Filament de lune

Chapitre 4 : L'ami retrouvé

1842 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 05/05/2020 12:19

Les premiers flocons tombaient drus sur Poudlard.

Déjà, Flitwick se hâtait de décorer la Grande Salle en vue du repas de Noël. Si, à l’évidence, il avait fait appel aux elfes de maison pour mettre en place les guirlandes de houx scintillantes et les centaines de bougies qui flottaient en suspension au-dessus des tables, en dessinant une arche lumineuse du plus bel effet, Flitwick insistait tous les ans pour s’occuper personnellement des sapins qui trônaient majestueusement de part et d’autre de la table des professeurs. Et, cette année justement, Hagrid en avait trouvé deux magnifiques, et bien plus grands, semblait-il, que leurs prédécesseurs. Une douce euphorie s’emparait peu à peu des occupants du château, entretenue par Dumbledore à grand renfort de sorts miraculeux faisant pleuvoir, de temps à autre, chocogrenouilles et dragées surprises au détour d’un couloir. McGonagall affichait en permanence un air de ravissement total, inhabituel chez elle, et le professeur Chourave trépignait d’impatience à l’idée que ses plus belles citrouilles figurent au menu du buffet de Noël.

Sans surprise, seul le professeur Rogue restait parfaitement imperméable à cette débauche de bonne humeur. Aussi inconcevable que cela puisse paraître, il semblait même plus acariâtre que jamais. Dans la matinée, il avait pris un malin plaisir à donner des devoirs supplémentaires à chaque élève qui avait le malheur de manifester sa présence en classe un peu trop bruyamment. Bien évidemment, Harry avait récolté plus de devoirs que n’importe qui, et ce bien qu’il se soit tenu tranquille pendant deux heures interminables, au terme desquelles il avait écopé de cinq rouleaux de parchemins à rendre à Rogue sur les Ciseburines, les Grinchebourdons et les Goules.

- Encore de belles soirées en perspective !, grinça Harry à l’intention de Seamus, qui hocha piteusement la tête (il avait lui-même deux rouleaux à rendre sur les Horglups).

- Quand est-ce que Ron sort de l’infirmerie ?, demanda-t-il pour changer de sujet.

Harry esquissa un large sourire.

- Il est sortit hier, mais McGonagall l’a autorisé à rester en Salle Commune pour rattraper les cours qu’il a manqué.

- Il n’a été absent que deux jours, il ne devrait pas avoir trop de mal à faire ses devoirs, objecta Seamus en haussant les sourcils.

- Si ça n’avait tenu qu’à lui, il serait même sorti plus tôt, fit remarquer Harry. Mais Madame Pomfresh a tenu à le garder en observation une nuit de plus.

- Le veinard ! Ça lui aura au moins évité le cours de Rogue, grommela Seamus, plus renfrogné que jamais.

Harry acquiesça en faisant de gros yeux. Oui, Ron en avait de la chance !

Hermione passa en coup de vent à côté d’eux en leur adressant un sourire, auquel Harry et Seamus répondirent de concert, avant de la voir se précipiter vers Malefoy, qui se trouvait en grande conversation avec Pansy Parkinson, Crabbe et Goyle. A son approche, Malefoy eût l’ébauche d’une grimace qui n’échappa nullement à Harry. Apparemment, il ne semblait pas très satisfait qu’Hermione le harponne ainsi dans les couloirs. Pourtant, il se fendit rapidement d’un large sourire en passant un bras autour de sa taille, au grand déplaisir de Pansy.

- Ça va ?

Hermione hocha la tête d’un air enjoué.

- Pas mal, oui ! Ce cher professeur Rogue a été égal à lui-même aujourd’hui, soupira-t-elle. C’est à dire imbuvable… Et toi ?

- Bien, très bien même. Dis-moi…

Malefoy l’entraîna un peu à l’écart de ses compagnons aux regards inquisiteurs et la darda de ses prunelles aux reflets argentés.

- J’ai un peu de temps libre, cet après-midi. Ça te dirait d’aller te promener au bord du lac ? On y serait plus tranquilles, murmura-t-il sans équivoque.

Comme elle hésitait, Malefoy lui déposa un léger baiser dans le cou. Hermione s’empourpra.

- Drago, arrête !

Il releva la tête en souriant, comme si l’affaire était entendue. Comme si elle ne pouvait rien lui refuser.

- Alors, c’est d’accord ?

- Je…

Mais Hermione se figea soudainement, les yeux tournés vers les escaliers qui menaient au premier étage. Suivant son regard, Malefoy se raidit à son tour. Ron se tenait au sommet des marches, immobile, et les observait d’un air calme. Trop calme au goût d’Hermione. Il descendit bientôt à leur rencontre, d’une démarche qui se voulait posée. Par habitude, Malefoy arbora d’emblée un sourire mauvais.

- Alors, comme ça on était malade Weasmoche ? On s’est fait attaquer par une vilaine araignée ? Ou peut-être était-ce seulement par un papillon?, se moqua-t-il sans vergogne.

Mais Hermione le rappela aussitôt à l’ordre en le tirant sèchement par la manche.

- Drago… Arrête ! S’il-te-plaît, ajouta-t-elle d’un ton implorant.

- Laisse, Hermione.

Au prix d’invisibles efforts, Ron dévisagea Malefoy sans animosité, et lui répondit très calmement.

- Je suppose qu’on va être amenés à se croiser souvent toi et moi, Malefoy. Alors on n’est peut-être pas obligés de se sauter à la gorge à chaque fois, non ? A moins que tu n’y tiennes…, murmura-t-il en jetant un regard appuyé en direction d’Hermione.

Pris au dépourvu, Malefoy toisa Ron de la tête au pied avec une lueur mauvaise dans le regard. Il comprenait parfaitement où Ron voulait en venir, mais avouer que le rouquin avait raison lui en coûtait.

- Non, c’est sûr, concéda-t-il dédaigneusement. Je me contenterais d’ignorer ta pitoyable existence, Weasley. Ça suffira.

Hermione le tira de nouveau par la manche mais Ron, lui, ne parut nullement offensé. Au contraire, il afficha un sourire ravi.

- Parfait ! Je peux te parler un moment, Hermione ? Si ça ne dérange pas Drago, bien entendu, ajouta-t-il d’un ton trop exagérément poli pour être complètement sincère.

Alors que Malefoy esquissait déjà une grimace, Hermione s’empressa de répondre avant que le Serpentard ait le temps de lui adresser une autre remarque désobligeante.

- Oui, bien sûr !

Elle se tourna ensuite vers Malefoy.

- Je te retrouve dans le hall, d’accord ?

- Ok…, acquiesça-t-il mollement.

Puis, par pure bravade, il l’embrassa. Malgré toute sa bonne volonté, Ron ne put s’empêcher de détourner les yeux. Après quelques secondes qui lui parurent interminables, Malefoy desserra son étreinte et s’éloigna entouré de sa cour, non sans avoir jeté à Ron un regard sadique. Harry et Seamus, qui n’avaient pas perdu une miette de la scène, décidèrent qu’ils pouvaient laisser Ron et Hermione entre eux maintenant que tout risque d’émeute était écarté… Ils se dirigèrent vers la tour des Gryffondors tandis que Ron entraînait Hermione vers la Volière.

* * *

Quand il fut certain qu’ils étaient seuls, Ron s’assit dans un coin et fixa un moment Hermione sans vraiment la voir, les yeux dans le vague. La jeune fille, gênée, observait avec un intérêt feint les dizaines de chouettes qui somnolaient sur leurs perchoirs, indifférentes aux courants d’air. Elle aperçut Hedwige, tout en haut, occupée à lustrer ses plumes immaculées. Le silence s’étira un moment, inconfortable. Finalement, Ron s’ébroua, comme au sortir d’un rêve particulièrement prenant, et Hermione tressaillit.

- Je voulais m’excuser, commença-t-il en s’éclaircissant la gorge.

- Non, Ron, c’est moi qui…

- Laisse-moi finir, s’il-te-plaît, dit Ron d’une voix tendue.

Hermione baissa les yeux et se tut.

- Je sais que je n’ai pas été à la hauteur de ce que tu attendais de moi. Mais à bien y réfléchir, je n’ai jamais vraiment été sûr de ce que tu voulais, alors… Tu sais que je suis comme ça, plutôt maladroit, et tout, mais… Enfin tu me connais, après tout ! Tu sais combien je peux être pathétique à mes heures…

Hermione ne put s’empêcher de sourire, attendrie par ce mea culpa brouillon. Ron sourit à son tour, gêné.

- Ouais… Enfin, bref, ce que je voulais te dire aujourd’hui, c’est que…

Ron marqua une pause, et Hermione frissonna à l’idée de ce qu’il allait dire.

- …je suis ton ami, finit-il par décréter. Et je le resterais toute ma vie, tant que tu voudras de moi, d’accord ? Et peu importe que tu sortes avec ce…

Ron baragouina quelque chose entre ses dents qu’Hermione fut heureuse de ne pas entendre, avant de reprendre d’une voix audible :

- Avec… Malefoy, donc. Peu importe, répéta Ron en agitant la main comme pour balayer son rival de la conversation. Je veux aussi que tu comprennes que, si je t’ai blessée, ça n’était vraiment pas mon intention, ok ?

- Je sais, murmura Hermione, les larmes aux yeux.

- Ok. Donc… On est… Réconciliés ?, s’enquit-il d’un air incertain.

Mais Hermione sourit largement, et c’était sans doute la plus belle chose que Ron ait vu depuis des semaines.

- On n’a jamais vraiment été fâchés, si ?, ironisa-t-elle avec des tremolos dans la voix.

Ron sourit à son tour, se leva et s’approcha d’elle en lui tendant la main. Son regard était clair et franc.

- Amis ?

Hermione serra sa main tendue avec un soulagement évident.

- Amis.

Elle semblait prête à pleurer, à présent.

- Allez viens là, Miss-je-sais-tout, dit-il d’un ton bourru en l’attirant à lui.

Ils restèrent là un moment, dans les bras l’un de l’autre, à osciller doucement d’un pied sur l’autre.

C’était comme si rien ne s’était passé. Comme avant. Et pourtant… Quelque chose d’infime était brisé, quelque chose avait changé. C’était dans l’air, presque imperceptible… Mais la cassure était là.

Tout est différent…, pensa Hermione avec une pointe d’amertume.

Le fait est que Ron et elle avaient grandi. Leur relation, si amicale soit elle, n’était déjà plus vraiment la même. La façon dont il la serrait contre lui, cette discussion sérieuse et sans détours qu’ils venaient d’avoir… Rien de tout ceci ne serait arrivé, avant. Les choses devaient-elles forcément changer ?

C’est à cela que pensait Hermione tandis qu’elle se laissait bercer par les battements réguliers du cœur de Ron, occupé lui aussi à démêler les sentiments contradictoires qui s’insinuaient en lui.

Dehors, la neige tombait à gros flocons.

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