Filament de lune

Chapitre 8 : La déconvenue d'Hermione

2879 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 29/04/2020 11:32

A cette heure, la Grande Salle se remplissait petit à petit en vue du déjeuner et beaucoup d’élèves attendaient déjà à leurs places habituelles, impatients de découvrir le menu.

Pansy Parkinson n’avait pas menti : Drago se trouvait bel et bien à la table des Serpentards, entouré de sa cour habituelle. S’il vit Hermione arriver de loin, il n’esquissa pas le moindre geste pour aller à sa rencontre. Par ailleurs, il semblait particulièrement content de lui – pour quelle raison, ça… – ce qui, d’emblée, agaça Hermione. Elle fit de son mieux pour se composer un visage neutre tandis que Pansy la conduisait jusqu’au groupe massé autour de Drago. Crabbe et Goyle la considérèrent d’un œil torve, tandis qu’une fille dont Hermione ignorait le nom gloussait nerveusement en tentant de se cacher derrière son coude levé. Pansy prit place à côté de Drago comme si de rien n’était, et attendit avec un sourire en coin. Hermione qui, à présent, ressentait nettement l’hostilité du groupe à son égard, jugea préférable de rester à bonne distance. Elle toussa discrètement pour attirer l’attention de Drago, mais celui-ci continua d’ignorer superbement sa présence, le regard tourné à l’autre bout de la salle.

_ Drago ? Je peux te parler une minute, s’il-te-plaît ?, requit timidement Hermione.

Ce fut seulement lorsqu’elle eût posé sa question toute gonflée d’espoir que Drago daigna enfin se tourner vers elle. Mais ce n’était pas le Drago de la veille. Celui qui la regardait à présent ressemblait d’avantage au Drago qu’elle avait cru pouvoir oublier : celui des années passées. L’arrogant, le dédaigneux Malefoy. Celui qui la toisait avec dégoût au détour des couloirs, comme si le simple fait de croiser son chemin risquait d’entacher le sang pur dont s’enorgueillissait tant sa famille. Le cœur de Hermione rata un battement lorsqu’elle croisa le regard d’acier du jeune homme : plus rien de doux n’y subsistait.

_ Alors ? Comment ça va, Granger ? Toujours autant de mal à te faire des amis, à ce que je vois ? Tu viens en chercher ici, peut-être ? Ça m’étonnerait qu’il y ait de la place pour toi… La naïveté, le manque de discernement, la laideur… ce ne sont pas des défauts très en vogue, à Serpentard.

Hermione eût un mouvement de recul comme sous l’effet d’une gifle, et son sang se figea dans ses veines. Elle avait sans doute mal entendu.

_ Je… Quoi ? Je ne comprends pas…, balbutia-t-elle.

_ C’est pas la première fois, je te rassure, railla Malefoy avec un vilain sourire tandis que ses camarades hurlaient de rire devant la mine déconfite de Hermione.

Hermione, tremblante, avait peine à croire que tout ceci était réel. Comment avait-elle pu se tromper à ce point sur son compte ? La gorge serrée, les mots refusaient de franchir ses lèvres, et l’évidence lui semblait trop cruelle à formuler. Drago la jaugeait de cet air narquois qui lui était si familier, avant.

_ Tu… Tu t’es moqué de moi ?, parvint-elle à articuler au prix d’énormes efforts.

_ Oui, beaucoup, admit-il, cynique. Tu es d’un pathétique, ma pauvre fille ! Pas étonnant que personne ne veuille de toi ! Pas même Weasmoche ! Mais ça, ça a très vite tourné à mon avantage.

Il se leva d’un air théâtral, gratifia l’assemblée d’un sourire suffisant, et entreprit d’imiter Hermione.

_ Drago, tu es extraordinaire… Jamais je n’aurais cru que nous deux…, mima-t-il d’une voix haut perchée en battant exagérément des cils. C’est incroyable ce qui nous arrive !

À nouveau, les Serpentards éclatèrent de rire. Hermione, décomposée, ne parvenaient pas à réagir. Les larmes aux yeux, elle observait Malefoy papillonner des yeux, les mains jointes et un air de dinde énamourée sur le visage, avec la même sensation que si elle se trouvait prise au piège de quelque rêve incompréhensible. Parvenu au terme de sa pitrerie, Malefoy se tourna vers elle, plus acide que jamais.

_ Ta première impression était la bonne, Granger : toi et moi, ça n’existera jamais ailleurs que dans tes rêves, lui assena-t-il d’un ton sans réplique.

_ Mais…

Même si elle se maudissait de leur accorder ce plaisir, Hermione ne pouvait s’empêcher de pleurer à présent. Pansy Parkinson était aux anges.

_ Mais, quand tu me disais que tu m’aimais, et que tu voulais passer plus de temps avec moi…, bredouilla-elle sans se rendre compte qu’elle aggravait son cas face à la horde de Serpentards tous disposés à la laminer sur place.

Malefoy poussa un long soupir, l’air exaspéré.

_ Je comprends vraiment de moins en moins pourquoi tout le monde s’accorde à te trouver si intelligente… Tu ne comprends pas que je me suis servi de toi ? Je n’ai fait que jouer la comédie pour obtenir ce foutu mot de passe et le plan de votre salle commune ridicule afin de rendre une petite visite à Potter. Et tu sais quoi ? Méfait accompli ! Et c’est ce vieil ahuri de Dumbledore qui m’en a donné l’opportunité, avec son stupide défi des Quatre Maisons… Il faudra que je pense à remercier Weasmoche, la prochaine fois que je le croise. Il t’a poussé dans mes bras sans le moindre effort.

_ Mais… Tu m’as… Embrassé…, murmura-t-elle, abattue.

Malefoy fit la moue.

_ Ouais, admit-il. J’ai eu du mal à me retenir de te vomir dans la bouche, d’ailleurs. Mais bon, pour arriver à ses fins, il faut savoir se faire violence. Après tout, des lèvres, ça reste des lèvres, ricana-t-il.

Hermione étouffa un sanglot. La Grande Salle était plongé dans un silence écrasant désormais, et tous les regards étaient braqués sur eux. De part et d’autre, des murmures s’élevaient, désapprobateurs pour la plupart.

_ Mais tu n’as pas pu ! Tu n’as pas pu me mentir à ce point ! Tu n’as pas pu me faire croire…

Elle criait à présent, éperdue. Malefoy fronça les sourcils, agacé, comme si un moustique venait voler trop près de son oreille.

_ Tais-toi donc un peu ! Tu ne pouvais pas sincèrement penser que quelqu’un comme moi allait se fourvoyer avec quelqu’un comme toi ?, siffla-t-il, impitoyable. Un Malefoy avec une Sang-de-Bourbe ? Tu rêves !

Pansy ne cessait de ricaner à présent, accablant un peu plus la pauvre Hermione. Le visage baigné de larmes, les lèvres tremblantes, elle se sentait véritablement humiliée, comme jamais auparavant.

_ Pourquoi m’avoir fait croire toutes ces choses, alors ? demanda-t-elle d’une voix blanche. Il y avait d’autres moyens…

_ Mon père m’a toujours dit que l’on a beaucoup à apprendre de ses adversaires, murmura-t-il en se passant un doigt sur les lèvres, l’air songeur. Que le meilleur moyen pour y parvenir, c’est d’infiltrer les lignes ennemies. Et il avait entièrement raison : qui aurait pensé que la brillante Hermione Granger se laisserait berner à ce point ? Si vous êtes tous moitié moins aussi décevants que toi, Potter a bien du souci à se faire.

Hermione sentait la colère monter en elle, mais le désespoir le disputait à la rage.

_ Tu aurais pu me soumettre au sortilège de l’Impero au lieu de me jouer toute cette comédie, lui susurra-t-elle aussi bas qu’elle put, amère.

Malefoy se leva, s’approcha d’elle, et lui caressa le visage du bout de sa baguette.

_ Ça n’aurait pas été aussi amusant, Granger. Et puis…

Il se pencha à son oreille.

_ Je veux que tu gardes à l’esprit que si un quelconque malheur arrive à Potter à l’avenir, ce sera entièrement ta faute, chuchota-t-il en détachant soigneusement chaque mot pour qu’il s’imprime en elle.

Malefoy releva la tête en jubilant. Face à lui, Hermione était plus pâle que jamais.

_ Ma pauvre fille…

Il se retourna vers ses camarades en riant à gorge déployée, satisfait de son petit jeu pervers, persuadé de son absolu triomphe. Hermione tremblait de rage à présent. Elle prit conscience de la rumeur grandissante autour d’elle. Les rires moqueurs, les murmures réprobateurs, les visages indignés se fondaient dans un tourbillon étourdissant. Sans bien réfléchir à ce qu’elle faisait, Hermione brandit lentement sa baguette droit sur Malefoy, prête à le frapper dans le dos.

_ Fur…, commença-t-elle d’un ton grondant.

Mais à cet instant, quelqu’un lui saisit fermement le bras, l’empêchant de jeter son sort.

_ Non, Hermione ! Pas comme ça.

C’était Ron. L’air sévère, il fixait Malefoy avec plus de dégoût que jamais auparavant, tout en retenant la main de Hermione. Elle sentit son cœur fondre de désespoir à la vue du jeune homme. Mortifiée, elle se rendit compte qu’il était là depuis le début, et tourna lentement la tête vers la table des Gryffondors : Harry y était assis, un peu plus loin, en faisant visiblement de gros efforts sur lui-même pour rester à sa place et ne pas s’en mêler. Malefoy parut surpris, mais cette expression fugitive se mua en grimace dédaigneuse.

_ J’oubliais presque, ricana-t-il. Le duo de ratés Weasley/Granger ! Tu vois : il te reste ton idiot de chevalier servant, dit-il à Hermione, ce traîne-misère de Weasmoche. Il a été assez stupide pour t’attendre ! Remarque, ça ne m’étonne pas de toi, Weasmoche…

Ron ne daigna pas répondre. Après avoir lancé un regard haineux à Malefoy, il entraîna Hermione vers la sortie. Mais, dans sa lancée, Malefoy ne put s’empêcher d’en rajouter une couche.

_ Tu m’as impressionné, tu sais Weasmoche ? Quel stoïcisme dans l’épreuve, vraiment ! Entre nous, ça t’a fait quoi de me voir poser les mains sur elle ? D’imaginer ma langue de vipère dans sa bouche ?

Cette fois, le sang de Ron ne fit qu’un tour. Il revint sur ses pas, ivre de rage, et, sans plus de cérémonie, pointa sa baguette droit sur Malefoy.

_ Incendio !

Le sort trouva sa cible, et le bas de la robe de sorcier de Malefoy prit feu. Affolé, il brandit sa baguette à son tour en direction des flammes.

- Aguamenti !

Une gerbe d’eau jaillit à l’extrémité de la baguette, qui vint éteindre le brasier. Malefoy releva la tête et considéra Ron avec haine.

_ Tu vas me payer ça, Weasley.

A l’autre bout de la salle, le professeur Flitwick s’était redressé, alerté par l’odeur de brûlé. Hermione, blanche comme un linge, se tenait quelques pas derrière Ron, qui ne semblait pas prêt à plier devant Malefoy. Ils se mesurèrent du regard un moment, guettant la réaction de l’autre. Autour d’eux, les élèves s’étaient reculés, désertant les tables les plus proches, retenant leur souffle, ne quittant pas des yeux les deux garçons, suspendus à leurs gestes.

_ Stupéfix !

Mais Ron fut plus rapide.

_ Protego !, clama-t-il.

Un champ de protection dévia le sort de Malefoy. Aussitôt, Ron passa à l’offensive.

_ Rictusempra !

Mais Malefoy parvint à l’éviter, et le sort toucha Pansy, qui se mit à rire furieusement en se tenant les côtes. Le bruit des petits pas saccadés de Flitwick résonna sur le dallage, à l’autre bout de l’allée.

_ Impedimenta !, vociféra Malefoy.

_ Expelliarmus !, hurla Ron.

Ron esquiva une nouvelle fois, mais Malefoy fut frappé en pleine poitrine, vacilla et perdit sa baguette. Estimant qu’il avait eût son compte, Ron rangea la sienne et tourna les talons. Il passa un bras protecteur autour des épaules de Hermione en l’entraînant vers le hall. Malefoy, encore au sol, eût un rire amer. Il récupéra sa baguette sous la table d’un geste sournois et s’apprêtait à lancer un nouveau sort lorsque…

_ Ron !

Harry avait bondit, prêt à se jeter sur Malefoy, qui lui jeta un sale regard, tandis que Ron se retournait.

_ C’est bon, dégage ! Hurla Malefoy, exaspéré. Pars avec ta Sang-de-Bourbe ! Profitez bien l’un de l’autre et faites-nous pleins de rejetons impurs ! Entre une Sang-de-Bourbe et une raclure telle que toi, Weasley, ça donnera forcément quelque chose de sensationnel !

Ron perdit à nouveau son sang-froid. Ivre de colère, il courut vers Malefoy et se jeta sur lui, estimant que l’heure n’était plus aux duels dans les règles de l’art et que seuls ses poings pouvaient parler à sa place. Hermione lui avait emboîté le pas. Elle tentait de le retenir et s’époumonait pour qu’il lâche prise, accrochée à son bras.

_ Ron ! Arrête ! Ça n’en vaut pas la peine !

Harry, de son côté, avait toutes les peines du monde à séparer les deux combattants. Malefoy griffait tout ce qu’il pouvait tandis que Ron le lardait de coup de poings, inébranlable. Goyle, bien que vaguement indifférent, avait attrapé Malefoy par le pied et tentait vainement de l’extirper de là, tandis que Crabbe, de son côté, allongea un crochet du droit qui manqua Ron de peu et frappa Pansy en pleine figure, qui recula en hurlant, se tenant le nez en gémissant de douleur. Là-dessus, la minuscule silhouette de Flitwick se fraya un chemin entre les jambes des élèves. A bout de souffle, il observa un moment l’empoignade d’un air ahuri.

_ Ça suffit ! Séparez-vous sur le champ ! Séparez-vous !

_ Ron, arrête maintenant !, s'époumonait Hermione, au bord de l’hystérie.

Mais Ron n’écoutait pas, fou de rage contre Malefoy, sa haine de toujours se déversant sur lui en une pluie de coups. Flitwick cherchait visiblement à lancer un sort sur les deux garçons, mais dans la mêlée, il craignait d’éborgner quelqu’un d’autre.

_ Je vous somme de cesser !, ordonna-t-il d’une voix stridente. Potter ! Séparez-les !

Ainsi pris à partie, Harry eût l’air vaguement interdit, mais retenta sa chance pour éloigner Ron de Malefoy en l’agrippant par l’arrière de sa robe, peine perdue. A côté de lui, Hermione s’était remise à pleurer, désemparée.

_ Ron ! Mais enfin, arrête ! Tu ne vois pas que… j’ai besoin de toi ?, gémit Hermione.

Ce fut comme un électrochoc. Ron releva brusquement la tête et lâcha sa proie, ce qui eût pour effet de déséquilibrer l’ensemble des combattants, qui s’affaissèrent lourdement sur le sol. Ron se tourna vers Hermione. Son amie lui tendait la main, les yeux brillants de larmes. Malefoy en profita pour balancer un violent coup de pied qui toucha Ron au visage, mais Harry empoigna le traître par le col et le plaqua au sol.

_ Toi, tu ne bouges pas, menaça-t-il, ou je te ferais regretter d’avoir vu le jour...

Malefoy grimaça d’un air mauvais, mais ne répliqua pas. Ron, le nez en sang, se releva.

_ On va arrêter les frais pour aujourd’hui, dit-il à Harry, qui acquiesça silencieusement.

_ Je me verrai contraint de faire un rapport à vos directeurs respectifs, jeunes gens, fulmina Flitwick, vexé que son autorité ne soit jamais reconnue à sa juste valeur.

 _ Oui, professeur, acquiesça Ron d’un air sombre.

Sans plus demander son reste, il se dirigea vers la sortie en tenant Hermione par la main, tandis que de timides applaudissements s’élevaient de la table des Gryffondors, bientôt ralliés avec force par toute la tablée. Neville et Luna avaient particulièrement apprécié le spectacle, eux, et souriaient d’un air radieux, se tenant debout sur leur banc en clamant le nom de Ron avec fierté, comme s’ils venaient de remporter la coupe de Quidditch, haranguant les Serdaigles et les Pouffsouffles, qui se mirent à applaudir eux aussi avec fureur. Lâchant Malefoy, qui ne savait plus où se mettre, Harry se retourna et leur adressa un clin d’œil de remerciement pour leur soutien. Il ne put réprimer un sourire devant la mine déconfite des Serpentards, défaits une fois de plus, se retenant de ne pas rire devant le spectacle de Pansy Parkinson collant des claques à Crabbe pour sa maladresse qui lui valait pour l’heure un énorme bleu en travers du nez.

_ Au fait… Bon appétit à tous !, lança Ron à la cantonade avec un sourire sarcastique, avant de disparaître en compagnie de Hermione, pour de bon cette fois.


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