Hermione.
— Pourquoi tu le défends tout à coup ? fit remarquer à son tour Ron.
— Parce qu’apparemment vous n’êtes pas au courant.
— Pas au courant ? Ah bon ? dit Harry en haussant un sourcil. Et au courant de quoi ?
— Le professeur Rogue a enlevé dix points à Serpentard hier en donnant la retenue à Malefoy, raconta Hermione.
Harry et Ronald Weasley s’arrêtèrent nets dans le couloir. Hermione fit volte-face :
— Oui, dix points. Pour cela qu’ils sont si bas. Les cours ne font que commencer, continua Hermione.
Ron et Harry s’échangèrent un regard.
— Maintenant, faites-moi le plaisir de lui donner une chance d’être juste avec nous.
Mais la réalité fut tout autre au cours de potions. Le professeur Rogue commença son cours en déclarant que la potion 'Luna Mula' sera prête dans une semaine. Il énonça l’intitulé du cours du jour en maugréant que des limaces sans cervelle pourraient réussir la potion anti-rhume de foin. Le seul problème notable de la potion était le fait qu’elle agissait sur une réaction allergique. Avant de laisser ses élèves commencer la potion, le professeur Rogue expliqua le déroulement d’un rhume de foin. Hermione se trouvait à côté d’un Neville tremblant de la tête au pied. Ron et Harry étaient assis à un banc plus loin. La jeune fille ne pouvait s’empêcher de remarquer que les deux garçons n’arrêtaient pas de se murmurer des choses sans la quitter du regard. Elle était sûre que ce n’était pas de Quidditch qu’il s’agissait.
— Qui peut me dire quels effets a le rhume de foin exactement ? demanda Rogue en balayant la classe du regard. Même un simple Moldu pourrait y répondre...
Harry soupira. Il n’avait pas envie de donner une chance à Rogue de s’en prendre à un Gryffondor s’il osait lever la main et qu’il donnait une réponse fausse contre toute attendre. Ron tira la manche de la robe de sorcier de son ami, pointa du doigt une jeune fille aux cheveux chocolat emmêlés. Elle avait les mains croisées sur son pupitre et fixait Rogue. La question de Rogue avait été trop simple pour qu’Hermione daignât lui répondre ?
Ce fut un Serpentard qui répondit exactement ce qu’Harry pensait. Rogue ne fit aucun commentaire et commença à noter les ingrédients au tableau.
— Cette potion est très simple à préparer, mais gare si elle n’est pas proprement préparée. Si c’est le cas — il lorgna sur Londubat — elle fera qu’accentuer l’allergie de la personne. Ce sera la première potion à faire de ce cours. Ensuite, nous commencerons un élixir de robustesse. Quelque chose de bien plus compliqué... Commencez ! Deux par chaudron.
Le premier quart d’heure fut occupé par la préparation du remède pour le rhume des foins. Hermione s’occupait de la majorité des ingrédients à couper tandis que Neville se contentait de tourner doucement la mixture.
— Et après tu ajoutes les feuilles coupées comme ça et tu ajoutes un peu de pollen de cerisier. Et ça doit prendre la couleur d’un rose pâle…, fit Hermione en jetant les derniers ingrédients à la mixture. Je crois que c’est bon.
La mixture prit un ravissant rose bonbon comme couleur tandis que celle de Ron et de Harry s’entêtait à rester sur un rouge pourpre.
— Non, il faut tourner dans le sens des aiguilles d’une montre, murmura la jeune fille au groupe.
— Oui, mais par rapport à quoi ? fit Ron paniqué. On va rater la potion la plus simple du siècle.
— Dans l’autre sens ! insista Hermione.
— Alors, Miss Granger ? Vous ne pouvez donc pas vous contenter de rester sur votre propre potion ? Vous vous sentez obligée d’aller faire part de votre insolent je-sais-tout-isme à vos camarades ?
Le professeur Rogue se tenait devant elle, le chaudron les séparait à peine. Hermione soupira et baissa les yeux.
— Inutile de deviner qui a préparé la potion...
— Nous sommes à deux par chaudron, n’est-ce pas professeur ? Que Neville ait fait le quart de la potion, où est le…
— Le problème, Miss Granger, c’est qu’en vous occupant de la plus grosse partie d’une potion vous retirez à M. Londubat la possibilité de s’améliorer, même sur une potion aussi dérisoire qu’un remède contre le rhume des foins.
Les joues de Hermione Granger étaient devenues presque aussi roses que sa propre potion. Elle n’avait jamais réfléchi à ce détail. Elle pensait juste à bien en aidant son ami. Peut-être que son niveau de potion était trop élevé pour que Neville s’améliore ? Ce dernier avait pris la couleur d’un linge en déglutissant silencieusement à côté de la jeune fille.
— Pour l’élixir, je vous mettrai avec quelqu’un d’autre. Sinon, il faudra que vous passiez les épreuves de BUSE à la place de Mr Londubat, fit Rogue, sa voix était presque devenue inaudible. Voyons — il arpenta la salle de cours — Ha ! Vous vous mettrez avec Mr Malefoy !
Hermione faillit s’étouffer. Il aurait pu choisir Goyle ou Crabbe ou même de la mettre avec Parvati ou Dean, mais pas avec Malefoy. C’était comme déclarer une guerre. D’autant plus que s’ils ne s’entraidaient pas, la potion serait ratée et ils auraient une mauvaise note. La jeune fille doutait des capacités de Drago en potions.
Le jeune Serpentard quant à lui faillit se brûler en prenant un échantillon de sa potion rose extrêmement pâle. Il ouvrit la bouche pour protester, cracher sur Hermione, mais il se ressaisit vite. Il avait déjà eu une retenue, pas la peine d’en rajouter. Il aura sa vengeance plus tard.
— Mr Londubat, vous travaillerez avec Mr Crabbe, ajouta Rogue. Cela va peut-être vous mettre du plomb dans votre cervelle.
Et dire qu’Hermione avait pensé ne serait-ce qu’un instant que Rogue ne serait pas injuste. Il avait été pire que cela. Il avait fait en sorte que les deux élèves de maisons adversaires et en plus, un avec des préjugés, se retrouvaient à concocter une potion délicate. Elle aurait payé cher pour lâcher son chaudron sur le pied de Rogue.
Quand tout le monde eut fini sa potion anti-rhume de foin, Hermione marcha à contrecœur et doucement vers le banc du Serpentard à l’autre bout de la classe. Harry la regarda partir du coin de l’œil. Ron quant à lui cherchait dans son livre la recette de l’élixir. Quand il la trouva enfin, il remit sa balance à ingrédient au bon niveau. Hermione se trouvait maintenant à moins de deux mètres de Drago. Celui-ci paraissait à la fois dégoûté et fou de rage de la voir à côté de lui. Il pouvait avoir facilement une bonne note en la laissant tout faire bien sûr, mais cette idée de devoir assister une « sang-de-bourbe » le rendait fou. Il devait pourtant se forcer de se contenir. Il ne voulait pas perdre la face de nouveau face à elle. D’autant plus qu’il n’était plus sûr à cent pour cent que son cher directeur de maison serait derrière lui ou face à lui comme la veille.
Hermione décrocha un sourire poli à Drago — non sans ajouter un soupçon d’amertume — et prit place à côté de lui, devant le chaudron. Le professeur Rogue ouvrit l’armoire à ingrédients au fond de la classe et distribua à tout le groupe des crins de licornes, des écailles de dragons noirs, un cœur rempli de sang séché dont Hermione ne voulait même pas en savoir son origine ainsi que quelques plantes aux couleurs chatoyantes. Le professeur donna un coup de baguette en direction du tableau et y indiqua la page dans le manuel ainsi que la liste des ingrédients à utiliser pour la potion. Hermione se leva doucement pour aller chercher ses bocaux d’ingrédients ainsi que son livre de cours. Drago feuilleta sans un mot le sien. Quand Hermione le rejoignit, il avait déjà commencé à découper une partie des crins de licornes. La jeune fille soupira en lisant son propre manuel. Drago commençait déjà mal la potion. Il fallait tout d’abord ajouter du sang d’Hippogriffe, faire bouillir, remuer le tout dans le sens des aiguilles d’une montre avant d’ajouter les crins. Elle se dépêcha de verser le sang dans le chaudron. Elle reposa le flacon sur sa droite et alluma un feu en dessous du chaudron.
— Qu’est ce que tu fais ? dit Malefoy de sa voix traînante.
— J’obéis au professeur Rogue. C’est-à-dire que je fais l’élixir avec toi, que tu le veuilles ou non, répondit Hermione sans même le regarder. Il faut d’abord mettre du sang d’Hippogriffe avant les crins de licornes.
— Non, objecta simplement Malefoy.
— Ne sais-tu donc pas lire ? rétorqua la jeune fille en expirant fortement.
— Ce n’est pas une sang-de-bourbe qui va me faire la leçon, Granger.
— Peut-être que la sang-de-bourbe, elle, sait lire, Malefoy.
Ils avaient travaillé ensemble durant à peine deux minutes qu’ils se disputaient déjà comme de bons Gryffondor et Serpentard, mais le professeur Rogue ne faisait pas attention à eux. Il passait dans les bancs des Gryffondor de l’autre côté. Lavande Brown avait laissé tomber son flacon de sang par terre. Elle pleurait pitoyablement tandis que son binôme — Parvati — avait du mal à retirer le bouchon de son propre flacon. Drago regarda Hermione en plissant ses petits yeux grisâtres. Avant qu’il eût pu ajouter quoi que ce soit, Hermione lui prit des mains les crins de Licornes fraîchement coupés et les ajouta à la potion. Elle saisit la louche et tourna délicatement la potion. Bientôt, elle prit une teinture verdâtre comme l’indiquait le manuel. La jeune fille lança alors un sourire triomphant à Malefoy. Ce dernier se contenta de proférer un juron inaudible avant de replonger dans le livre.
« Recueillir le sang du cœur, le mélanger à des fleurs de tilleuls broyées avant de l’ajouter dans la potion »
Malefoy n’eut pas le temps de dire ouf que Hermione avait déjà saisi le cœur et appuyait doucement dessus avec le revers de sa lame en argent. Un jus brunâtre gicla et une odeur pestilentielle commença à s’élever du cœur. La jeune fille eut un haut-le-cœur, mais continua sa tâche. Elle devait se concentrer le plus possible sur sa potion. Sinon leur dispute finirait par attirer l’attention du professeur Rogue.
Tout se passa pour le mieux durant les dix minutes qui suivirent. Malefoy et Hermione ne s’étaient plus adressé la parole et travaillaient dans un silence absolu. Cependant, quand voulut ajouter une plante dans la potion, Hermione lui agrippa le bras pour l’en empêcher :
— Non, pas encore, dit-elle simplement.
Tout se passa alors très vite. Malefoy retira rapidement son bras du chaudron comme si la main d’Hermione l’avait brûlé et recula de quelque pas. Son dos toucha le chaudron de Goyle qui faillit se renverser.
— Ne me touche pas, sale sang-de-bourbe ! cracha Drago.
Cette fois-ci, toute la classe avait entendu. Le silence s’installa rapidement. Londubat rattrapa de justesse le flacon qui venait de prendre. Harry leva les yeux de son livre pour regarder Hermione et Drago. Ron, qui touillait la potion, s’était arrêté net pour se retourner vers l’origine de la voix. Les autres Gryffondor l’imitèrent ainsi que les Serpentard.
Le professeur Rogue se glissa vers le banc des deux protagonistes. Il croisa les bras lentement, le nez légèrement relevé vers le plafond, posa ses yeux ébène sur les deux élèves en face de lui. Hermione tenait en main une fleur de lilas qui pendait lamentablement au bout de sa tige. Drago se trouvait à deux mètres d’elle, le regard rempli de dégoût, une grimace lui déformant le visage.
— Que se passe-t-il, Mr Malefoy ? demanda Rogue de sa voix doucereuse.
Hermione sut que le Serpentard n’allait pas la rater.
— C’est Granger, professeur ! vociféra Drago Malefoy en se tenant machinalement le bras que la jeune fille eut osé toucher.
Le professeur Rogue se tourna alors vers l’intéressée. Cette dernière lui soutint son regard. Elle voulait juste éviter à Malefoy de rater la potion. Était-ce interdit ?
— Miss Granger ?
— Je… Malefoy voulait ajouter de l’hortensia alors qu’il faut d’abord ajouter du lilas, tourner deux fois dans le sens des aiguilles d’une montre avant de l’ajouter, se défendit Hermione sans quitter son professeur du regard. J’ai mis ma main sur le bras de Drago pour l’empêcher d’ajouter la fleur.
— Je crois que Mr Malefoy sait parfaitement ce qu’il fait, Miss Granger. Dix points en moins pour Gryffondor.
Il eut des protestations de l’autre côté de la classe. Harry soupira en levant les yeux au plafond l’air de dire « Et voilà, c’est parti. »
Ç’aurait pu en rester là, mais c’était sans compter sur Hermione :
— Dix points en moins ? Mais pourquoi ? Pour l’avoir empêché de faire une bêtise ? s’écria-t-elle. C’est… c’est — mais les mots lui manquèrent.
— Oui, Miss Granger ? coupa Rogue, victorieux. Lisez parfaitement votre livre avant “d’empêcher vos camarades de faire une bêtise”.
Les Serpentard pouffèrent de rire. Hermione avait les larmes aux yeux. C’en était trop. Elle prit le bouquin et le retourna avec force sur son banc :
— Lisez, professeur ! dit-elle, presque hystérique.
— Mettez-vous en doute votre professeur, Miss Granger ? lança Rogue dont la voix trahissant la colère.
— PARFAITEMENT !
La jeune fille s’était presque égosillée sur ce dernier mot. Ses joues étaient rouges de colère ; les larmes s’échappaient doucement, roulant délicatement le long de son visage. Elle respirait rapidement, ne quittant pas son professeur du regard. Les autres élèves assistaient à la scène, impuissants, laissant leur chaudron mijoter et cracher de la fumée opaque. Le visage du professeur Rogue était impassible comme toujours, mais ses yeux luisaient étrangement. Une lueur de colère. Une de ses rares colères qu’il avait eue dans toute sa vie.
— Vous saviez parfaitement… vous le saviez que…, commença Hermione, la voix portée par les sanglots qui l’envahissaient peu à peu. Mais LISEZ ! ajouta-t-elle en tapant du poing le livre sur la table.
Dans un geste lent, le professeur Rogue tourna le livre vers lui, se pencha légèrement, ses cheveux noirs graisseux bougèrent faiblement. Personne n’osait chuchoter dans la classe. Les seuls bruits venaient des sanglots d’Hermione et des crépitements des potions de la classe.
Le professeur Rogue prit le livre et arpenta la classe en lisant à haute voix :
— Broyer les écailles de dragons en fines poudres. Votre potion devrait avoir la couleur bleu-marine. Ensuite, ajouter une fleur d’hortensia. Une seule fleur. Votre potion s’éclaircira sinon touiller deux fois dans le sens d’une aiguille d’une montre. Ensuite, ajouter la fleur de lilas pour obtenir un vert émeraude pour enfin ajouter la deuxième fleur d’hortensia pour acquérir une couleur rose et une consistance pâteuse.
Il ferma d’un coup sec le livre, ce qui fit sursauter la moitié de la classe. Hermione sentit son cœur se tordre dans sa poitrine, son estomac se retourner, ses joues devenir de feu.
Sa potion était bleue. Un bleu sombre.
Elle avait haussé le ton sur un professeur. Elle avait piqué une colère sur un professeur. Elle avait mis en doute un professeur. Elle s’était conduite comme si elle savait mieux qu’un professeur. Plus que jamais, elle regrettait amèrement de s’être énervée, mais c’était trop tard.
— Alors, Miss Granger ? fit Rogue en se rapprochant du banc, le livre levé au niveau de son visage. Où en était votre potion ? Ha, Mr Goyle, quelle couleur est la potion de Miss Granger et de Mr Malefoy ?
— C’est bleu foncé, balbutia Goyle, incertain.
— Effectivement. D’un beau bleu. Peut-être que Miss Granger est atteinte d’une forme inconnue de daltonisme propre à son je-sais-tout-isme, ajouta-t-il d’un air hautain, ce qui déclencha des rires forcés aux élèves de sa maison. Alors, Miss Granger ? De quelle couleur voyez-vous votre potion ?
— Bleu, répondit Hermione entre ses dents, en essayant ses larmes du revers de sa manche droite. Bleu… marine.
Il eut un rire général chez les Serpentard qui se turent presque aussitôt quand Rogue déposa avec force le livre d’Hermione sur le banc. Il mit ses mains sur le meuble, distancées d’une quatre-vingtaine de centimètres au moins, son visage à la hauteur d’une Hermione toujours secouée de sanglots. Le professeur Rogue se mit à parler sèchement d’une voix très basse, les élèves au fond de la classe eurent du mal à l’entendre :
— Comprenez donc bien, Miss Granger. J’accepte qu’on se trompe dans mon cours. Après tout, vous êtes là pour apprendre. Sinon je ne laisserai plus des personnes comme Londubat ou Potter mettre un pied dans ma classe. J’accepte qu’on saute une étape. J’accepte qu’on se trompe dans les ingrédients. J’accepte même qu’on se trompe de recette, Miss Granger. Néanmoins, je ne puis accepter qu’on mette mes qualités de professeur en doute.
— Je n’ai pas mis vos qualités en doute…, bégaya Hermione, mal à l’aise
— Vous pensez peut-être que mettre votre nez répugnant de petite-je-sais-tout dans tout les bouquins du monde vous donne le pouvoir de tout faire ? De ne jamais vous tromper ? De savoir plus que les autres ? Dans ce cas, pourquoi quelqu’un qui connaîtrait tous les bouquins de potions sur les bouts des doigts ne s’est-il pas encore présenté à mon poste, Miss Granger ? Croire que vous savez tout vous donne donc la certitude de savoir tout faire ? ajouta-t-il en baissant encore le ton de sa voix.
Elle ne savait que dire. Elle avait fait une gaffe, certes. Elle avait compris. Elle le mettrait plus en doute, si c’était ce qu’il voulait. Elle avait peut-être touché sa fierté avec cela, mais elle en était désolée. Elle était vraiment désolée.
— Je suis désolée, professeur Rogue, murmura-t-elle, en contenant ses larmes le plus fort qu’elle put. Je suis vraiment désolée.
Elle leva les yeux vers lui. Les yeux noirs et impénétrables de son professeur ne la rassurèrent guère. Il la fixa sans ciller. La jeune fille dut détourner son regard vers un Drago au sourire triomphant. Il venait d’avoir sa revanche, mine de rien. Granger allait avoir une retenue. C’était évident.
Avant que la moindre retenue, même que le moindre mot fut prononcé, une sonnette retentit au loin. La fin du cours de potions.
Certains élèves parfaitement réveillés rangèrent leurs ustensiles et prirent rapidement un échantillon de leur potion bâclée. Harry et Ron se dépêchèrent plus particulièrement, car ils avaient une réunion de Quidditch avant le dîner — il restait en fait une heure de cours, mais ils l’avaient libre. Les autres élèves, absorbés par l’élève et le professeur, mirent plus de temps à se rappeler qu’ils pouvaient quitter la classe. Le professeur Rogue se releva, bien droit devant la jeune fille et lui tourna le dos sans rien ajouter. Hermione sentit les larmes lui échapper à nouveau. Elle prit son livre — son fichu livre de cours de potions — le rangea avec force dans son cartable ainsi que ses ustensiles. Elle émettait déjà des sanglots étouffés quand elle quitta le cachot du professeur Rogue. Ce dernier la regarda partir du coin de l’œil.
Harry et Ron essayèrent de rattraper Hermione, mais elle était déjà partie dans les toilettes du deuxième étage au pas de course. Les deux jeunes hommes se dirent qu’elle avait besoin de récupérer du choc et foncèrent vers le terrain de Quidditch ou les attendait Angelina Johnson ainsi que le reste de l’équipe de Gryffondor pour un dernier meeting avant le match.
Mimi Geignarde planait au-dessus des toilettes en pleurant et en gémissant. Elle ne fit pas attention à Hermione qui se réfugia dans un coin, retroussant ses jambes contre elle et laissant aller ses larmes. Comment avait-elle pu être aussi stupide ? Évidemment, elle avait l’habitude peut-être de faire tout toute seule en cours de potion et quand elle devait réaliser une potion avec quelqu’un, elle se mettait la plupart du temps avec Neville pour lui éviter les regards narquois du maître des potions. Elle faisait la préparation seule. Lisant à son aise les instructions et donnant quelquefois des ordres et des conseils à Neville. Mais être avec quelqu’un d’autre de plus haut niveau que Neville… et aussi qu’il ne lui avait absolument pas dit où en était la potion ! Et où il en était dans les instructions ! Elle aurait dû vérifier la couleur de la potion ? Oui, c’était un fait. Elle aurait dû vérifier à deux fois avant de s’égosiller sur son professeur. Elle était sûre qu’à l’heure actuelle, le professeur McGonagall était au courant des cris de la jeune fille et en était très déçue. Elle allait même peut-être la renvoyer chez elle ! Elle allait être renvoyée de son année de BUSE. Le professeur Rogue était capable de saisir cette occasion pour se débarrasser de cette insolente Miss-Je-sais-tout. Mais elle avait fait une erreur, non ? Donc, elle avait démontré qu’elle pouvait avoir tort…
Elle fut extirpée de ses pensées par une caresse sur son visage. Elle leva les yeux. Elle ne vit rien pendant un moment, quelque chose se trouvait devant son visage. Un mouchoir blanc ?
— Prenez, Miss Granger.
La jeune fille obtempéra et essuya son visage avec le mouchoir.
— Merci, professeur, murmura-t-elle.
Elle eut un hoquet sonore qui attira l’attention de Mimi Geignarde. Elle fit volte-face et dit de sa voix suraiguë :
— Un professeur dans les toilettes des filles ?...Ooooh..Et un garçon en plus ! ajouta-t-elle plus durement.
Elle gémit de plus belle avant de sauter dans un conduit de toilette du fond en déversant une énorme quantité d’eau sur le sol.
Hermione gardait le mouchoir entre ses deux mains tremblantes. Elle frémissait sous les sanglots étouffés. Le professeur de potions était agenouillé devant elle. Il la fixait, le bras droit posé sur sa jambe droite.
— Vous allez… vous allez me faire renvoyer, professeur ? réussit à dire Hermione, sentant les larmes lui revenir.
L’intéressé ne répondit pas tout de suite, continuant à la fixer. Après un moment qui parut interminable pour la jeune fille, il répondit d’une voix basse :
— Non, Miss Granger.
Elle releva d’un geste vif son visage vers son professeur. Elle avait bien entendu ? Il n’allait pas la faire renvoyer ?
— Mais il est clair que vos propos ont été… déplacés, ajouta Rogue sur le même ton.
— Je… suis désolée…, s’excusa Hermione d’une voix stridente.
— Je le sais que vous êtes désolée, cessez de me le répéter.
Il tendit sa main gauche vers le visage d’Hermione et chassa une larme sur une des joues de la jeune fille.
— Et cessez de pleurer. Cela ne résoudra rien.
C’était évident que les pleurs d’Hermione ne pourraient pas effacer ce qui s’était produit plus tôt dans le cachot. En y repensant, celle-ci ne put s’en empêcher de laisser échapper une nouvelle vague de larmes.
— Miss Granger ! s’écria le professeur Rogue.
Elle plongea son visage dans ses bras frêles repliés sur ses genoux. Son professeur poussa un soupir d’exaspération. Elle sanglota de plus belle :
— Vous… vous me détestez... c’est… c’est pour ça que….
— Miss Granger…
—… À chaque fois… à chaque fois que j’ouvre la bouche, vous…. vous savez que ça me rend horriblement…. je crois... à chaque fois que… que mes réponses sont mauvaises…..alors… alors… j’étudie encore et encore… mais jamais… jamais…
— Miss Granger, s’il vous plaît.
— … Vous me détestez… c’est pour ça que vous me torturez… en me forçant à étudier… à croire que ce que… je sais est faux.
— Miss Granger, je ne vous déteste pas.
Elle leva son visage de ses bras une nouvelle fois. Elle était dans un piteux état. Ses yeux étaient rouges ; ses joues humides et roses, les mèches chocolats autour de son visage collaient contre sa peau, du liquide transparent coulait de son nez jusqu’a ses lèvres tremblantes. Le professeur Rogue sonda le visage de la jeune fille et répéta d’une voix presque inaudible, détachant chaque mot :
— Je ne vous déteste pas.
Hermione poussa un petit cri et à bout de nerfs, se vautra dans les bras du maître des potions. Ce dernier eut du mal à garder un semblant d’équilibre, tandis que son élève se trembla de plus belle contre lui. Elle entoura sa taille de ses bras frêles, calant son visage contre son torse. Rogue n’avait aucune once idée de comment réagir à cela. Il appréhendait un geste brusque qui pourrait faire dégénérer la situation, la rendre encore plus difficile que ce qu’elle était déjà.
Il se releva doucement, la taille toujours emprisonnée par des bras tremblants, forçant Hermione à se relever aussi. Elle garda la joue droite collée au torse de son professeur. Rogue poussa un soupir lointain avant d’enrouler ses bras autour des épaules de la jeune fille. Il se mit à lui masser délicatement le dos avec la paume de sa main. Petit à petit, les sanglots et les tremblements de la jeune fille s’estompèrent. Le professeur n’avait pas l’habitude d’un tel contact. Il avait l’impression qu’Hermione l’étouffait presque. Pourtant, elle avait retiré ses bras de sa taille pour les placer près de son visage, au niveau du torse du dit professeur. Il n’avait pas non plus l’habitude de sentir une odeur douce et reposante. Certes, il avait déjà senti lors de l’excursion. Il ne s’en souvenait presque pas. Mais il ne l’avait pas sentie si distinctement.
S’il s’écoutait complètement, il ne bougerait plus de là, gardant Hermione contre lui, la consolant malgré lui. La jeune fille se sentait mieux. Elle ne pleurait plus malgré son visage encore humide. Elle s’imprégnait de l’odeur du maître des potions. Une odeur masculine, protectrice et envoûtante.
Le temps semblait s’être arrêté. Ils revinrent à la réalité en entendant les gémissements de Mimi Geignarde qui regagnait ses toilettes. D’un geste qui faillit être brusque, Rogue se détacha de la jeune fille. Cette dernière ne leva pas le visage vers lui, essuyant ses yeux du revers de sa manche.
— Vous êtes encore là ? lança Mimi Geignarde.
Le professeur Rogue lança un regard hautain au fantôme, prit Hermione par le bras et la tira hors des toilettes. Ils allèrent franchir le dernier mètre des toilettes quand Mimi Geignarde fit d’une voix onctueuse :
— Ah, mais voilà donc, le fameux “petit-ami” de Hermy-Hermione, la Gryffondor. Franchement, Hermy, je croyais que tu avais un peu plus de goût quand je t’ai vu avec ce beau joueur de Quidditch l’année dernière.
Elle éclata de rire avant de s’enfuir de nouveau dans un des conduits d’évacuation. Le professeur Rogue fusilla du regard l’endroit où était parti le fantôme. Hermione sécha ses dernières larmes du revers de sa main.
— Vous ferez mieux de regagner votre tour, Miss Granger.
Il la laissa planter là, à l’entrée des toilettes des filles. Il s’en alla en faisant voler sa longue cape noire vers les cachots du château. Hermione le regarda disparaître au loin, avant de se mettre en route vers la maison Gryffondor. Elle avait gardé sur elle un peu d’odeur de Rogue, ce qui la calma complètement une fois arrivée à la salle commune.