Harry Potter et le Complot du Serpent
Comme l’avait craint Harry, les mesures prises par Mme McGonagall ne dissuadèrent pas le voleur nocturne, au contraire. La fréquence des disparitions d’objets augmenta encore, sans que l’auteur des larcins ne laisse de traces.
Pire encore, ce dernier sembla prendre confiance avec sa nouvelle arme que représentait la carte du Maraudeur. Effectuer de simples cambriolages ne lui suffit bientôt plus à assouvir son désir de chaos. Il voulait visiblement instaurer la terreur à Poudlard.
Alors que Halloween approchait, l’ambiance était à la fête et l’atmosphère devint légèrement plus joyeuse, tendant à oublier les nombreux objets disparus. Sûrement insatisfait qu’on lui prête moins d’attention, le perturbateur trouva un moyen radical de rétablir un climat de tension.
Ce soir-là, les élèves dînaient tranquillement dans la Grande Salle, enjoués par la décoration faite de citrouilles ensorcelées qui chantaient les mélodies des Bizarr’ Sisters, le célèbre groupe de musique sorcier. Les conversations n’étaient plus toutes centrées sur les agissements du brigand et l’ambiance était chaleureuse.
Soudain, les portes de la Grande Salle s’ouvrirent dans un fracas. Le bruit attira tous les regards sur la petite fille qui venait d’entrer. Elle était sûrement en première ou deuxième année, tant elle paraissait frêle. Mais dans son regard brillait une lueur démoniaque, comme si elle était possédée.
Et Harry comprit rapidement que c’était le cas. La jeune fille était sans aucun doute contrôlée par le sortilège de l’Imperium. En plus de ses yeux jaunes machiavéliques, elle avait une démarche gauche, similaire à celle d’un pantin.
Lorsque toute l’assemblée eut braqué son attention sur elle, la nouvelle arrivante commença à parler. Les sons rauques qui sortaient de sa bouche ne pouvaient être ceux de sa voix naturelle, aucune petite fille comme elle n’aurait pu parler comme ça. Elle accompagnait son discours de mouvements incontrôlés de ses bras ballants, qui se balançaient furieusement le long de son corps.
- Celui qui se fait désormais appeler le Serpent est de retour à Poudlard ! hurlait-elle à s’en arracher la mâchoire. Tout ce que vous avez constaté jusqu’à ce soir n’était que le début. Le Serpent n’est pas un simple voleur, il est un anarchiste, un manipulateur et un meurtrier. Il a rallié à sa cause tous ses disciples, ici même, dans le château. C’est eux qui ont commencé par voler vos attributs les plus précieux. Mais c’était simplement pour vous prouver qu’il est partout mais insaisissable, que ses servants sont loyaux et efficaces. Car maintenant, le Serpent a obtenu ce qu’il voulait, et peut s’adonner à des plaisirs plus satisfaisants. A partir d’aujourd’hui, plus personne ne pourra se sentir en sécurité. Le Serpent peut vous l’assurer, il y aura des morts, et moi la première !
Ses derniers mots eurent du mal à sortir, comme s’ils lui brûlaient la gorge. Sa transe fanatique était saisissante, encore plus que celles qu’avaient pu avoir Mme Trelawney.
Après un court silence, la petite fille possédée s’écroula en avant sur le sol luisant de la Grande Salle. Le bruit que fit sa tête en heurtant le sol ne laissa aucun doute : elle s’était brisée le cou en tombant. Les yeux exorbités, elle gisait par terre à la manière d’une poupée désarticulée.
Cette fois, tous les élèves cédèrent à la panique. La plupart avaient cru momentanément que les nouvelles restrictions mettraient fin au trouble qui avait envahi le château, et la désillusion n’en fut que plus terrible. La scène démoniaque que venait de leur jouer la jeune élève avait dépassé de loin tout ce qu’ils pouvaient craindre.
Mme McGonagall tenta de rétablir l’ordre dans le calme, mais l’émulation était telle qu’il fallut plus d’une heure pour que tout le monde soit ramené dans son dortoir.
Les jours suivants, la terreur ambiante devint insoutenable. Il régnait un chaos indescriptible. Personne n’osait se déplacer dans les couloirs tout seul et de grands attroupements apeurés déambulèrent dans les couloirs. Les citrouilles animées de la Grande Salle n’avaient plus rien de gai et semblaient désormais les regarder avec les mêmes yeux déments que la petite fille. Les larcins continuaient, mais les élèves ne craignaient plus de perdre quelque chose. Ils auraient même donné n’importe quoi de bon cœur pour éviter de croiser celui qui n’était plus appelé le voleur mais le meurtrier. Ils préféraient désormais ne surtout pas le rencontrer, mais cette menace pesait sur eux comme une épée de Damoclès derrière chaque mur, au coin de chaque couloir mais surtout lors de longues nuits silencieuses.
Seuls Harry et ses amis ne s’étonnaient pas de l’aggravation de la situation. Évidemment, ils ne s’étaient pas attendus à un changement si brutal, mais ils avaient pu anticiper le fait que les choses allaient empirer. Ils étaient les seuls à savoir que le voleur s’aidait désormais de la Carte du Maraudeur, et aucun ne comptait divulguer cette information.
Harry s’en mordait les doigts. Il se sentait coupable d’avoir donné involontairement cette arme supplémentaire au malfaiteur. Ce dernier n’avait plus qu’à consulter le parchemin pour se déplacer à sa guise selon son projet. Il lui suffisait de trouver un élève esseulé sur la carte pour aller le posséder comme il l’avait fait avec la jeune fille.
Rongé par les remords, Harry restait des nuits entières à veiller pour tenter de surprendre le cambrioleur comme Anguis avait failli le faire.
Il regrettait encore plus ce soir-là, où ils avaient été si près de saisir le malfrat. En y repensant, Harry se dit que ce dernier était sûrement toujours dans la salle commune de Gryffondor quand ils y avaient cherché. Après tout, s’il était sorti, le coulissement du tableau de la grosse dame aurait fait un bruit qu’ils auraient forcément entendu. Non, le voleur avait sûrement attendu, tapi dans l’ombre sous sa cape d’invisibilité. Et quand ils s’étaient endormis à nouveau, il était enfin ressorti.
Si seulement Harry avait pu penser à l’éventualité d’une cape d’invisibilité ce soir-là. Il n’aurait pas simplement jeté des regards succincts derrière les sièges et les canapés de la pièce. Il aurait tâtonné de ses mains un peu partout, et il aurait fini par toucher l’intrus. Celui-ci aurait été stoppé dès cette nuit-là, et il n’aurait plus pu semer le chaos à Poudlard. Cette fillette ne serait jamais morte.
Harry enrageait. Durant ses longues nuits blanches à contempler le plafond silencieusement, il s’était refait le scénario de l’événement dans la tête. Si seulement il avait pu être plus précautionneux. Il avait été si près de mettre fin à tout cela, car le voleur était là, juste à côté de lui, c’était sûr.
Ses remords en devenaient maladifs. Le simple fait de ne plus dormir suffisait à lui donner l’aspect d’un fantôme pâle. Ses cernes d’un violet lugubre marquaient un contraste saisissant avec le reste de son visage blafard.
Mais ce n’était même pas l’aspect de sa tête qui inquiétait le plus ses amis. Le manque de sommeil minait sa forme physique, si bien que chaque entraînement d’Auror était devenu un enfer. Il n’avait pas les capacités de résister à un Malefoy en pleine forme, même si Drago restait plus réservé que jamais. Harry lui était d’ailleurs très reconnaissant de ne pas tenter de le piéger avec des sortilèges compliqués, car il aurait été désormais bien incapable de s’en défendre. Mr Loyd, qui s’était fait une opinion très flatteuse de lui en début d’année, le reprenait perpétuellement pour le sermonner sur son placement ou la lenteur de ses mouvements.
Un soir, alors qu'Harry ne mangeait toujours pas plus que les quelques cuillerées acceptées à contrecœur sous la pression de ses amis, ces derniers s’accordèrent pour le rassurer.
Son état n’était plus tenable, et s’il ne s’en rendait pas compte lui-même, eux s’en désolaient continuellement.
- Mange, Harry, l’intima Ginny dans la démarche d’une mère obligeant son nourrisson à avaler sa soupe.
- C’est plus possible, mon pote, renchérit Ron d’un regard triste. Il faut que tu te reprennes en main.
- On t’as déjà dit cent fois que ce n’est pas de ta faute, insista Hermione avec dépit. Et ça ne t’aidera pas de te morfondre comme ça.
Ginny portait sa cuillère pour l’amener jusqu’à la bouche d'Harry. Celui-ci ne semblait pas se soucier du piteux aspect qu’il renvoyait aux jeunes Gryffondor autour d’eux.
En fait, il n’avait aucune raison de s’embarrasser de son image humiliante, puisque personne ne faisait attention à sa fatigue. Les autres élèves étaient bien trop occupés à se lamenter des conditions de vie actuelles à Poudlard.
- Mes parents m’ont dit que si l’école n’est pas capable d’assurer notre sécurité, je ne pourrai pas y rester bien plus longtemps, assurait un troisième année non loin d’eux.
Harry l‘écoutait sans vraiment l’entendre. Ses yeux fixaient un point invisible, l’air hagard.
- Bon, ça suffit, Harry, tu m’y obliges ! s’écria subitement Hermione.
Décidant que ç’en était vraiment trop, elle lui lança une violente claque sur la joue gauche, dont le son résonna dans la Grande Salle.
Toutes les conversations alentours s’arrêtèrent dans un murmure et les regards se braquèrent sur eux. N’y prêtant aucune attention, Hermione sermonna Harry comme si de rien n’était.
- HARRY JAMES POTTER, JE REFUSE QUE TU TE METTES DANS UN ÉTAT PAREIL POUR QUELQUE CHOSE D’AUSSI FUTILE !
Harry n’avait pas bougé et la regardait, incrédule. Ron et Ginny ouvraient eux aussi de grands yeux étonnés sur elle. Personne ne s’était attendu à une réaction si brutale.
- TU AS RÉSISTÉ A DES DRAGONS, A DES MANGEMORTS ET MÊME A VOLDEMORT (en entendant ce nom, de nombreux élèves déglutirent) ALORS TU VAS ME FAIRE LE PLAISIR DE TE REMETTRE D’UN PAUVRE VOL DE CARTE !
Cette information confidentielle semblait ne plus l’être, tant Hermione ignorait royalement la curieuse assemblée qui s’était retournée vers eux.
Harry, lui, restait toujours figé par la surprise, incapable de dire ni de faire quoi que ce soit.
- TU T’ES REGARDÉ, SÉRIEUSEMENT ?! PARCE QUE MOI, PERSONNELLEMENT, J’AI RAREMENT VU LE CÉLÈBRE HARRY POTTER DANS UN ÉTAT AUSSI RISIBLE !
Hermione sembla enfin prendre conscience de toute l’attention qu’elle avait attirée sur eux, et daigna alors se rasseoir et baisser la voix.
Elle fusilla des yeux les curieux qui avaient toujours la tête tournée vers eux, ce qui eut l’effet escompté. Tous se retournèrent pour ne pas avoir à soutenir son regard, et contemplèrent leurs assiettes de soupe, qui semblaient d’un coup avoir un attrait particulier.
A la table des professeurs, Mme McGonagall, qui avait compris la situation, n’était pas intervenue et partagea un regard amusé avec Hermione.
- Bon, je ne voulais pas parler si fort, chuchota cette dernière, tout de même un peu gênée. Mais c’est bon quoi, il fallait bien faire passer le message.
Face à elle, Ron était abasourdi tandis que Ginny la regardait d’un air réprobateur, comme si elle lui en voulait d’avoir crié si fort sur son petit ami.
Harry sortit finalement de sa léthargie, réalisant la tempête qui venait de s’abattre sur lui. Il baissa piteusement la tête, comme un chien fautif devant son maître.
- Tu as raison, marmonna-t-il d’une voix enfantine. Je ne devrais pas vous faire subir ma tête d’enterrement en plus de tout ça.
Il s’était imposé toute la culpabilité pour le chaos régnant dans l‘école, et se considérait toujours comme fautif. Mais la remontrance d’Hermione avait eu le mérite de lui faire comprendre que son comportement n’arrangeait rien.
- Mais non, Harry, lui dit Hermione d’un ton qui avait subitement changé, devenant conciliant et protecteur. C’est à toi-même que tu fais du mal, pas à nous. Tu ne vas quand même pas gâcher tes études d’Auror pour quelque chose dont tu n’es pas responsable.
- Elle a raison, ajouta Ron qui s’était lui aussi remis de sa surprise. Tu ne manges pas et tu ne dors plus depuis presque une semaine, tu ne tiendras pas longtemps les entraînements à ce rythme.
Harry acquiesça sans rien dire, rouge de honte. Il aurait juste voulu disparaître.
- Personne n’aurait pu prévoir que la Carte du Maraudeur allait être volée, le rassura Ron. On est aussi fautif que toi de l’avoir laissé la prendre. Et rien ne dit qu’il n’aurait pas fait tout ça même sans la carte.
- Promet-nous que tu vas arrêter de te lamenter, les soutint Ginny tout en jetant un regard noir à Hermione pour lui signifier qu’elle n’avait pas oublié son ton agressif.
Harry hocha la tête sans lever les yeux.
- Et Harry, si tu considères vraiment que c’est notre faute si ce Serpent est devenu aussi efficace, alors il faut faire quelque chose, le motiva Hermione. Et je n’entends pas rester toute la nuit à veiller. Je parle plutôt de se bouger à essayer de le trouver et le stopper.
Hermione avait trouvé les mots justes. Piqué dans son orgueil, Harry releva la tête et les regarda avec une détermination dont il n’avait plus fait preuve depuis un bon moment.
Et justement, l’occasion d’agir se présenta par elle-même quelques jours plus tard.
Harry somnolait dans un fauteuil de la salle commune de Gryffondor. Il avait bien dormi et mangé durant le week-end précédent mais n’avait pas pour autant récupéré complètement. Le matin même, il avait tout de même réussi à dominer Drago en duel de sortilèges pour la première fois depuis une dizaine de séances, ce qui prouvait son regain de forme.
Anguis le réveilla brutalement en lui tapotant l’épaule avec excitation.
- Eh, Harry, Harry ! Réveille-toi, on est convoqué !
- Hmmm, quoi ? grommela Harry.
Ron, affalé dans un siège adjacent, interrogea Anguis du regard.
- Toi aussi ! s’exclama Anguis en se tournant vers lui.
Il était dans un état second, ne pouvant contrôler des spasmes euphoriques.
- Venez, venez, les exhorta-t-il en les poussant vers la sortie de la salle commune.
Ron et Harry s’efforcèrent de le suivre tandis qu’il marchait à grands pas dans les couloirs. Il dévala les marches des escaliers descendant les étages. Il courait presque, et ils haletaient en tâchant de ne pas se faire distancer.
- Où va-t-on ? demanda finalement Harry en reprenant difficilement son souffle.
- Deuxième étage, bureau de McGonagall, lança Anguis par-dessus son épaule, d’une voix inhabituellement aiguë due à son incontrôlable nervosité.
- Mais pourquoi ? le héla Ron.
- Une enquête, c’est que Mr Loyd m’a dit.
- Je ne comprends pas, avoua Harry alors qu’ils avaient déjà atteint le quatrième étage dans leur descente infernale.
Anguis ne s’arrêtait plus, sautant quatre à quatre les marches. Il semblait glisser plus que marcher.
- Il m’a dit de venir vous chercher, c’est tout. Il y a une réunion là-bas et on est invité.
- C’est qui, on ? Juste nous trois ?
Ron eut sa réponse immédiatement. Au détour d’un couloir du deuxième étage, ils croisèrent Drago qui allait dans la même direction qu’eux.
Anguis était dans une telle ébullition que même la vue de Malefoy ne lui fit pas perdre son sourire joyeux. Il accéléra jusqu’à la porte du bureau de Mme McGonagall, toujours gardé par la gargouille en pierre.
Devant, il s’arrêta net, et Ron lui rentra dedans dans sa tentative de le rattraper.
- Je connais le mot de passe, dit Harry.
Rien n’aurait pu rendre plus heureux Anguis, qui avait momentanément perdu son excitation.
- Albus et Fumseck !
La statue tourna pour leur dégager l’entrée. Anguis se rua à l’intérieur, les autres apprentis Aurors sur les talons.
Ils se retrouvèrent dans le bureau de Mme McGonagall, qui était exceptionnellement peuplé. Tous les professeurs de Poudlard devaient être présents, car Harry n’aurait pas pu en citer un qui n’y était pas.
En les voyant, le professeur Trelawney écarquilla ses gros yeux de libellules, Hagrid leva les mains bien hautes en signe de bienvenue et Mr Aquilibus émit un petit piaillement sonore bien caractéristique.
Mme McGonagall, quant à elle, semblait très surprise de les voir, à en juger par la moue qu’elle fit en levant les yeux vers eux.
- Que font ces jeunes ici ? interrogea-t-elle à haute voix.
- Je me suis permis de les convier à notre réunion, expliqua joyeusement Mr Loyd, qui observait curieusement les livres disposés sur l’étagère.
La directrice fronça les sourcils et le regarda avec un air de reproche. Durant un instant, elle parut ne pas trop savoir quoi faire.
- Eh bien soit, dit-elle finalement de la voix pincée qui témoignait de sa contrariété. Après tout, ils sont des adultes au même titre que les professeurs ici présents.
Mr Loyd ne masqua pas sa satisfaction. Il était à peu près dans le même état qu’Anguis, contrairement aux autres enseignants dont les visages fermés ne laissaient aucun doute sur le caractère sérieux de la réunion qui allait suivre.
- Nous sommes au complet, et même un peu plus, commença Mme McGonagall de son ton solennel. Alors nous pouvons commencer. Je vous ai réunis aujourd’hui pour parler des incidents qui ont actuellement lieu dans le château.
Tous les professeurs se raidirent, à l’exception de Mr Loyd qui rayonnait toujours sans retenue.
- Vous êtes tous au courant de la situation, et j’ai bien entendu vos remarques concernant les rondes de nuit que je vous ai soumises. A ma grande déception, elles se sont en effet avérées contre-productives, les choses empirant même considérablement. Je ne vous ferai donc plus perdre votre temps avec cela.
Mme Chourave, la professeure de botanique, émit un soupir de soulagement. Harry se rendit compte qu’il n’était pas le seul qui avait passé des nuits entières à veiller.
- Cependant, reprit la directrice en levant l’index. Votre contribution n’est pas suspendue pour autant. J’ai décidé de rediriger les compétences de tout le personnel enseignant vers la résolution de ce problème majeur. Le petit malin (Harry put sentir l’exaspération dans sa voix) qui s’amuse à semer le trouble…
- Je l’avais vu ! la coupa Mme Trelawney dans une exclamation théâtrale, les yeux exorbités. Je l’avais vu dans les boules de cristal.
- Je n’ai que faire de vos boules de cristal ! s’impatienta Mme McGonagall, qui n’appréciait pas du tout l’enseignante de divination.
Elle se crispa mais tâcha de paraître calme et maîtrisée.
- Comme je vous le disais avant que l’on ne m’interrompe, ce petit effronté avec son nom ridicule a largement dépassé ma limite en ce qui concerne l’humour infantile…
Harry se dit que cette limite ne devait pas être très difficile à atteindre, car l’humour n’était pas vraiment le trait de caractère principal de Mme McGonagall.
Mais surtout, il ne qualifierait pas le fait de tuer une élève comme de l’humour infantile. Il se dit que la directrice utilisait cette expression pour rabaisser le niveau de terreur dans lequel étaient tous les habitants du château. De même, elle qualifiait le meurtrier de « petit effronté », ce qui était pour le moins réducteur.
Tout l’objectif de Mme McGonagall était de réduire le Serpent à une image de simple fauteur de trouble presque insignifiant à ses yeux, pour ne pas avouer qu’elle n’avait plus du tout la situation en main. Elle tentait de conserver un rapport de puissance vis-à-vis de cet intrus, avec un langage qui minimisait la gravité de la situation. En définitive, elle voulait simplement se montrer rassurante.
- Mais je dois dire qu’il se montre plus malin que nous pour l’instant. J’ai reçu de nombreuses plaintes de parents en plus de celles de leurs enfants, alors je ne supporterai plus cette situation très longtemps (de toute évidence, elle ne la supportait déjà plus). Nous devons donc nous atteler à trouver ce fauteur de troubles dans les plus brefs délais.
- J’ai une idée à ce propos, clama le professeur Loyd en levant la main à la manière d’un enfant surexcité.
La directrice lui lança un nouveau regard courroucé, mais lui indiqua qu’elle lui accordait la parole.
- Je me suis dit que mes jeunes élèves ici présents, qui sont très brillants, pourraient s’en occuper !
Mme McGonagall le regarda d’un air impérieux puis se tourna vers eux quatre. Elle les jugea de son regard supérieur.
- C’est-à-dire, professeur Loyd ?
- Eh bien, comme leur formation consiste à les entraîner à lutter contre les forces du mal, je me suis dit que cela pourrait être un exercice intéressant.
- Vous vous rendez bien compte que nous ne parlons sûrement pas de forces du mal en ce qui concerne les perturbations à Poudlard ? lui fit remarquer McGonagall, qui paraissait le prendre pour un fou.
- Il faut bien commencer quelque part, répliqua l’Auror sans perdre son air cordial.
- Je ne suis pas sûre que…
- C’est simplement une petite enquête, et je suis certain qu’ils vous donneront satisfaction, acheva Mr Loyd de l’air le plus sérieux du monde.
- C’est donc pour cela que vous les avez fait venir ici ?
- Exactement.
Mme McGonagall semblait paradoxalement partagée entre la fureur et l’intérêt. Harry était certain qu’elle allait refuser. Elle prenait les choses très au sérieux, malgré ce qu’elle tentait de faire croire par son discours grandiloquent. Il ne l’imaginait pas confier la gestion de ce cas majeur à quatre jeunes adultes, qu’ils soient appelés à être devenir ou pas. Mais elle lui donna tort :
- Très bien, approuva-t-elle, manifestement à contrecœur. Je vais dispenser les enseignants de ce labeur, puisqu’ils ont des choses beaucoup plus constructives à faire, et j’espère que cette affaire sera réglée au plus vite. Je fais confiance à ces élèves, qui ont prouvé plusieurs fois leurs compétences, pour me sortir de cette situation délicate.
Mr Loyd était aux anges et en sautillait presque de joie. Mais ce n’était rien par rapport à Anguis, qui aurait sûrement sauté au cou de Mme McGonagall s’il en avait eu l’autorisation. L’idée de se lancer dans une enquête lui plaisait particulièrement, si dangereuse soit-elle.
Les autres professeurs quittèrent précipitamment la pièce, visiblement satisfaits d’avoir échappés à plus de surveillance nocturne.
Seul enseignant toujours dans le bureau, Mr Loyd serrait frénétiquement la main de Mme McGonagall.
- Vous ne le regretterez pas. Ils sont très compétents.
- Eh bien je vais vous laisser les briefer, si cela vous fait autant plaisir, répondit négligemment Mme McGonagall, qui paraissait elle aussi très heureuse de ne plus être en charge de cette épineuse affaire, même si elle la laissait dans les mains de jeunes élèves.
Elle quitta les lieux à son tour, laissant l’Auror seul devant ses élèves.
- Vous avez entendu ! clama-t-il joyeusement. Vous êtes désormais détectives. Je vous libérerai de tout devoir dans ma discipline pour vous donner le plus de temps possible à consacrer à cette enquête. Je ne vous dispenserai tout de même pas de cours, mais ce petit exercice devrait représenter un entraînement supplémentaire non négligeable.
Il les contemplait avec excitation, ravi de leur proposer ce qu’il avait l’air de considérer comme une espèce de jeu de pistes. Harry commença à se dire qu’ils étaient tous devenus fous. La situation était sans aucun doute incontrôlable et ils se contentaient de la leur transmettre au lieu d’y faire face eux-mêmes. Ils étaient pourtant censés être les garants de l’autorité du château.
- Mais on est déjà en octobre, objecta Ron. On est censé quitter Poudlard dès novembre pour rejoindre les locaux des Aurors qui auront été réhabilités.
Harry avait complètement oublié ce détail. Il s’était de nouveau habitué à la vie à Poudlard et leur départ désormais imminent lui était sorti de la tête.
- A vrai dire, je crois que cette nouvelle mission signifie que vous allez rester ! s’exclama Mr Loyd. Tant qu’à faire, faisons toute l’année de formation ici, vu qu’un challenge aussi intéressant vous y est proposé.
Harry ne sut pas vraiment si cette nouvelle lui plaisait. D’un côté, lui et Ron allaient pouvoir rester avec leurs amies. Mais Harry aurait aimé faire comme les enseignants et fuir ses responsabilités, en quittant le château. Il était lassé des affaires de fou furieux mystérieux venant troubler ses années scolaires.
- Eh bien c’est à mon tour de vous laisser, vous avez du travail ! s’écria l’Auror.
Il leur sourit puis sortit en claquant énergiquement la porte.
Pris aux dépourvu, les quatre apprentis Aurors se retrouvèrent seuls dans le grand bureau vide de Mme McGonagall, les bras ballants.
Ils se regardèrent mutuellement, s’interrogeant sur ce qu’il devait faire maintenant.
- Qu’est ce qu’il leur arrive ? s’étonna Ron en se tournant vers Harry. Loyd qui nous recrute pour s’occuper de leurs affaires, et McGonagall qui dit oui, ça c’est improbable.
Harry ne pouvait qu’acquiescer. Il avait été très surpris de l’empressement avec lequel les professeurs s’étaient débarrassés de cette affaire, leur confiant aveuglement les rênes de l’enquête.
- Moi, ça ne m’étonne pas tant, confia Anguis. Après tout, on a quand même tous combattu à la bataille de Poudlard, on n’est plus des débutants. Mais surtout, vous deux (il montra Ron et Harry), vous avez déjà brillamment résolu l’énigme de la chambre des secrets.
La parallèle avec cette affaire ne plaisait pas vraiment à Harry. Il n’avait pas l’intention de combattre à nouveau un basilic comme dans la chambre des secrets lors de sa seconde année. En fait, il aurait préféré passer enfin une année sans complications à Poudlard. Mais encore une fois, il était plongé au cœur d’événements étranges.
- Eh bien, on nous a demandé de réfléchir, alors mettons nos idées en commun, proposa plein d’entrain Anguis.
Mais il s’avéra qu’ils n’avaient rien à se dire. Harry et Ron ne voulaient pas parler de leurs découvertes sur la Carte du Maraudeur et la cape d’invisibilité en présence de Drago, qu’ils considéraient comme le suspect numéro un. Sans surprise, Anguis était dans le même cas, dans l’hypothèse où il aurait pu leur apprendre quelque chose. Malefoy, lui, gardait sa mine renfrognée et n’était pas pressé de lancer la conversation.
Il y eut alors un silence gênant, chacun baissant la tête. Ils faisaient tous semblant de réfléchir pour ne pas avouer qu’ils ne voulaient pas parler. Ils restèrent peut-être une dizaine de minutes plantés là, les yeux rivés sur leurs chaussures respectives. Mais ce temps leur parut bien plus long. Le malaise était palpable.
Ron finit par trouver le courage de briser l’atmosphère oppressante :
- Bon, on ne va pas se mentir, on n’a rien à se dire pour l’instant. On se revoie si on a du neuf, ça vous va ?
Ils acquiescèrent tous, reconnaissants de son geste pour les sauver de cette situation embarrassante. Drago ne se fit pas prier pour sortir et quitta la salle sans se retourner. Harry se rendit compte qu’il n’avait pas prononcé un mot depuis plusieurs jours, si bien qu’il se rappelait difficilement du son de sa voix.
Comme par magie, leurs langues se délitèrent dès que Malefoy eut disparut de l’encadrure le porte. Tandis qu’ils retournaient dans la salle commune de Gryffondor, ils retrouvèrent leurs airs enjoués, en particulier Anguis.
Aucun d’eux n’avait osé parler des vols en présence de Malefoy, étant donné qu’ils le croyaient tous coupable. La coopération avec le Serpentard s’annonçait difficile dans cette enquête, car lui non plus n’avait pas semblé vouloir les aider. Ce qui les conforta encore plus dans l’idée qu’il était l’homme derrière toutes ces disparitions.
- Quelle plaie d’avoir à se le coltiner, se plaignait Anguis. On avancerait bien plus vite sans lui. Mais surtout, on va être obligé de lui montrer notre progression et les indices, ce sera encore plus facile pour lui de s’en tirer.
- Je ne comprends pas comment Mr Loyd fait pour ne pas voir qu’il est certainement le meurtrier qu’on recherche, se lamenta Ron. C’est contre-productif, ça l’aide plus qu’autre chose.
- Il ne faut pas oublier que Mr Loyd est le référent de la maison Serpentard aussi, nota Anguis. Il est donc peut-être avec lui. La fille avait parlé de disciples du Serpent, qui lui seraient loyaux. Ça pourrait être le cas de Mr Loyd. C’est une éventualité qu’on ne doit malheureusement pas négliger.
Harry aussi émettait quelques soupçons sur l’Auror, mais pour une raison totalement différente.
C’est le comportement du professeur Loyd dans le bureau de la directrice qui l’avait intrigué. Il avait été si enjoué vis-à-vis des cambriolages qu’il en devenait louche.
Évidemment, Harry pouvait comprendre qu’il soit satisfait de pouvoir offrir un entraînement original à ses élèves, mais à ce point ? Il avait eu l’air incontrôlablement joyeux, comme hors de lui. Sa joie démesurée en devenait douteuse.
Harry se demanda un moment si Mr Loyd n’avait pas lui-même effectué tous ces vols et possédé la jeune élève simplement dans le but de créer une enquête à résoudre pour ses élèves. Mais il chassa aussitôt cette idée de son esprit. C’était trop farfelu, l’Auror n’était tout de même pas fou, il avait jusqu’alors paru très sain d’esprit au contraire. Il n’aurait pas osé troubler toute la vie de l’école, et même tuer une élève, pour un simple exercice.
En arrivant dans la salle commune de Gryffondor, les trois apprentis Aurors s’assirent dans un canapé face au feu pour continuer leur discussion.
- De toute façon, on est sûr que le tueur est un Serpentard, clama Anguis.
- Comment tu peux en être certain ? demanda sévèrement Hermione, assise juste à côté, et qu’ils avaient coupée dans sa lecture.
- C’est simple. Premièrement, le nom qu’il se donne. Le Serpent, sérieusement ? L’indice nous est offert. Il aurait pu prendre autre chose que le symbole de sa maison, mais on ne va pas s’en plaindre...
- Justement, objecta Hermione, exaspérée. Peut-être qu’il est plus rusé que tu ne le penses, et que c’est justement du bluff. Ça lui permettrait de mener tous les gens comme toi directement sur une fausse piste.
- Tu es vraiment maligne, dit Anguis malicieusement. Sauf que j’ai une deuxième preuve : Mr Loyd m’a assuré qu’aucun élève de Serpentard ne s’est plaint de la perte d’un objet, et il est bien placé pour le savoir puisqu’il est leur référent. C’est la seule des quatre maisons qui n’est pas concernée par les vols.
- Ah, c’est ce qu’on se disait, s’exclama Ron. On n’était pas sûr qu’il n’y avait vraiment aucun cas chez eux, mais maintenant, on peut affirmer que le Serpent fait partie de leur maison, ça ne peut pas être une coïncidence.
Hermione se mordit la lèvre inférieure, ce qui signifiait qu’elle réfléchissait intensément.
- Ça ne peut pas être si facile.
- Pourquoi voudrais-tu que ça soit forcément compliqué ?
- Enfin, je veux dire… s’expliqua-t-elle toujours d’un air songeur. Si le voleur a été assez intelligent pour ne jamais se faire attraper, ça m’étonnerait qu’il ait négligemment pris un signe identique à celui de sa maison, et laissé des indices aussi grossiers. Pour moi, c’est forcément volontaire, et c’est donc pour nous mener vers une fausse piste.
- Ou alors c’est un double bluff, suggéra Ron. Il a anticipé le genre de raisonnement que tu viens de faire, donc il choisit exprès l’emblème de sa maison pour qu’on se dise que ça ne peut pas être aussi simple.
- Tu te prends trop la tête, rigola Ginny, elle aussi installée juste à côté.
- Mais il a peut-être raison, appuya Anguis. Après tout, quand la chambre des secrets a été ouverte, il y a quelques années, Tom Jedusor s’était explicitement appelé l’héritier de Serpentard.
- Sauf que ce n’était pas directement lui qui avait ouvert la chambre… murmura Harry, gêné.
Il jeta un œil inquiet vers Ginny. C’était elle, sous l’emprise du carnet de Tom Jedusor, qui avait libérée le basilic. Elle en avait toujours honte, et Harry savait qu’elle souffrait à chaque fois que le sujet était évoqué. Mais elle resta impassible et fit semblant de n’avoir rien entendu.
- De toute façon, je sais que vous adoreriez que le tueur soit un Serpentard simplement pour avoir une raison de plus d’accuser Malefoy, siffla Hermione d’un ton acerbe.
- Mais tout colle ! se défendit Ron. La fille possédée a bien précisé que le Serpent revenait à Poudlard. C’est exactement le cas de Drago. Et en plus, il était louche avant même que l’affaire ne commence. Il est de retour pour devenir Auror, ce qui est très surprenant, tu me l’accorderas. Il se fait le plus discret possible, comme s’il préparait quelque chose…
- Et celle qui est morte et une née moldue, acheva Anguis, le regard sombre. Les Malefoy ont toujours traité toutes ces personnes de sang-de-bourbe, et c’est pour ça qu’ils se sont ralliés à Voldemort. Alors Drago revient sûrement pour se venger de leur défaite, et continuer d’oppresser ceux qui n’ont pas un sang pur à leurs yeux.
- Je ne le vois vraiment pas faire ça, contesta Hermione qui avait tout de même un air résigné. Il s’est toujours amusé de cela, mais pas au point de passer à l’action lui-même.
Harry était d’accord. C’était la seule raison qui le dissuadait d’accuser d’office Malefoy comme le faisaient Ron et Anguis.
- Ou alors, il est simplement un des disciples du Serpent, ajouta Ginny. Comme avec Voldemort, il fait partie du groupe sans être le leader.
- Alors son père est peut-être le Serpent, approuva son frère. Lui était un Mangemort convaincu, et il pourrait tirer les ficelles de loin. Il envoie peut-être son fils en émissaire convaincre tous les Serpentard de se rallier à sa cause.
Leur théorie commençait à paraître tordue aux yeux d'Harry, quoiqu’elle puisse être vraie.
- On se perd, dit-il à ses amis. Si on veut vraiment avancer sur l’enquête, il faut partir de quelque chose de plus concret. Ça ne m’étonnerait pas que Malefoy soit lié à tout ça, de près ou de loin. Mais Hermione a raison, on n’a aucune preuve. Il faut trouver le moyen d’obtenir des indices tangibles.
- On pourrait refaire le coup du Polynectar ? proposa Ron, débordant de bonne volonté.
Ils avaient bu cette potion permettant de prendre l’apparence de quelqu’un d’autre en deuxième année. Ils s’étaient fait passer pour les deux meilleurs amis de Drago pour infiltrer sa salle commune et se rendre compte qu’il n’était pas l’héritier de Serpentard.
- On ne peut plus, objecta Hermione. Il n’est plus en compagnie de Crabbe et Goyle, il est devenu très solitaire. Il n’a aucun confident à qui il donnerait les informations qu’on recherche.
- Mais ce n’était pas une mauvaise idée, encouragea Harry. C’est avec ce genre de proposition qu’on avancera dans notre enquête.
- Pour commencer, il faut se demander qui pourrait connaître l’existence de la Carte du Maraudeur, dit Ginny. On ne sait pas comment le voleur a pu la prendre dans la poche invisible, mais on sait au moins qu’il connaissait l’existence de la carte. Il n’aurait pas fouillé dans tes affaires au hasard.
Harry réfléchit à toutes les personnes vivantes qui connaissaient l’existence de la Carte du Maraudeur. A part eux, il y avait George Weasley, qui la lui avait donnée en troisième année. Mais Harry ne put se souvenir de quelqu’un d’autre. Et il était certain que George n’avait pas volé le parchemin, il était un homme de confiance.
- La Carte du Maraudeur ? Qu’est-ce que c’est ? demanda Anguis.
Ils lui expliquèrent en quoi elle consistait, et son visage s’émerveilla.
- C’est du génie ! s’écria-t-il. Entre de mauvaises mains, c’est sûr. Mais cette carte doit être vraiment utile.
- C’est bien le problème, ronchonna Ron. Ça lui donne un atout important qu’on n’a pas. On ne peut pas tenter de le prendre en filature puisqu’il sait à tout moment où on est.
- Il faut pourtant qu’on trouve une solution, s’impatienta Harry.
- Il y a bien le veritaserum... réfléchit à voix haute Hermione, pas convaincue elle-même de sa proposition.
Cette potion était un sérum de vérité. Avec simplement quelques gouttes, le buveur se retrouvait incapable de mentir.
- Bien sûr ! s’égosilla Anguis, comme frappé par la foudre. C’est exactement ce qu’il faut ! (Il marqua une pause) C’est parfait pour faire parler les disciples qui volent des objets pour lui.
- Mais on ne peut pas l’administrer à des gens au hasard, objecta Hermione. Son utilisation est réglementée par le ministère. Il faudrait déjà des preuves sur quelqu’un pour avoir droit de lui soumettre.
- Alors il suffirait de trouver une raison suffisante.
Le sourire mesquin d’Anguis sous-entendait qu’il avait une idée très précise derrière la tête.
- C’est simple, j’aurais juste à surprendre une discussion suspecte.
- Ça m’étonnerait que McGonagall considère ça comme un motif suffisant, dit Ron en faisant la moue.
- Madame McGonagall n’est pas obligée de savoir, chuchota Anguis en prenant bien soin de ne pas être entendu par d’autres Gryffondor.
- Tu veux faire ça en douce ? En voler ? s’inquiéta Ginny. Ça se saura forcément, on aura de gros ennuis.
- Sauf s’il s’avère qu’on avait raison. Si les sujets avouent leurs vols, les professeurs ne pourront que nous féliciter.
- Je ne suis pas sûr que ça vaille le coup, c’est très risqué et ça n’est vraiment pas moral, dit Hermione, qui restait attachée à la présomption d’innocence. Imaginez qu’on fasse boire du veritaserum de force à quelqu’un qui s’avère ne pas avoir de lien avec le Serpent.
- Il suffit de bien s’y prendre, argumenta Anguis. En écoutant en douce les conversations des Serpentard, par exemple. J’ai des oreilles à rallonges dans ma valise.
Harry sourit en entendant le nom de ses oreilles inventées et commercialisées par les jumeaux Weasley. Attachées à un long fil déroulant, elles permettaient d’entendre clairement des discussions à une grande distance ou derrière une porte. Ils en avaient utilisé pour espionner les réunions de l’Ordre du Phénix en cinquième année. Et même si ça n’avait pas toujours été concluant, ils avaient obtenu beaucoup d’informations utiles grâce à ce procédé.
Ce plan lui paraissait donc tout de suite plus plausible.
- C’est juste un essai, continua Anguis pour achever de les convaincre. Si je ne surprends aucune conversation intéressante, on trouvera un autre moyen d’avancer. Mais pour l’instant, c’est notre seule idée.
- C’est sûr, ça se tente, approuva Ron avec engouement. Je suis volontaire pour t’aider.
- Non, ne vous inquiétez pas, je vais faire ça seul, refusa Anguis poliment alors qu'Harry allait lui aussi proposer son aide. Ce sera plus discret si on ne s’y met pas à plusieurs. Et je suis le moins connu d’entre nous, j’attirerai moins l’attention.
Espionner des jeunes Serpentard au hasard n’était pas une solution très glorieuse. Hermione se montrait même très réticente à l’idée de stigmatiser ainsi des élèves. Mais toutes leurs pistes, si inconsistantes soit elles, menaient à la maison Serpentard. Ils approuvèrent donc sans grand enthousiasme la proposition d’Anguis.
Ils avaient été chargés subitement de mener l’enquête sur le Serpent, et il fallait bien commencer quelque part.