Filament de lune

Chapitre 2 : Un seul être vous manque...

1879 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 05/05/2020 23:23

Hermione n’avait pas adressé la parole à Ron depuis presque trois semaines.

Et pour cause ! Non seulement elle n’avait toujours pas digéré leur dernière altercation mais, pour couronner le tout, elle avait eu le déplaisir d’apprendre que Ron faisait finalement équipe avec son ex-petite amie : cette peste de Lavande Brown ! C’en était trop pour Hermione. Elle se sentait humiliée, bafouée. Elle qui s’attendait à de plates excuses de la part de Ron était de nouveau confrontée à sa rivale. Cette situation lui paraissait inconcevable. Si Ron n’était pas capable de prendre ses responsabilités, pourquoi se donnerait-elle de la peine pour lui ?

Hermione avait beau essayer de lui trouver des circonstances atténuantes, elle n’y parvenait pas. Chaque fois qu’elle pensait à Ron, qu’elle voyait son visage, ou entendait sa voix, une profonde colère s’emparait d’elle. Rien à faire. Cette fois, elle lui en voulait vraiment énormément.

Mais l’attitude déplaisante de Ron n’était pas l’unique raison du trouble qui s’emparait, jour après jour, de Hermione. A mesure qu’elle passait du temps avec Malefoy, elle apprenait à le connaître, et le découvrait peu à peu sous un jour nouveau. A contrecœur, elle avait été forcée de reconnaître que Malefoy n’était pas cet être fat et mesquin qu’elle avait toujours détesté et qui, jusqu’ici, le lui rendait bien. En vérité, il était le premier, après Viktor Krum, à se montrer aussi prévenant avec elle, loin des regards condescendants de leurs camarades.

Elle avait du mal à s’expliquer ce brusque revirement. Lui qui l’avait toujours publiquement vilipendée se gardait bien de la traiter de « Sang de Bourbe » désormais. Malefoy l’appelait sobrement « Granger », dorénavant… Un petit pas pour le monde magique mais un énorme pour ma vie sociale, avait pensé la jeune fille avec un sourire.

Et, bien qu’elle s’en défendît corps et âme, elle ne pouvait se cacher qu’elle était sensible au nouveau visage que lui présentait Malefoy. Si, en public, il continuait d’afficher un orgueil de façade, lorsqu’ils étaient seuls tous les deux, il n’était plus le même et changeait du tout au tout. Contre toute attente, il avait appris à rire et à disserter avec Hermione, et se montrait plein d’attention à son égard. Avec elle, il semblait s’ouvrir davantage, loin de l’influence de son père. Bien qu’ils n’en parlent pas encore ensemble en ces termes, Hermione sentait confusément que Malefoy commençait à en pincer pour elle…

Elle n’avait fait équipe avec lui que pour faire enrager Ron et le confronter à l’un de ses défauts majeurs : une jalousie maladive, doublée d’une mauvaise foi certaine. Mais, à présent qu’elle se retrouvait prise à son propre piège… elle ne pouvait nier qu’elle y prenait un certain plaisir.

Bien qu’elle ait refusé catégoriquement d’en parler à Harry, avec lequel elle était en très bons termes malgré sa brouille avec Ron, le changement subtil qui s’opérait chez elle n’avait pas échappé au jeune homme. Intuitif, Harry était persuadé que quelque chose se tramait entre Malefoy et sa meilleure amie. Bien qu’il ait sincèrement envie de se réjouir pour Hermione, il se méfiait depuis toujours de Malefoy, et l’idée que son ennemi naturel préparait certainement un mauvais coup ne le quittait pas. Il soupçonnait que celui-ci fut capable de se rapprocher de Hermione à des fins nuisibles. En revanche, il savait son amie bien trop intelligente pour tomber dans un piège aussi grotesque, aussi se refusait-il à s’immiscer dans leur histoire. Ce qui chagrinait le plus Harry, au fond, c’est qu’il n’avait jamais imaginé Ron et Hermione autrement qu’ensemble, à ses côtés. Dorénavant, Ron était plus seul que jamais, et il n’entrevoyait rien qui puisse l’aider…

* * *

Ron, lui, bouillait littéralement de rage. Il avait décidément tout faux.

En désespoir de cause, il avait été contraint, bon gré mal gré, de faire équipe avec Lavande Brown, laquelle avait veillé à rester libre pour attirer Ron dans ses filets. Cette fille pouvait se révéler parfaitement exaspérante, Ron en était conscient. Et il savait aussi, confusément, que le fait de le voir avec Lavande n’atténuerait en rien la colère de Hermione, bien au contraire. D’ailleurs, les assauts répétés de Lavande pour reconquérir le rouquin n’arrangeaient rien à l’affaire, et même s’il l’avait plus d’une fois remise à sa place, Miss Brown n’était pas du genre à s’avouer vaincue si facilement. Elle était bien décidée à en mettre plein la vue à Hermione. D’ailleurs, ses manœuvres semblaient porter leurs fruits : les deux amis ne se parlaient plus depuis plusieurs jours déjà, c’était donc très bon signe pour elle. Pourtant, si Lavande avait pu lire dans le cœur de Ron, elle aurait très vite déchanté.

Ron se fichait éperdument de sa partenaire. Il ne pensait qu’à Hermione, bien que le moyen de se réconcilier avec elle lui échappe encore.

L’ayant pris en pitié malgré son sale caractère, Ginny avait tenté d’intercéder auprès de Hermione en faveur de son frère, sans succès. Elle avait même envoyé Coq à Fred et George pour leur demander conseil. La réponse des jumeaux avait été sans appel :

« Ron peut toujours envisager d’avoir recours à nos philtres d’amour, moyennant 3 gallions/pièce. Mais, bien sûr, nous ne garantissons aucunement que ces potions, aussi puissantes soient-elles, puissent fonctionner sur notre grand dadais de frère. Pour que le charme opère, il faut soi-même en être un minimum doté, sans ça la formule ne prend pas… La vie est cruelle, mais juste. »

Ginny avait montré la lettre à Harry, qui n’avait pu réprimer un grand éclat de rire. En s’essuyant les yeux, il avait conseillé à Ginny de ne rien en dévoiler à Ron, et elle s’était empressée de se ranger à son avis, bien qu’elle doutât que Ron ait pu comprendre quoi que ce soit au message des jumeaux. Tout préoccupé qu’il était, l’esprit entièrement tourné vers d’hypothétiques retrouvailles, Ron était sans doute le seul à n’avoir pas remarqué l’étonnant manège entre Hermione et Malefoy.

C’était sans doute mieux ainsi, d’ailleurs.

* * *

Des bruits de pas martelaient le sol du couloir à une cadence effrénée. Ron se hâtait vers la Tour d’Astronomie, en retard comme souvent. Il avait été retenu par le professeur McGonagall après le cours de Métamorphose pour avoir raté lamentablement son devoir sur les Animagus. Il s’en était tiré avec un bref sermon et son devoir à refaire entièrement pour le cours suivant, mais ça ne l’inquiétait pas plus que ça. Maintenant, il était pressé de rejoindre Harry, Seamus et les autres, bien qu’ils détestent tous le cours de Divination. Mais il avait hâte de lire au professeur Trelawney les derniers événements dramatiques qui allaient accompagner l’alignement de Mars, Vénus et Jupiter... Des événements inventés de toutes pièces naturellement, mais Ron avait passé la nuit à les peaufiner, et il n’en était pas peu fier.

Ron en était encore à se réjouir d’avance de la tête que ferait cette vieille Trelawney en entendant le récit rocambolesque de ses prédictions douteuses, lorsqu’il passa devant une salle de classe dont la porte n’était curieusement pas fermée, et d’où s’élevaient de petits rires nerveux. Il s’approcha aussi discrètement que possible, en rasant le mur, distinguant nettement à présent la voix d’une fille et celle d’un garçon. Mais que faisaient-ils donc dans cette salle déserte à cette heure de l’après-midi ?

Sans doute deux amoureux en train de se bécoter…, songea Ron en réprimant un gloussement.

D’abord amusé par la situation, le sourire de Ron s’effaça brutalement lorsqu’il identifia les voix comme appartenant à Malefoy et… Hermione. Les dents serrées, il se rapprocha encore un peu de l’embrasure de la porte, par laquelle il pouvait à présent apercevoir Malefoy, debout près de l’estrade. Mais où donc était Hermione ? Les entrailles de Ron se tordirent douloureusement lorsque Malefoy se décala légèrement sur le côté… révélant la silhouette de Hermione pressée tout contre lui.

Non.

Détournant la tête, Ron ferma les yeux, le visage crispé de douleur, le souffle coupé. S’il n’avait pas, une seconde auparavant, entendu des éclats de rire s’échapper de la salle de cours, Ron se serait rué à l’intérieur pour secourir Hermione. Mais, à en juger par son expression rayonnante, son amie ne paraissait pas franchement en danger. Il ne pouvait pas croire ce qu’il venait de voir. Pas lui. Pas avec ELLE ! Hermione dans les bras de ce type ? Impossible ! C’était un cauchemar !

Réveillez-moi, par pitié…, implora-t-il silencieusement.

A contrecœur, mais mué par un besoin féroce de comprendre ce qui était en train de se passer, il coula un nouveau coup d’œil dans la salle. Malefoy tenait Hermione étroitement enlacée, tandis que celle-ci lui caressait la nuque d’une main tremblante. Pas de doute : elle souriait.

- C’est tellement… inattendu. Si on m’avait prédit qu’un jour, nous serions ici, tous les deux, ensemble…

- Je crois que je ne l’aurais pas cru non plus, mon ange, murmura Malefoy avec tendresse.

Mon ange ? ? ? Mais qu’est-ce qui se passe ici ? ! Derrière la porte, Ron s’étranglait de dégoût.

Le sourire de Hermione s’élargit encore. D’où il était, Ron distinguait sans peine que les yeux de la jeune fille brillaient de bonheur.

- Drago…, murmura-t-elle.

- Oui, madame ?

- Embrasse-moi…

Malefoy ne se fit pas prier et, tandis qu’ils échangeaient un baiser passionné, Ron, appuyé contre le mur du couloir, avait la sensation qu’un troll des montagnes lui était passé sur le corps.

Le poing enfoncé dans la bouche pour éviter de hurler, des larmes de défaite roulèrent sur ses joues, impossibles à endiguer. Le monde s’écroulait tout autour de lui. La douleur qui lui transperçait la poitrine lui était intolérable. Suffoquant, il crût qu’il allait vomir tant la peine pesait sur son cœur. Il se sentait oppressé, ne parvenait plus à bouger. Et tandis que les rires provenant de la salle lui éraflaient les oreilles et le cœur plus efficacement que ne l’auraient fait des lames de rasoir, il se laissa glisser le long du mur et pleura silencieusement.


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