Luna Mula

Chapitre 10 : « Merci, professeur Rogue »

7675 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 27/03/2020 22:19

Quand Hermione Granger descendit les marches de son dortoir pour retrouver la salle commune de Gryffondor, elle fut surprise de constater que beaucoup d’élèves s’étaient rassemblés autour du panneau d’affichage. Il ne fallut guère longtemps à la jeune fille pour comprendre que la responsable de cette assemblée était une affiche jaunâtre où était notée une sortie au village de Pré-au-lard. La première sortie annoncée de l’année. 

Il y avait tant d’élèves que la jeune fille ne put arracher la moindre information d’où elle était. Elle entendit quelques élèves dire que la sortie aurait lieu ce week-end. Elle verra bien. De toute manière, avec les tonnes de devoirs qu’elle aura, elle n’était pas sûre de vouloir y aller. De plus, elle n’avait pas trop la tête à cela pour le moment. 

Elle devait faire face à un tout autre problème que cette sortie. Le problème se situait à quelques mètres sous la salle des Gryffondor, dans un cachot profond et lugubre. Un cachot où résonnaient depuis des années les doux ronronnements des chaudrons bouillants et avides d’ingrédients. Elle était consciente que, depuis la récente dispute dans la classe du professeur Lupin, elle devait s’attendre à des retombées des plus odieuses du professeur de potions. 

Une retenue ? Un renvoi ? Des points en moins ? Elle ne savait pas trop. Par contre, elle était sûre et certaine de ne pas lever la main en classe. Elle ne voulait pas attirer l’attention ni du professeur ni des autres élèves. Cela avait été assez pénible déjà dans celle de Lupin avec l’Épouvantard, ce serait encore pire si jamais... si jamais les Serpentard des allusions au fait que l’Épouvantard avait pris la forme de leur directeur de maison. Elle n’arrivait pas à s’imaginer ce qui se passerait exactement. Elle préférait chasser cette idée angoissante de son esprit.

La jeune fille suivit ses camarades de classe dans les cachots après le petit-déjeuner. Ron Weasley et Harry Potter se trouvaient de part et d’autre de la jeune fille. Aucun des deux n’avait ouvert la bouche de la matinée. Ils semblaient tous deux de mauvaise humeur ou dans une querelle silencieuse. 

Les Serpentard étaient déjà en rang quand les Gryffondor arrivèrent au cachot. Malefoy bavardait à forte voix avec quatre ou cinq Serpentard. Pansy Parkinson riait de façon hystérique à chacune de ses phrases. Si elle était paranoïaque, Hermione Granger aurait juré qu’ils parlaient d’elle. En se rapprochant, elle se rendit compte assez rapidement qu’elle se trompait complètement : Malefoy commentait le match de Quidditch et les « performances de Weasley ». La jeune fille en conclut qu’il cherchait juste à provoquer les Gryffondor dès le matin. Il y avait des choses qui ne changeront jamais. 

Cinq minutes passèrent et le professeur Severus Rogue apparut au bout du couloir. Les élèves se turent immédiatement et se rangèrent parfaitement devant la classe. Le maître des lieux ne leur attribua même pas un regard et se contenta d’ouvrir la porte à double battant d’un geste vif, faisant voler sa cape noire comme à son habitude. Les cinquièmes années entrèrent doucement et prirent place de part et d’autre du cachot. Le professeur Rogue sortit de son pupitre un tas de parchemins et se mit à les distribuer à chaque élève.

— Je vous ai noté comme si ce devoir était votre examen de BUSE. Il est regrettable de constater que certains d’entre vous avaient mis de l’essence d’imbécillité profonde dans leur jus de citrouille le matin de la rédaction de ce devoir — quoique certains n’en eussent pas vraiment besoin, commenta-t-il en passant devant la table de Drago Malefoy. 

Hermione sentit son cœur se serrer quand le professeur s’approcha de sa table. Elle était assise entre Ron et Harry. Neville était à côté de ce dernier. Le directeur de Serpentard lui rendit son parchemin sans daigner la regarder. 

Il jeta néanmoins un regard méprisant comme il savait bien le faire à Neville Londubat et à Harry Potter. Il leur rendit les deux dernières copies avant de revenir près de son pupitre. Tandis que le professeur insista sur le fait que la majorité des élèves de la classe devait travailler dur pour espérer décocher un médiocre ‘A’ au BUSE, Hermione baissa les yeux sur son parchemin. Elle soupira doucement quand elle vit griffonnée en rouge pâle la lettre ‘E’ dans le coin supérieur droit. Elle jeta un œil en biais au devoir de son voisin. Ron avait la mine tirée : un horrible ‘D’était inscrit sur son parchemin, en haut à droite. Harry semblait logé à la même enseigne. Neville quant à lui avait le visage blême. Son parchemin était trop loin pour être lu.

— Je tiens à préciser que je n’accepte que les personnes qui ont décoché un Optimal dans ma classe. Donc pour certains, ce sera un adieu en fin d’année.

Le maître des potions se promena d’un pas lent d’un coin à l’autre de la classe, continuant son discours.

— La préparation d’une potion est un art... 

— ‘Mione, tu as eu quoi à ton devoir ? s’enquit Harry à voix basse, tandis que le professeur se dirigeait vers les tables des Serpentard.

— Hum..je…, commença Hermione. 

Elle n’eut même pas le temps de donner un semblant de réponse que le professeur Rogue se retourna vers eux de sa voix doucereuse :

— Il s’avère clair que Mr Potter peut nous en dire plus sur l’importance des potions dans les deux années qui vous restent à faire à Poudlard.

Harry se mordit les lèvres et ne préféra pas répondre. Le professeur esquissa un sourire narquois et continua son discours. Quand il eut fini, il fit part de l’intitulé du cours d’aujourd’hui.

— Vous allez préparer l’Essence de Sérénité. Cette potion a pour effet de faire rentrer les personnes dans un état flegmatique. Attention au dosage des ingrédients, la moindre erreur aura des conséquences lourdes. Un sommeil profond sans retour ou... la personne se voit être transformé en une lavette aussi méconnaissable qu’une victime des Détraqueurs. 

Hermione parut surprise du programme de la journée. Il ne devait donc pas administrer ‘Luna’ ? Aucun élève ne sembla lui faire la remarque. Elle se contenta donc de se taire et d’écouter attentivement les directives.

Dix minutes plus tard, les chaudrons mijotaient joyeusement d’un coin à l’autre de la classe. La jeune fille se frotta les mains d’un geste vif pour se réchauffer. Il faisait de plus en plus glacial dans ce cachot et la chaleur qui émanait de son chaudron était soit trop intense soit trop calme pour être utilisé comme feu de camp improvisé. La mixture qui bourdonnait doucement avait une consistance pâteuse et rouge foncé comme indiqué dans le livre de préparation. En revanche, celle de Harry et celle de Neville n’avaient pas du tout la bonne couleur. Celle de Harry avait une couleur grisâtre et celle de Neville une couleur jaune-canari.

La jeune fille soupira et continua la préparation. Elle coupa délicatement une ou deux cornes avant de les ajouter. Le chaudron émit des crépitements plaintifs avant de se stabiliser dans une couleur mauve foncé. Le professeur Rogue se mit à faire le tour des mixtures. Il s’arrêta longuement sur celle de Pansy Parkinson qui avait un teint d’un horrible vert foncé. Après quelques pleurs, Pansy Parkinson vit sa potion se faire volatiliser par son directeur de maison. Petit à petit, il se rapprocha du banc d’Hermione Granger. Elle ne se rendit pas compte que ses gestes prirent un tournant inhabile à mesure que la distance entre eux se résorbait. Elle en laissa même tomber son couteau qui fit un « CLINK » assourdissant sur le sol. Elle se dépêcha de le ramasser pour continuer à couper les cornes longitudinalement.

— Qu’est ce que c’est que ça ? s’enquit le professeur Rogue.

Hermione faillit faire un bon. Elle bafouilla :

— Une... une...

— Une essence de Sérénité, Professeur, lui répondit Harry Potter dans un murmure.

Hermione se tourna vers son ami. Le professeur était devant lui, les bras croisés, le nez au-dessus des vapeurs grisâtres de la potion de Harry. La jeune fille poussa un soupir de soulagement. Elle ne put cependant réfréner une pensée dans le coin de son esprit. Était-elle trop parfaite pour qu’il la remarque ?

— Vous méritiez vraiment ce “D” en potion, Potter. Je crois que le supplice de votre présence dans mon cachot s’arrêtera cette année, murmura le professeur. Une potion aussi simple...

La jeune fille vit le poing de Harry se crisper. Il avait envie de répondre, se forçant à rester calme à contrecœur. De toute manière, il serait rentré dans le jeu de Rogue. Ce dernier sortit sa baguette et lança un « Evanesco » sur le chaudron.

— Cette potion est aussi utile que celle de Miss Parkinson, Potter... même le terme “désolant” est mélioratif pour votre capacité dans ce cours. 

Hermione baissa à nouveau les yeux sur son propre travail. Elle ajouta la dernière corne et touilla méthodiquement la potion. Cette dernière acquit la jolie couleur beige du livre. Elle laissa le chaudron bouillir encore quelques minutes avant de l’ajouter dans un flacon d’échantillon. Le professeur Rogue invita ceux qui avaient un semblant de résultat à lui faire parvenir un flacon pour qu’il puisse l’analyser. La jeune fille referma doucement la fiole et se dirigea vers le pupitre du professeur Rogue afin de la ranger dans la boîte prévue à cet effet. Elle était à mi-chemin quand son pied gauche sentit un obstacle. Son sens de l’équilibre se perdit dans les méandres du cachot, ses doigts glissèrent du flacon qui se mit à voler plus haut, trop haut. Elle sentit la chute inévitable. Elle se rattrapa étrangement de justesse et le flacon atterrit dans ses mains fermes. Elle eut le temps de jeter un rapide coup d’œil derrière elle. Elle vit distinctement Drago Malefoy glousser, la jambe exposée sur le chemin et... le professeur Rogue ranger sa baguette, les yeux plissés sur la jeune fille.

— Vendredi soir, dix-neuf heures, dans mon bureau...

Les Serpentard ricanèrent. Hermione serra avec fureur son flacon d’échantillon, les larmes aux yeux. Évidemment, c’était elle qui avait été attaquée, c’était elle qui avait failli tomber lourdement sur le sol du cachot, la tête la première, et c’était elle qu’on punissait.

—… Malefoy. 

Les Serpentard se firent aussi muets que le monstre du lac. Le teint blême, Drago Malefoy se renfrogna derrière son bureau. Hermione resta plantée là, en plein milieu de la classe. Était-il possible que le Professeur eût jeté un sortilège imprononcé pour lui permettre de regagner l’équilibre ? Et de ce fait, elle avait pu récupérer de justesse sa potion ? Il l’avait aidée ? Vraiment aidée ?

— Je vois que votre précédente retenue ne vous a pas mis du plomb dans la tête, Malefoy, ajouta Rogue de sa voix habituellement doucereuse pour Harry. Miss Granger, comptez-vous prendre racine au milieu de mon cachot ou daignerez-vous poser ce flacon sur mon bureau et regagner votre place ?

Hermione acquiesça et déposa maladroitement le flacon dans la boîte — le flacon se mit de travers par rapport aux autres — et se précipita vers son propre bureau. Elle ne put s’empêcher de sentir le regard menaçant de Malefoy tandis qu’elle se rasseyait. Ron décocha à son amie un clin d’œil complice tandis que Harry avait de nouveau affiché ce sourire « trop » heureux pour être « honnête ». Neville quant à lui avait la main qui tremblait tellement que son flacon menaçait de tomber à chaque instant.

Deux minutes plus tard, la cloche sonna la récréation de dix heures. Comme la fois précédente, les élèves avaient cours de potions toute la journée. Ils laissèrent donc leurs affaires derrière eux pour aller respirer un peu l’air frais de la cour. Hermione nettoya son banc, son couteau, remit sa balance en parfait équilibre avant de se décider à partir. Il ne restait plus que Neville, qui cherchait sa collation dans son sac, et le professeur Rogue qui rangeait la boîte d’échantillons dans une armoire.

Elle ne sut absolument pas pourquoi. Elle ne sut absolument pas par quelle idée saugrenue elle fit ça. La jeune fille attendit que Neville quittât la salle de classe d’un pas rapide pour se rapprocher du pupitre. Le professeur Rogue était de dos, le nez dans une des armoires. Elle ramena ses mains devant elle, se mit à tortiller ses doigts, la tête baissée. Elle déglutit avec peine, les joues déjà rosies avant de murmurer :

— Merci, professeur Rogue. 

L’homme habillé de noir s’arrêta net, la main à mi-chemin d’un gros flacon rempli d’un liquide visqueux. Il fronça les sourcils, détournant légèrement le visage vers la source de la voix. Quand il eut fait complètement volte-face, il ne vit qu’une chevelure chocolatée sortir rapidement du cachot.

— De rien, Miss Granger, murmura-t-il au silence pesant du cachot.

Il se retourna vers l’armoire, un sourire discret au coin. Ce sourire n’avait rien de cynique ou de mesquin. Il replaça avec grâce deux flacons mal rangés, en sortit un rempli d’un liquide rougeâtre et le déposa avec fermeté sur son pupitre.

Hermione Granger respira longuement l’air frais de la cour. Harry et Ron se trouvaient sur un des bancs près du lac. Ils parlaient de Quidditch et la prochaine rencontre avec les Serdaigle. La récréation ne durait que quinze minutes, mais c’était suffisant pour se ressourcer. La jeune fille marcha quelques mètres dans l’herbe de la cour, regardant par-ci par-là les plantes, les arbres et les élèves qui se reposaient. 

Consultant sa montre, elle décida de rebrousser chemin. Il ne restait plus que cinq minutes avant de retourner en classe. Elle dépassa un grand chêne et sentit une douleur foudroyante dans le ventre. Avant même d’avoir pu comprendre ce qu’il lui arrivait, elle se retrouva le dos collé au chêne, une baguette sombre sous le menton.

Les Serpentard.

Crabbe et Goyle lui tenaient fermement les bras. Pansy Parkinson et une autre Serpentard se trouvaient derrière un Malefoy jubilant. Hermione sentait venir les « représailles lâches ».

— Alors Granger ? cracha Malefoy, sa baguette appuyant sur la carotide de la jeune fille. On fait moins la maligne, là...

Parkinson et son amie hurlèrent de rire.

Hermione n’afficha aucun signe de panique sur son visage, au grand agacement de Malefoy.

— À trois contre une, toujours aussi lâche Malefoy, rétorqua-t-elle d’une voix calme. 

Vlan ! La joue de la jeune fille devint douloureuse et brûlante. Le garçon blond ramena sa main le long de son corps et pressa encore plus sa baguette contre la gorge de Hermione. Cette dernière commença à suffoquer légèrement.

— Sang-de-bourbe…, murmura Drago avec dégoût. Continue à me tenir tête et ce ne sera plus une simple gifle que tu auras.

Il recula de trois pas, fit signe de tête à ses deux acolytes qui relâchèrent la jeune fille en même temps. Le blond cracha à terre avant de déguerpir vers le couloir de l’école, escorté par son groupe de Serpentard. Hermione se massa la gorge fébrilement. Elle aurait dû s’y attendre évidemment. Malefoy avait raté son coup en cours pour la ridiculiser et, par-dessus tout, il avait encore eu une retenue par sa faute. 

Encore une retenue par son directeur de maison qui plus est. 

Ces deux aspects de cette punition devaient lui sembler insupportables. Elle s’en moquait éperdument. Il avait ce qu’il méritait.

Passant légèrement sa main droite sur sa joue, elle consulta de nouveau sa montre. À peine avait-elle levée la main à hauteur d’yeux que la sonnerie retentit. 

Soupirant un bon coup, elle marcha lentement vers le cachot du professeur Rogue. Elle se demanda, tandis que Neville referma la porte derrière elle, si sa joue était encore rouge de la gifle de Drago Malefoy. Apparemment non, car ni Ron ni Harry ne lui firent une remarque. Tant mieux. Ou tant pis. 

Le professeur Rogue ramassa les copies du devoir de la semaine dernière. Certains semblaient nerveux de le remettre. En effet, les parchemins étaient pour la plupart presque vides. Celui d’Hermione par contre était plus que suffisant. Elle le présenta au professeur quand celui-ci passa devant elle. Il tendit la main pour s’en emparer. Quand sa main toucha le papier brunâtre du parchemin, il baissa les yeux vers Hermione. Celle-ci lui décocha un sourire crispé. Les yeux ébène du professeur luisaient étrangement. 

Il plissa les yeux comme s’il essayait de scanner le visage de la jeune fille. Cette dernière passa machinalement sa main sur la joue engourdie. Il s’empara du parchemin et détourna son regard sur Ron qui lui présentait un devoir de cinq malheureuses lignes. Sans aucune raison apparente, Hermione eut l’impression ne serait-ce qu’un instant que le professeur Rogue savait ce qui s’était passé dans la cour. Ou peut-être était-ce simplement son imagination ?

La suite du cours se passa sans encombre. Juste avant le déjeuner, le professeur ramassa de nouveau le flacon de l’échantillon de la potion demandée. Hermione boucha le sien d’un geste vif et le déposa sur le bureau sans trébucher. Harry réussit cette fois-ci la potion, pas aussi parfaitement qu’Hermione, mais suffisamment pour obtenir un ‘E’. Ron se persuadait de la même chose même si sa potion était loin du rouge vif demandé. Neville quant à lui cassa à plusieurs reprises son flacon en voulant prendre un échantillon, la main tremblante. 

La fin du cours sonna et tous les élèves rangèrent leurs affaires. Ron et Harry furent un des premiers à sortir du cachot. Hermione rangea soigneusement ses ingrédients dans sa boîte et son couteau en argent. Elle referma délicatement son livre de potions et le cala dans sa besace. Comme à l’accoutumée, Neville sortit le dernier avant elle. Il laissa tomber sa balance dans le couloir, la ramassa d’une main mal assurée avant de rejoindre la Grande Salle.

Hermione referma sa besace et s’apprêta à la mettre sur son épaule quand elle sentit quelque chose lui effleurer la joue droite. Elle sursauta quelque peu et leva doucement les yeux. Le professeur Rogue, la main tendue vers elle, la fixait, les yeux plissés. Sa joue devait avoir repris son teint pâle depuis tout ce temps. Pourquoi alors la regardait-il comme si elle était encore rouge à cause de la gifle de Drago Malefoy ? 

La jeune fille ne savait pas ce qu’elle devait faire ou dire. Devait-elle expliquer au professeur et directeur des Serpentard que l’un de sa propre maison l’avait menacée ? Qu’il l’avait giflée ? Après tout, elle l’avait bien giflé en troisième année. Et elle n’avait rien eu pour cela. Elle se contenta de soutenir le regard de l’homme en noir devant elle. Ses yeux reflétaient de la crainte tandis que ceux d’ébène ne laissaient entrevoir que le néant. Et cette main posée à quelques millimètres de cette chaire douce. Une chaire légèrement rosie. La jeune fille avait envie de prendre ses jambes à son cou. De partir très vite pour la Grande Salle et de laisser ses affaires là où elles étaient. Pourtant, quelque chose au fond d’elle l’obligeait à rester plantée comme un chêne.

Le professeur Rogue se releva légèrement et croisa les bras, lorgnant la jeune fille. Ses cheveux noirs en cascade, le regard toujours aussi insondable.

— Vous devriez me dire qui vous a fait cela, Miss Granger, murmura-t-il.

— Et pourquoi le devrais-je ? demanda-t-elle sur le même ton.

— Parce que je suis votre professeur.

— Vous ne devriez pas intervenir dans les bagarres entre élèves, professeur, dit-elle en détournant les yeux.

— Non, bien sûr. 

Elle leva à nouveau les yeux vers lui. Il avait décroisé les bras et la regardait intensément.

— Malefoy, susurra-t-elle presque avec regret. 

Le professeur Rogue poussa un soupir résigné et fit volte-face, sa cape suivit doucement le geste. Il fit quelques pas vers son pupitre sans dire un mot. La jeune fille ne le quitta pas du regard. Elle ne put s’empêcher de se demander ce qu’elle devait en conclure de ce silence. Se rendait-il compte du harcèlement de ses élèves sur les Gryffondor ? Et en particulier de Malefoy sur elle ? 

— Vous a-t-il menacé ? 

Hermione secoua la tête d’un geste d’incompréhension. Le professeur Rogue se tourna vers elle de nouveau :

— Vous a-t-il fait des menaces, Miss Granger ?

— Eh bien…, commença Hermione, pas très sûre d’elle-même. 

Que faisait-elle encore là ?

— Oui, Miss Granger ?

Elle n’était pas sûre exactement si ce qu’il s’était produit était des menaces en l’air ou non. Peut-être même en les désignant comme menace, cela attisera la colère de Malefoy. Et il pourrait faire bien pire qu’une simple gifle.

— Miss Granger ? 

Elle sortit de ses pensées et balbutia :

— Heu... Pas vraiment. 

Elle était certaine que sa réponse n’était pas très convaincante. Le professeur Rogue se pencha sur son pupitre et fit :

— Vous ferez mieux de vous dépêcher, Miss Granger. Vous risquez de rater votre déjeuner. 

La jeune fille le regarda prendre quelque chose sur son bureau et le mettre dans une armoire au fond. Son estomac réclamait haut et fort de la nourriture. Pourtant Hermione restait sourde à ses cris désespérés. Elle n’avait pas trop envie de bouger à vrai dire. Peut-être que Drago et ses acolytes l’attendaient dans un coin du couloir à l’abri des regards pour lui faire subir pire qu’une gifle ? Une blessure ? Un viol ? 

Pourquoi les craignait-elle comme cela... ? Elle n’avait pas aussi peur d’eux en temps normal. Cherchait-elle simplement à se convaincre de rester ? De trouver une raison pour rester dans cette classe glaciale et vide ?  

Elle dégagea sa besace de sa chaise et demanda d’une voix timide :

— Puis-je rester, professeur ? Je n’ai pas très faim, à vrai dire.

Le professeur Rogue referma doucement l’armoire. Il se détourna de celle-ci pour faire face à la jeune fille. De là où elle se trouvait, elle ne pouvait pas discerner le regard qui lui lançait. Elle avait gardé la lanière de sa besace en main, l’autre main était posée sur le coin de son banc. Elle attendit, le visage incertain. L’homme en noir regagna son pupitre et en sortit les devoirs rendus quelques instants auparavant avant de s’asseoir et de prendre un encrier ainsi qu’une plume. La jeune fille suivit du regard chacun de ses gestes, l’estomac noué.

— Si vous y tenez. Pas un mot. Ceci est une salle de classe, pas une cour de récréation, répondit-il d’une voix douce, le nez dans un parchemin. 

Hermione le remercia dans un murmure. Elle rouvrit sa besace et en sortit son livre sur l’étude des runes. Elle déposa délicatement le manuel sur le banc, s’assit sur le tabouret avant de commencer à lire. Bientôt, elle n’entendit plus que les grattements de la plume sur les parchemins.

C’était quelque chose d’irréel de se retrouver là à ce moment de la journée. D’habitude, elle serait partie avec les autres afin de manger tranquillement et débattre sur la prochaine potion à faire l’après-midi. Ou rester dans la bibliothèque pour commencer ses devoirs. Ou bien, simplement prendre l’air de la cour près du grand lac. Y jeter des pierres et entendre ses amis rapporter les dernières nouvelles en matière de Quidditch. 

Mais ici, elle était dans la classe du professeur Rogue. Un des professeurs les plus détestés de Poudlard. Froid, injuste, cynique et ayant le sens de la répartie aussi tranchant qu’une lame de rasoir. Pourtant, derrière cet homme, pouvait se cacher une tout autre personne. Une personne sincère, respectable et respectueuse. Du moins, elle voulait s’en convaincre. Ces derniers jours, elle avait été dans une sorte de saturation de son professeur de potions. Néanmoins, elle ne pouvait pas s’empêcher de penser à lui. 

L’épisode de ce matin avec la fiole sauvée in extremis. Le fait qu’il l’avait aidée à regagner son équilibre pour ne pas se faire mal et punir le coupable. Pourtant, dans un sens, cela n’était pas habituel au professeur acerbe de potions. Il l’aurait regardée s’étaler sur le sol. Il aurait souri tandis que les élèves de Serpentard auraient ri aux larmes. 

Hermione aurait eu les larmes aux yeux devant sa fiole brisée en mille morceaux, le précieux liquide devenu irrécupérable naviguant sur les méandres du sol. Elle aurait eu un zéro. Peut-être que le professeur aurait fait la même chose pour chaque élève dans cette situation. Cela aurait été Parkinson, Weasley, Parvati ou même Goyle, il aurait fait la même chose.

Il aurait fait la même chose.

Le temps passait très lentement. Hermione ne savait pas combien de fois elle avait lu la phrase de son manuel de Rune sans vraiment la comprendre. Elle n’était pas du tout attentive. Tout se bousculait dans sa tête. Elle avait cette impression étrange que depuis quelque temps — ou même depuis le début de l’année — quelque chose avait changé dans le comportement du professeur Rogue vis-à-vis d’elle. Tantôt cruel, tantôt compatissant. Taciturne ? Ou était-ce autre chose ?

Les yeux de la jeune fille commençaient à se brouiller, tandis qu’elle piquait du nez. Il ne lui fallut pas longtemps avant de se retrouver le visage contre le manuel des runes, un bras posé sur le banc, la respiration apaisante. Le professeur Rogue rangea les devoirs corrigés dans un tiroir de son bureau. Il leva les yeux vers son élève qui s’était endormie, affalée sur le banc. Il esquissa un sourire et s’extirpa lentement de son pupitre. Il retira les devoirs qu’il venait de ranger dans le tiroir, secoua la pile pour en faire un tas parfait. Il se dirigea vers l’armoire du fond de la classe, ouvrit le battant pour y déposer les devoirs corrigés à côté de ceux des Serdaigle et des Poufsoufle. Il plissa légèrement les yeux, regarda derrière lui, vers le banc de la jeune fille. Sa poitrine se soulevait de façon régulière. Parfaitement endormie. Il exprima une fausse toux avant de refermer la porte de l’armoire d’un geste volontairement trop brusque. La porte se claqua en faisant un bruit assourdissant. La jeune fille se réveilla en sursaut en poussant un hoquet de surprise. Elle mit quelque temps avant de se rappeler où elle était. Elle se frotta les yeux avant de comprendre qu’elle s’était tout bonnement endormie dans la salle de classe.

— Oups ! s’exclama le professeur Rogue, d’un air faussement désolé. Je vous ai réveillée.

Ses lèvres dessinèrent un sourire mesquin. Le teint de la jeune fille prit une couleur rouge vif.

— Pardon... tenta-t-elle. Ça m’est rarement arrivé...

— Ne vous justifiez pas. Après tout, vous n’êtes pas théoriquement en cours. 

Comment avait-elle pu s’endormir comme cela ? Elle ne manquait pas de sommeil pourtant. Son manuel sur les runes était-il devenu si... ennuyeux ? Impossible, elle adorait les runes plus que n’importe qui. Peut-être les odeurs, l’ambiance de la classe qui l’auraient bercée. Elle secoua la tête pour bien se réveiller et rangea son livre en réprimant un bâillement. Même durant le cours de l’histoire de la magie où la plupart des élèves devenaient somnolents à cause de la voix monocorde du professeur Binns, elle ne s’était jamais retrouvée allongée de la sorte sur son propre bureau.

La porte du cachot s’ouvrit dans un grincement. Hermione et le professeur Rogue se tournèrent en même temps vers l’entrée de la classe. Le professeur Dumbledore, les lunettes en demi-lune pendant sur le bout de son nez, fit son apparition. Il semblait aussi joyeux qu’à l’ordinaire. Il s’exclama en les voyant tous les deux :

— Ha ! Severus ! Je vous cherchais ! Je me demandais pourquoi vous n’étiez pas au déjeuner. Ces remarquables elfes de maison ont fait une succulente tarte à la cerise. J’étais attristé que vous ne fussiez pas là pour en profiter.

— Oui, bien sûr, professeur, répondit l’homme en noir, d’une voix doucereuse. 

Hermione jurait qu’il aurait préféré dire : « C’est cela, oui » d’un air perplexe. Les yeux pétillants du directeur de Poudlard se posèrent sur la jeune fille. Cette dernière lui décrocha un sourire crispé. Elle se forçait de ne pas réagir aux elfes de Maisons. Après tout, la S.A.L.E n’était pas du tout fermée.

— Et vous, Miss Granger ? Pourquoi n’étiez-vous pas au dîner ? demanda-t-il. J’ose espérer que vous ne suiviez pas des cours de... rattrapage en potions avec vos notes si excellentes !

— Je…, commença la jeune fille, mais le professeur Rogue la coupa.

— Professeur, si vous nous disiez ce que vous faites exactement dans mon cachot au lieu d’interroger inutilement Miss Granger ?

— Oh, bien sûr ! lança-t-il d’un air toujours réjoui. Le professeur Chourave a une de ses serres envahies. Elle aimerait un de vos puissants insecticides.

— N’est-ce pas le travail même... du professeur Hagrid ? rétorqua Rogue, en haussant un sourcil, pas très convaincu. 

Elle ne savait pas pourquoi, mais elle avait l’impression que cette histoire d’insecticide était tout sauf véridique. Comme si le professeur Dumbledore avait eu besoin d’une excuse pour venir les voir. Ou peut-être, s’assurer de quelque chose...? Elle était persuadée que le professeur Rogue en pensait de même. Il croisa les bras et fixa son supérieur.

— Oui, oui Hagrid ! fit le directeur. Mais vous connaissez le professeur Chourave...

— Pas vraiment, non, répliqua sèchement Rogue, mais Dumbledore continua comme s’il n’avait jamais été interrompu. 

Hermione pouffa légèrement en entendant la phrase de son maître des potions et se ressaisit sur-le-champ.

— … une cinquantaine de spécimens ! Elle n’en avait jamais vu autant en une journée ! Ces pauvres mandragores en sont toutes recouvertes...

Le professeur Rogue leva les yeux au ciel. Hermione se retint de nouveau à rire.

— Bien, je ne vais pas vous déranger plus longtemps. La reprise des cours sera dans quelques minutes ! déclara le professeur Dumbledore en se tournant vers la porte.

—...Sera dans vingt-cinq minutes, rectifia le professeur Rogue en consultant sa montre, mais encore une fois, sa remarque fut ignorée.

— Je vous laisse Severus et Miss Granger, salua-t-il. 

Il referma la porte derrière lui. Hermione jura qu’il lui fit un clin d’œil avant de disparaître. Le professeur Rogue soupira d’exaspération et regagna son bureau. La jeune fille chercha une raison à cette visite. Il n’avait pas semblé surpris de les voir tous les deux. S’attendait-il réellement à les trouver là ? Et si... même les professeurs avaient eu vent de cette rumeur ridicule sur le « petit-ami » d’Hermione Granger ? Et si Mimi Geignarde avait dit à tous ceux qui voulaient l’entendre que ce mystérieux petit-ami n’était nul autre que le professeur Rogue ? Que les récents évènements avaient conduit le professeur Dumbledore d’en douter sincèrement et de vouloir vérifier par la même la véracité des propos du fantôme ? 

Que cela ne tienne ! 

Même si c’était vrai, cela concernait que la jeune fille. Du moins, elle l’espérait. Le directeur n’avait quand même pas cru qu’ils étaient restés tous les deux dans le cachot pour être seuls ? Ce ne serait pas trop discret. De plus, il était évident que les pipelettes Brown et Patil se donnaient à cœur joie pour répandre la rumeur qu’Hermione Granger aurait préféré dîner avec son « petit-ami ». Pire encore si aucun élève ne semblait manqué à l’appel et qu’il n’y avait qu’eux deux d’absents au dîner. De quoi avait-elle peur au juste ? Une rumeur n’était pas un fait. Une rumeur n’était qu’une histoire qui pouvait être vraie dans certains points. Du moins, normalement...

Hermione pensa alors à Harry et à Ron. Que pouvaient-ils bien penser — eux — de cette situation ? Elle n’était ni dans la cour, ni à la bibliothèque, ni dans les toilettes des filles. Et s’ils apprenaient qu’elle était restée avec le professeur Rogue ? Penseraient ils ne serait-ce qu’un instant qu’il puisse y avoir quelque chose entre l’élève et l’enseignant ? Ils n’oseraient pas, quand même ?

— Vous me semblez bien soucieuse, Miss Granger, lança le professeur Rogue depuis son bureau. 

Soucieuse ? Anxieuse était plutôt le mot juste. Elle se convainquait que les rumeurs ne devaient pas la toucher. Que de toute manière, c’était faux. Dans un coin de sa tête, elle regrettait l’époque où Krum la courtisait. Elle ne répondit pas au professeur et remit son nez dans son livre de cours. 

De potions, cette fois.

— Stupide potion, pensa-t-elle quand le souvenir de ‘Luna Mula’ resurgit. 

Une question lui vint à l’esprit. Elle releva la tête vers son professeur qui se trouvait près du banc des Serpentard à vérifier quelque chose dans un des chaudrons.

— Professeur, pourquoi m’avez-vous choisie pour ‘Luna Mula’ ? demanda-t-elle d’une voix tremblante. 

Il se tourna vers elle, perplexe. Il l’avait déjà répondue à ce propos. Il avait eu besoin d’elle pour la potion. Pourquoi à nouveau cette question ? Que cherchait-elle à savoir de plus ?

— Enfin je veux dire... pourquoi plutôt moi et pas une autre personne...

Le professeur marcha vers le banc de la jeune fille en croisant les bras sur sa poitrine, la regardant de toute sa hauteur.

— Est-ce maladif chez vous ? fit-il d’une voix doucereuse. 

La jeune fille déglutit avec peine. Elle avait encore réussi à le mettre en colère. Mais pourquoi ? Pourquoi ne voulait-il vraiment ne rien dire là-dessus ? 

— Mais…, commença-t-elle d’une voix mal assurée.

— Ce besoin de reconnaissance, de faire ses preuves... Êtes-vous donc plus Serpentard que Gryffondor ? 

Le ton était blessant. Hermione se força à ne pas pleurer de nouveau.

— C’était juste une question, professeur...

— Dois-je vous répéter ce que je vous ai déjà dit la fois précédente ? “J’avais besoin de votre aide”. Point final. Je ne pouvais pas me dédoubler. Ou vouliez-vous entendre quelque chose de plus mélodramatique ?

— Non... non, professeur. Non.

Le professeur la toisa de la tête au pied, le sourire narquois. La jeune fille sentit un liquide chaud s’écouler le long de la joue droite. Pourquoi avait elle encore osé poser la question ? Elle aurait mieux fait de se taire.

— J’avais besoin de votre aide, point final. N’essayez pas de chercher une explication inexistante en plus. Je suis mieux placé que vous pour le savoir, ajouta-t-il sur le même ton.

— Je ne vous demande pas de vous justifier, professeur, murmura Hermione, pleurant silencieusement.

— À vous entendre, je vous aurai choisi comme une “élue” et non pas comme une “élève qui avait la capacité nécessaire pour réaliser cet exploit et en qui j’avais suffisamment confiance pour le réaliser.” 

Hermione se pinça la lèvre inférieure et détourna son regard du maître des potions. Elle avait du mal à le reconnaître qu’il y avait du vrai dans ce qu’il venait de dire.

— Pardon, professeur... barbouilla-t-elle en ramenant ses mains sur son visage.

— Et cessez de pleurnicher pour un “oui” ou un “non”, cracha-t-il, l’air dégoûté. Cela n’arrangera pas le teint méprisable que vous affichez. 

Ce fut la remarque de trop pour Hermione Granger. Elle laissa échapper un sanglot, les mains plaquées au visage, la voix tremblante :

— C’était juste... juste une question... professeur Rogue... juste une question... 

Le professeur resta de marbre.

— Je voulais juste savoir... c’était tout. Il... il m’arrive des choses... des choses bizarres... alors... alors je croyais que... c’était la potion... la... la responsable, sanglota-t-elle. L’é-é-é-pouvantard et-et-et vous qui êtes tantôt doux tantôt ignoble avec moi. Vous-vous-ne comprenez pas-ce-ce-ce que je peux re-ssen-ti-i-i-ir par moment.

— L’épouvantard ? s’enquit le Professeur. Votre épouvantard a changé ?

— Oui, professeur ! s’écria-t-elle en dégageant ses mains, libérant ainsi un visage ruisselant de larmes. C’EST VOUS ! VOUS MON EPOUVANTARD ! 

Complètement hystérique, elle se leva de sa chaise, bien décidée à sortir de ce cachot qui l’oppressait. Sa respiration était devenue haletante et ses jambes fébriles. Avant qu’elle ait pu faire un pas rapide vers la sortie, son professeur lui agrippa très doucement le bras.

— Laissez-moi, professeur ! hurla-t-elle, hystérique.

— Miss Granger, tenta-t-il sans hausser le ton. 

Il lui agrippa l’autre bras et la força à le regarder dans les yeux. Hermione continua à sangloter, à crier, la respiration saccadée.

— Calmez-vous, Miss Granger, souffla-t-il inutilement. Vous ne comprenez donc pas que vous êtes ridicule ?

— Et vous ? Vous ne comprenez donc pas que vous êtes horriblement abjecte avec moi ? Cela vous fait plaisir n’est-ce pas ? Cela vous fait jubiler de me mettre dans un état pareil !

— Oui, j’ai tout à fait l’air de m’amuser, en effet, répliqua-t-il ironiquement.

— Je... je... 

Elle n’arrivait plus à trouver les mots. Elle se laissa mener par la souffrance et se colla contre le professeur de potions, pleurant et gémissant. L’homme en noir était de nouveau confronté à cette situation peu convenable. Il lui délivra les bras avant de poser doucement ses mains sur les hanches de la jeune fille, la gardant contre lui. Il espérait dans un coin de la tête qu’aucun fantôme ne viendrait les narguer. 

— Je.. vous... déteste, gémissait Hermione dans la robe noire du directeur des Serpentard. Je vous... déteste, professeur Rogue. 

Il se détacha doucement d’elle, prit le visage de la jeune fille entre ses mains. Il était humide, chaud et crispé par l’hystérie, la détresse et la colère. Les yeux étaient hermétiquement fermés, laissant parfois passer une larme.

— Regardez-moi, Miss Granger... s’il vous plaît.

La jeune fille ouvrit difficilement les yeux. Leurs visages n’étaient plus qu’à une dizaine de centimètres. Elle sentait à nouveau cette odeur apaisante du professeur. Sa respiration se calma peu à peu. Elle réprima un sanglot. Leur regard ne se quitta pas tandis que l’homme descendit lentement ses mains pour les poser sur les épaules de la jeune fille. D’un mouvement toujours aussi lent et doux, il chassa du bout des doigts les larmes qui perlaient près des yeux chocolat d’Hermione Granger. Cette dernière referma à nouveau les yeux. Il reposa les mains sur son visage pour la forcer à la regarder de nouveau. Le visage tremblant, les larmes plus ou moins séchées, la bouche légèrement entrouverte, elle soutint le regard de son professeur. Il n’était pas de défi ou de mépris. Juste un regard plein d’angoisse et de désespoir. Sa plus grande peur était qu’il la détestait que cet homme aux yeux insondables ne ressentait que mépris et haine envers elle. 

— Je n’ai pas cherché à vous blesser, souffla-t-il. Ce n’était pas mon intention.

— Vous devriez revoir vos méthodes, professeur, murmura-t-elle sur le ton de la plaisanterie. 

Elle crut un instant qu’il l’avait mal pris. Cependant, il esquissa un sourire légèrement espiègle.

Sans un mot, elle lui passa les bras autour des hanches et se colla un peu plus contre lui, la tête sur son épaule. Elle respira profondément l’odeur de la robe du maître des potions. Cette odeur si apaisante et si douce. Il ne fallut pas plus d’un instant au professeur Rogue pour la détacher de là d’un geste doux ; la jeune Gryffondor ne le lâcha pas pour autant. Il lui agrippa les épaules tandis que la jeune fille, refusant de le regarder en face, se contenta de fixer un point loin devant elle. Dans ce cas-ci, un bouton de la robe du sorcier habillé de noir. D’un geste lent, Rogue leva le menton d’Hermione pour qu’elle le regarde droit dans les yeux. Elle ne pleurait plus, mais son visage était encore tout humide. Elle lui décrocha un sourire timide, voire crispé. Sans un mot encore, il lui plaqua le front contre le sien, nez contre nez, leur souffle se mélangeant :

— Je ne vous déteste pas, Miss Granger, fit-il dans un murmure.

— Je ne vous déteste pas, professeur Rogue, répéta la jeune fille sur le même ton. 

Cette odeur. La proximité. Ce silence pesant du cachot. Toutes ces dernières émotions. Ces pleurs. Ces cris. Ces interrogations.

— Je ne vous déteste pas... souffla-t-il à nouveau. 

Déplaçant légèrement son visage, ses lèvres effleurèrent celles d’Hermione. Trop secouée pour réagir, elle ne bougea pas. Il rompit la distance entre eux. Doucement puis tendrement. Hermione répondit sur le même ton, tremblant légèrement, se laissant porter par le moment présent. Elle avait fermé les yeux, savourant le baiser plus que chaste. Elle se sentait bien, si bien… 

Quand ils se séparèrent, Hermione lui tourna le dos, massant son bras droit mécaniquement, les joues rosies. Le professeur Rogue regarda ailleurs, comme si l’armoire du fond contenait quelque chose qui lui attirait l’attention. Un sourire se dessina sur le visage d’Hermione Granger quand elle tourna la tête vers lui :

— Merci, professeur Rogue, murmura-t-elle. 

Il la regarda à son tour. Elle jura qu’il avait légèrement rougi. Il esquissa un sourire crispé avant d’ajouter :

— De rien, Miss Granger.

Il se détourna d’elle pour se diriger vers son bureau, un sourire aux coins des lèvres, tandis que la jeune fille regagna son banc, les joues rosies. La sonnerie retentit au loin et les élèves entrèrent dans la classe pour rejoindre une Hermione étrangement sereine et souriante. 

Ce n’était pas une si mauvaise journée que cela au cachot.


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