Je cacherai

L'ambiance entre les deux préfets-en-chef était pesante. Malefoy distançait de quelques pas une Hermione en proie au trouble. Ils allaient donc devoir faire ça chaque semaine ? L'année promettait d'être longue... En plus, se retrouver seule avec lui était encore si étrange. Le silence s'alourdissait de minute en minute, malgré les altercations ponctuelles avec des élèves. « Mais ce n'est pas comme si on pouvait simplement faire la conversation », se dit Hermione, et cette pensée lui arracha un petit rire nerveux qui malheureusement n'échappa pas au Serpentard.

- Qu'est-ce qui te prend, Granger ? Siffla-t-il en lui adressant un rapide coup d’œil agacé.

- Rien, rien, continuons de nous ignorer, répondit-elle vivement.

Il y eut un blanc avant que Malefoy ne reprenne la parole d'une voix chargée de mépris.

- Alors, Granger, tu survis séparée de tous ces idiots de Gryffondors ?

- Ne t'en fais pas, j'ai trouvé leur maître. Ils ne t'arrivent pas à la cheville côté idiotie, tu peux être rassuré.

Elle n'avait pas pu résister. Dès qu'il commençait à devenir médisant, il fallait qu'elle le remette à sa place, elle qui pourtant incitait Harry et Ron à l'ignorer. Cette fois, Malefoy s'arrêta net.

- Arrête de faire la maligne, Sang de Bourbe, et reste à ta place.

- Tes insultes sont réchauffées, Monsieur le Sang Pur. Le même refrain depuis des années, ça devient lassant...

- Peut-être, mais ça te blesse toujours, répliqua-t-il avec un rictus froid.

Hermione plissa les yeux. Il était agaçant de constater qu'il avait très bien noté sa nonchalance feinte. Bien malgré elle, cela la touchait. Et se l'entendre dire l'énervait au plus haut point.

- Ça doit sans doute être un des premiers mots qu'on t'a appris au manoir Malefoy ! Avec Mangemort et Voldemort...

A cette mention, le Serpentard perdit de sa superbe.

- Ah pardon, c'est vrai que vous avez tous trop peur pour le prononcer ! Regarde-toi, continua-t-elle, incisive. Tu es l'une des personnes les plus arrogantes au monde et tu trembles en entendant le nom de votre cher maître !

Hermione était vraiment en colère et ne cherchait plus à se modérer. Elle en avait assez de toutes ces années d'insultes et d'humiliation. Il était hors de question qu'elle subisse ça encore une fois. C'était l'année de trop. Elle n'avait plus envie de faire l'effort de passer outre, surtout qu'ils étaient forcés de passer du temps ensemble à présent.

Elle le toisa avec défi pendant que lui ronflait de colère. En plongeant son regard dans les yeux gris orageux de son homologue, Hermione se fit la réflexion que si en public, Malefoy était fier et mesquin, en privé il dégageait quelque chose de plus sombre, de plus torturé. Mais elle était trop énervée pour se laisser troubler.

- Tu sais quoi ? Siffla-t-il. J'ai suffisamment respiré le même air que toi pour ce soir. Je rentre, et ne prend pas le même chemin que moi.

Il la foudroya une dernière fois du regard avant de tourner les talons, la rage raidissant sa démarche.

- Dégonflé, marmonna la Gryffondor.

Elle souffla un grand coup. Il fallait qu'elle se calme, sinon leur cohabitation serait encore plus houleuse. Elle prit le chemin le plus long pour rentrer, avant de se glisser dans son lit.

Le lendemain, elle se réveilla avec un puissant mal de tête. Nauséeuse, elle eut beaucoup de mal à se concentrer, particulièrement en cours de botanique avec le parfum entêtant des fleurs papillons. Le repas du midi lui fit du bien et après un bref passage aux toilettes, elle rejoignit Harry et Ron devant la classe d'enchantement.

Il y avait un grand brouhaha et le ton était monté entre Drago Malefoy, flanqué de ses deux gorilles, et Lavande Brown qui était soutenue par un Ron écarlate. Avant qu'Hermione puisse en savoir plus, le professeur Flitwick ouvrit la porte et les élèves entrèrent dans la salle de cours.

Tout comme ses collègues, le professeur annonça une répartition en binôme et Hermione en profita pour questionner Harry.

- Que s'est-il passé ?

- Oh, pas grand chose... répondit Harry d'un air blasé. Malefoy a encore fait son... et bien, son Malefoy. Mais ne pense plus à lui, il t'a suffisamment pris la tête pendant la ronde d'hier.

- Ça tu l'as dit...

- Hermione Granger avec Théodore Nott !

La Gryffondor adressa un petit sourire à Harry avant de rejoindre son partenaire, un jeune homme fin avec des cheveux châtains bouclés coupés courts. Celui-ci ne lui accorda pas la moindre attention. Théodore Nott ne faisait pas partie de la bande de Malefoy. Toujours à l'écart, il ne participait jamais ni aux moqueries ni aux brimades, il s'en désintéressait. En fait, il semblait bien au dessus de tout ça.

- Aujourd'hui, déclara le professeur Flitwick de sa petite voix fluette, nous allons commencer à étudier le sortilège « Lisilius Accentus ».

Il donna un petit coup de baguette en direction du tableau : la description du sort et les instructions s'y inscrivirent en lettres d'or. Le sortilège avait pour but d'accélérer la lecture, mais il devait être correctement lancé, au risque de se retrouver avec une migraine intense ou avec d'autres effets... indésirables. « Voilà pourquoi son apprentissage s'étalera sur trois séances », se dit Hermione.

Théodore Nott était toujours silencieux. Hermione, un peu gênée, finit par prendre la parole :

- On se lance ?

Le Serpentard hocha simplement la tête et ils commencèrent à s'exercer. Hermione était troublée par son binôme qui répondait du bout des lèvres dans les rares cas où il se voyait contraint d'avoir recourt à des mots. Ce n'était pas désagréable, mais assez déstabilisant.

Neville se leva d'un coup et partit en trombe à l'infirmerie car ses yeux tournaient comme des billes dans ses orbites. Blaise Zabini, avec qui il faisait équipe, l'escortait en se tordant de rire. Hermione aperçut Debby à l'autre bout de la salle, qui semblait passer plus de temps à observer Malefoy qu'à travailler sur le sortilège. Seamus à sa droite levait les yeux au ciel d'exaspération.

A la fin du cours, Hermione et Nott avaient bien avancé, et s'il se leva toujours en silence, il lui adressa un bref signe de tête auquel elle répondit d'un air perplexe.

- Décidément, les Serpentards avec qui je suis en binôme ne sont pas comme je m'y attendais, déclara-t-elle en retrouvant ses deux amis.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? Demanda Ron.

- Et bien, Debby est plutôt agréable, et s'applique beaucoup avec moi. J'ai l'impression qu'elle est vraiment reconnaissante pour mon aide, ça fait plaisir. Et Théodore Nott... est très mystérieux.

- Mystérieux ? Il est juste plus discret que cet abruti de Malefoy, ronchonna Ron.

- Et être plus discret ne le rend pas moins méprisant, renchérit Harry.

- Si tu le dis, répondit Hermione, pensive.

Le quotidien avait repris sa place dans les couloirs du château. Les devoirs s'amoncelaient déjà après cette première semaine et Hermione passait le plus de temps possible dans la salle commune des Gryffondors. Pour sa deuxième ronde avec son homologue, tous deux restèrent silencieux, dans une sorte de trêve, mais la préfète savait que ça ne durerait pas.

Le deuxième week-end de septembre arriva bien vite et avec lui les sélections de Quidditch. Le samedi matin, Ron mangea à peine, le visage rouge de stress. Ginny et Hermione l'encouragèrent vivement mais il ne semblait pas les entendre.

- On se retrouve sur le terrain ! Lança Harry un peu plus tard.

Hermione accompagna les deux Weasley puis s'installa sur les gradins, une grosse écharpe autour du cou pour se protéger du vent frais.

Ginny, le regard assuré, réussit tous ses buts avec brio. Ron eut du mal au début, mais se reprit vite, déterminé à rester dans l'équipe coûte que coûte. De nombreux Gryffondors se succédèrent sur le terrain, et à l'issue de la session de recrutement, Harry annonça à tous les candidats qu'il afficherait les résultats dans la salle commune le soir-même.

Hermione passa le reste de la journée avec les autres près du feu. Ne plus vivre dans la tour de Gryffondor lui manquait. Elle essaya de convaincre Harry et Ron de travailler avec elle, mais sans succès : les deux garçons préféraient se livrer bataille dans une partie d'échecs version sorcier. Ron réussit à oublier son appréhension grâce à trois victoires consécutives, quand enfin arriva l'heure fatidique.

- Courage, Ron, lui souffla Hermione alors qu'il se frayait un chemin entre les candidats qui s'amassaient devant le panneau d'affichage.

- C'est bon ! S'exclama-t-il finalement.

- Je suis prise aussi, déclara Ginny avec un grand sourire.

- Pour fêter ça, et si tu laissait de côté tes révisions pour ce soir ? Proposa Harry.

Devant sa petite moue, Hermione ne put s'empêcher de rire.

- A situation exceptionnelle... répondit-elle en refermant son livre.