Filament de lune

Chapitre 5 : Bandimons, etc.

2421 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 05/05/2020 12:19

 - Tu me passes le flacon, Ron, s’il-te-plaît ?

Le jeune homme s’exécuta et tendit le récipient à Hermione, non sans afficher une mine franchement dégoûtée. Hermione, qui avait enfilé de très longs gants en plastique (le professeur Chourave s’était enfin résolue à se fournir chez un droguiste moldu pour ce genre d’équipement), maintenait fermement au fond d’une bassine une créature particulièrement répugnante.

A première vue, on aurait dit un amas de vieilles moisissures verdâtres. Mais à bien y regarder, on distinguait nettement deux petits yeux noirs à l’avant du monticule, jetant des regards apeurés alentours, et une dizaine de pattes filiformes gigotant en tous sens sous la pourriture… Des Bandimons. Le professeur Chourave en avait trouvé plein ses placards le matin même. Ces satanées créatures, qui se nourrissaient de saletés en tous genres, avaient infesté les armoires de la serre n°3 et avaient commencé à grignoter les furoncles des jeunes Mandragores. Ainsi, et ceci bien que les Bandimons n’aient pas le moindre rapport direct avec la botanique, le professeur Chourave avait chargé les 6ème année de tester sur ces parasites ambulants tous les sortilèges de Récurage qu’ils connaissaient et – pour joindre l’utile à l’agréable avait-elle dit – d’en extraire les sécrétions moisies en vue de concocter un puissant détergent à l’usage des elfes de maison. A cette évocation, la présidente de la SALE s’était montrée plutôt réticente au début, avant de décider finalement qu’un puissant détergent ne pourrait que faciliter la tâche à ses serviles petits protégés. Mais l’atmosphère était rapidement devenue irrespirable sous la verrière emplie de miasmes nauséabonds. Harry eût l’ingénieuse idée d’utiliser le sortilège de Bouchenarines pour se protéger le nez et, peu à peu, chacun suivit son exemple.

Hermione s’employait à présent à appuyer violemment sur le corps verdâtre de son Bandimon pour en extraire les sécrétions purulentes, mais la bestiole ne l’entendait pas de cette oreille et se débattait furieusement au fond de la bassine.

- Ron, aide-moi ! Cette saleté refuse de coopérer !, s’écria Hermione, au bord de la crise de nerfs.

- Attends…

Ron sauta au bas de son siège et vint se poster dans son dos. Puis, passant ses bras de part et d’autre de son amie, il les glissa sous ceux d’Hermione et agrippa les bords de la bassine. De fait, Ron avait la joue presque collée à celle d’Hermione, dont les cheveux lui chatouillaient le visage. Sentant le souffle de Ron sur sa nuque, Hermione rougit malgré elle.

- Mais où donc est passé Harry ?, s’écria-t-elle brusquement pour masquer sa nervosité.

- Je ne sais pas. Je crois que Neville a eu un petit problème avec son Bandimon, tout à l’heure…

- Ah ?

Voyant qu’elle ne bougeait toujours pas, Ron s’éclaircit la gorge.

- Ok. Maintenant, aplatis-nous donc cet horrible machin !, dit-il d’une voix mal assurée.

- D’accord.

D’une main ferme, Hermione plaqua le Bandimon au fond de la bassine et de l’autre, le frappa sans ménagements de son poing fermé. Un liquide visqueux et noirâtre s’échappa bientôt du Bandimon qui, pour le coup, semblait complètement assommé. Ron ôta une main de la bassine pour attraper le flacon qui devait recueillir l’odieuse mixture. De son côté, Hermione relâcha la pression sur le tas de moisissures et versa le contenu de la bassine dans la fiole que tenait Ron, en prenant soin d’en renverser le moins possible.

- Parfait ! Je crois que ça ira pour…

A cet instant, la rusée créature, qui n’était pas vraiment estourbie, bondit hors de la bassine avant de s’éloigner de toute la vitesse de ses petites pattes vers un lieu plus hospitalier. Le dessous d’une grosse armoire, par exemple. Mais Hermione, plus rapide, avait déjà la main sur sa baguette.

- Recuro !, s’exclama-t-elle.

Aussitôt, le Bandimon s’évanouit dans les airs en un nuage de poussières.

- Beau travail !, la félicita Ron.

- Oui, je trouve aussi, dit-elle d’un air satisfait. Mais c’était surtout un travail d’équipe…

Ils sourirent et tournèrent la tête en même temps. Leurs nez se frôlèrent, et Ron recula brusquement, gêné, manquant de renverser la fiole contenant l’élixir qu’ils avaient eu tant de mal à recueillir. Toute trace de sourire avait disparut de son visage.

- Ouais, bon… Je vais aller voir ce que Chourave pense de notre récolte, ok ?, déclara-t-il d’une voix rauque.

Et il s’éloigna à pas vifs, laissant à Hermione le soin de nettoyer le plan de travail. Celle-ci agita légèrement sa baguette pour éliminer les résidus de Bandimon sur la table. Sourcils froncés, elle repensait à ce qui venait de se produire. Comme elle l’avait pressenti quelques jours plus tôt, les choses avaient bel et bien changé entre Ron et elle. Non pas que leur amitié eût été moins forte, mais leur complicité ne s’exprimait plus de la même façon. Les chamailleries d’hier avaient fait place aux silences polis et aux attitudes gênées d’aujourd’hui. Hermione était parfaitement consciente que Ron faisait de gros efforts sur lui-même pour supporter la présence de Drago dans sa vie. Elle lui en était profondément reconnaissante mais, en un sens, elle aurait sans doute préféré que Ron ne s’interdise pas de commenter sa relation avec Malefoy en sa présence. Elle savait qu’il en parlait volontiers avec Harry, quand elle n’était pas là, et aurait voulu qu’il ose lui confier ce qu’il avait sur le cœur plutôt que d’en souffrir en silence.

D’ailleurs, Ron n’était pas le seul à avoir sensiblement changé d’attitude avec elle. Harry, même s’il s’exhortait à ne pas juger trop sévèrement l’idylle d’Hermione avec son plus farouche adversaire, s’était fait plus distant. Beaucoup de Gryffondors, de Serdaigles, de Pouffsouffles – et même quelques Serpentards – la considéraient dorénavant avec circonspection. Seule Ginny continuait à lui apporter un soutien sans faille. Elle avait même félicité Hermione d’assumer avec tant de classe sa relation avec un Serpentard, ce que beaucoup d’autres à Poudlard – selon certaines de ses sources – étaient bien incapables de faire, lui avait-elle confié avec un clin d’œil appuyé.

Pourtant, bien que Drago se soit sans conteste révélé un prétendant prévenant, et bien qu’elle se sente en confiance avec lui, enivrée de mots sucrés et de suaves caresses, Hermione ne pouvait s’empêcher de se demander si tout ceci en valait vraiment la peine, au fond. Certes, elle se sentait bien avec Drago. Mais elle ne pouvait totalement chasser de son esprit les railleries dont il l’avait jadis abreuvée. Et puis, ses amis lui manquaient. Sa vie d’avant lui manquait… Ron lui manquait.

Son regard se perdit dans le vague, et elle se laissa aller un moment à ses considérations nostalgiques. Lorsqu’elle reprit pied avec la réalité, Hermione se rendit compte qu’elle avait les yeux rivés sur Ron. Il se retourna alors et, lorsqu’il lui adressa un sourire bienveillant depuis l’autre bout de la serre, Hermione eût un pincement au cœur.

* * *

Le cours de Défense contre les Forces du Mal se déroula, pour ainsi dire, sans incident majeur.

L’Erkling qu’avait amené le professeur Rogue pour sa démonstration en classe n’était parvenu à dévorer qu’un quart du pouce de Seamus avant qu’Harry ne lui assène un violent coup de grimoire sur la tête. Ce qui, privant le professeur Rogue d’un spectacle qu’il qualifia lui-même de « pédagogique », valut dix points de moins à Gryffondor. Son Erkling gisant inconscient sur le sol, et donc devenu parfaitement inutilisable pour le cours, Rogue leur donna à copier les dix pages du Grand livre des Créatures Magiques concernant les Erklings pendant l’heure restante.

Heureusement, en fin d’après-midi, une agréable surprise attendait les élèves : le professeur McGonagall ayant été appelée en urgence à Londres, le cours de Métamorphoses était annulé.

- Enfin un peu de répit, soupira Harry. Après le cours de Rogue, je ne me sentais vraiment pas le courage d’essayer de changer mon bureau en escalier souterrain deux heures durant!

- Moi non plus !, affirma Ron avec véhémence.

- Il faut voir le bon côté des choses, répliqua Hermione. Au moins nous allons avoir un peu plus de temps pour faire les devoirs que Rogue nous a donné pour la semaine prochaine.

- J’espère que tu plaisantes ?

Les deux garçons la considéraient d’un air ahuri. Agacée, elle se tourna vers eux, les mains sur les hanches.

- Parce que vous comptez faire quoi, tous les deux ? Vous tourner les pouces avec Neville et Seamus, sans doute ?

- Absolument pas !, se défendit Ron avec un sourire narquois. D’autant que Seamus n’en a plus qu’un de valide. Nous allons juste…

- …prendre un peu de bon temps !, acheva Harry avec un sourire jusqu’aux oreilles.

- Je vois…

Mais avant qu’Hermione ait pu ajouter quoi que ce soit pour les faire culpabiliser, une tornade froufroutante passa à toute vitesse à côté d’elle et se jeta sur Ron. Les bras étroitement noués autour de son cou, Lavande Brown regardait le rouquin avec un air de profonde extase. Ron, en revanche, faisait la grimace.

- Salut, Lavande, marmonna-t-il.

Elle paraissait tout excitée.

- Mon Roninouchet, je me disais qu’on pourrait aller réviser pour l’examen de potions tous les deux… Tu m’apprendrais tout ce que je ne sais pas encore, minauda-t-elle en lançant une œillade à Hermione.

Harry se retint à grand peine de rire, tandis qu’Hermione faisait mine de regarder ailleurs. Cependant, Ron, excédé, saisit fermement les bras de Lavande et lui fit lâcher prise.

- Écoutes-moi bien, Lavande. Toi et moi, c’est terminé, tu entends ? T-e-r-m-i-n-é. Et tant que tu n’auras pas compris que je ne supporte pas les furies dans ton genre, ça ne pourra pas se passer bien, entre nous. C’est vu ?

Harry pouffait silencieusement. Le visage cramoisi, on aurait dit que Lavande avait avalé un noyau de travers. Elle pointa un doigt menaçant sur Ron, ouvrit la bouche sur une phrase muette, puis se tourna vers Hermione, avec des éclairs dans les yeux. Celle-ci inspira profondément pour ne pas éclater de rire ou bien fondre en larmes.

- Tout va bien, Lavande ?, demanda-t-elle avec empathie.

Le teint de Lavande devint livide. Elle étouffa un cri, blême de fureur, puis s’éloigna en courant, sans demander son reste.

- J’espère qu’elle a compris cette fois, soupira Ron.

- Il faudrait être totalement stupide ou sourd pour ne pas avoir compris, Ron, dit Hermione d’une toute petite voix.

Elle tourna les talons, son sac sous le bras.

- Faites comme vous voulez, lança-t-elle par-dessus son épaule à l’adresse des garçons. Moi, je vais à la bibliothèque.

Et elle disparut au coin du couloir. Ron et Harry se consultèrent très sérieusement du regard.

- Quidditch ?, s’enquit Ron avec un sourire entendu.

- Absolument, mon vieux !, s’empressa d’acquiescer Harry.

* * *

Hermione pensait pouvoir aller étudier quelques heures à la bibliothèque. Mais, avant qu’elle ait pu en franchir le seuil, Drago s’était planté devant elle avec un sourire enjôleur et lui avait plaqué un baiser sur les lèvres. Surprise, Hermione manqua de faire tomber ses livres.

- Drago ? Qu’est-ce que tu fais là ?

- J’ai appris qu’un de tes cours était annulé, alors j’ai pensé qu’on pourrait… passer un peu de temps ensemble. Qu’en dis-tu ?

Elle secoua la tête.

- Euh… Oui. Enfin… Tu n’as pas cours ?, demanda-t-elle en plissant les yeux d’un air inquisiteur.

Drago fit mine de réfléchir, un léger sourire aux lèvres.

- Je… ne crois pas !

Hermione l’observait à présent avec des yeux ronds.

- Tu sèches les cours ?

Drago hocha la tête. Hermione n’en revenait pas.

- On ne va pas en faire toute une histoire, si ?

- Non… Bien sûr, mais…

L’estomac d’Hermione se noua. Elle désapprouvait totalement ce genre de comportement. Mais quelque chose la retint d’en faire le reproche à Drago. Le regard de défi que lui lançait le jeune homme peut-être. Ou plus certainement le fait que ses amis lui reprochaient déjà constamment de se montrer aussi inflexible avec le règlement. Elle avait à cœur de se montrer plus coulante. Fréquenter Drago était déjà, en soi, une forme de rebuffade pour elle. De toute façon, ça n’était pas comme si c’était elle qui séchait les cours.

- Si on allait faire une petite balade ?, proposa Drago pour changer de sujet. Il fait froid mais, avec un soleil pareil, un bon bol d’air frais nous fera le plus grand bien. Qu’en dis-tu ?

- Qui aurait cru que Drago Malefoy affectionnait tant la randonnée ?, le taquina-t-elle pour dissiper sa gêne.

- Je trouve ça agréable de passer du temps seul avec toi, murmura-t-il en l’enlaçant. Et puis…

Il l’embrassa à nouveau.

- Il faut que je te parle, dit-il plus sérieusement. Tu viens ?

Il lui prit la main et l’entraîna vers le parc. Hermione le suivit à contrecœur, un peu nerveuse.

Qu’avait-il donc de si important à lui avouer qu’il ne lui ait pas déjà dit ?


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