Filament de lune

Chapitre 7 : Imbroglio

2767 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 06/05/2020 11:32

Le matin suivant, Hermione s’éveilla de bonne heure.

Elle s’étira un moment dans son lit, puis se lova paresseusement dans les couvertures. Elle avait passé une nuit agitée, peuplée de rêves dans lesquels elle voyait Drago franchir le seuil du dortoir et aller réveiller l’une de ses camarades de chambrée au lieu d’elle-même. Mais rien de tout ceci ne s’était produit : Drago n’était pas venu, cette nuit-là. Hermione ne s’en étonnait qu’à moitié, d’ailleurs. Même s’il avait fait tout un cinéma pour obtenir l’accès à la tour des Gryffondors, il était peu probable qu’il décide de s’en servir le soir même. Pourtant, bien qu’elle ait craint cette situation, elle avait aussi espéré qu’il viendrait la retrouver, et qu’ils passeraient la nuit à bavarder de choses et d’autres au coin du feu, sous la même couverture. Mais elle avait espéré en vain.

Bien qu’il fût encore tôt et qu’elle n’ait pas de cours en ce samedi matin, Hermione décida néanmoins de se lever. Elle jeta un coup d’œil par la fenêtre. Derrière les vitres embuées, l’aube se levait à peine, et la brume qui avait envahie le parc cernait le château, donnant l’impression que Poudlard émergeait des nuages, tel un manoir de conte de fées drapé de mystère...

Une bonne journée en perspective, se dit-elle, ravie.

Entrouvrant doucement la fenêtre pour ne pas réveiller ses camarades, Hermione inspira profondément l’air matinal et sourit, détendue. Elle se sentait légère et bénit mentalement cet état de grâce. Elle résolut d’aller à la bibliothèque faire quelques recherches, afin d’être tranquille le reste du week-end.

En chemin elle rencontra Luna, qui arpentait les couloirs en faisant voler un cortège de bouchons de liège au-dessus de sa tête comme un essaim de papillons, un air de profonde béatitude fiché en travers du visage. Hermione la salua mais prit garde de ne pas s’arrêter, de peur que Luna ne l’entraîne dans l’une de ces facéties dont elle seule avait le secret. Elle fit un rapide crochet par la Grande Salle pour y avaler un peu de thé et une tartine, avant de se rendre à la bibliothèque.

Hermione s’installa à une table près d’une haute fenêtre, d’où elle pouvait voir le lac scintiller sous le soleil matinal. Elle passa près de trois heures à compulser divers ouvrages dans le calme le plus absolu, barricadée à l’abri d’une muraille de livres. Le samedi matin, la bibliothèque était traditionnellement boudée par la majorité des élèves, qui préféraient de loin se détendre plutôt qu’étudier, ce qui ravissait Madame Pince, qui en profitait alors pour faire l’inventaire des ouvrages perdus ou détériorés au cours de la semaine. Elle prenait ensuite un malin plaisir à rechercher dans la liste des emprunts quels élèves avaient eu l’audace de saccager ses précieux ouvrages. Se croyant sans doute seule, Hermione entendit plusieurs fois la bibliothécaire marmonner distinctement de sombres menaces à l’encontre d’étudiants peu soigneux, et elle se félicita de ne pas compter parmi ces malheureux.

* * *

Lorsque Hermione regagna la Tour des Gryffondors, le soleil était déjà haut dans le ciel.

Ron et Harry doivent être levés depuis un bon moment, maintenant, pensa-t-elle avec une pointe d’excitation.

Elle envisageait de leur proposer d’aller ensemble à Pré-au-Lard et ce, malgré ce que lui avait dit Drago la veille. N’en déplaise à son petit ami, Hermione avait besoin de passer du temps avec ses meilleurs amis, et c’est précisément ce qu’elle comptait faire. Elle avait prévu d’inviter Ginny à se joindre à eux, au cas où les garçons se lanceraient encore dans l’une de leurs interminables discussions sur les Canons de Chudley, entre autres choses.

Impatiente de rejoindre les autres, Hermione se planta en souriant devant le portrait de la Grosse Dame, occupée à reformer ses anglaises du bout de ses doigts boudinés.

- Casu consulto !

Hermione ne remarqua pas le regard désapprobateur que lui lança la Grosse Dame en ouvrant le passage de mauvaise grâce, et franchit le portrait d’un pas guilleret, insouciante. Mais son enjouement fut de courte durée. Harry, Ron et Ginny étaient tous les trois dans la Salle Commune, et l’expression de leurs visages n’avait rien de très engageant.

Harry faisait les cent pas, visiblement furieux, sous le regard de Ron, appuyé contre une fenêtre, qui se mordillait nerveusement les lèvres, apparemment de très mauvaise humeur. Ginny, blottie dans un fauteuil, réfléchissait intensément, sourcils froncés. Tout à leurs sombres considérations, ils ne firent pas immédiatement attention à Hermione, qui resta plantée sur le seuil de la Salle Commune à les observer sans mot dire, tâchant de deviner ce qui les tourmentait à ce point.

- C’est forcément un Gryffondor, fit brusquement remarquer Ginny. Personne d’autre n’a accès à cette partie du château, en-dehors des préfets et des professeurs.

- Ça paraît logique en effet…, concéda Ron. Mais Harry n’a que des amis, ici. Et très franchement, je ne vois pas bien à qui ça profiterait.

- À tout le monde et à personne, en fait ! Et c’est bien là, le problème !, s’emporta Harry.

- Que se passe-t-il ?

Ils se tournèrent d’un bloc vers Hermione, surpris par sa présence. Le visage de Ron s’éclaira l’espace d’un instant, tandis qu’il échangeait avec Hermione un regard plein de promesses qui lui vrilla le cœur. Elle rosit légèrement et reporta son attention sur les deux autres, tentant d’ignorer les battements de son cœur qui s’emballait furieusement. Ginny esquissa un sourire de convenance, tandis qu’Harry lui adressait un bref salut de la tête.

- Un drame de plus !

Et Harry recommença aussitôt à arpenter la pièce de long en large.

- Bienvenue dans ma vie, grinça-t-il entre ses dents serrées.

- Il est arrivé quelque chose ?, s’inquiéta aussitôt Hermione. Quelqu’un est blessé ?

- Pas pour le moment, non, souligna Ron d’un ton lourd de menace.

Devant l’incompréhension de Hermione, Ginny entreprit de lui démêler la situation, en lui faisant signe de s’asseoir. Mais Hermione préféra rester debout.

- Cette nuit, quelqu’un est entré dans le dortoir des garçons et a fouillé dans les affaires de Harry, commença Ginny d’une voix douce, bien que tendue par l’inquiétude.

Hermione pâlit instantanément. Un malaise dont elle ne connaissait que trop bien l’origine s’insinua brutalement en elle, et la panique paralysa ses muscles, lui coupant les jambes.

- Est-ce qu’il… Est-ce qu’on t’a pris quelque chose ? demanda-t-elle à Harry, nerveuse, la bouche affreusement sèche.

- Oui, justement ! La cape d’invisibilité de mon père, gémit-il. Ainsi que la Carte du Maraudeur !

- Autrement dit, tout ce qui te permettait d’aller et venir sans te faire repérer, remarqua Ron.

- Et ce qui te servait à… te défendre, dit Hermione dans un souffle.

Son cœur bondit dans sa poitrine. Ça ne pouvait pas être un Gryffondor, elle le savait. Tous ici respectaient trop Harry pour aller fouiller dans ses affaires, et aucun n’était assez fou pour lui dérober quoi que ce soit sous le nez. Non… Une seule personne pouvait avoir fait cela… Même si cette éventualité lui coûtait, elle ne pouvait ignorer cette hypothèse. Lui seul avait pu… Et c’était elle qui le lui en avait donné l’occasion. Drago… Elle chancela.

- Hermione ?

L’air lui manqua tout à coup. Le sang battait violemment à ses tempes, tandis qu’une sourde douleur lui vrillait le crâne. Elle ne parvenait plus à respirer. Non, pas lui. Il n’avait pas pu… Ce serait trop affreux… Sa vue se brouilla. En deux secondes, Ron fut auprès d’elle et la cueillit dans ses bras avant qu’elle ne s’effondre.

Il la souleva à bout de bras jusqu’au vieux sofa et l’y étendit le temps qu’elle reprenne ses esprits. Harry, le visage grave, s’agenouilla auprès d’elle.

- Hermione, calme-toi. Inutile de te mettre dans un tel état. On va retrouver qui a fait ça… Ce n’est pas si grave, après tout. Et puis, il me reste ma baguette !, plaisanta-t-il maladroitement pour la dérider.

Mais Hermione n’avait vraiment pas envie de rire. Bouleversée, elle se cacha le visage dans les mains en étouffant un sanglot. Ginny, compatissante, s’empressa de venir s’asseoir à ses côtés sur le sofa et passa son bras autour de ses épaules.

- Pousse-toi !, ordonna-t-elle à son frère en le bousculant sans ménagement.

Ron se décala d’un air pataud, en jetant des coups d’œil interrogateurs à Harry, tout aussi perplexe que lui. Alors qu’elle berçait doucement Hermione, Ginny leur adressa à tous les deux un regard féroce, qui ne laissait pas de place à la discussion.

- Allez donc faire un tour, tous les deux, au lieu de rester plantés là comme deux idiots ! Rendez-vous utiles et réfléchissez plutôt à qui pourrait avoir volé ses affaires à Harry, c’est vu ?

- J’ai bien ma petite idée, grommela Ron, vaguement vexé, une expression de haine tenace imprimée sur le visage, que Harry reconnut immédiatement.

Mais Ginny lui lança un regard assassin, désignant Hermione d’un signe de tête sans équivoque. Ron parut ennuyé et se rengorgea.

- Tu viens Harry ?, dit-il en l’entraînant mollement vers la sortie.

Et tous deux disparurent bientôt derrière le portrait de la Grosse Dame. Une fois seules, Ginny tenta de rassurer Hermione du mieux qu’elle put.

- Ne te ronges pas les sangs, Hermione. Harry n’a pas besoin de sa cape d’invisibilité ni de la Carte du Maraudeur pour se défendre. Il est bien trop doué et bien trop malin pour que quiconque ici n’ose s’attaquer à lui, assura Ginny avec vigueur, la voix empreinte de fierté. Et puis, il va retrouver celui qui a fait ça très vite, j’en suis sûre. Et lorsque ce sera fait, Harry et Ron lui feront regretter de s’en être pris à l’un des nôtres, crois-moi. Alors sèche tes larmes et calme-toi, ok ?

Mais Hermione ne parvenait pas à reprendre le contrôle d’elle-même. Elle pleura de plus belle, se maudissant cent fois pour avoir eu la faiblesse de mettre tant d’informations à la portée de Drago. Comment avait-elle pu être aussi naïve ?

- Tu ne comprends pas, Ginny, hoqueta Hermione entre deux sanglots. Tout est de ma faute ! C’est à cause de moi !

_ A cause de toi ? Mais… Je ne comprends pas, dit Ginny, perplexe.

Mais elle croisa le regard d’Hermione, lourd de remords, y lu la culpabilité, et comprit soudain ce que son amie tentait de lui dire. Elle porta la main à ses lèvres, stupéfaite.

- Non, tu veux dire ? Malefoy… c’est ça ?, articula-t-elle. C’est Malefoy qui a forcé la chambre des garçons ?

Hermione hocha silencieusement la tête, en évitant de croiser le regard de Ginny.

- Et… C’est toi… C’est toi qui lui as donné le mot de passe ?, souffla Ginny, incrédule.

Hermione gémit de désespoir et se leva brusquement, se sentant trop mal pour rester immobile plus longtemps. Elle tourna le dos à son amie, complètement désemparée, et ses larmes redoublèrent. Ginny, quant à elle, prenait peu à peu la mesure de la catastrophe à venir, et ne savait plus quelle attitude adopter. Elle se doutait bien que Hermione n’avait pas sciemment été la complice de Malefoy, mais elle lui avait quand même permis de s’introduire chez eux, en toute impunité. Et si Malefoy ne s’était pas contenté de voler Harry ? S’il avait tenté de lui faire du mal, de le… Cette pensée fit bondir Ginny.

- Tu dois régler cette histoire au plus vite, Hermione. Sans quoi je dirais tout à Harry, la menaça-t-elle d’un ton sec, plus sec qu’elle ne l’aurait voulu.

Hermione hocha la tête, éperdue.

- Tu imagines ce qu’il dira ? Il m’en voudra pour toujours, c’est sûr ! Il ne me pardonnera jamais d’avoir été aussi stupide ! Et Ron ? Tu imagines ce que dira Ron ? s’écria-t-elle, au comble du désespoir.

Ginny se mordit les lèvres, tentant de ne pas penser à ce que Malefoy devait déjà être en train de manigancer à l’encontre de Harry, ni à la colère de Ron lorsqu’il apprendrait qu’il avait eu raison de le soupçonner.

Il va être intenable, après ça, pensa-t-elle avec une pointe d’exaspération.

Maîtrisant sa colère, elle s’approcha d’Hermione, qui lui tournait toujours le dos, et posa une main compatissante sur son épaule.

- Je sais bien, mais… C’est trop grave, tu comprends ?, tempéra Ginny d’une voix radoucie. Il aurait pu… S’il avait…

- Je sais, l’interrompit Hermione, le regard fixe, les larmes coulant toujours silencieusement le long de ses joues sans qu’elle parvienne à les endiguer.

Et, de la même manière qu’elle avait révolté Ginny, la seule pensée que Malefoy ait eu l’occasion de faire du mal à Harry la mis hors d’elle. La colère l’emportait maintenant sur les remords. Elle aurait tout le temps de se sentir coupable une fois que cette affaire serait réglée. Pour l’heure, elle devait d’abord se confronter à Drago, avant de prendre une quelconque décision.

- Je vais tirer cette histoire au clair, déclara-t-elle d’un air décidé en s’essuyant les yeux d’un geste vif. Je te le promets.

Ginny hocha la tête, l’air grave.

- Il y a sûrement une explication. Drago aura voulu plaisanter, voilà tout, ajouta Hermione d’une voix moins assurée.

Ginny se força à sourire, bien que le cœur lui manqua.

- Oui, sans doute.

En vérité, elle savait bien que non. Mais elle n’avait pas le cœur à détruire les frêles espoirs de son amie, aussi illusoires soient-ils.

En se répétant pour s’en persuader que Drago aurait forcément une bonne explication à lui fournir, Hermione prit le chemin des cachots d’un pas décidé, tentant d’ignorer le poids qui pesait sur son estomac, et priant pour ne croiser ni Harry ni Ron en chemin.

* * *

Parvenue devant le passage secret des Serpentards, Hermione se heurta à Pansy Parkinson. Celle-ci lui adressa un sourire radieux, qui contrastait étrangement avec cet air dédaigneux qu’elle affichait en permanence, a fortiori depuis que Drago lui avait fait l’affront de sortir avec elle.

- Bonjour, Hermione, minauda Pansy avec un peu trop de miel. Tu cherches Drago, je suppose ?

- Euh… Oui, c’est ça, bredouilla Hermione, embarrassée.

- Il n’est pas là, répondit Pansy en faisant virevolter ses cheveux d’un air crâne. Mais je crois qu’il est à la Grande Salle. Tu veux que je t’accompagne ?

L’inexplicable sollicitude de Pansy déconcerta d’abord Hermione. Peut-être cherchait-elle à faire bonne impression à Drago en lui venant en aide ?

- Euh… D’accord, acquiesça Hermione, non sans une pointe d’hésitation.

- Parfait !

Et, toujours avec un large sourire qui se mua en grimace dédaigneuse à l’abri du regard de Hermione, Pansy la précéda, jubilant par avance de la confrontation qui allait s’ensuivre…

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