Je cacherai

Le quotidien s'installa à Poudlard, rythmé par les montagnes de devoirs, les rondes pour certains et les entraînements au Quidditch pour d'autres. Les semaines se succédaient sans que l'hostilité ne diminue entre Hermione et Malefoy. Si la Gryffondor n'essayait pas, en général tout du moins, de le provoquer, la moindre étincelle pouvait vite se muer en une dispute incendiaire. Les deux préfets-en-chef s'évitaient autant que possible en dehors de leurs rondes, bien souvent épuisantes tant la tension entre eux était palpable.

Bien malgré elle, Hermione constatait que ses visites dans la salle commune de Gryffondor s'espaçaient. En plus du travail demandé par les professeurs, elle voulait toujours aller plus loin, en apprendre davantage, et elle se mettait toute seule une pression encore plus forte qu'en cinquième année pour la réussite de ses BUSES. Tout ceci la poussait à compulser de plus en plus de livres, et elle passait le plus clair de son temps à la bibliothèque, entourée de gros volumes poussiéreux. Parfois, Harry et Ron se joignaient à elle, particulièrement pour les devoirs nécessitant la rédaction de nombreux parchemins. D'autres fois encore, c'était Ethan qui révisait à ses côtés. Ces moments étaient apaisants et stimulants, car le Serdaigle était intelligent et très assidu. Leurs débats animés leur valurent d'ailleurs de nombreux regards courroucés de la part de la sinistre Madame Pince.

Hermione n'avait pas pu s'empêcher de noter que Théodore Nott passait lui-aussi beaucoup de temps entre ces murs. Elle le voyait toujours installé sur la table qui se trouvait dans le coin le plus reculé de la bibliothèque ; là où il était sûr de ne pas être dérangé. Elle avait remarqué qu'il était constamment en quête de calme, ce qui expliquait aussi pourquoi il était toujours si silencieux en cours. Elle était intriguée par ce jeune homme si différent des autres Serpentards, le seul que Drago Malefoy semblait considérer comme un égal. Elle avait été plusieurs fois surprise par l'intensité de son regard lorsqu'il tournait vers elle ses yeux bruns sombres.

Le mois d'octobre fila à toute allure, et le soir d'Halloween arriva. Hermione était ravie à l'idée de passer un bon moment au banquet avec ses amis, et de se détendre après le dernier cours de la semaine. Elle rejoignit Ginny dans le dortoir des filles quelques minutes avant de retrouver les garçons et s'affala sans scrupule sur le lit de sa meilleure amie.

- Aaah, ça me manque... soupira-t-elle.

- Quoi donc, de me piquer mon lit ?

- Mais non, cette ambiance, répondit Hermione avec un petit rire.

- Tu nous manques aussi ! S'attendrit Ginny. Au fait, tu as vu le panneau d'affichage ? La première sortie à Préaulard est prévue pour le weekend prochain. Ça te dit d'y aller ensemble ?

- Non, je n'avais pas vu. Avec plaisir Ginny, j'ai hâte d'y être ! S'enthousiasma Hermione en se redressant.

- Bon, on ferait mieux de descendre, on va finir par être en retard.

Les deux amies retrouvèrent Harry et Ron dans la salle commune et tous les quatre se rendirent dans la bonne humeur au banquet.

La Grande salle avait été décorée pour l'occasion et comme d'habitude, c'était éblouissant. Des centaines de citrouilles évidées lévitaient, des bougies tremblotantes comme sous un vent glacial illuminant leurs yeux et leurs sinistres grimaces. Les membres du club des cavaliers sans tête paradaient, leurs têtes dignement coincées sous leurs bras ; on apercevait aussi des chauve-souris phosphorescentes et des toiles d'araignées pendues au plafond. Ce dernier offrait un ciel orageux propice à l'ambiance et le professeur Henri, pas en reste avec son déguisement de vampire, passait entre les tables et discutait avec les élèves pendant qu'ils s'installaient.

Hermione, Harry, Ron et Ginny s'assirent aux côtés de Neville, Seamus et Dean.

- Vous avez vu le professeur Henri ? S'exclama justement Seamus.

- Il s'est vraiment bien adapté ici, renchérit Dean. Il est cool, et ses cours sont super dynamiques !

- Dommage qu'on ne l'ait qu'une année, ajouta Harry.

Après le discours de Dumbledore et l'apparition des plats et des boissons, la conversation s'orienta sur le match de Quidditch qui devait avoir lieu le lendemain après-midi.

- Alors, vous êtes prêts pour demain ? Demanda Hermione avec un sourire confiant.

Ron se rembrunit et baissa le regard vers son assiette, mais Harry lui donna un coup de coude encourageant et répondit :

- Oui ! On s'est beaucoup entraînés et les nouveaux autant que les anciens sont à la hauteur.

- On va mettre une raclée aux Serpentards, renchérit Ginny.

Sa moue diabolique fit rire ses amis et la soirée se poursuivit jusque tard. Quand enfin Hermione franchit le tableau menant à ses appartements, elle eut juste le temps d'apercevoir son homologue se glisser dans sa chambre non sans lui avoir lancé un regard glacial.

- Toujours aussi aimable, bougonna Hermione avant d'aller se coucher.

Le samedi matin, tout le château était en pleine effervescence : enfin la saison de Quidditch allait commencer ! Et comme d'habitude, le premier match opposerait les deux équipes qui partageaient la plus grande rivalité : Gryffondor et Serpentard. Après le déjeuner, tous les élèves se dirigèrent vers le stade dans un grand brouhaha. Certains élèves des autres maisons arboraient des bannières de leur favori, et Luna avait encore une fois revêtu son chapeau tête de lion.

Hermione encouragea une dernière fois les membres de l'équipe de Gryffondor avant de rejoindre Neville et Luna dans les gradins. Elle n'appréciait pas le Quidditch plus que ça, mais les matchs étaient toujours des grands moments de convivialité et elle était fière de voir ses amis faire de leur mieux sur le terrain.

Les deux équipes firent leur entrée dans un tonnerre d'applaudissements, puis dans un coup de sifflet Madame Bibine lança le match en même temps que les balles. S'ensuivit une partie acharnée, les joueurs se démenaient et le score était très serré. Toutefois la stratégie que les Gryffondors avaient mise au point pendant leur entraînement portait ses fruits car l'écart se creusa de plus en plus. Harry gardait un œil sur ses joueurs et sur les points, guettant le meilleur moment pour se lancer sérieusement à la poursuite du vif d'or, tout en feintant Malefoy de temps à autre. Mais lorsque ce dernier fut sur le point d'attraper la petite balle dorée, Harry réussit in extremis par une manœuvre risquée à s'en saisir avant son rival. Il s'en était fallu de peu, ce qui fit d'autant plus rager le Serpentard.

Ainsi le match se termina avec la première victoire des Gryffondors qui s'assuraient déjà une belle avance pour le reste de la saison. Hermione et les autres se rendirent ensuite dans leur salle commune pour fêter la bonne nouvelle dignement, sans oublier de taquiner les Serpentards qu'ils croisèrent sur leur route.

Plus tard, lors du dîner, le professeur McGonagall vint voir Hermione à la table des Gryffondors.

- Miss Granger, voici des documents à l'intention de Monsieur Malefoy. Le professeur Rogue devait les lui remettre, mais il est actuellement en retenue avec un élève. Pouvez-vous transmettre cette convocation à votre homologue ce soir ? Je ne l'ai pas vu au dîner.

- Bien sûr, professeur, s'empressa de répondre Hermione.

McGonagall la remercia d'un hochement de tête et s'en retourna à la table des professeurs.

- Essaie d'être sympa avec lui quand tu le verras tout à l'heure, le pauvre doit être déprimé, ricana Ron entre deux bouchées.

Hermione esquissa un sourire mais en son fort intérieur elle se dit qu'elle aurait justement préféré ne pas avoir à faire à lui ce soir-là...

- Bon, je vais y aller, finit par déclarer Hermione à regrets. Encore félicitations pour votre victoire aujourd'hui, vous avez assuré !

Tous la remercièrent chaleureusement, Ron les oreilles un peu plus roses, et Ginny lui souffla un « Courage ! » qui lui mit du baume au cœur.

Les couloirs du château étaient silencieux, contrastant avec l'agitation qui régnait dans la Grande salle. Quand elle arriva devant la sirène, celle-ci lui fit remarquer que son homologue était déjà rentré depuis longtemps, lui, alors qu'elle trouvait encore une fois le moyen de la déranger à des heures tardives. Hermione l'ignora et pénétra dans le petit salon, se disant qu'au moins il était là et qu'elle n'aurait pas besoin de l'attendre. « Tant mieux, parce que la fatigue commence à se faire sentir... ».

Elle s'approcha de la porte au dessus de laquelle trônait fièrement le blason de Serpentard, et toqua avec détermination. Mais personne ne lui répondit.

Après plusieurs essais, Hermione commença à s'agacer. Pourquoi n'ouvrait-il pas ? Il faisait sans doute la sourde oreille car il n'avait pas envie de la voir, mais que croyait-il ? Elle aussi s'en serait bien passé. Énervée, elle tenta d'ouvrir la porte, et à son grand étonnement, celle-ci n'était pas verrouillée. « Quel idiot », pensa-t-elle. Poussée par sa curiosité, elle entra...

Contre toute attente, la chambre était parfaitement rangée. Aux couleurs des Serpentards, vert et argent, elle ressemblait beaucoup à la sienne dans son agencement. Mais toujours aucune trace de Malefoy. La seule fenêtre, de grande taille, donnait sur le lac sur lequel la lune se reflétait. Elle se dit qu'il avait de la chance d'avoir une si belle vue. Elle s'approcha, et remarqua sur la commode un petit cadre photo. A bien y regarder, c'était le seul objet personnel présent dans la pièce. Après un bref moment d'hésitation, elle s'en saisit pour le voir de plus près : sur la photo, une jeune fille s'amusait dans un champ de tournesols. Hermione constata qu'elle était vraiment très belle. Mais ce qui retint le plus son attention fut l'éclat du soleil dans ses cheveux pâles aux reflets d'argent.

Perdue dans sa contemplation, elle n'entendit pas la porte de la salle de bain de son homologue s'ouvrir.

- On peut savoir ce que tu fais dans ma chambre, Granger ?

La voix était glaciale et Hermione ne put réprimer un frisson. Elle reposa vivement le cadre à sa place et se retourna avec appréhension. Son visage rougi de honte pâlit devant le terrible regard du Serpentard.

- Je, euh... Je te cherchais... bredouilla-t-elle, troublée.

Une boule s'était formée dans son estomac et la tiraillait. Son cœur battait si vite que ça en devenait douloureux.

- McGonagall m'a remis cette convocation pour toi, reprit-elle en lui tendant un morceau de parchemin.

Malefoy, silencieux, ne bougea pas d'un pouce. Le malaise d'Hermione ne cessait de grandir. Elle déposa le papier sur la commode derrière elle. Un ange passa, puis :

- Sors.

Hermione hésita.

- Sors, je te dis. Sors avant que je m'énerve vraiment.

Elle esquissa un mouvement timide.

- SORS !!!

Hermione ne demanda pas son reste et s'enfuit dans sa chambre. Son cœur battait toujours à tout rompre. La culpabilité lui compressait la poitrine, même si elle essayait de se convaincre que ce qu'elle avait fait n'était pas si grave. Après tout, elle avait simplement jeté un œil à une photo. Bon, elle avait aussi pénétré dans la chambre de son homologue sans son consentement... Elle frémit en repensant à la façon qu'il avait eu de la regarder : avec une haine indescriptible mêlée de... de quoi au juste ? Elle l'ignorait, mais on aurait dit qu'il lui en voulait d'être entré dans son espace intime. Comme si elle avait découvert quelque chose sur lui qu'il s'appliquait à cacher avec soin.

Après s'être préparée, elle se blottit sous la couette et repensa à la fille de la photographie. Celle-ci semblait avoir à peine quinze ans. La ressemblance avec le Serpentard était flagrante. Le même blond platine, les mêmes yeux gris qui vous font frissonner. A la différence que beaucoup plus de douceur et de chaleur se dégageaient d'elle, tant dans son attitude générale que dans son regard. Hermione essaya de se remémorer l'arbre généalogique des Black qu'elle avait vu au Square Grimmaurd, sur lequel figurait Drago et ses parents. S'agissait-il de Narcissa quand elle était plus jeune ? « Ça semble peu crédible », se dit Hermione. Peut-être était-ce une cousine du côté des Malefoy ? En tout cas, la Gryffondor était sûre qu'elle n'était pas élève à Poudlard. Et si elle avait était envoyée à Durmstrang ? Elle se souvint que Drago avait failli y aller selon la volonté de son père, mais que sa mère s'y était opposée.

L'esprit empli de nombreuses questions, Hermione finit par s'assoupir...