Harry Potter et le Complot du Serpent

Chapitre 4 : Somnimus et souvenirs

7221 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/07/2020 23:19

La première semaine de cours fut particulièrement éprouvante. Ginny fut rapidement dépassée par la quantité de travail exigée par les professeurs en vue des A.S.P.I.C de fin d’année. Même Hermione avait du mal à suivre le rythme effréné des cours de septième année.

Pour Harry et Ron, c’était encore pire. Ils rentraient toujours exténués de leurs entraînements d’Auror, et se concentrer sur les cours suivants leur était difficile. Hermione faisait de son mieux pour composer avec ses propres devoirs et l’aide qu’elle avait promise à Ron.

Et le plus dur les attendait. Le vendredi était une journée entière de « Formation pratique au métier d’Auror ». Ils s’étaient préparés avec appréhension, tentant d’ignorer les crampes dues aux jours précédents

- Je ne tiendrai pas trois semaines à ce rythme, se lamenta Ron le matin en baillant à s’en arracher la mâchoire.

- Mais si, après ça, c’est le week-end, le rassura Hermione. Vous aurez le temps de récupérer, physiquement comme mentalement. C’est juste une journée difficile à passer.

Mais à leur grand soulagement, Mr Loyd fut très clément, ce jour là.

- Je sais que vous êtes fatigués, dit-il en entrant dans la clairière pour le début du cours matinal. Il va falloir vous habituer, car le rythme ne ralentira pas. Mais pour cette première semaine, il ne sert à rien de vous surmener. Vous avez été rigoureux et efficaces, c’est pourquoi je vais vous faire une faveur cette après-midi. J’ai parlé avec le professeur de Soin aux Créatures Magiques, Mr Rubeus Hagrid, et il fera un cours très intéressant à ses sixième année après le déjeuner. Il étudiera des créatures qui peuvent être utilisées pour de la magie noire, alors nous avons convenu que vous assisterez à son cours, sans gêner ses propres élèves.

Harry se sentit tout de suite soulagé. Ses muscles auraient difficilement supporté une journée entière d’activité physique intense, fatigués par les entraînements à la parade, aux attaques au sol et aux duels à vol de balai.

Drago semblait moins ravi de la nouvelle. Il n’avait jamais aimé Hagrid et un hippogriffe lui avait laceré un bras lors d’un de ses cours.

L’entraînement du matin sembla beaucoup moins éprouvant en sachant qu’ils auraient un après-midi plus calme. Malefoy, qui avait été tout aussi agréable que le premier jour durant toute la semaine, était encore en duo avec Harry. A en juger par les regards noirs qu’ils se lançaient, Mr Loyd avait préféré garder Anguis et lui séparés.

Harry et Ron trouvèrent même la force de courir pour retourner au château. Ils étaient arrivés en retard au cours du début d’après-midi tout au long de la semaine, comme avec Mr Aquilibus le premier jour. Aucun professeur ne leur en avait tenu rigueur, mais ils tenaient à arriver à l’heure pour Hagrid.

Contrairement aux autres jours, le réfectoire n’était donc pas vide quand ils y entrèrent. Hermione n’était pas là, mais Ginny mangeait seule à un coin de la table.

- Ah, ça tombe bien Harry, j’avais quelque chose à te donner, lui dit-elle alors qu’il s’asseyait à ses côtés.

Elle lui tendit une sorte de carte de visite, dont Harry crut d’abord qu’elle était vierge. Mais des mots apparurent quand il s’en saisit : Albus et Fumseck.

- C’est Mme McGonagall qui me l’a donnée, lui expliqua Ginny. Elle m’a dit que c’était le mot de passe pour accéder à son bureau, mais je ne comprends pas, il n’y a rien d’écrit.

- Tu ne vois pas le message ? s’étonna Harry.

- Non, mais si toi tu le vois, c’est parfait. Ne me le dis pas, elle a dû l’ensorceler pour que seul toi puisses le lire.

- Mais pourquoi veut-elle que j’aille dans son bureau ?

- En fait, euh… s’aventura Ginny d’une petite voix, à la manière d’un enfant qui a fait une bêtise. C’est moi qui ai été la voir ce matin, tu sais, pour lui parler de tes angoisses.

- Ce ne sont pas des angoisses ! protesta Harry, le teint légèrement cramoisi.

Il aurait préféré que Ginny n’en parle pas juste à côté de Ron. Mais son ami ne semblait pas avoir entendu, trop préoccupé par sa cuisse de poulet.

- Très bien, disons, ta tendance à te rappeler des choses tristes, dit-elle prudemment.

- Tu sais, depuis qu’on en a parlé, je n’ai plus trop de flashs comme ça, ni de cauchemars, dit Harry.

Ce n’était pas totalement vrai. Mais Harry ne se voyait pas confier tous ses problèmes personnels à Mme McGonagall.

- Je préférerais que tu ailles la voir, dit Ginny d’un ton un peu trop protecteur au goût d'Harry. Avec Anguis, Malefoy, l’Auror, on en parle beaucoup, et tu as trop d’occasions d’avoir des souvenirs douloureux...

- Très bien, répondit Harry précipitamment, plus pour mettre fin à la conversation que par réelle approbation. J’irai ce soir.

- Tu pourras lui demander pourquoi elle a pris Malefoy dans la formation, suggéra innocemment Ron.

Voyant les sourcils froncés et l’air mal à l’aise d'Harry, il précisa :

- Je ne vous écoutais pas, hein, j’ai juste entendu parler du professeur McGonagall.


Ils arrivèrent devant la cabane de Hagrid pile à l’heure pour le début de son cours. Les sixième année étaient déjà là, regroupés autour du demi-géant. Ce dernier fit un signe amical à Harry et pointa la lisière de la forêt. Assis dans de grandes chaises longues un peu plus loin, Anguis et Drago étaient déjà là et les regardaient.

- Génial, je sens que ce cours va plus me plaire, rigola Ron.

Mr Loyd n’était pas encore là, et ils s’assirent dans deux autres chaises, laissant la cinquième vide.

- Où est le professeur ? demanda Harry.

- Il a dit qu’il n’allait pas tarder, répondit Anguis. Il rajoutera des commentaires un peu plus poussés sur les créatures de Hagrid.

- Qu’est-ce que ça peut bien être, ces créatures utilisables par la magie noire ? questionna Ron avec excitation.

- Je ne sais pas, mais j’ai hâte de voir ça, dit Anguis, trépignant lui aussi sur sa chaise longue.

Comme Harry, ils imaginaient sûrement déjà d’immenses trolls ou des dragons maléfiques.

Quelle ne fut pas leur déception quand ils virent Hagrid sortir une minuscule boîte en bois, et clamer fièrement à ses élèves :

- Faites attention, il y a des Somnimus là-dedans.

Au vu de leurs visages amusés, les élèves de Hagrid ne semblaient pas non plus croire que de si petites créatures puissent mériter qu’on y fasse attention.

Même s’il aurait préféré voir de plus grosses bêtes, Harry restait curieux. Il avait appris que les créatures les plus petites n’étaient pas toujours les moins dangereuses.

Hagrid ouvrit finalement la boîte d’un air théâtral. De petites bulles colorées s’en échappèrent et restèrent un moment suspendues en l’air. Elles étaient opaques et toutes d’une couleur unie mais différente des autres.

Dans un léger claquement sonore, ce qui ressemblait à une minuscule jambe émergea d’une bulle bleue clair. C’était comme une fine tige, avec un pied de quelques millimètres au bout. Il y eut un autre claquement, et ce qui devait cette fois être un bras sortit à son tour de l’autre côté de la bulle bleue.

Très rapidement, toutes les bulles firent apparaître leurs membres, dans un concert de « pop » très bruyant.

La première bulle bleue, qui avait déjà deux bras et deux jambes, chuta sur le sol et se mit à courir sur ses minuscules pattes.

- Attrapez-là ! tonna Hagrid avec excitation.

Un groupe d’élèves se rua à la poursuite de la bulle coureuse, qui gambadait joyeusement en poussant des cris stridents.

Quand toutes les bulles furent retombées par terre, la classe de sorciers se retrouva vite dépassée. C’était un chaos indescriptible.

Les petites bulles colorées s’enfuyaient dans tous les sens, se précipitant pour échapper aux grandes mains des élèves. Elles zigzaguaient entre la forêt de jambes et de bras tendus avec une agilité déconcertante, poussant de petits cris stridents.

Hagrid regardait avec un grand sourire ses élèves se démener pour récupérer les somnimus, se baissant à l’occasion pour en attraper un au passage.

De leur côté, les apprentis Auror n’en pouvaient plus de rire. Ron était plié en deux et se tenait les côtes pour tenter d’arrêter de glousser. Anguis roulait par terre en s’esclaffant bruyamment. Seul Drago était plus neutre, contrôlant un ricanement insonore.

Un somnimus de couleur vert pomme, qui avait manifestement échappé à la vigilance de la classe, s’arrêta à leur hauteur. De plus près, on pouvait distinguer deux enfoncements grossiers sur le haut de la bulle, qui marquaient sûrement ses yeux. Un troisième enfoncement, plus gros, se forma un peu plus bas, dévoilant une bouche qui témoignait de l’expression de surprise du somnimus.

Avant que celui-ci ne puisse s’enfuir à nouveau, Harry se jeta sur lui, les deux mains en avant. Il le saisit en tâchant de ne pas l’écraser sur sa paume. Le somnimus était gluant et malléable. Avec ses trois centimètres de diamètre environ, Harry avait du mal à l’empêcher de glisser entre ses doigts, d’autant qu’il se débattait sauvagement. Ses piaillements stridents rappelaient étrangement la voix aiguë du professeur Aquilibus. Il tournait dans tous les sens le trou qui lui servait de bouche en criant, offrant à Harry un panel de grimaces assez amusantes.

Ce dernier se décida enfin à ramener son somnimus à Hagrid. Le demi-géant le remercia, saisit la petite bulle verte et l’aplatit sans vergogne sur une table badigeonnée de colle. Harry crut qu’il avait écrasé le somnimus entre son immense main et la table, mais la bulle reprit rapidement sa forme arrondie initiale.

Les élèves autour d’eux, les joues rougies par la course-poursuite, ramenaient chacun un somnimus. Quand ces derniers furent tous fixés à la table, Harry repartit à l’écart et laissa Hagrid continuer son cours.

- Voilà ! Comme vous avez pu le constater, ils préféreraient être en liberté. Ils sont tous mignons (les élèves ne semblaient plus leur trouver quoi que ce soit de mignon après le mal qu’ils leurs avaient donnés), mais ils n’en font qu’à leur tête ! Comme je le disais, ce sont des somnimus. Ces petites bulles sur pattes ont une faculté très rare : ils sont liés à nos rêves.

A la lisière de la forêt, Anguis et Ron avaient calmé leur fou-rire et écoutaient désormais attentivement Hagrid.

- Les mères sorcières utilisent régulièrement les somnimus, continuait Hagrid de sa voix forte. Elles donnent un somnimus à leurs nourrissons, chaque soir, pour aider leur sommeil. En effet, si vous mangez un somnimus juste avant d’aller dormir, vous ne ferez pas de cauchemars. Vous ferez même de jolis rêves très agréables. C’est pour ça que les parents en font avaler à leurs bébés. Les vôtres l’ont sûrement déjà fait pour vous quand vous étiez petits, d’ailleurs.

Les élèves massés autour d’Hagrid avaient perdu leurs airs énervés et contemplaient désormais les somnimus collés à la table avec une certaine curiosité.

- Vous imaginez bien qu’avec des facultés pareilles, les somnimus sont très prisés. On ne les trouve pas partout et ils sont plutôt chers. Tous ceux-là ont même coûté une petite fortune (il montra fièrement toutes les bulles colorées qui se débattaient toujours).

Une main se leva dans l’auditoire d’Hagrid. Harry brûlait lui aussi d’envie de poser une multitude de questions sur les somnimus, mais Mr Loyd leur avait bien spécifié qu’ils ne devaient pas intervenir dans la leçon d’Hagrid.

- S’ils sont si chers, comment font la plupart des familles pour en acheter pour leurs bébés ? demanda l’élève qui avait réclamé la parole.

- Très bonne question, dit Hagrid, ravi que son cours suscite un tel intérêt. En fait, un somnimus coûte cher à l’unité, c’est vrai, mais pour qu’un bébé dorme bien, il n’y a pas besoin d’en prendre un entier...

Il tira de la table un somnimus de couleur jaune canari. Puis il emprunta la baguette d’une jeune fille, qu’il pointa sur la bulle colorée.

- Reducto !

Subitement, le somnimus se désintégra en une multitude de bulles identiques, mais de bien plus petite taille que la première. Hagrid s’empressa de les recoller à la table avant qu’elles ne s’échappent.

- Il suffit de diminuer leur taille pour en obtenir un plus grand nombre, adaptés à la bouche d’un nourrisson. Alors les parents n’achètent qu’un seul somnimus qu’ils démultiplient à plusieurs reprises. Si c’est simplement pour leur bébé, ça suffit largement, et c’est même moins dangereux. Car en manger un plus grand volume peut apporter des pouvoirs aussi puissants que risqués…

La curiosité des apprentis Aurors, qui assistaient toujours au cours depuis leurs chaises longues, était piqué au vif. Quand Mr Loyd leur avait fait allusion de l’usage de ces créatures par les mages noirs, il parlait sûrement de cela.

Mais Hagrid ne donna pas d’informations supplémentaires à ce sujet. Il proposa plutôt à ses élèves d’observer les somnimus de près pour en faire un schéma.

Ron se laissa tomber dans sa chaise longue et soupira.

- Pourquoi le professeur Loyd n’est toujours pas là ? J’ai hâte qu’il nous dise ce que font les mages noirs de ces somnimus.

Anguis paraissait lui aussi très impatient. Drago, lui, restait muet, le regard toujours rivé sur le cours qui continuait un peu plus loin.

Malefoy avait été plutôt agréable avec Harry et Ron à chaque fois qu’il leur avait adressé la parole. Mais il n’était tout de même pas très bavard, et se contentait le plus souvent de s’entraîner sans rien dire. De même, il quittait toujours en premier la clairière où avaient lieu leurs leçons. Harry ne le voyait jamais en dehors de la formation d’Auror, ni dans les couloirs du château, ni à la table des Serpentard.

Pourtant, dans leur enquête sur le comportement de Drago, lui et Ron étaient obsédés par leur ancien ennemi. Ils guettaient ses moindres faits et gestes dès qu’ils avaient l’occasion de le croiser, et commentaient tout ce qu’ils pouvaient en tirer. Les absences mystérieuses de Drago n’avaient fait qu’attiser plus encore leur curiosité.

Désormais, ils avaient encore plus de questions à son sujet. Vivait-il au château ? Dormait-il, comme eux, dans une salle commune, par exemple celle de Serpentard ? Si non, où vivait-il alors ? Était-il accompagné par son père ?

Harry espérait en découvrir un peu plus avec Mme McGonagall ce soir là. Car avec eux, Drago était muet comme une tombe. Il se contentait de les saluer, participer en silence à la formation, et repartir sans rien ajouter. Et en présence d’Anguis, il se refermait complètement sur lui-même comme un coquillage. Les yeux fixés dans le vide, les traits tirés, il semblait concentré à se contenir. Depuis leur altercation, c’était comme s’il luttait pour endiguer la rage interne qui le consumait.

Au contraire, Anguis paraissait s’amuser de la situation, risquant quelques remarques acerbes dès qu’il était assuré de ne pas être entendu par le professeur Loyd. Lui avait toujours été amical avec Ron et Harry. Il était même plus bavard de jour en jour. Étant lui-même un ancien Gryffondor, il partageait leur dortoir dans la salle commune et participait à leurs cours. Ce qui lui donnait de multiples occasions de sympathiser avec eux. Harry le trouvait même plutôt envahissant, mais Ron semblait l’apprécier.

- Ah ah, regardez ! Le spectacle va recommencer, s’exclamait-il justement en montrant la classe de sixième année.

Les élèves tentaient à leur tour d’utiliser le sortilège Reducto pour démultiplier les somnimus, et contrôlaient moins bien leurs créatures qu’Hagrid. De minuscules bulles de couleurs parvinrent à nouveau à leur fausser compagnie, ce qui relança une course-poursuite acharnée.

- C’est excellent, s’amusa Ron. Hagrid se surpasse, ses cours sont vraiment divertissants.

- C’est une vraie comédie, approuva Anguis en s’esclaffant de plus belle.

- C’est un scandale, nous, on n’avait droit qu’à des Scroutts à pétards, c’était beaucoup moins mignon.

Harry approuva d’un hochement de tête. Il sourit en se remémorant la difficulté qu’ils avaient eue à tenter de contrôler ces espèces d’énormes scarabées explosifs.

- En même temps, maintenant que Malefoy ne fait plus condamner à morts ses hippogriffes, Hagrid ose peut-être faire plus de cours intéressants, glissa Ron à l’oreille d'Harry.

Il s’était appliqué à parler assez bas pour que Drago ne puisse pas l’entendre. Mais Anguis, situé juste à côté d’eux, avait pu déceler sa remarque, et ne manqua pas l’occasion de narguer Malefoy.

- Ah oui ! Je m’en rappelle, dit-il d’un ton provocateur, en élevant volontairement la voix. J’avais entendu que Malefoy avait fait condamner à mort un pauvre hippogriffe durant sa troisième année. Comme ça, les Serpentard ne se contentent pas de tuer des sorciers, ils s’attaquent aussi aux créatures.

Harry et Ron se tournèrent vers Drago d’un air inquiet. Ils l’imaginaient déjà envoyer un sortilège meurtrier sur Anguis.

Mais au prix d’un effort qui semblait surhumain, Drago se contrôla. Ses traits se raidirent plus que jamais, il serra les poings et ses tempes se mirent à vibrer irrépressiblement.

- Je vais voir ce que fait le prof, il devrait déjà être là, grogna-t-il entre ses dents après un silence pesant.

De toute évidence, il s’éclipsait bien plus pour éviter de défouler ses nerfs sur Anguis que par réelle inquiétude vis-à-vis de Mr Loyd.

Il se leva de sa chaise longue et s’éloigna sous les arbres en respirant avec force.

- C’est ça, qu’il aille faire une balade, rigola Anguis.

- Donc tu avais vraiment entendu parler de Malefoy avant ? lui demanda Ron curieusement.

- Bien sûr, il faisait tout pour se faire remarquer et il était l’attrapeur de Serpentard. Sa réputation dépassait largement les élèves de votre âge.

- Et selon toi, pourquoi son attitude est si bizarre avec nous ? Je veux dire, avec Harry et moi ?

Harry jeta un œil suspicieux à Ron. Il n’était pas sûr qu’il soit judicieux de demander son avis à Anguis sur le sujet. Son analyse serait forcément biaisée.

- C’est simple, répondit Anguis dans un rictus. Il veut se faire bien voir par les vainqueurs de la guerre des sorciers, il est bien obligé. Ce n’est pas facile de refaire sa vie quand on a été dans le camp de Voldemort. A mon avis, il complote quelque chose. Alors la meilleure stratégie est de faire profil bas, surtout auprès des célébrités. Moi, je n’ai été qu’un combattant parmi tant d’autres, mais vous, vous avez été les héros de cette guerre. N’importe qui aurait intérêt à sympathiser avec vous. Mais bon, c’est un peu gros de sa part de revenir comme ça. Il m’a suffi de le titiller un peu pour dévoiler sa vraie nature.

Harry eut un rictus à son tour. Insulter les parents de Malefoy, ce n’était pas vraiment « le titiller un peu ». Mais Anguis avait en partie raison, il n’avait pas fallu longtemps à Drago pour redevenir impulsif et désagréable comme il l’avait été durant sa scolarité.

- Il complote, c’est-à-dire ? poursuivit Ron d’un air intéressé

- Si tu veux mon avis, un Serpentard reste un Serpentard, un Mangemort reste un Mangemort, et un manipulateur reste un manipulateur, expliqua Anguis. C’est bien lui qui avait permis à des Mangemorts de rentrer dans l’école, non ? Et bien j’avais entendu que c’était cette année-là qu’il s’était montré le plus discret. C’est parfaitement logique, il fait profil bas pour qu’on le soupçonne moins quand il nous fera des coups dans le dos.

- Mais quel genre de coup dans le dos pourrait-il prévoir en plein Poudlard ? demanda Ron, de plus en plus enthousiaste.

Même Harry, qui était moins convaincu au début, commençait à être plus intrigué.

- Ah ça, aucune idée, même si j’aimerais bien le savoir. Il doit avoir encore en travers de la gorge la défaite des Mangemorts, de sa famille, de ses idéaux. Quand tout s‘écroule comme ça, on cherche les coupables de cette déchéance pour se venger. Et en l’occurrence, ça tombe sur nous.

Mais Anguis ne put finir d’expliquer sa théorie. Malefoy venait de réapparaître du couvert des arbres, Mr Loyd sur les talons. La visage rayonnant de ce dernier marquait un contraste saisissant avec la mine renfrognée de Drago.

- Alors, vous avez vu comme ils sont amusants, ces somnimus, clama l’Auror.

Il jeta un œil à la classe de Hagrid qui avait à nouveau fini par calmer les petites bulles révolutionnaires.

- Mais ne vous méprenez pas, avertit Loyd d’une voix plus grave. Ils ne servent pas qu’à aider les nourrissons.

On aurait dit qu’il avait assisté au cours de Hagrid au même titre qu’eux. De toute évidence, les deux professeurs s’étaient concertés sur le programme de l’après-midi.

- Si une personne malintentionnée arrive à s’en procurer assez, et qu’il a quelques qualités en concoction de potions, il peut en faire des miracles. Manipuler le sommeil, les rêves, c’est très précieux. Très risqué, car une erreur de dosage peut coûter la vie, et faire s’étouffer celui qui ose boire la potion maléfique. Mais si c’est bien fait, c’est très précieux.

Les quatre apprentis de Mr Loyd étaient captivés par son ton sombre et mystérieux.

- Quand vous parlez de manipuler le sommeil et les rêves, qu’est-ce que vous entendez exactement ? interrogea Anguis.

- Nos forces les plus précieuses comme nos faiblesses les plus vulnérables se trouvent là-dedans, dit le professeur Loyd en tapotant sa tête. Et la nuit, c’est là qu’elle se révèlent, qu’on les laisse échapper dans nos visions nocturnes, les rêves comme les cauchemars. Alors si quelqu’un pouvait y accéder, cela pourrait lui être très utile. Mais ce ne sont pas des leçons pour des sixième année comme ceux qui pourraient être en train de nous écouter là-bas. Je vous laisserai découvrir ça par vous-mêmes, ce sera votre premier devoir, à me rendre lundi dans deux semaines.

Mr Loyd était comme entré en transe lors de son explication, mais son visage redevint aussitôt souriant.

- Et bien c’est fini pour cette semaine, je vous libère, revenez en forme lundi pour l’entraînement ! les salua-t-il joyeusement avant de repartir vers le château.

Malefoy, comme à son habitude, s’éclipsa dans la forêt sans même leur adresser un regard. Anguis, lui, accompagna Harry et Ron tandis qu’ils grimpaient la colline menant au château.

- Intriguant, ces somnimus, dit-il, pensif. Pour une fois qu’un devoir me donne envie de le commencer.

- Oui, ça aurait pu me motiver si on n’avait pas déjà autant de travail, se désola Ron.

Le professeur les avait lâchés un peu plus tôt que prévu, et ils allaient pouvoir profiter d’une plus longue soirée que les jours précédents.

Anguis et Ron se dirigeaient naturellement vers la salle commune de Gryffondor, mais Harry se souvint de son rendez-vous avec Mme McGonagall et leur faussa compagnie pour rejoindre le bureau de la directrice.

Harry avait eu maintes fois l’occasion d’y entrer, du temps où Dumbledore occupait encore les lieux. Il rejoint le deuxième étage et se retrouva face à l’hideuse statue de gargouille qui gardait l’entrée. Il sortit de sa poche le papier que lui avait donné Ginny pour se remémorer ce qui y était inscrit. Il s’éclaircit la gorge et prononça distinctement le mot de passe :

- Albus et Fumseck !

L’immense gargouille en pierre tourna lentement sur elle-même, révélant la porte du bureau. Harry s’y engouffra avec appréhension.

Il n’avait qu’une vague idée de ce que Mme McGonagall avait prévu pour lui. Ginny était sûrement allée la voir pour lui faire part des cauchemars d'Harry et de la discussion qu’ils avaient eue cet été à ce propos. Ce soir-là, Ginny avait pensé à utiliser la pensine du bureau du directeur de Poudlard. Elle s’était dit qu’y déposer certaines mémoires d'Harry lui permettrait sûrement de ne plus revivre les morts de proches dans ses cauchemars.

Mais Harry n’était plus sûr de le vouloir. Quand il glisserait ses souvenirs dans la pensine, Mme McGonagall les verrait forcément. Ensuite, elle les aurait avec elle, toujours dans son bureau. Il lui suffirait alors de plonger sa tête dans l’eau pour voir toutes les pensées intimes d'Harry. En fait, n’importe quelle personne qui pénétrerait le bureau pourrait aussi y avoir accès.

D’ailleurs, c’est ce que lui-même avait fait avec les souvenirs de Dumbledore. A de nombreuses reprises, il était entré dans la pensine pour accéder aux mémoires de l’ancien directeur, parfois même sans demander l’autorisation. Dumbledore ne lui en avait jamais tenu rigueur, mais Harry se sentait-il vraiment prêt, lui, à se dévoiler autant ? Il était très pudique en ce qui concernait ses pensées intérieures, là où se dévoilaient toutes ses interrogations, ses doutes, ses regrets.

Il entra donc dans le bureau de Mme McGonagall avec une désagréable sensation de vulnérabilité. C’était comme si une grosse boule était soudain apparue dans son ventre.

McGonagall, était là, à son bureau. Elle griffonnait tranquillement sur un parchemin avec une élégante plume verte. Quand Harry entra, elle leva la tête vers lui et lui sourit.

- Vous avez déjà fini votre cours, Potter ?

- Oui, madame, Mr Loyd nous a laissé partir en avance, répondit Harry.

La boule dans son ventre parut encore plus lourde. Minerva McGonagall dégageait une autorité intimidante, même lorsqu’on la connaissait depuis longtemps. Elle ne lui faisait pas peur, mais il se sentait vulnérable face à elle. Il n’aurait pas éprouvé une sensation différente s’il s’était retrouvé tout nu.

- Très bien ! dit-elle calmement, sans remarquer l’air apeuré d'Harry. Votre amie, Ginny Weasley, m’a fait part de certains souvenirs dérangeants qui vous gêneraient, d’après elle.

Harry hocha la tête sans rien dire.

- Je ne sais pas si vous partagez la même volonté, mais elle en tout cas, semblait beaucoup vouloir que vous utilisiez ceci.

Mme McGonagall tendit le bout de sa plume vers la pensine. Harry sentit ses entrailles se serrer, mais respira un grand coup et sa lança :

- En fait, je… oui, enfin… ce n’était qu’une idée. Je n’y ai pas sérieusement réfléchi, pour tout vous dire. Je ne voudrais pas déranger, et puis, je ne suis pas vraiment sûr de vouloir laisser ça là, accessible…

Sa honte décupla en se rendant compte qu’il n’arrivait pas à parler. Il avait la gorge sèche et ne pouvait articuler plusieurs mots à la suite. Il se sentait ridicule en face de la sérénité qu’affichait Mme McGonagall.

Mais à sa grande surprise, les yeux sévères de cette dernière s’adoucirent, et elle esquissa un sourire réconfortant.

- Ah, je vois… Vous n’osez pas vous livrer, Potter, et c’est bien normal. Mais si cela peut vous rassurer, il existe des sortilèges permettant de verrouiller ses souvenirs, pour ne pas laisser n’importe qui y accéder.

- Mais… Dumbledore, je pouvais voir tous ses souvenirs, même quand il ne me les montrait pas lui-même, s’étonna Harry.

- C’est parce qu’il vous y avait autorisé, Potter, continua la directrice sans broncher. Vous n’étiez pas n’importe qui à ses yeux, au contraire. Vous avez vu ces mémoires parce qu’il voulait que vous les voyiez, parce qu’il savait qu’elles vous seraient utiles. Vous ne croyiez tout de même pas qu’il était assez négligent pour oublier de fermer sa pensine ?

Harry se sentit bête, mais oui, c’est ce qu’il avait cru. Cette nouvelle le rassurait beaucoup. Sa boule au ventre avait disparue, et il retrouva immédiatement le courage de déposer ses souvenirs dans la pensine.

Mais une autre question venait de surgir dans son esprit.

- Madame, vous connaissez les somnimus ? demanda t-il, changeant complètement de sujet.

- Oui, bien sûr, répondit McGonagall, un peu décontenancée.

- Eh bien, Hagrid en parlait tout à l’heure, et il a dit qu’ils permettaient d’éviter les mauvais rêves si on en mangeait avant de dormir. Alors je me suis demandé : pourquoi Dumbledore ne m’en a-t-il jamais donné quand je faisais des cauchemars à propos de Voldemort ?

- Ah... murmura la directrice, avec à nouveau cet air compréhensif. Rubeus Hagrid l’avait proposé à Dumbledore, évidemment, il se faisait tellement de souci pour vous. Mais Dumbledore a préféré de ne pas vous en parler, il l’a aussi interdit à Rubeus. Il pensait que ces rêves étaient formateurs pour vous, qu’ils vous aideraient à vaincre le Seigneur des Ténèbres. Il n’aimait pas pour autant vous voir souffrir, croyez-moi, mais il affirmait que ces cauchemars étaient votre plus grande arme.

La boule d’angoisse dans le ventre d’Harry devint subitement une boule de fureur. Il apprenait désormais que Dumbledore l’avait laissé souffrir, alors qu’il existait un remède pour lui éviter ces cauchemars. Il avait même interdit à Hagrid de lui en parler. Harry se dit qu’il aurait eu le droit de savoir, au moins, le droit de choisir. Cela aurait tout de même dû être à lui de juger s’il était bon de prendre des somnimus, Dumbledore n’avait pas le droit de l’en priver.

Puis il leva les yeux vers un grand tableau, juste derrière le bureau de Mme McGonagall. Il y vit le visage d’Albus Dumbledore qui le regardait. De fines lunettes posées sur son nez aquilin, l’ancien directeur avait un air sage et paternel. Harry se rappela alors le grand homme qu’il était. Un homme qui avait tout sacrifié pour venir à bout de Voldemort, pour mener Harry à la victoire. S’il avait laissé Harry subir ces cauchemars traumatisants, c’était probablement parce qu’il avait considéré qu’il n’y avait pas d’autres moyens.

McGonagall avait vu le regard d’Harry levé sur le tableau.

- Dumbledore a toujours voulu votre bien, Potter, vous pouvez en être sûr, affirma-t-elle d’un air compatissant.

Puis elle se tourna de nouveau vers la pensine.

- Alors, vous êtes vous décidé à le faire ?

Harry acquiesça. Il était maintenant déterminé à se débarrasser de ces affreux souvenirs. Il se pencha au-dessus du récipient en pierre dans lequel scintillait un liquide translucide. Il saisit sa baguette et la posa délicatement sur sa tempe. Un long filament argenté s’en était extrait, semblable à un fil de toile d’araignée.

Il éprouva une sensation très étrange. Ses paupières papillonnaient comme pour chercher à échapper à un sommeil pesant. Il voyait de la lumière, des flashs partout autour de lui. Il vit défiler devant ses yeux des images floues et déformées, dans lesquelles il put reconnaître certains événements bien précis.

Il revit son parrain, Sirius, s’envoler dans l’arche du Ministère où il avait perdu la vie, pour disparaître de son esprit. Puis Dumbledore apparut, et Harry le vit tomber de la tour d’astronomie. Il y eut ensuite Dobby, les yeux clos sur une immense plage de sable. Le sable était si blanc qu’il éblouissait Harry, ne lui laissant distinguer que partiellement le corps défunt de l’elfe de maison. Et puis ce fut un tourbillon hypnotisant de visages déformés, de lumières vives et de couleurs fluorescentes.

Enfin, il vit le professeur Rogue dans la cabane hurlante. Mordu de toutes parts par le serpent Nagini, Severus était noyé de larmes. Les gouttes qui perlaient sous ses yeux le rendaient fantomatique, irréel. Pourtant, il souriait. « Tu as les yeux de ta mère » disait-il à Harry. Mais sa voix était lointaine, presque imperceptible...

Harry fut brutalement ramené à la réalité par un choc à la tête. Il venait de s’écrouler en arrière sur le sol du bureau de McGonagall. Exténué, il avait l’impression d’avoir passé des heures dans cette vision, à délirer incontrôlablement.

- Ça va, Potter ? demanda d’une voix inquiète la directrice penchée sur lui.

- Oui, bredouilla Harry, avec l’impression que c’était quelqu’un d’autre qui avait répondu à sa place.

Il leva les yeux vers le plafond du bureau. Dans de grands cadres étaient représentés tous les illustres directeurs de l’école de Poudlard.

- Où est Severus Rogue ? Murmura Harry.

- Le professeur Rogue ? Potter, il est décédé… Vous êtes sûr que ça va ?

- Non, là, les tableaux. Il n’y pas le professeur Rogue. Il a pourtant été directeur.

- Je ne comprends pas, Potter, s’étonna McGonagall, qui restait visiblement convaincue qu'Harry délirait toujours. Severus Rogue a dirigé l’école pour le compte de Voldemort, ce n’est pas vraiment…

- NON ! s’exclama Harry en remarquant après coup qu’il avait parlé beaucoup plus fort qu’il ne l’aurait voulu. Rogue a toujours été de notre côté, il est resté fidèle à Dumbledore jusqu’au bout.

Il ne comprenait pas pourquoi il tenait tant à ce que Severus ait un tableau dans ce bureau. Mais il savait qu’il le voulait vraiment. Il ne se rappelait pas pourquoi il en était aussi convaincu, mais il sentait que c’était le plus juste.

- Eh bien, si cela vous tient à cœur... balbutia McGonagall, décontenancée. Je sais bien qu’il jouait un double rôle, mais j’ai pensé… Peut-être bien qu’il mérite sa place ici, après tout.

Harry se releva péniblement. Il manqua de vaciller à nouveau, mais se rattrapa d’un bras. Il était pris de vertiges, un mal de tête assourdissant lui écrasant le crâne. Il avait toujours l’impression d’être dans un rêve. La voix de la directrice lui paraissait si lointaine, comme celle de Severus Rogue dans sa dernière vision.

Mme McGonagall le prit par le bras et l’aida à s’adosser au mur.

- Vous devriez aller à l’infirmerie, Potter. La première fois que l’on extrait un souvenir de son esprit, c’est toujours très déstabilisant. Et à en juger le temps que vous y avez passé, je pense que vous avez ôté une grande quantité de votre mémoire.

- Le temps que j’y ai passé ? répéta Harry d’un air hébété.

- Oui, vous êtes resté au-dessus de la pensine durant au moins deux heures. Je n’ai pas osé vous interrompre, mais il est déjà tard.

Harry fut estomaqué. Il croyait que le processus avait duré seulement quelques minutes dans la vie réelle. Évidemment, le temps lui avait paru beaucoup plus long dans sa vision, mais il s’était dit que c’était le fruit de son imagination. Deux heures… C’était peut-être pour cela qu’il se sentait aussi fatigué, presque incapable de tenir debout.

- Potter, j’ai vu quelque chose glisser dans la pensine tout à l’heure, l’interpella McGonagall, légèrement tremblante elle aussi. J’ai vu la baguette de sureau. Ce qui me fait penser... (elle marqua une pause) Les reliques de la mort, qu’en avez-vous fait ?

Harry tâcha de s’en rappeler, mais c’était difficile. Il ne s’en souvenait presque pas. En voyant son visage crispé par la concentration, la directrice le pressa :

- A moins que vous ne m’y autorisiez, je ne pourrai pas accéder à votre souvenir via la pensine. Alors il faut que vous me répondiez vite, avant que le souvenir disparaisse complètement de votre mémoire.

Harry comprit. C’était comme un matin, quand on se réveillait d’une nuit pleine de rêves. On pouvait s’en rappeler pendant quelques instants, avant qu’ils ne s’évanouissent. Il tâcha de se concentrer, de revoir ce qu’il avait fait.

- Ne vous en faites pas, Potter, je vous autoriserai à tout moment à consulter la pensine. Vous vous remémorerez ce souvenir à ce moment-là, ce n’est pas grave, le rassura McGonagall face au silence d'Harry.

Mais il s’en souvenait. L’image lui était subitement revenue, comme un flash.

- J’ai caché la pierre de résurrection dans la forêt, dit-il en revoyant défiler devant ses yeux les images des faits qu’il décrivait. La baguette de sureau, je l’ai remise à sa place, dans la tombe de Dumbledore, avec lui. Et la cape d’invisibilité… (ça, il n’avait aucune difficulté à s’en souvenir) je l’ai gardée.

- Vous l’avez gardée ?

- Oui, elle était à mon père, j’ai un lien affectif avec elle. Je ne pouvais me résoudre à l’abandonner.

Mme McGonagall le regarda avec un air de reproche, mais ne lui fit aucune remontrance.

- Si vous vous êtes débarrassé des deux autres, ce n’est pas un problème. Il est sage de ne pas avoir voulu toutes les garder. Elles auraient pu faire renaître le mal à un moment ou un autre. Vous ne comptez pas récupérer la baguette de sureau ?

Harry répondit non d’un signe de tête.

- Ni la pierre de résurrection ?

- Je ne sais même plus exactement où elle est.

- C’est bien, Potter, c’est très bien, approuva McGonagall, visiblement rassurée. Je vais vous laisser vous reposer, maintenant, vous ne semblez pas très en forme.

C’était un euphémisme. Harry titubait en tenant désespérément de trouver appui quelque part. Il avait les yeux dans le vague et parlait avec une voix d’outre-tombe.

- Je vous conseillerais d’aller à l’infirmerie, bien sûr, mais je ne vais pas vous y obliger. Vous êtes un adulte maintenant, après tout.

Harry lui en fut très reconnaissante. Il n’avait pas du tout envie d’aller voir l’infirmière Mme Pomfresh, qui lui aurait fait avaler de force un nombre incalculable de potions et pilules en tout genre avant de l’autoriser à se coucher. Or si Harry souhaitait quelque chose plus que tout à ce moment précis, c’était de s’endormir dans un bon lit. Il ne se sentait pas malade. Par contre, il ressentait une irrémédiable envie de fermer les yeux.

- Allez, filez, lui murmura Mme McGonagall d’un air maternel.

Harry ne se fit pas prier. Il longea le mur pour rejoindre la porte du bureau sans tomber, et se glissa à l’extérieur.

- Bonne nuit madame, soupira-t-il en quittant la pièce.

Comme l’avait dit McGonagall, il était déjà très tard, et le château désert était plongé dans l’obscurité. La pleine lune de cette nuit-là baignait les couloirs d’un halo de lumière bleutée.

Cette atmosphère apaisante et silencieuse berçait encore plus Harry à mesure qu’il avançait. Le trajet de retour jusqu’à la tour de Gryffondor lui parut interminable. Plusieurs habitants des tableaux de Poudlard le réprimandèrent quand il s’adossa sur eux par mégarde. Il dut même s’y prendre à trois fois pour prononcer de manière intelligible le mot de passe permettant d’ouvrir la porte de la salle commune de Gryffondor.

Il parvint tant bien que mal à grimper les marches menant à son dortoir, où Ron ronflait déjà bruyamment.

Harry se laissa finalement tomber sur son lit sans même se déshabiller, et plongea dans un sommeil profond. Un sommeil paisible et sans rêve.


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