Filament de lune

Chapitre 14 : L'escapade de Drago

3224 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/05/2020 23:39

Ron avait mis sa menace à exécution.

Devant l’absence de réaction de la part d’Hermione, il avait finit par céder aux avances de Lavande. Depuis le début de la semaine, le couple fraîchement reformé ne se quittait plus. Ils arpentaient les couloirs, main dans la main, et Harry ne comptait déjà plus les fois où il les avait surpris, étroitement enlacés et échangeant des baisers passionnés à l’abri de recoins échappant à la vigilance de Rusard. Mais, si Lavande apparaissait rayonnante, Ron, lui, faisait grise mine. Pâle, une expression de totale indifférence imprimée en permanence sur le visage, il semblait plus frustré que jamais. Le Ron sociable et charmeur des premiers jours de l’année n’avait pas résisté à son vague-à-l’âme, et son fan club, déçu, s’était quelque peu essaimé en même temps que Lavande affermissait son emprise sur lui. Pour combler cette insupportable sensation de manque et panser la blessure que Hermione lui avait infligé, Ron se jetait à corps perdu dans cette relation qui, il le savait par avance, ne donnerait rien de bon au bout du compte. Il n’aimait pas Lavande, mais elle lui donnait l’impression d’être important, et de se sentir bien vivant, malgré sa peine. Si on lui avait prédit, six ans auparavant, qu’il se rendrait un jour malade pour nul autre que Hermione Granger, Ron aurait sans aucun doute ri au nez du fou ayant osé formuler pareille ineptie. Mais il était bien obligé de constater aujourd’hui qu’il ne pouvait se passer d’elle, ni envisager de s’en éloigner trop longtemps sous peine de ressentir une douleur d’une rare violence. Il était sûr à présent que le sortilège Doloris n’était rien à côté de la brûlure qui lui laminait la poitrine chaque jour. Car cette douleur-là, quoi qu’il fasse, ne s’en allait pas. Seules les caresses de Lavande atténuaient pour un temps son affreuse mélancolie. De fait, il passait le plus de temps possible avec elle, évitant à tout prix de se retrouver seul avec Hermione.

Hermione, de son côté, se plongeait plus que jamais dans les livres, à la recherche de quelque formule qui atténuerait sa peine, ou mettrait de l’ordre dans ses idées. Comment avaient-ils pu en arriver là ? Hermione avait imputé ce douloureux statu quo à leur incompatibilité de caractère à tous deux, une excuse bien trop commode au goût de Ginny qui, pour une fois, s’était rangée du côté de son frère. Harry, quant à lui, s’en fichait. Du moins, il essayait de n’y accorder qu’une importance relative. Ses deux amis s’étaient toujours comportés ainsi : en bons chamailleurs qu’ils étaient, il leur semblait impossible de communiquer sans le moindre heurt, et ils prenaient peur chaque fois que leurs sentiments prenaient un peu trop le dessus. Aussi passaient-ils leur temps à monter aux créneaux sous des prétextes fallacieux au lieu de se parler sincèrement et calmement. A trop vouloir sortir vainqueurs de ces joutes inutiles, Ron et Hermione n’avaient pas encore réalisé qu’ils en étaient, pour l’heure, tous les deux perdants. Et toute la bonne volonté du monde, c’est à dire de leurs amis, ne suffirait pas à les réconcilier, cette fois, Harry en était sûr. Par souci des convenances – et sans nul doute, un peu par égard pour Harry aussi – Ron et Hermione avaient résolu d’un commun accord de rester courtois l’un envers l’autre lorsqu’ils se trouvaient dans la même pièce, ce qui s’avérait désormais assez rare, fort heureusement.

Pour l’heure, ils étaient attablés, tous les trois, devant leur petit-déjeuner, occupés à ouvrir leur courrier après le passage des hiboux. Pour se donner bonne contenance, Ron s’était bien vite barricadé derrière la Gazette du Sorcier et faisait de communiqués à ses amis au fur et à mesure qu’il épluchait les informations.

- Honeydukes a été contrôlé il y a deux jours par une patrouille d’Aurors, déclara-t-il d’un ton neutre. Mais la perquisition n’a finalement rien donné.

- Ils espéraient y trouver quoi ? Des Mangemorts cachés sous les Suçacides ?, s’étonna Harry.

- Grotesque, marmonna Hermione. Scrimgeour ne sait plus quoi faire pour asseoir son autorité.

- Tu imagines s’ils fouillent chez Zonko ?, s’esclaffa Harry.

- Ou chez Fred et George ?, dit Ron en se fendant d’un sourire, le premier de la journée. Ils ne seraient pas déçus du voyage !

Il tourna la page de l’hebdomadaire, et en examina brièvement le contenu d’un air réticent.

- Pas de morts à déplorer, cette semaine, annonça-t-il finalement avec soulagement.

- Alléluia, soupira Harry. Tu as eu des nouvelles de tes parents ?

Ron hocha la tête.

- Oui, maman m’a écrit hier. Elle passe encore beaucoup de temps seule à la maison. Mon père n’a plus une minute à lui et est franchement à cran depuis les fêtes. Il paraît que, lorsqu’il a croisé Percy au Ministère la semaine dernière, il lui a brusquement sauté dessus et s’est mis à le secouer par les épaules d’un air complètement dément. Quatre personnes ont dû le retenir, dit Ron sur le ton de la confidence en faisant rouler ses yeux.

- Je croyais que ça allait mieux avec Percy ?, s’étonna Hermione.

- Ma mère lui a pardonné, oui. Mais mon père…

- Il est surmené, il faudrait qu’il s’arrête un moment, suggéra Harry.

- Malheureusement, ça, c’est au Ministère d’en décider, soupira Ron avec abattement.

A cet instant, Lavande surgit de nul part et enroula ses bras autour du cou de Ron d’un air possessif.

- Bonjour, mon Ron-Ron chéri, minauda-t-elle en l’embrassant frénétiquement dans le cou.

Les oreilles de Ron devinrent écarlates. Hermione détourna les yeux en poussant un soupir exagérément audible et Harry plongea très diplomatiquement le nez dans son assiette.

- Euh, hum… On va y aller, nous, annonça Ron en prenant la main de Lavande. On se voit tout à l’heure ?

Harry acquiesça avec un sourire compatissant. En partant, Ron ne pût s’empêcher de jeter un coup d’œil à Hermione, qui se tournait obstinément vers Luna, occupée à faire nager un canari dans son bol.

Mais Harry et Hermione n’eurent que peu d’occasions de voir Ron au cours de la journée, Lavande le gardant jalousement pour lui. Piquée de ce qu’il préfère sa compagnie à la leur, Hermione refusa de s’asseoir à côté de lui pendant le cours de Potions.

Le professeur Slughorn était de fort bonne humeur, et avait demandé à ses élèves de découvrir les propriétés du salpêtre en l’associant à divers ingrédients. Ron, peu enclin à se plier à cette exigence, ne cessait de deviser avec Harry sur les difficultés à satisfaire une fille – elles sont si compliquées se lamentait-il – tandis que Hermione boudait dans son coin, occupée à réduire de la sauge en poudre fine. Mais, malgré son humeur maussade, le comportement suspect de Malefoy, assis deux rangs devant elle, ne manqua pas d’attirer son attention. Il ne cessait de se trémousser nerveusement sur son siège, en jetant de fréquents coups d’œil à sa montre, comme s’il était pressé – ou non – que le cours se termine. Intriguée, Hermione donna un coup de coude à Harry, qui suivit son regard, soulagé d’échapper aux plaintes de Ron.

- Tu ne trouves pas ça bizarre ?

- Tu crois qu’il prépare quelque chose ?, s’enquit-il.

Hermione réfléchit un moment.

- Je ne sais pas, souffla-t-elle. Je veux dire… Malefoy est toujours en train de manigancer quelque chose. Mais on pourrait être assez facilement fixés, non ?

Harry hocha la tête en signe d’assentiment et exposa la situation à Ron, complètement aux fraises. Lorsque Slughorn les libéra à la fin du cours, Hermione et Harry se glissèrent discrètement au-dehors à la suite de Malefoy, ayant résolu d’un commun accord de suivre le conspirateur où qu’il aille. Ron aurait bien aimé les accompagner, mais il fût retenu par les sœurs Patil qui l’attendaient à la sortie afin d’écouter une fois encore le récit de sa confrontation avec le Sinistros – Sirius – en 3ème année et comment il s’en était sorti avec seulement une jambe cassée. Un récit sur lequel Lavande, bien entendu, ne tarissait pas d’éloges. A regret, Ron observa ses deux compères se fondre dans la masse des élèves de 6ème année qui se pressaient vers le rez-de-chaussée.

Au cours de la soirée, Harry et Hermione durent se faire tout petits pour ne pas être repérés par Malefoy ou ses comparses. Privés de la Cape d’Invisibilité, ils étaient plus vulnérables que jamais, et leur plan ne tenait qu’à un fil. Malefoy s’était d’abord rendu dans les cachots des Serpentards, et Harry avait craint un moment qu’il n’y reste jusqu’au lendemain, les condamnant à lanterner dans le couloir pour rien. Mais à son grand soulagement, Malefoy avait reparu quelques instants plus tard, flanqué de ses deux gorilles Crabbe et Goyle, et dissimulant quelque chose sous sa robe de sorcier.

- S’il a pris la Carte du Maraudeur avec lui, nous sommes fichus, avait murmuré Hermione à l’oreille de Harry.

- Je doute qu’il sache s’en servir, objecta-t-il. A part les Maraudeurs, seuls Fred et George sont parvenus à trouver le fonctionnement de la carte.

- Peut-être, mais ça ne veut pas dire qu’il n’a pas eu d’aide pour…

- Chut…

A leur grand désarroi, Malefoy ne semblait pas spécialement sur ses gardes. Il passa devant la statue derrière laquelle ils étaient cachés sans les voir, et s’éloigna d’un pas nonchalant, ce qui découragea un peu Harry et Hermione, qui le suivirent jusqu’au rez-de-chaussée avec un peu moins d’entrain. Ils crurent d’abord que le trio se rendait à la Grande Salle pour dîner mais Malefoy bifurqua résolument vers l’aile ouest, avant d’emprunter les escaliers jusqu’au troisième étage. Il s’y balada un moment, reprit les escaliers jusqu’au deuxième, puis jusqu’au cinquième étage, tout en devisant avec ses acolytes avec nonchalance. Harry et Hermione avaient bien du mal à les suivre dans leurs pérégrinations sans but, et commençaient sérieusement à se douter que Malefoy les avait repérés depuis longtemps, quand les Serpentards reprirent la direction du rez-de-chaussée. Dans le hall, Malefoy obliqua résolument vers la sortie, avant de s’éloigner d’un pas assuré vers le parc, entraînant Crabbe et Goyle dans son sillage. Passablement étourdis par ces tours et détours, Harry et Hermione s’empressèrent néanmoins de les suivre, craignant à chaque pas que Malefoy ne se retourne, ou que Crabbe ou Goyle ne trébuche, révélant leur filature. Mais le trio infernal chemina vers la Forêt Interdite sans un regard en arrière, visiblement pressé d’échapper à la vigilance de quiconque au château. Ils marchèrent sans s’arrêter dans le crépuscule tandis que l’air fraîchissait, et Hermione commença à s’inquiéter lorsqu’ils dépassèrent la cabane de Hagrid.

- Harry ? Ils ne vont pas aller dans…

- Si, je crois que c’est exactement là qu’ils vont, la coupa Harry, qui en était arrivé à la même conclusion, confirmant les craintes de son amie.

Et en effet, Malefoy, Goyle et Crabbe pénétrèrent dans la Forêt Interdite d’un air dégagé, comme s’ils ne faisaient rien de plus extraordinaire qu’une petite balade digestive… à ceci près qu’ils n’avaient pas encore dîné, et qu’ils venaient de franchir un périmètre dangereux au possible. En les voyant s’enfoncer sous la canopée obscure, Hermione marqua un temps d’hésitation. Mais Harry ne lui laissa pas le temps de la réflexion et la tira fermement par la manche en l’entraînant d’un pas décidé à couvert de la sombre forêt.

Ils marchèrent longtemps. Une heure, deux peut-être. Ils avaient perdu la notion du temps depuis que la lune s’était levée au-dessus des frondaisons. Malefoy s’enfonçait de plus en plus loin des les bois, sans discernement, au grand étonnement de Harry qui se rappelait fort bien leur première retenue sous la houlette de Hagrid lors de leur première année. Alors qu’ils étaient à la recherche d’un tueur de licornes, Malefoy s’était illustré par sa couardise. Depuis lors, il paraissait s’être armé de courage, et Harry dû reconnaître en son for intérieur qu’il en était passablement impressionné. Mais Hermione, bien loin de ces considérations, n’était pas du tout à son aise. D’abord, parce que la forêt était peuplée de créatures toutes plus dangereuses les unes que les autres, dont certaines n’étaient même pas répertoriées dans l’ouvrage du magizoologiste Norbert Dragonneau. Ensuite, parce que le règlement de l’école interdisait formellement l’accès à cette partie du domaine sans être accompagné par un professeur. Elle n’osait penser à ce qui leur pendait au nez s’ils se faisaient pincer.

- On risque de se faire renvoyer, ne cessait-elle de répéter d’une voix vibrante de colère mêlée d’angoisse, au grand dam de Harry.

Au terme d’une interminable randonnée cependant, Malefoy fit signe aux deux autres de s’arrêter. Harry et Hermione s’empressèrent de se dissimuler à leur regard, cachés à l’abri d’un bosquet d’épine-vinette. Malefoy indiqua quelque chose au sol à l’attention de Crabbe, qui commença à creuser de mauvaise grâce au pied d’une souche.

- Aïe ! Tu me marches sur le pied, Hermione !, jura Harry dans la pénombre.

- Tais-toi, ils vont nous entendre !

Ils se tenaient, accroupis, serrés l’un contre l’autre pour tenir à deux derrière le petit arbuste. La nuit était complètement tombée à présent, et les deux jeunes gens frissonnaient de froid sous leurs robes de sorciers, n’ayant évidemment pas pris le temps de se vêtir plus chaudement… Comment auraient-ils pu deviner qu’ils passeraient la moitié de la nuit dans la Forêt Interdite ? Tapis dans l’obscurité, et retenant leur souffle, Harry et Hermione épiaient les trois élèves de Serpentard avec avidité, se déboîtant le cou pour tenter d’apercevoir ce que Malefoy était venu déterrer là… ou enterrer. Mais, pour le moment, ce qui attirait d’avantage l’attention d’Hermione, c’était l’entrée obscure d’une grotte assez vaste pour y loger un dragon, et devant laquelle Malefoy, Goyle et Crabbe s’activaient sans paraître s’émouvoir de sa proximité immédiate. Le bruit de la pelle raclant le sol semblait avoir attiré quelque mystérieuse créature, car il sembla à Hermione que le trou béant qui figurait l’entrée de la caverne se mouvait faiblement dans l’obscurité. Elle agrippa Harry par la manche, tremblante, en plantant ses ongles dans son bras.

- Harry… Il faut partir…

- Non, attends. On va bientôt savoir ce que trame Malefoy…

Deux grandes pattes noires apparaissaient désormais clairement sous la lune, et Hermione retint à grand peine un cri de terreur.

- Harry, cette fois il faut vraiment partir !, souffla-t-elle d’un air paniqué.

- Pourquoi ?, s’agaça-t-il. Après tout ce chemin, tu voudrais que l’on parte maintenant alors qu’ils sont sur le point de…

Sans le laisser finir sa phrase, Hermione lui désigna la créature qui émergeait peu à peu de la grotte avec une lenteur macabre, et les yeux de Harry s’agrandirent d’horreur.

- Oh, non…, murmura-t-il, le souffle court. Je n’avais pas réalisé que l’on était devant…

- …le repère des acromantules, acheva Hermione, positivement effrayée. Je t’en prie, sauvons-nous !

Ils entreprirent de battre en retraite à reculons, très doucement, en prenant soin de faire le moins de bruit possible. Ni Malefoy ni ses deux acolytes ne semblaient avoir pris conscience de la présence de l’énorme araignée derrière eux. Harry et Hermione s’éloignaient toujours à reculons quand un craquement derrière eux les fit se retourner craintivement. Hermione manqua défaillir. A une centaine de mètres devant eux, prêtes à bondir de toutes la puissance de leurs huit pattes velues, une vingtaine d’acromantules coupaient leur retraite, toutes mandibules dehors.

- Harry, susurra-t-elle d’une voix aiguë tandis que l’une des affreuses bestioles avançaient lentement vers eux. Sors-nous de là, je t’en prie !

Mais Harry hocha la tête, désœuvré, réfléchissant furieusement à un moyen de s’échapper de cet endroit sinistre en un seul morceau.

- Il y a bien un sort, mais elles sont trop nombreuses…

Un cri retentit plus loin en arrière. Malefoy avait dû finir par se rendre compte être en violation de propriété sur le terrain d’hôtes peu ragoûtants. Hermione l’imaginait sans peine s’accrocher à Goyle tandis que Crabbe était livré en pâture aux immondes créatures pour leur laisser la vie sauve. Mais pour l’heure, c’était leur vie, à Harry et à elle, qui se trouvait menacée. Celle qui semblait être la chef de groupe des acromantules n’était plus qu’à quelques mètres d’eux. Harry brandit courageusement sa baguette, incitant Hermione à en faire de même. Il lui prit la main, qu’il serra aussi fort qu’il put pour la rassurer.

- On va lancer chacun un sort, ça les désorientera peut-être. Dés que ce sera fait, tu cours dans cette direction sans te retourner, c’est compris ?

Hermione hocha la tête frénétiquement, quoique peu enthousiaste par ce plan de la dernière chance. Mais, pile au moment où Harry et elle allaient prononcer la formule pour repousser la horde d’araignées géantes, Hermione fut brutalement plaquée au sol par une acromantule qui s’était traîtreusement glissée derrière elle.

- Hermione !

La bestiole faisait claquer ses pinces de façon menaçante au-dessus de la tête de la jeune fille, prête à mordre, quand soudain :

- Aragna Exime !


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