Luna Mula

Chapitre 9 : La nouvelle peur d'Hermione

5404 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 27/03/2020 22:15

Hermione s’était assise dans un fauteuil près de la cheminée de la salle commune de Gryffondor. Très peu d’élèves étaient présents dans la grande pièce, car la plupart étaient sorties profiter de l’air ou avaient cours. Tant mieux, elle n’avait aucune envie de se retrouver nez à nez avec un élève de sa classe. Surtout pas après ce qui s’était produit en cours de potions. Heureusement, le match opposant Serpentard à Gryffondor devait avoir lieu cet après-midi, après le déjeuner. De quoi faire oublier la scène de la jeune fille aux élèves. 

Les dernières paroles de Mimi Geignarde se tortillaient dans sa tête. Bien évidemment, elle avait dû entendre quelques élèves en parler durant ses escapades dans les conduits. L’idée qu’elle pût répéter ce qu’elle avait vu à d’autres élèves donnait des frissons à Hermione Granger. C’était déjà assez difficile de supporter les moqueries des Serpentard, leurs fascinations à la rabaisser, mais il ne fallait pas qu’ils aient une nouvelle arme. Même si Viktor Krum paraissait la personne la plus probable dans cette histoire de « petit-ami », Hermione ne voulait pas — ne pensait même pas — que des personnes sensées pussent avoir la sombre idée que le petit-ami d’Hermione fût le professeur de potions. C’était quelque chose de complètement absurde. Elle, la miss je-sais-tout. Elle, la Gryffondor, cloîtrée dans ses bouquins, avec le vil et insensible maître des potions ? Même si pendant un moment, même infime, elle avait pensé de lui comme étant « charmant ». 

Il avait été deux secondes gentil avec elle pour Madame Pince. Oui, mais qu’était-ce deux secondes par rapport à cinq années d’études à se sentir ignorée et humiliée en classe ? Il avait essayé de la calmer dans les toilettes. Oui et ? Il n’avait juste aucune envie qu’un autre professeur la vît et qu’il commençât à croire qu’il l’avait malmenée encore et toujours. Il avait fait ça sans doute dans le but d’assurer ses arrières plutôt que pour réellement s’occuper de la jeune fille en détresse. Elle s’était étonnée de le voir là, agenouillé devant elle. 

Il avait fait cela uniquement pour qu’elle arrête de s’apitoyer sur son pauvre sort et qu’elle comprenne quelle idiote elle fut ! Il était égoïste, insensible, impassible... Un Serpentard en somme. Les seuls moments où il paraissait gentil avec elle étaient parsemés d’égoïsme. 

« Je ne vous déteste pas ». Encore heureux ! Elle ne lui avait rien fait personnellement. Il manquerait plus que ça. Il détestait Harry à cause de son père. Il méprisait Neville, car le pauvre garçon avait peur de lui. Et elle, tout ce qu’elle avait voulu faire dans ses cours était de répondre bien gentiment à ses questions et de faire ce qu’il lui demandait de faire. Alors pourquoi n’arrêtait-elle pas de penser à tout cela au lieu de faire ce qu’elle faisait d’habitude dans ses temps libres : à savoir ses devoirs ?

Pattenrond sauta sur les genoux de la jeune fille, se roula en boule et se mit à ronronner avec vigueur. Hermione soupira et porta ses mains sur son visage un peu collant dû aux larmes. Quand ses mains effleurèrent son nez, elle sentit quelque chose. Une odeur masculine, envoûtante et rassurante. 

Le chat roux d’Hermione leva la tête et vint poser son museau sur la main droite — celle qu’Hermione regardait maintenant, perplexe. Le chat n’aima pas ce qu’il était en train de sentir. Il réprima un crachement, se remit en boule en tournant le dos à sa maîtresse. La jeune fille se rappela la scène dans les toilettes. Elle avait eu les nerfs qui avaient lâché. Elle avait eu si peur qu’il la renvoyait. Même si elle n’avait pas vraiment fait quelque chose de grave. Si, bien sûr, elle avait haussé le ton, piqué une crise, mis en doute un professeur. Elle aurait pu avoir de graves conséquences. Peut-être qu’elle sera appelée dans le bureau du directeur de Poudlard où elle y trouvera sa directrice de maison terriblement déçue avec un directeur de Serpentard au sourire victorieux ? 

Pourtant, elle était persuadée que le professeur Rogue était humain après tout et qu’il ne cherchait pas forcément à faire le plus de mal aux élèves de Gryffondor. Sinon, aucun des élèves de Gryffondor n’aurait leur BUSE ou ASPIC en potions. Il détestait les Gryffondor. C’était un principe. Les maisons Serpentard et Gryffondor se détestaient par principe, mais leur haine mutuelle cachait-elle autre chose ? On pouvait croire qu’ils se détestaient, car leurs qualités étaient opposées. Pourtant le professeur Rogue semblait respecter énormément le professeur McGonagall. Où y avait-il une erreur ? Le professeur Rogue détestait les personnes simplement sans raison ?

Hermione continua à regarder ses doigts imprégnés de l’odeur du professeur. 

Son parfum n’était pas désagréable. Juste rassurant, apaisant, protecteur. Il n’y avait pas de quoi en être drogué. Pourtant, elle resta un long moment, les doigts proches du nez, respirant longuement. Le doux ronronnement de Pattenrond, le feu de la cheminée, la fatigue des pleurs, et cette odeur finirent par endormir la jeune fille.

— Hermione ! lança une voix.

Elle se réveilla en sursaut. Pattenrond n’était plus en boule sur ses genoux. Elle frotta délicatement ses yeux fatigués avant de les poser sur la personne qui l’avait appelée : Harry Potter. Il portait son uniforme de Quidditch, son éclair de feu à la main. Ses cheveux étaient ébouriffés, le regard pétillant.

— Tu vas rater le match ! Allez ! Ça commence dans quinze minutes ! ajouta-t-il en l’aidant à s’extirper du fauteuil.

— Hein, quoi ? fit la jeune fille en s’étirant.

— Allez, Hermione !

Elle s’en souvint enfin. Le match contre Serpentard. Elle avait dormi si longtemps ? Elle se sentait bien mieux. Elle n’avait plus aucune envie de pleurer. Ses joues étaient sèches. Elle suivit son ami vers le stade. Elle le quitta pour aller s’asseoir dans une des tribunes. Harry, quant à lui, se dépêchait de rejoindre les vestiaires. Hermione retrouva dans la foule Hagrid et Neville qui portaient les couleurs de Gryffondor. De l’autre côté du stade, c’était une marée verte et argentée qui les faisait face. Le soleil était au rendez-vous. Le ciel était d’un beau bleu.

D’un beau bleu…

Elle chassa cette phrase de son esprit en secouant énergiquement la tête. Mrs Bibine se plaça au milieu de la pelouse, attendant les joueurs. Dans le stade, une voix s’éleva :

— La rencontre d’ouverture du Quidditch de cette année : Gryffondor contre Serpentard ! déclara fièrement Lee Jordan. 

Il y eut des cris de la foule enthousiaste quand les joueurs des deux équipes arrivèrent sur le terrain, leur balai sur l’épaule. Hermione remarqua d’amblée que Ron semblait aussi pâle que Drago Malefoy. Tiens… elle ne voyait justement pas Drago parmi les joueurs de Serpentard. Elle se tourna vers Neville :

— Malefoy ne joue pas ? demanda-t-elle perplexe.

— Je ne sais pas trop… C’est Pansy Parkinson qui le remplace… je ne sais pas pourquoi, mais il paraît que le professeur Rogue l’a interdit de jeu…

— Interdit de jeu ? répéta Hermione, sceptique. 

Parmi l’équipe verdâtre de Serpentard, une jeune fille aux cheveux noirs et au visage dur était présente. … Était-ce ce genre de surprise dont elle voulait parler au petit-déjeuner ? Flint et Angelina se serrèrent la main durement. Au coup de sifflet de Mrs Bibine, les joueurs s’envolèrent. Ron parut avoir un mal de chien pour rejoindre ses buts.

— Et c’est parti ! lança Lee Jordan.

Au bout de dix bonnes minutes, les Serpentard avaient réussi à marquer neuf fois. Ron était terrorisé. Harry Potter volait à côté de lui pour lui donner du courage tout en cherchant du regard le vif d’or. Parkinson volait d’un côté puis de l’autre du stade. Le jeune attrapeur se demandait pourquoi Drago ne jouait pas. Parkinson serait meilleur que lui ?

— Serpentard mène cent points à trente, fit Jordan.

Harry devait de se dépêcher de retrouver le vif d’or avant que cela ne tourne à la catastrophe. Il évita de justesse un cognard, braqua dans une autre direction, cherchant la petite boule dorée. Les cris de joie des Serpentard n’arrangèrent rien. Ron était tout sauf bon gardien. Il réussit pourtant à parer un coup, mais plus par coup de chance qu’autre chose.

— Hé Petit Pote Potter ! cria Pansy Parkinson un peu derrière lui. 

Il ne fit pas attention à elle. Il tourna dans une autre direction, monta et descendit plusieurs fois. La boule dorée était introuvable.

Hermione cherchait du regard le jeune Drago Malefoy. Elle l’aperçut enfin après deux bonnes minutes dans la foule des Serpentard. Il avait le visage fermé. Visiblement, l’idée de ne pas pouvoir jouer contre Harry Potter l’avait rendu malade. Pour une raison qui lui était inconnue, Hermione sentit des représailles arriver. Après tout, si le professeur Rogue avait décidé de l’interdire de jeu pour cette partie, il semblait évident que c’était dû à la querelle entre Drago et Hermione dans le couloir. Un l’ayant traité de sang-de-bourbe. Ou alors ?

— Deux cent à trente pour Serpentard, dit Lee, visiblement irrité. 

Il avait envie d’ajouter « vraie catastrophe », mais le regard noir de McGonagall lui fit changer d’avis. Ron laissa passer un autre but. Harry prit les choses en mains. Il devait absolument attraper le vif d’or pour mettre fin au massacre. Il appréhendait aussi une exclusion prochaine de Ron de l’équipe. Même si c’était son vrai premier match. Angelina ne sera sans doute pas contente après cela.

— Angélina envoie le Souaffle à Katie ! Katie qui repasse à Angelina ! Ah bien vu George, ou Fred, enfin un des deux quoi ! Oh non, Flint a repris le Souaffle ! Attention Ron ! 

Il était là. 

Harry venait d’apercevoir une boule dorée voler près des chevilles de Ronald Weasley. Il fonça comme une fusée sur son ami. Ron écarquilla les yeux et se retira de la trajectoire de son ami, laissant le champ libre à un Serpentard le champ libre. Pansy Parkinson se tourna vers Harry. Elle plissa les yeux et vit la boule dorée voleter pas loin de Ronald Weasley. Elle descendit en piquée.

— Potter, attends ! cria Angelina depuis l’autre bout du stade, mais son attrapeur n’écouta ni Lee Jordan ni son capitaine. 

Après quelques secondes, le jeune Harry Potter parvint à attraper la minuscule boule dorée. Il le brandit vers le stade ; cependant, à son grand étonnement, les Gryffondor adoptèrent une expression de mécontentement. Avait-il fait quelque chose de mal ?

— Potter a attrapé le vif d’or donnant cent cinquante points à Gryffondor, déclara Lee. Ce qui fait deux cent vingt points à deux cents points pour Serpentard. Serpentard l’emporte. 

L’estomac de Harry Potter se fit lourd. Perdu ? C’était la première fois qu’en attrapant le vif d’or, il donnait la défaite à son équipe. Il regagna le sol. Angélina lui sauta presque à la gorge :

— À ton avis, pourquoi on doit marquer ? C’est malin ça ! cria-t-elle hors d’elle. Et toi ! — elle se tourna vers Ron pâle comme la neige — je ne sais pas ce qui me retient de te virer sur-le-champ !

— Arrête, c’est son premier match, tenta Ginny, mais Angélina l’ignora complètement.

— Je n’ai jamais eu autant honte ! tempêta-t-elle tandis que son équipe regagnait les vestiaires la tête basse. Le vif d’or attrapé par un gryffondor et une défaite par-dessus le marché !

— Si vous marquiez plus vite aussi…, fit George, passablement irrité.

— Si l’on arrive à gagner la coupe cette année, c’est un miracle, ajouta la capitaine sans faire attention aux moindres remarques de ses joueurs.

— Pourquoi Malefoy ne jouait pas ? demanda Harry à Fred, curieux.

— ‘sais pas. En tout cas, Parkinson ne vaut rien du tout. J’ai vu voler le vif d’or près d’elle deux ou trois fois et elle n’a jamais rien remarqué. C’est pas de ta faute, hein… pour le vif d’or. Après tout, c’est bien la première fois que ça arrive.

— La deuxième fois de toute l’histoire de Poudlard, même, précisa Fred en s’appuyant sur l’épaule de son frère jumeau.

La défaite des Lions fut un coup dur pour le moral des élèves de la maison en question. Heureusement pour les cinquièmes années, le lendemain, ils avaient soin aux créatures magiques, ainsi que défense contre les forces du mal. Harry et ses amis pourraient parler avec aisance à Hagrid durant le cours, chose qu’ils n’avaient pas encore faite depuis leur début d’année. Quant au second cours de la journée, aucun élève ne redoutait le cours du professeur Lupin. Ils se demandaient ce que le professeur allait leur apprendre cette fois-ci. Ils espéraient des travaux pratiques. 

Hermione, assise au fond de la salle commune, se demandait par contre pourquoi le jeune Malefoy avait été interdit de jeu. Si Pansy Parkinson avait attaqué Harry au début de la matinée sur ça, cela ne pouvait pas être dû à la crise de Drago en cours de potions de la matinée. La veille alors ? Quand il l’avait traitée de sang-de-bourbe ? Était-il donc possible que le professeur Rogue ait délibérément interdit de vol son attrapeur condamnant de la sorte son équipe ? C’était bien évidemment absurde. Le professeur Rogue ne déstabiliserait pas son équipe. Surtout face à des Gryffondor. Il avait bien une fois donné l’autorisation à son équipe de s’entraîner alors que leurs adversaires avaient réservé le terrain bien avant. Un hasard, sans doute. 

De toute manière, c’était une cause perdue d’essayer de le comprendre. Il vouait une haine pour ses élèves et chouchoutait ceux de sa propre maison. Quelque chose intriguait malgré tout Hermione. Il était tantôt abject tantôt doux avec elle. Enfin, « doux » était un grand mot. Plutôt « supportable ». Il l’était uniquement quand ils étaient seuls. Peut-être qu’il gardait son attitude méprisable avec elle que devant d’autres personnes pour ne pas se faire voler la face ? Il ne la détestait pas, avait-il dit. Pas pour autant qu’il l’aimait ou qu’il la supportait. Il la tolérait en quelque sorte.

La jeune fille ne sut pas exactement combien de temps elle était restée seule dans son coin dans la salle commune. Quand la dernière brindille du feu de la cheminée s’éteignit, elle monta se coucher.

Le lendemain matin, durant le cours d’Hagrid, les Serpentard ne se privaient pas pour commenter le match d’hier tandis que les élèves essayaient de s’occuper des bêtes aquatiques que leur professeur avait demandé de maintenir en vie deux heures. Ils ressemblaient à des tortues de mers dont la carapace était parsemée de pointes. Il fallait leur envoyer des algues dans l’aquarium à des instants réguliers. Hermione regardait le sien d’un air absent tandis que Ron tenait de le dessiner sur son parchemin. Harry quant à lui parcourait son livre de cours.

Le cours du professeur Lupin paraissait beaucoup plus passionnant quand celui-ci les accueillit dans la classe avec une grosse malle sous le bras :

— Aujourd’hui, nous allons un peu réviser notre sortilège “ridikkulus”, déclara-t-il en posant la malle sur son bureau. J’ai eu un peu de mal à trouver cet épouvantard pour la peine. Alors, voyons, qui peut me dire à quoi ressemble un épouvantard exactement ? 

Sans aucune surprise, la majorité des élèves — même le pauvre Neville — leva la main bien haut. Lupin désigna une élève au premier rang :

— Personne ne le sait, professeur, répondit fièrement Lavande en rabaissant sa main. Il prend la forme de la chose qui nous fait le plus peur donc on ne sait pas exactement à quoi il ressemble.

— Par contre, professeur, ajouta Parvati, légèrement excitée. Si nous avons peur des épouvantards, à quoi se transformeraient-ils ?

— Hum…, fit Lupin en arpentant la classe. C’est une bonne question, mais à l’heure actuelle, personne n’a encore eu cette phobie. Mais c’est une bonne remarque ! Dix points pour Gryffondor ! Allons, qu’attendez-vous ? Tout le monde en rang ! 

Tous les élèves se levèrent de leur chaise et, d’un coup de baguette magique, leur professeur fit voler les bancs sur le côté pour dégager la salle.

— Alors, je suppose que vous vous souveniez de ce qu’il faut faire pour neutraliser l’épouvantard ?...Voyons… Ha, Ronald, passez le premier.

— Moi ? fit le jeune rouquin. Mais…

— Allons, allons. Je suis sûr que vous pourrez rendre l’araignée de cette malle la plus risible au monde ! ajouta Lupin avec le sourire. 

Il s’approcha de la malle. Ron sortit sa baguette d’une main tremblante.

— Un… deux… Lupin. Allez-y ! 

Il ouvrit d’un grand geste la malle. De longues pattes noires sortirent doucement, puis un corps parsemé de poils. Ron Weasley gémit quelque peu, la baguette tremblante.

— Allez, Ron ! encouragea Harry un peu derrière lui.

— Ri… Ridikkulus ! bégaya Ron. 

Bang ! L’araignée se mélangea les pattes, créant l’hilarité générale.

— Bravo ! Excellent ! applaudit Lupin. Je n’en attendais pas loin de vous ! Harry, allez-y ! 

Harry, le nez en l’air, sortit sa baguette et la plaça bien à la verticale devant son visage. L’araignée le regarda d’un air mauvais puis tourna sur elle-même pour prendre la forme d’un détraqueur.

— Ridikkulus ! lança Harry. 

Des dizaines de roses rouges apparurent sur le monstre. La classe éclata à nouveau de rire. Les élèves se suivirent les uns après les autres. Quand ce fut le tour d’Hermione, Lupin vint près d’elle :

— Je sais que vous avez raté cette partie à l’examen en troisième, chuchota-t-il. Je vous demande de vous concentrer. Vous y arriverez cette fois-ci, j’en suis sûr. 

L’image d’une McGonagall annonçant qu’elle avait raté ses examens apparut dans le creux de la tête de la pauvre Hermione. C’était exact. Elle avait raté cette partie à l’examen. Mais elle était décidée à prendre sa revanche. Après tout, c’était qu’un simple épouvantard et elle n’avait pas encore passé un seul examen.

Sûre d’elle, Hermione sortit sa baguette et se mit en face de la momie jonchée au sol de Parvati Patil. La momie se releva lentement. Elle dévisagea Hermione qui tenait sa baguette tendue vers elle.

Bang !

Lupin fronça les sourcils en voyant en quoi l’épouvantard venait de prendre forme. 

Debout devant Hermione, le professeur Rogue la regardait avec un rictus mauvais, les bras croisés. La jeune fille semblait avoir perdu l’usage de la parole en le voyant. 

Rogue s’avança de deux pas et murmura d’une voix si sombre que seule la jeune fille put entendre. Des larmes se mirent à couler le long de ses joues tandis qu’elle essaya vainement de prononcer une seule incantation. L’épouvantard répéta sa phrase conduisant Hermione à la crise de larmes, exactement comme lors de son examen. Ron — se sentant en âme de héros — courut devant Hermione :

— ICI ! — il prit la forme d’une araignée — Ridikkulus ! — l’araignée se fit écraser par une balle immense venue de nulle part, le jeune homme se tourna alors vers son amie : ça va ?

Non, cela n’allait pas. Cela n’allait pas du tout. 

Hermione tremblait de la tête au pied, le visage caché dans les mains. Lupin renferma l’épouvantard assommé dans sa malle.

— Je crois que ça suffira pour aujourd’hui. 

Les élèves quittèrent la classe, ravis d’avoir accompli de nouveau cet exploit. Hermione mit plus de temps à se remettre pour ranger ses affaires. Le professeur Lupin se rapprocha d’elle et lui tendit du chocolat :

— C’est bon pour le moral, dit-il doucement. Alors ? Une élève si brillante qui n’arrive pas à neutraliser un être aussi simple… ?

Hermione repensa à ce que l’épouvantard lui avait dit, se mordit les lèvres pour ne pas éclater en sanglots. Elle ne fit pas attention au morceau de chocolat tendu par son professeur, renversa son encrier sur le sol, déversant ainsi son contenu. Ron était resté en arrière tandis que Harry avait déjà filé manger avec les autres. Il agita sa baguette pour nettoyer le sol de l’encre avant de ramasser l’encrier vide.

— Elle doit être en saturation du professeur Rogue, fit-il en remettant l’encrier sur le pupitre de Hermione Granger. Elle… 

La porte s’entrouvrit. Le maître des potions s’avança dans la salle, ne fit aucun commentaire et déposa un gobelet sur le bureau de Lupin :

— Votre potion, Lupin, dit-il de sa voix doucereuse. Vous devriez la boire de ce pas.

— Merci, Severus.

— Toujours en train de pleurer, Miss Granger ? 

Sa voix était remplie de sarcasme. Hermione fit un gros effort pour ne pas pleurer de plus belle, se forçant à tourner le dos au professeur.

— Elle a juste raté un exercice, rien de grave, répondit Lupin doucement.

— Par Merlin, quelle horreur…, murmura le professeur de potions sans changer de ton. Elle a eu un dix-neuf sur vingt à votre cours au lieu d’un vingt et un sur vingt ? 

Le loup-garou se pinça les lèvres, regrettant d’avoir dit la raison des pleurs de la jeune fille. Ron eut les oreilles rougeoyantes, signe qu’il s’énervait. Hermione continua à trembler de la tête au pied.

— Vous êtes obligé d’en rajouter, professeur ? demanda Ron, en accentuant le dernier mot comme s’il était sceptique que l’homme en noir devant lui fut un professeur de Poudlard.

— En rajouter, Mr Weasley ? répéta Rogue sans bouger.

— Vous ne voyez pas qu’elle est assez secouée ?

— Je ne vois rien de cela. Je ne vois qu’une Miss je sais tout qui gémit, car elle a raté un exercice.

— Elle ne sait pas tout. La preuve, elle est encore à l’école pour apprendre et elle a raté la neutralisation d’un simple épouvantard, rétorqua Ron en faisant un effort surhumain pour ne pas hausser le ton.

— Vous serez en retenue ce soir avec Malefoy, Mr Weasley, fit Rogue en plissant ses yeux ébène sur le rouquin.

— Ha non ! s’exclama le professeur Lupin. Pas de retenue dans ma classe. Je vous interdis de lui donner une retenue, Severus.

— Ah ? Car pour vous répondre à un professeur est normal ? s’enquit Rogue en respirant profondément.

— Et s’acharner sur une élève en larmes c’est permis ça aussi ? 

Ron déglutit avec peine. Il n’aurait jamais cru qu’il assisterait à un combat Lupin contre Rogue à cause de lui dans des conditions pareilles. Hermione quant à elle avait repris des couleurs, mais reniflait toujours en fixant son cartable ouvert.

— Vous prenez parti d’élèves qui violent le règlement en s’adressant sans respect à un professeur ? fit remarquer Rogue de sa voix doucereuse avec un léger arrière-goût de colère et de mépris.

— Je ne prends le parti de rien du tout. Je n’accepte tout simplement pas qu’un professeur vienne taper sur le clou d’un élève effondré, déjà de un. Et de deux, de donner une retenue à un autre élève, car il lui a tout simplement dit la vérité sur son compte. Maintenant, sortez de ma classe. Et je ne vous remercie pas d’être venu ! s’emporta Lupin, sa voix était aussi acérée que des dents de dragons adultes. 

Le professeur Rogue regarda avec mépris le professeur qui le chassait. Il arpenta la classe sans un mot. Juste avant de sortir, il ajouta froidement :

— Si c’est comme ça que vous le prenez, Lupin, je ne concocterai plus la potion Tue-Loup pour vous.

— Tant mieux, de toute manière je m’en suis passé pendant trente ans je peux très bien continuer ! rétorqua sèchement le loup-garou. Sale bonhomme, ajouta-t-il une fois que Rogue eut claqué la porte. 

Il se massa les tempes et soupira longuement. Hermione ne prononça plus un mot de la journée.

Le week-end était arrivé. Les élèves se penchaient sur leur devoir. Seule Hermione ne semblait pas être d’humeur à les faire, ce qui était contre nature pour elle. Elle griffonnait sans cesse son devoir des runes, balançait au loin sur la table son grimoire sur les sortilèges. Ron était près d’elle, le devoir pour le professeur Rogue sous la main. Il n’avait pas eu de retenue heureusement, mais il appréhendait le cours de potions du lundi. Aucun des deux n’avait mis au courant Harry sur ce qui s’était passé dans la classe de Lupin. Et personne ne sut ce qu’avait dit exactement l’épouvantard à Hermione pour la mettre dans un état pareil. Cette dernière fondait systématiquement en larme à chaque fois que quelqu’un en faisait allusion. Ron trouvait que son amie ressemblait de plus en plus à Mimi Geignarde à force de pleurer pour si peu. Il évitait de parler de Rogue le plus qu’il le pouvait en sa présence. Harry quant à lui ne faisait aucun effort. Il rédigeait son travail de potions. Il ne cessait de parler à voix haute sur ce que « le professeur Rogue leur avait dit » à propos de ci et de cela. Ron finissait par croire qu’il le faisait totalement exprès par moment.

Hermione réussit enfin à terminer ses devoirs le dimanche soir. Elle rangea ses parchemins dans son cartable. Dans le fond de ce dernier, elle remarqua un livre. Le livre de la réserve que le professeur Rogue lui avait permis d’acquérir. Sans un mot, elle l’extirpa tandis que Ron et Harry s’adonnaient à une partie d’échecs version sorcier un peu plus loin d’elle de la table. Elle ouvrit le livre d’une main tremblante. Elle ne savait même plus pourquoi elle voulait faire acquisition de ce bouquin. Elle le feuilleta délicatement. Il parlait de potions diverses. Après une vingtaine de pages, elle se souvint enfin. Là, affiché en grand sur la page de gauche : « Luna Mula, potion dangereuse ? » 

Cette stupide potion. Elle commença à lire, ou plutôt, à relire le chapitre sur ladite potion, car, au fur et à mesure de sa lecture, elle se souvenait qu’elle avait déjà lu certains passages. Elle n’apprit rien de ce qu’elle ne savait déjà : prendre Luna en premier lieu..blablabla..Mula était différente selon son fabricant..blablabla. Par contre, ce qui étonnait grandement la jeune fille, c’était qu’il ne parlait pas de la fabrication de Luna en elle-même. Il parlait toujours de Mula, de comment la fabriquer, comment vérifier qu’elle était parfaite (généralement si elle avait deux odeurs, deux couleurs, etc. c’était sûr et certain qu’elle était ratée), mais rien n’indiquait comment réaliser la première potion. Tout ce qu’elle pouvait lire, c’était que Luna devait impérativement être préparé par deux personnes. Mais pas n’importe quelle personne. Le livre ne disait pas exactement les raisons du choix spécifique des personnes, juste des allusions.

« Quand les deux personnes auront fini de fabriquer Luna, la potion agira sur eux indirectement même s’ils n’en ont pas pris une seule goutte. »

Hermione relut plusieurs fois cette phrase sans en comprendre le sens exact. C’était absurde. Comment une potion pouvait-elle agir sans qu’on la prenne ? Décidément, la potion défiait toutes les lois de la logique. Et de la normalité. … Était-ce cela son danger ? Que personne ne pouvait dire explicitement comment elle agissait ? Hermione trouvait que plus elle en apprenait sur la potion, plus elle la trouvait anormale et ridicule. D’abord une potion qui savait qu’elle allait être ratée délibérément, maintenant une potion qui agissait sur ses fabricants sans qu’ils en prennent une goutte ? Ou alors, était-ce une histoire d’émanations ? Cela pouvait être une explication. L’odeur de la potion qui aurait un effet bien qu’elle fût inodore. Bien des choses dans le monde des moldus avaient un impact effroyable bien que ce fût inodore et indolore sur le moment. Comme les rayons gamma par exemple. 

Hermione Granger referma le livre d’un geste brusque et le rangea dans son sac. Elle monta sans un mot dans le dortoir des filles, en appréhendant le lendemain avec le professeur Rogue. Elle ne put s’empêcher de penser à l’épouvantard dans la classe du professeur Lupin. Elle aurait mille fois mieux préféré que le professeur McGonagall sorte et lui dise : « Vous avez raté tous vos devoirs, Miss Granger » que de voir le professeur de potions, avec ce rictus abominable, cette voix sombre et blessante dire cette chose. En repensant à la phrase — qui n’avait absolument rien à voir avec celle de l’ancien épouvantard de la jeune fille —, elle n’arriva pas à empêcher une larme de couler le long de sa joue.

— Voyons, Hermione, fit-elle à elle-même en s’asseyant sur son lit. Il t’a dit le contraire hier…

Pourtant, il donnait tellement l’impression que ce fut le cas. Et l’épisode dans la classe de Lupin renforçait l’idée. Et tout le monde pourrait le dire que ce fut le cas. Peut-être que cela l’était. Alors, pourquoi lui avoir menti dans les toilettes de Mimi Geignarde ? Et pourquoi Hermione avait-elle eu cette nouvelle peur qui avait réussi à surpasser celle de l’échec scolaire ? Elle n’arrivait pas à expliquer pourquoi à ce jour entendre le professeur Rogue lui susurrer qu’il la détestait représentait une peur irraisonnée. 

Elle était totalement perdue et abattue. 


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