Luna Mula

Chapitre 14 : « Luna Mula à la rescousse »

8250 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 13/08/2020 19:24

Ce fut emmitouflée dans une couverture que Hermione se réveilla, allongée dans un lit des plus sommaires, ses cheveux en cascade sur un coussin d’un blanc nacré. Une odeur agréable flottait dans l’air. La jeune fille se releva difficilement, se mit en appui sur les coudes avant de parcourir les alentours du regard.


Elle n’avait aucune idée de l’endroit où elle se trouvait. Cela semblait être une chambre ou une minuscule pièce à vivre. La lumière tamisée ne lui permettait pas de distinguer la couleur du papier peint qui se décollait par endroit. Les lattes du parquet étaient dans un état déplorable. La pièce semblait étroite ; le lit à une place se trouvait contre le mur du fond tandis que, de l’autre côté de celui-ci, une table arborait quelques bougeoirs dont les bougies étaient presque toutes consumées. Hermione se demandait si cela pouvait servir comme bureau de fortune. Une commode poussiéreuse se situait juste à droite de cette même table.

La jeune fille était incapable de distinguer le reste de la pièce de sa position. Sur le sol, près de son lit aux ramures de bois, un tapis de forme arrondie. La lumière vacillante des bougies lui indiquait qu’il était d’une couleur vert foncé.

Vert ?

Elle prit place sur le bord du lit, le cœur bondissant dans sa poitrine. Où était-elle exactement ? Pas dans le dortoir des filles en tout cas. Cela était-il possible que… ?

— Je vois que vous êtes enfin réveillée.

Elle se tourna vers l’origine de cette voix si familière. Le professeur Rogue se trouvait à deux mètres d’elle, dans la pénombre. Elle fut incapable de déchiffrer les traits de son visage. Il se rapprocha doucement tandis qu’elle poussa un soupir de soulagement et se détendit un petit peu. Il s’agenouilla devant la Gryffondor avant de lui tendre un verre d’eau. Hermione contempla ledit verre comme si c’était la première fois qu’elle en voyait. Elle le prit délicatement entre ses doigts avant de poser les yeux sur son professeur de potions. Son visage était impassible et ses yeux la dévisageaient sans aucune once d’hostilité.  

Elle regarda à nouveau autour d’elle avant de murmurer :

— Où suis-je ?

Comme toute réponse, il s’empara de ses lèvres durant une fraction de seconde, coupant le souffle de la jeune fille. Le professeur se releva et fit quelques pas dans la pièce. Hermione avala une gorgée de son verre. Un liquide froid et insipide s’écoula doucement jusqu’au fond de sa gorge :

— Dans ma chambre, Miss Granger, répondit le professeur Rogue de sa voix doucereuse.

La jeune fille recracha ce qu’elle venait d’avaler sur une partie du lit.

— Et je vous serai reconnaissant de ne pas cracher sur mon lit, ajouta-t-il sur le même ton.

Son lit ?

La jeune fille se leva d’un bond, renversant une partie de son verre sur le sol. Les joues empourprées, elle ne savait plus où se mettre. Que faisait-elle dans la chambre du directeur des Serpentard ? Il contempla avec un certain amusement manifeste son air paniqué et effaré.

— Votre chambre ? s’écria-t-elle, le visage écarlate. 

Il la prit doucement par les épaules et la fit s’asseoir au bord du lit. Il saisit le verre et le déposa sur la table de chevet avant de prendre place à côté de la jeune fille.

— Ne paraissez pas si effarée, Miss Granger, dit-il d’une voix douce. Rien ne s’est passé de répréhensible, je peux vous l’assurer. Vous vous êtes endormie contre moi dans le couloir et je vous ai portée jusqu’à la tour de Gryffondor où la Grosse Dame n’a rien voulu entendre — me crachant au visage de vous porter « dans les cachots lugubres et malsains de Serpentard ». Je n’ai malheureusement pas eu la chance de croiser un de vos congénères.

— Vous avez décidé de me porter... jusqu’à vos appartements ? finit Hermione abasourdie en regardant autour d’elle d’un air nerveux. Mais pourquoi ne pas avoir réveillé le professeur McGonagall ?

— Miss Granger, avez-vous une idée de l’heure qu’il peut être ?

— Non, professeur. Je ne sais pas du tout.

— Il est..., commença le professeur en levant son bras gauche, retirant doucement le bout de sa manche révélant une montre au cadran blanc. Une heure et quarante-sept minutes du matin. Je doute que votre directrice de maison apprécie de savoir que vous avez passé la soirée à dormir dans les cachots.

— Mais... mais on va se demander où j’étais, non ? s’enquit Hermione de moins en moins rassurée.

— Bibliothèque ? murmura le professeur de potions en haussant un sourcil.

— Oui…, oui sans doute, marmonna-t-elle en regardant ses chaussures. Cela me semble… logique. 

— Miss Granger, comprenez-moi bien. Je ne compte pas vous garder ici. J’attendais que vous vous réveilliez pour que vous puissiez retourner dans votre dortoir. Je veux bien vous couvrir pour justifier que vous avez passé un long moment dans la bibliothèque après nos cours pour vos devoirs et que vous n’avez pas fait attention à l’heure.

Elle se leva, dépoussiéra du bout des doigts sa robe de sorcière avant de se figer.

— Professeur, attendez. Je ne comprends pas bien. Vous... vous..., bredouilla-t-elle en tortillant ses doigts, en évitant soigneusement son regard.

— Oui, Miss Granger ?

— Dans votre bureau... vous... m’avez dit que... enfin... j’avais compris que…

Hermione ferma les yeux un moment pour se donner courage avant de les poser sur le maître des potions.

 — J’avais compris que vous ne vouliez plus me voir.

Il soutint son regard, le visage toujours impassible, avant de se lever à son tour.

— J’ai dit que je ne voulais plus que vous remettiez les pieds dans mon bureau, murmura-t-il en croisant les bras. Pas que je ne voulais plus vous revoir.

Comme toute réponse, la jeune fille hocha vivement la tête, sentant les larmes lui revenir. Elle afficha néanmoins un sourire timide au directeur de Serpentard.

— Il appert cependant que vous me devez des explications.

Nous y voilà.

— À quel propos, professeur ?

Il la toisa, un sourire crispé aux lèvres :

— Pourquoi ne pas m’avoir raconté votre problème avec Potter devant la bibliothèque ? lança-t-il avec amertume. C’est quelque chose d’assez grave pour être signalé.

Elle baissa les yeux et se mordit les lèvres. Comment lui expliquer qu’elle pensait que Harry n’était pas du tout dans son état normal ? Peut-être que le survivant voulait réellement des explications de la jeune fille sur ce qui se passait. Peut-être avait-il cru qu’elle lui cachait les choses, car elle ne lui faisait pas confiance. Et, sans doute, Hermione se refusait de croire ce que tous les indices révélaient sur les véritables intentions de son meilleur ami. 

Malgré cela, elle savait pertinemment bien qu’elle aurait dû tout expliquer au directeur de Serpentard à la seconde même où elle était entrée dans ce bureau sombre et froid. Elle se sentait terriblement idiote.

Devant son silence, le professeur de potions insista d’un ton sec :

— J’attends, Miss Granger.

— Je... je ne savais pas comment... enfin... vous savez…, murmura-t-elle, en étouffant ses sanglots naissant le mieux qu’elle pouvait.

— Miss Granger, répéta-t-il d’une voix douce. Je vous parle en tant que votre professeur. Harry Potter s’est jeté sur vous, n’est-ce pas ?

— Oui, mais...

— Il vous a embrassée de force, n’est-ce pas ?

— Oui, mais...

— Vous avez senti que vous étiez en danger et que vous deviez partir très loin, n’est-ce pas ?

— Oui, mais...

— Dans la bibliothèque, il vous a bloquée, vous obligeant à vous enfuir ?

— Oui, mais...

— Il vous a proféré des menaces, n’est-ce pas ?

— Oui, mais...

— Il a essayé de vous faire... peur... n’est-ce pas ?

Les derniers mots furent prononcés dans un souffle. Elle leva les yeux ruisselants sur lui.

— Je suis sûre que Harry n’était pas dans son état normal, c’est tout, confessa-t-elle.

Il fit quelque pas dans la salle :

— Et quand votre ami est dans cet état, cela lui donne le droit de sauter sur une élève de la sorte ? répliqua-t-il sarcastiquement. Ne lui cherchez pas d’excuses, Miss Granger.

— Je ne lui cherche pas d’excuses, professeur ! s’offusqua la jeune fille.

— Et que venez-vous de dire ? « Je suis sûre que Harry n’était pas dans son état normal ». Si vous n’appelez pas cela une excuse..., rétorqua-t-il avec mépris.

— De toute manière, qu’est-ce que cela peut bien vous faire ? s’emporta Hermione, sentant la rancœur l’envahir cette fois. Vous m’avez explicitement fait comprendre que vous vous fichez de savoir qui je bécote... Du moment que je ne vous souillais pas avec leurs microbes. Et maintenant, vous me faites une... une scène de jalousie ?!

D’un geste brusque, il la plaqua contre le mur et la jambe gauche de la jeune fille s’érafla sur le coin de la table de chevet. Elle étouffa un cri, et dans un souffle, les yeux brillants, Rogue murmura :

— Est-ce maladif chez vous, petite sotte, de comprendre ce que vous voulez comprendre ?

— Et que dois-je comprendre alors, professeur ? pesta-t-elle, la jambe douloureuse.

— Que les choses sont différentes, dit-il simplement.

— Différentes ? Différentes en quoi ? continua la jeune fille avec mauvaise humeur. Vous découvrez la scène avec Harry dans mon esprit. Vous m’accusez à tort, vous pestez contre moi et me flanquez à la porte et qu’est ce que je dois comprendre, professeur ?

Elle le regarda avec mépris tandis que le visage du maître des potions redevint impassible.

— Je ne sais pas qui est le pire d’entre nous : vous ou moi ? susurra-t-il.

— N’essayez pas de faire de l’humour pour éviter de me répondre, professeur Rogue, trancha Hermione.

Elle plissa les yeux, tenta de calmer les battements effrénés de son cœur, la respiration sifflante :

— Et puis, qui êtes-vous pour me dire ce que je dois faire ? cracha-t-elle, acariâtre.

— Qui suis-je ? tempêta le professeur Rogue. Ma pauvre fille ! Vous me demandez qui je suis pour vous dire ce que vous devez faire ?

Encore un ton au-dessus et tout Poudlard était réveillé. Hermione pesta de nouveau, sans le quitter du regard :

— Vous arrivez là comme ça une nuit pour me demander de faire votre stupide et ridicule potion de je ne sais quoi ! Je me réveille effarée et déboussolée. Vous... vous... ne me remarquez même pas lors de la fabrication de la potion. Non. VOUS NE M’AVEZ JAMAIS REMARQUÉE ! Pour une raison qui m’est toujours inconnue, j’avale cette stupide potion au nom stupide de « Mula » sous les yeux de tout le monde dans votre stupide classe. Vous êtes là, à mon chevet, pour me faire un sermon sur le suicide. Vous refusez toujours de me dire pourquoi vous vouliez faire cette potion avec moi. Car je suis sûre, professeur, il y a bien une autre raison que celle que vous m’avez indiquée encore et encore. Et par-dessus le marché, vous semblez m’apprécier plus que vous ne le devriez. Ou peut-être est-ce une ruse ? Une nouvelle façon de torturer Miss je sais tout ? Et moi dans l’histoire ? Je ne sais même pas ce que je dois en penser ! Vous m’embrassez ! Vous me jurez que vous ne me détestez pas ! Alors… [des larmes de rages se mirent à couler à flots le long de son visage], vous me dites que tout doit rester secret, mais c’est au-dessus de mes forces, professeur. Vous êtes tantôt gentil tantôt exécrable avec moi. Si bien que j’en viens à penser que cela vous amuse. Et là… Harry a essayé de me faire des choses… et vous me donnez autant de réconfort qu’une théière ! Non, pire, vous me chassez de votre bureau en pestant contre moi. Je n’ai rien d’autre à faire que pleurer. Oui, encore et toujours. J’en ai plus qu’assez, professeur. Je passe le plus clair de mon temps à pleurer et à m’imaginer des choses à cause de vous. J’en ai marre de pleurer à cause de vous, professeur Rogue. 

Elle avait dit tout cela sans le quitter des yeux. Il semblait toujours impassible, mais elle le vit se mordre les lèvres. Il se dégagea d’elle et alla s’asseoir sur le lit. Il prit sa tête dans ses mains d’un geste las avant de poser les yeux sur la jeune fille :

— Vous avez fini, Miss Granger ? dit-il doucement. Ou dois-je attendre que vous arriviez à réveiller toute l’Angleterre pour vous donner des explications ?

Elle le toisa, croisa les bras avant de lui tourner le dos. Elle ne voulait même pas entendre ce qu’il avait l’intention dire. Elle n’était pas du tout intéressée. Tout ce qu’elle voulait était de partir de cette pièce, de retrouver son lit, ses devoirs, ses livres et qu’on lui fichait la paix. La journée ainsi qu’une partie de la nuit avaient été beaucoup trop longues et fatigantes. 

— Miss Granger, venez vous asseoir, invita le professeur Rogue sans élever le ton.

— Non, refusa sèchement la jeune fille sans se retourner. Je n’en ai pas envie.

Le maître des potions poussa un soupir d’exaspération.

— Miss Granger, si vous voulez que je vous donne des explications, venez vous asseoir près de moi.

— Je peux très bien entendre d’où je suis, répliqua-t-elle avec mauvaise humeur, toujours le dos tourné.

— Très bien, faites comme bon vous semblera.

— J’y compte bien.

— Vous êtes certaine de vous ?

— Totalement.

— Bien.

Un silence pesant s’installa entre les deux. Il ne fut rompu que lorsque le professeur prit la parole, cette fois-ci, plus doucement :

— La vérité, Miss Granger, c’est que ni vous ni moi, sommes conscients de ce qui se passe réellement.

Elle leva les yeux au ciel. Bah voyons. Tout et n’importe quoi.

— Dites les choses comme elles le sont, professeur, s’il vous plaît, maugréa la jeune fille. 

Il eut un silence puis :

— Nous avons préparé « Luna Mula » ensemble ce soir-là... comme vous me l’avez si gentiment rappelé. Et après ce jour-là, vous avez remarqué peut-être un changement non ? murmura-t-il.

— Un changement ? répéta la jeune fille incrédule en tournant la tête vers lui. Quel changement ? De quoi parlez-vous, professeur ? 

— Vous étiez plus nerveuse dans mon cachot alors que vous avez toujours été parfaite. Vous avez essayé de détruire votre travail alors que vous avez toujours préparé les potions d’une façon aussi parfaite qu’insupportable. Plus que tout, vous avez essayé d’attirer mon attention sur vous alors que vous préfériez que je vous ignore une fois le travail lancé, de peur que je prenne plaisir à enlever des points à Gryffondor. N’est-ce pas, Miss Granger ?

Elle ne répondit pas, baissa les yeux quelques instants et se retourna complètement vers le directeur des Serpentard. Elle devait reconnaître qu’avant toute cette histoire, elle se contentait de préparer sa potion et d’attendre la fin du cours, car elle savait pertinemment bien que le professeur Rogue ne se pencherait jamais sur son chaudron comme il le faisait plus qu’à raison sur celui de Harry ou du pauvre Neville. Le directeur de Serpentard ne lui avait jamais fait un seul commentaire. Il l’avait toujours ignorée, car il n’avait jamais rien eu à lui redire sur ses potions. Cependant, quand Hermione lui désobéissait — comme pour aider Neville ou même Harry — il ne pouvait que laisser échapper sa frustration et sa colère avec des propos et des remarques plus que cinglantes sur la capacité de la jeune fille à lui désobéir quand il s’agit d’aider un de ses camarades en grande peine.

La Gryffondor secoua la tête pour chasser ses pensées envahissantes. De toute façon, rien ne sera plus comme avant.

— Vous avez essayé d’attirer mon attention sur vous. Un regard, une remarque, un compliment. N’importe quoi qui vous aurez prouvé que je vous accordais un peu de mon temps et un peu de mes pensées. Cela ne vous met pas la puce à l’oreille ?

— Non, professeur, je ne comprends pas où vous voulez en venir avec tout ça, murmura-t-elle.

D’un mouvement lent, elle le rejoignit sur le bord du lit avant de croiser à nouveau les bras et les jambes dans la défensive.

— « Luna Mula ». Une potion en double. Dangereuse et redoutable potion, Miss Granger. Elle fait partie de la famille du « Veritaserum ». Elle n’est pas commune et est horriblement compliquée à préparer, car il faut deux personnes pour Luna et la personne — la victime en quelque sorte même si je n’aime pas ce terme — doit préparer la seconde partie. Jusque-là, vous me suivez ?

Elle hocha doucement la tête.

— La raison pour laquelle cette potion fait partie de la famille du « Veritaserum » est qu’elle révèle un talent, une compétence cachée chez celui qui la prend complètement. Quelque chose que l’on cache au plus profond de soi. La face cachée de la Lune, Miss Granger.

— En quoi cela me concerne-t-il ? Je ne pense pas cacher quoi que ce soit. Vous avez dit aussi que cette potion « sentirait » si on tente de la rater délibérément. Qu’il fallait la prendre de manière correcte, car la seconde partie était un poison seul. Au-delà de cela, professeur, je ne comprends pas ce que tout cela a avoir avec moi.

— Miss Granger, comprenez-moi bien. Vous n’avez pas pris cette potion. Pas convenablement, du moins. Je n’ai pas avalé une seule goutte de cette potion en ce qui me concerne. Cela dit…

— Oui, professeur ? pressa Hermione, sentant une boule d’angoisse se former au creux de son ventre.

Le professeur Rogue la dévisagea intensément, cherchant ses mots. 

— Je ne peux expliquer pourquoi cela s’est produit. Je ne peux que constater ce qui s’est passé. Le fait que vous prépariez cette potion avec moi… Cette potion « Luna » n’en a fait qu’à sa tête. Elle a agi sur nous d’une façon improbable. Normalement, les personnes qui la préparent ne sont pas affectées par cette potion ou même que très très faiblement par les émanations. 

— Vous n’allez tout de même pas me faire croire que c’est « Luna » qui m’a poussé dans vos bras ?! s’exclama Hermione.

— Vous dans les miens, moi dans les vôtres…, soupira-t-il. C’est pour cela que je vous ai dit tout à l’heure que j’avais fait une erreur de préparer cette potion avec vous. 

— Vous ne m’aimez pas vraiment, n’est-ce pas ? Vous êtes comme... sous un philtre d’amour ? Et… moi aussi ? Vous réalisez dans quelle situation cette potion nous a mis ? Est-ce que tout ce que nous avons vécu n’est qu’illusion ? Tout cela n’était pas réel ? Ce moment dans votre bureau, dans votre classe, derrière la cabane hurlante… Tout cela ne compte pas ? Cela n’a jamais compté ? 

Elle lui afficha un air si désespéré que le professeur Rogue en fut presque peiné :

— Non, Miss Granger. Vous avez pris « Luna » après « Mula », ce qui a annulé la potion en elle-même. Et si j’ai... voulu préparer cette potion avec vous...

— Vous vouliez un coup de pouce ? murmura-t-elle. Quelque chose qui pourrait m’attirer vers vous, c’est cela ?

Elle n’était pas fâchée, bien au contraire. Elle commençait à comprendre. Tout comprendre.

— Tout comme vous sous l’influence de « Luna », j’ai essayé d’attirer votre attention.

Cet aveu le fit se lever du lit et arpenter la pièce.

— Pensez ce que vous voulez, Miss Granger. Il appert cependant que ni vous ni moi ne sommes encore sous son influence. Quand je vous déclare que je ne vous déteste pas, c’est on ne peut plus sincère. Je le réitère en cet instant : je ne vous déteste pas. 

Elle n’arrivait pas à le croire. Depuis le début, depuis tout ce temps, son professeur avait un faible inavoué pour elle ? Les sentiments… étaient donc réels ?

— Je vous ai choisie pour cette potion, car je pouvais vous faire confiance. Je savais que la potion serait parfaite. Plus vous étiez là à couper les ingrédients avec la même détermination que j’affichais, plus j’espérais au fond de moi que je pourrais toucher quelque chose qui m’était interdit, Miss Granger… Miss Granger ? 

La jeune fille affichait un sourire timide, les larmes aux yeux. Ce n’était pas des larmes de rage, de colère ou de tristesse. C’était des larmes de soulagement. Elle se sentait beaucoup plus légère, heureuse et soulagée. Après tout ce temps, elle comprenait enfin ce qui se passait. Ils étaient tombés amoureux l’un de l’autre et « Luna Mula » n’a été qu’un déclencheur. Une sorte de prétexte pour les réunir. Une aide.

N’était-ce pas de la triche de tomber amoureux de la sorte ? Et si Hermione avait aimé quelqu’un d’autre au même moment, que serait-il arrivé ? La potion aurait-elle fait en sorte qu’elle oublie la première personne pour se rapprocher du professeur Rogue ? 

Très lentement, la jeune fille se leva du lit et se colla contre son professeur. Elle respira doucement son odeur, sa chaleur avant de lui enlacer le cou, le menton sur son épaule.

— C’est la plus belle déclaration d’amour qu’on m’ait jamais faite, murmura-t-elle.

Il lui enveloppa les épaules, la serrant fort contre lui. Il lui caressa les cheveux, les couvrant de baisers. Hermione afficha le plus beau sourire qu’elle possédait. Ce n’était pas une si mauvaise journée après tout. Un peu longue et fatigante, mais pas si horrible que cela. Une matinée à angoisser, un début d’après-midi un peu sportif, une après-midi enjôleuse, une soirée mouvementée et une nuit magnifique.

Attendez une minute. Une nuit ?

La jeune fille se dégagea un peu trop rapidement de son professeur bien malgré elle. Sous l’œil perplexe du maître des potions, la jeune fille prit sa tête entre ses mains et se mit à arpenter la pièce en parlant toute seule :

— Si jamais… Oh non… je n’ai pas encore étudié les runes pour la semaine prochaine... Hum le devoir de potions je peux le faire demain après midi, oui, après avoir peaufiné le devoir de métamorphose. Ha ! Je n’ai pas encore fait celui d’astronomie, il faut absolument… deux rouleaux et peut-être encore plus. Heu…

— Miss Granger ? lança le professeur Rogue.

— Oh non… le devoir pour Binns… je l’avais complètement oublié.

— Vous êtes sûre que ça va, Miss Granger ?

Elle lui fit volte face, la mine déconfite :

— Je m’en rends compte qu’avec tout ça, ne le prenez pas mal, je n’ai pas fait le huitième du travail qu’on m’a demandé.

Contre toute attente, le professeur Rogue éclata de rire. La jeune fille rougit jusqu’aux oreilles, tripotant à nouveau ses doigts.

— Voulez-vous que je vous aide à rattraper votre retard, Miss Granger ? demanda-t-il en souriant.

Elle écarquilla les yeux avant de secouer vivement la tête. Elle était fatiguée et une tonne de devoirs l’attendait en dessous de son lit. Elle ne savait pas ce qu’elle devait répondre exactement. Oui, ça lui fera plaisir bien entendu. Ils passeront du temps ensemble à la bibliothèque ou autre. Elle n’aura pas peur que Harry revienne lui sauter dessus. D’un autre coté, peut-être qu’elle pourra en profiter pour avoir une explication avec lui.

Elle avait cependant besoin de beaucoup de sommeil pour récupérer de la journée. 

— Heu… enfin…, bégaya-t-elle. Je ne suis pas sûre… Je suis vraiment très fatiguée.

— Il est tard, en effet.

La jeune fille se sentait à la fois embarrassée et ridicule. Elle venait d’assister à la plus belle déclaration d’amour de sa vie et elle ne pouvait pas s’empêcher de tout ramener à ses devoirs, à ses études. Pour l’heure, elle avait besoin d’une bonne nuit de sommeil. Elle avait encore tout un tas de devoirs à rédiger et elle avait promis aux garçons de les aider. Certes, elle évitera comme la peste Harry pour le moment — à moins qu’ils ne fussent à plusieurs dans la salle commune —, mais elle aidera quand même Ron. D’ailleurs, elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander comment il réagirait si elle lui racontait ce qui s’était passé. Peut-être était-il déjà au courant ? Peut-être qu’il dira qu’Hermione avait rêvé ou qu’elle avait eu affaire à Malefoy, sous Polynectar. C’était très compréhensible de sa part de vouloir « protéger » Harry Potter. 

Le célèbre Harry Potter… Elle comprenait un peu mieux la signification de la moquerie de Malefoy : Saint Potter. C’était évident que personne ne pourrait la croire à moins de recouvrir à la légilimancie ou à un sérum de vérité. Personne ne pourra la croire que le survivant avait osé faire une chose pareille à sa meilleure amie. Une bonne couverture en somme. Pire, on pourrait lui reprocher d’être la fautive dans cette histoire ! Elle n’avait pas à s’amouracher d’un professeur de Poudlard et Harry n’aurait pas réagi de la sorte. Peut-être était-il simplement jaloux ? Était-il possible que le jeune Potter eût perdu la raison simplement parce qu’il ne supportait pas qu’Hermione fût avec quelqu’un ? L’année dernière, Ron avait semblé profondément blessé qu’Hermione sortît avec Krum. Peut-être que cette année-ci, c’était au tour de Harry Potter ? Et que cette jalousie l’avait rendu complètement aveugle et qu’il ne s’était pas rendu compte de ses actes ?

Ou peut-être que la jeune fille lui cherchait trop d’excuses et refusait de voir la vérité en face. Harry Potter, le garçon qui avait survécu, avait tenté de la violer à même le sol devant la bibliothèque.

Et si c’était un tour de la potion ? Si Harry était devenu comme cela à cause de cette stupide potion ? Si son but avait été de rapprocher la jeune fille du professeur, peut-être que cela devait passer par l’éloignement et la colère du survivant ? Non, c’était impossible. Harry semblait vouloir les séparer à tout prix. Cela n’aurait pas de sens. 

Tout ceci n’avait aucun sens.

L’hilarité soudaine passée, Hermione reprit son sérieux. Elle alla s’asseoir de nouveau sur le bord du lit, suivie presque aussitôt par le directeur des Serpentard. Il lui passa un bras autour de la taille la jeune fille posa la tête sur son torse. Ils restèrent un long moment comme cela sans bouger, Hermione fixant un point sur le sol, Rogue ayant le menton reposé sur la chevelure chocolatée de cette dernière. Cette proximité si apaisante commença à assoupir la jeune fille. Sentant le sommeil l’envahir de plus en plus, elle se dégagea doucement avant de s’étirer.

— Vous devriez retourner dans votre tour, Miss Granger, murmura le Serpentard.

— Hum hum, fit la jeune fille, ce qui ressemblait à un « oui ».

Elle se laissa tomber sur le côté, le visage dans le coussin. Elle se mit en position fœtale, sentant le sommeil la gagner de plus en plus. Une bonne nuit de sommeil bien mérité en perspective.

— Miss Granger, je désapprouve votre idée de rester dans ce lit, chuchota le professeur d’une voix qui se voulait ferme.

— Hum hum, répéta la jeune fille sans conviction.

Elle l’entendit soupirer et se lever avant de faire quelques pas dans la pièce. Aucun de ses muscles n’avait envie de bouger. Elle se sentait si bien, si heureuse et si fatiguée à la fois. Fatiguée mentalement et physiquement. 

Il prit place à nouveau au bord du lit. Il pouvait s’énerver et la jeter dehors en bon Serpentard qu’il était. Il pouvait tout aussi bien lui enlever cinq points par seconde passée allongée dans ce lit. Il pouvait tout aussi bien rester là, à ne rien faire, juste à la contempler dormir. Elle était presque complètement endormie quand elle sentit qu’on prenait place à côté d’elle. Des bras puissants lui entourèrent les hanches et bientôt, un souffle chaud lui caressa la nuque. Elle sourit avant de se retourner et se lover contre le professeur de potions. Elle lui entrelaça les jambes délicatement avec les siennes enfouit son visage dans son cou. Il lui souffla à l’oreille d’un ton qui se voulait malicieux :

— À la première heure, je vous mets dehors, Miss Granger.

— Votre faute, professeur, murmura-t-elle. Vous n’aviez qu’à me porter jusqu’aux appartements ou bureau du professeur McGonagall…

Avant même que le directeur de Serpentard eût pu lui répliquer quelque chose, la jeune fille se laissa aller au sommeil.

Hermione Granger se réveilla doucement ce matin-là. Elle s’étira en long et en large en bâillant à s’en décrocher la mâchoire. Elle ramena son avant-bras sur son front avant d’ouvrir les yeux. La pièce à la lumière du jour était moins sinistre et moins stricte que la veille. Les murs étaient tapissés de vert foncé. Une porte, qui était légèrement entrouverte, se trouvait sur le mur à droite de la jeune fille. 

Sur le mur où était appuyé le lit, une autre porte, cette fois-ci fermée. En face de cette même porte, la pièce continuait et des rayons de soleil baignaient le sol à cet endroit. Sur le bureau en face du lit de la jeune fille, des livres étaient déposés çà et là. Elle en reconnut qu’un seul : le livre pour le cours de potions, niveau de deuxième année.

Elle était seule dans le lit. Le professeur Rogue ne semblait pas être dans la pièce. Quelle heure était-il ? Elle regarda mécaniquement sa montre : sept heures et demie du matin. Elle avait dormi très peu certes, mais très bien. 

Elle était agréablement surprise d’être encore dans cette chambre. Elle aurait pu tout aussi bien se réveiller dans le froid dortoir des filles, à entendre glousser Lavande et Parvati. Elle referma les yeux, le sourire aux lèvres, savourant les odeurs et les quelques bruits de la chambre du professeur Rogue. 

Elle était à deux doigts de se rendormir quand quelqu’un entra par la porte située près de son lit avant de la refermer aussitôt. La jeune fille rouvrit les yeux instantanément, se tournant sur le côté. Le professeur Rogue semblait avoir la mine des mauvais jours. Il portait sous le bras des parchemins qu’il déposa sur son bureau à côté des livres, sans lancer un regard à la jeune fille. Cette dernière se mit en appui sur les coudes :

— Bonjour, professeur !

Il s’arrêta net dans la pièce, se tourna vers elle comme s’il avait oublié qu’elle était là :

— Bonjour, Miss Granger, murmura-t-il.

Son teint s’adoucit, sans pour autant lui afficher le moindre sourire. La jeune fille se laissa glisser hors du lui. Elle s’étira derechef.

— Vous avez bien dormi ? demanda-t-elle sur le ton de la conversation.

— Assez, répondit-il en se tournant de nouveau vers la porte. Vous devriez descendre prendre votre petit-déjeuner. Sortez par cette porte, prenez le couloir sur la droite, descendez un escalier puis partez vers la gauche pour vous retrouver près de votre classe de métamorphose. Vous retrouverez votre chemin toute seule après cela.

— J’ai très faim en effet, avoua-t-elle comme si elle n’avait retenu que le quart de ce qu’il avait dit.

Elle se faufila dans les bras du professeur de potions, posant la tête sur sa poitrine. Jusqu’à maintenant, elle ne s’était jamais posé la question si elle aimait ce genre d’étreinte le matin. Elle était certaine d’une chose : elle éprouvait le besoin de serrer le professeur dans ses bras. 

— Miss Granger, j’ai beaucoup de travail. J’ai les devoirs des deuxièmes à corriger et ceux pour le professeur Lupin. Si vous voulez, je vous retrouverai à la bibliothèque plus tard en journée afin de vous assister pour vos devoirs comme je vous l’avais proposé.

— Non, ça va aller, professeur, assura-t-elle en levant la tête vers lui. Je pourrai me débrouiller, mais merci.

Il lui caressa affectueusement les cheveux.

— Vous corrigez aussi les devoirs de défense contre les forces du mal ? s’enquit Hermione pour relancer la conversation.

— Seulement quand le professeur Lupin me le demande, répondit-il dans un murmure.

— Et vous acceptez ?

— Miss Granger, je le remplace quand il a son… » problème », vous comprenez. C’est normal que je le fasse ; bien que les intitulés de cours me laisseront toujours quelque peu perplexe.

Hermione gloussa. Il leva les yeux au ciel, ce qui renforça le rire de la jeune fille.

— Désolée, s’excusa-t-elle, le sourire aux lèvres. Bien ! À propos des cours d’Occlumancie, une nouvelle date ?

Il parut réfléchir à la question :

— Je vous communiquerai la date plus tard. Ce n’est pas une priorité. J’ai beaucoup de travail. Et vous aussi.

Elle se dressa sur la pointe des pieds et l’embrassa délicatement. Il posa la main droite sur la joue de la jeune fille pour répondre au baiser. Quand ses pieds lui firent trop mal, elle rompit le contact. Rougissant légèrement, elle marcha jusqu’à la porte, se massant le bras droit.

— Donc, à tout à l’heure, professeur, dit-elle le dos tourné, le sourire aux lèvres.

— Oui, Hermione, répondit-il d’une voix douce.

Elle s’arrêta à un mètre de la porte. L’entendre prononcer son prénom n’était pas commun. Cela lui faisait toujours une drôle d’impression. Cela ne faisait que renforcer l’idée qu’ils étaient maintenant intimes. Peut-être devait-elle aussi l’appeler par son prénom ? Elle avait essayé devant la cabane hurlante avant de lamentablement échouer. Un jour, peut-être, cela sortira tout aussi naturellement que cette étreinte de bon matin.

Elle se tourna vers lui et lui sourit avant de sortir. Il lui rendit son sourire plus timidement avant de se mettre au travail et de corriger les parchemins.

La jeune fille se sentait si légère qu’elle avait l’impression de flotter. Elle n’avait jamais ressenti ça pour quelqu’un. Elle ne pouvait pas s’empêcher d’éprouver un peu de peine de Krum. Elle s’était bien reposée dans ce grand lit bien que la nuit eût été très courte. Elle avait envie de sauter, de courir partout en criant à qui voulait bien l’entendre qu’elle était heureuse. 

Certes, elle avait une tonne de devoirs à faire. Certes, elle risquait de devoir supporter les gloussements de Parvati et Lavande à propos de son absence dans le dortoir. Et, certes, il y avait Harry. Elle n’avait aucune once d’idée de comment elle était censée le gérer. Elle n’avait pas envie d’y penser. Pour l’heure, elle se sentait heureuse et c’était tout ce qui comptait pour elle.

Elle arriva devant la salle de classe du professeur McGonagall. Elle soupira longuement avant de se diriger vers la Grande Salle pour prendre son petit-déjeuner et, ensuite, se glisser dans un grand bain bien chaud. Elle en avait besoin.

La Grande Salle était presque vide quand elle y entra. À la table des Gryffondor, Neville, Ron, Ginny et quelques autres Gryffondor d’années inférieures prenaient leur petit-déjeuner. Elle enjamba le banc pour se mettre à côté de Neville qui avait le teint livide, juste en face de Ron qui bâilla en s’en décrocher la mâchoire. Ginny mangeait des céréales, le nez dans un bouquin. Quant à Neville, il observait avec appréhension son bol de lait.

— « jour, “Mione, lança Ron, la voix exténuée.

— Bonjour Ron, salua l’intéressée, le sourire aux lèvres.

Elle se versa des céréales dans son bol tandis que Ginny tourna une page de son livre.

— Tu m’aideras, hein ? Pour le devoir de potions, murmura Ron, le nez dans son bol.

— Et… et moi aussi si tu veux bien, murmura Neville d’une voix tremblante.

— Pas de souci, répliqua la jeune fille en se versant du lait.

Le visage de Ron s’illumina comme si on l’avait dispensé d’examens de fin d’années :

— Oh Hermione, tu es la plus géniale, la plus merveilleuse, la plus…

— … bonne poire ? tiqua Ginny en levant un œil.

Ils éclatèrent de rire en voyant la tête de Ron plutôt vexé. Hermione commença à manger ses céréales tandis que Ginny referma son livre d’un coup sec. Bientôt les élèves se hâtèrent dans la Grande Salle ainsi que les professeurs. 

Le professeur Dumbledore était déjà en train de manger quand Hermione était arrivée. Le professeur Flitwick arriva avec le professeur McGonagall en grande conversation à propos des souris sucrées. Le professeur Sinistra, Chourave et Lupin — qui avait les traits tirés — les suivirent de près. Le professeur Rogue ferma la marche. Il passa tout près d’Hermione si bien qu’elle crut un instant qu’il lui avait caressé subtilement les cheveux. Ce ne fut cependant que sa cape flottante derrière lui.

Un peu plus tard, avec la mine sinistre, Harry prit place à côté de Ron, qui discutait avec Hermione du cours de défense contre les forces du mal. Ron n’était pas enjoué à l’idée que cette semaine, Rogue assurait le cours.

— Je sens qu’il va nous sortir un chapitre au fin fond du manuel comme la dernière fois, maugréa-t-il. Et adieu les travaux pratiques.

— Oh, Ron, ce n’est pas si terrible que ça, lança Ginny, irritée. Il ne fait pas ça par bon cœur non plus.

— Pas par bon cœur ? On voit bien que tu ne l’as jamais eu comme professeur de défense contre les forces du mal ! s’écria le rouquin. Tout le monde sait qu’il préférait mille fois donner ce genre de cours. 

— Moi, du moment qu’il ne nous colle pas des sortilèges impardonnables…, murmura Neville le teint livide. Vous vous souvenez de Maugrey, non ?

— Ce n’était pas vraiment le professeur Maugrey, tu sais, calma Hermione d’une voix douce.

— Bonjour, Hermione, fit soudain Harry.

Tout le monde se tourna vers lui, ainsi que Neville. Le jeune Potter n’avait jamais eu cette voix si ténébreuse. On aurait dit qu’il allait annoncer la fin du monde, un suicide, une guerre ou une damnation. Hermione se força de prendre une mine décontractée malgré le sourire assez désagréable que lui affichait son ami. Ron répliqua à Harry, passablement énervé :

— Je peux savoir où tu étais hier soir.

— “me suis baladé, murmura-t-il sans quitter Hermione du regard, gardant son sourire quelque peu malsain.

Hermione se sentit si mal à l’aise qu’elle laissa retomber sa cuillère dans son bol, se leva précipitamment :

— Tu viens, Neville ? Je vais t’aider pour ton devoir de potions, lui lança-t-elle d’un ton avenant. Ron, si tu veux nous accompagner, tu es le bienvenu.

— D’accord, bégaya Neville en se levant à son tour.

— Tu viens, Harry ? demanda le rouquin en mettant de l’ordre devant lui.

— Non, merci… j’ai une faim de loup ainsi que beaucoup de choses à faire après…, répondit-il en suivant Hermione des yeux, ce sourire désagréable dessiné sur les lèvres, un rictus qui faisait froid dans le dos. Je pense que je viendrai sans doute tout à l’heure.

Le petit groupe de Gryffondor accompagné de Ginny sortit de la Grande Salle. Le survivant n’effaça pas son sourire quand il beurra une biscotte d’un geste lent. Quand il en eut pris deux bouchées, Parvati et Lavande prirent place devant lui en gloussant.

—… et il n’arrêtait pas de dire : elle est beaucoup trop ‘rousse’ pour moi. On dirait qu’elle a les cheveux en feu ! commenta Lavande à son amie, les yeux pétillants.

— Bonjour les filles, lança Harry d’une voix chaleureuse.

Les deux jeunes filles se tournèrent vers lui en gloussant de nouveau.

— Bonjour Harry ! firent-elles en chœur.

— Dis, dis, tu sais où était Hermione hier soir ? s’empressa de demander Lavande, avide de potins.

— Elle n’a pas dormi dans son lit, cette nuit, précisa Parvati d’une mine faussement triste. On s’est fait beaucoup de soucis pour elle ! 

Le sourire de Harry s’élargit :

— Oh, ne vous en faites pas. Elle était avec son ‘copain’, les filles, voyons ! fit-il comme si c’était la chose la plus normale du monde. Un peu de jugeote.

Elles gloussèrent à nouveau, se tournant l’une vers l’autre pour se murmurer. Harry prit une gorgée de jus de citrouille avant de se refaire assaillir de questions :

— Elle a passé la nuit avec lui ? demanda Lavande, les yeux pétillants de curiosité.

— Et tu sais c’est qui pour finir ? enchérit Parvati.

Harry Potter posa doucement son verre sur la table, à côté de son assiette. Il se remémora la scène dans la bibliothèque, puis celle avec le professeur Rogue. Il connaissait les risques. Plus il y réfléchissait, plus son sourire s’élargissait. Après tout, il n’était pas celui qui risquait de tout perdre. 

Il prit une mine faussement mystérieuse :

— Non, c’est un secret, les filles. Je peux rien vous dire.

— Allllleeeeezzz Harrryyyy chériiiiiii, supplièrent Lavande et Parvati en chœur. Dis-nous tout !

— Venez près de moi les filles, murmura-t-il.

Les deux jeunes filles firent rapidement le tour de la table et se mirent de part et d’autre de Harry Potter qui leur enserra les épaules. Il se pencha légèrement afin que personne d’autre ne puisse l’entendre et souffla :

— Vous me promettez de ne rien dire ?

Autant demander à Hagrid de ne pas acheter une créature dangereuse, mais qu’il trouverait totalement mignonne de son point de vue. Il savait pertinemment bien que les jeunes filles étaient incapables de tenir ce genre de secret et qu’elles comptaient tout répéter à la moindre occasion. Elles le regardèrent avec les yeux pleins d’envie : 

— Oui ! susurra Lavande.

— Promis, assura Parvati avant de glousser.

— En fait, Hermione est une grande cachottière, vous voyez, fit Harry pour perdurer son propre plaisir mesquin.

— Elle sort avec un Serdaigle ? tenta Lavande.

— Non, avec ce gars de Poufsouffle là je crois, ajouta Parvati pensive. Un gars blond et qui est très maladroit. Il lui avait demandé de lui passer quelque chose en botanique la dernière fois.

Le sourire de Harry ne s’estompa pas. Il se baissa un peu plus, les rapprochant de lui :

— Vous n’y êtes pas du tout, les filles.

Ces dernières ne purent s’empêcher de glousser à nouveau tandis que Harry continua dans sa lancée en détachant chaque mot et en regardant intensément ses deux comparses : 

— Hermione Granger ne sort pas avec un élève.

Elles écarquillèrent les yeux, ne comprenant pas du tout où le survivant voulait en venir. Ce dernier ajouta dans un souffle : 

— Et elle sort avec un Serpentard.

Fier de l’effet qu’il avait obtenu en voyant les deux jeunes filles figées sur place et pendues à ses lèvres, il termina avant de retirer doucement ses bras de leurs épaules :

— Vous voyez de qui je veux parler, n’est-ce pas ?

— Hermione sort…, commença Lavande, le sourire aux lèvres.

—… avec le professeur Rogue ? acheva Parvati, le souffle coupé.

D’un geste théâtral, le jeune Harry acquiesça, leur lança un clin d’œil complique avant de prendre un peu de son jus de citrouille. Les deux jeunes filles s’échangèrent un regard avant de glousser. Parvati changea de place pour se mettre à côté de son amie.

— Alors… c’était ça, l’écharpe de Serpentard ? murmura Lavande.

— Et tu as vu comment il la regardait en classe ou dans les couloirs parfois ? fit son amie sur le même ton.

Du coin de l’œil, portant le verre à ses lèvres, Harry observa la grande table des professeurs. Dumbledore et Rogue étaient en train de discuter. Il devait reconnaître qu’il avait eu la peur de sa vie en découvrant l’expression de colère et de haine du directeur de Serpentard dans la bibliothèque. Les mots de ce dernier résonnaient encore dans son esprit. Cependant, le survivant ne pouvait pas s’empêcher de penser qu’il n’avait pas grand-chose à perdre dans cette histoire. Même s’il se faisait expulser pour son comportement envers Hermione, qu’il devait alors retourner chez son oncle et sa tante pour le reste de sa scolarité, le mal était déjà fait.

Et Harry ne prendra pas la porte tout seul.

Le sourire toujours aux lèvres, le jeune Potter finit sa biscotte, avant de se lever, laissant ainsi les deux commères bavarder entre elles. 

Avec Parvati et Lavande, toute l’école sera informée en moins de vingt-quatre heures. 

Et cette fois-ci, ce ne sera bien plus qu’une simple rumeur.

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