Harry Potter et le Complot du Serpent

Chapitre 8 : Honte sur Serpentard

6441 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 18/07/2020 23:29

Mme Trelawney avait prédit du trouble et de la discorde à Poudlard. Pour le trouble, il n’avait pas fallu attendre longtemps après son présage pour le voir apparaître, et il ne cessait depuis. Concernant la discorde, elle était sur le point d’éclater.

Le mois de décembre arriva et un vent glacé souffla sur l’école. Des flocons ne tardèrent pas à tomber, annonçant un hiver froid.

Les interrogatoires au veritaserum continuèrent, car de nouveaux témoins se présentaient régulièrement. Dans leurs robes vertes émeraudes de Serpentard, ils confessaient tous des vols contre des élèves d’autres maisons.

Les seules variations concernaient les multiples objets subtilisés, où ils avaient fait preuve de beaucoup d’originalité. Certains décrivaient des cambriolages de baguettes, d’autres le larcin d’instruments d’astronomie…

Si le Serpent était vraiment derrière tout cela, il s’était vraiment bien organisé. On aurait dit que leurs tâches eussent été minutieusement réparties pour cibler des élèves de tout âge dans chacune des trois autres maisons.

Quand Anguis leur demandait leur motif de satisfaction, ils arguaient tous vouloir venger leurs querelles avec d’autres élèves rivaux. Mme McGonagall ne cessait de déplorer cette rancœur, elle qui prônait un Poudlard uni et chaleureux. Mais elle avait dû se rendre à l’évidence : tous les coupables étaient de Serpentard revanchards.

Évidemment, Anguis rayonnait. Il pouvait se satisfaire d’avoir pu confirmer sa théorie selon laquelle Serpentard était lié à l’affaire du Serpent. Mais surtout, rien ne le rendait plus heureux que de voir les élèves de cette maison enfin punis. Il s’était toujours plaint de leur âme de malfaiteurs, et il pouvait lui-même la faire exploser au grand jour.

Car les résultats des entretiens au veritaserum devinrent rapidement publics. Les rumeurs circulaient très vite à Poudlard. Malgré tous les efforts qu’avait faits Mme McGonagall pour anonymiser les trois premières coupables, leur identité ne resta pas secrète très longtemps. Dès que quelqu’un était soumis au test du veritaserum, toute l’école était au courant dans les deux jours suivants.

C’est ainsi que la discorde commença. Les élèves coupables étaient raillés de toutes parts par leurs congénères. Ils marchaient la tête baissée dans les couloirs, fuyant les regards inquisiteurs. Mais il leur était impossible de fuir les remarques cinglantes et les croche-pattes distribués en passant.

Il était terriblement désolant de constater à quel point les rivalités étaient aigres à Poudlard. Poufsouffle, Serdaigle et Gryffondor n’eurent aucune pitié à se liguer contre la dernière maison. Ils prenaient tous un malin plaisir à moquer les Serpentards, même ceux qui ne s’étaient pas dénoncés.

Cela commença par de simples plaisanteries. On moquait la couleur verte de leurs vêtements, on ébouriffait les cheveux des plus petits. Mais ce petit manège tourna rapidement au harcèlement. Un membre de Serpentard ne pouvait se déplacer sans être hué bruyamment ou recevoir des insultes dégradantes. Des groupes d’élèves rôdaient des heures durant pour en repérer un et l’intimider.

Cette attitude rappelait beaucoup à Harry celle de son cousin Dursley. Avec ses amis, il s’amusait à terroriser les enfants du quartier de Privet Drive. Les grands de Poudlard reproduisaient exactement le même schéma, profitant de la vulnérabilité des première année.

L’arrivée de l’hiver fut une aubaine pour ces harceleurs, qui ne se privèrent pas de lancer des boules de neiges à quiconque osait porter une écharpe verte. Et ce n’étaient pas des tirs amicaux, ils choisissaient avec application de la neige dure et glacée, qu’ils éjectaient de toute leur force sur les Serpentard.

Mais plus que tout, les baguettes magiques étaient des instruments de victimisation particulièrement efficaces. Le monde merveilleux de la magie montra un autre de ses aspects à Harry, beaucoup moins féerique.

Certains collégiens connaissaient déjà beaucoup de sortilèges désagréables. Ils faisaient par exemple cracher des limaces à de jeunes Serpentard. Ils incantaient la formule d’Impedimenta pour les faire trébucher, celle de Flipendo pour les pétrifier durant quelques secondes, ou même celle de Tarratenllegra pour faire danser quelqu’un contre son gré. Il y a avait aussi Mutismus pour les faire bégayer, Sourdinam pour leur faire perdre momentanément l’ouïe, et bien d’autres ensorcellements handicapants. Aucun n’osa utiliser de sortilège impardonnable, mais il en existait bien assez d’autres moins dangereux (et tout à fait légaux) pour victimiser d’autres élèves.

- C’est répugnant, se désolait régulièrement Hermione avec toujours la même mimique de dégoût.

Avec Harry, elle était celle qui avait le plus de pitié pour les pauvres Serpentard harcelés. Elle avait pourtant longtemps reçu les railleries des membres de cette maison, comme Drago Malefoy. Prise pour cible à cause de ses parents modlus, elle aurait pu être rancunière. Mais elle comprenait bien que la situation était injuste. De pauvres première année, qui ne demandaient qu’à étudier, se retrouvaient pourchassés dans les couloirs.

Au grand désespoir d’Hermione, Ron ne prenait pas vraiment la situation au sérieux. Il s’amusait de voir les rôles inversés, pour une fois. Les Serpentard avaient toujours été condescendants, et il considérait ce retour de bâton bien mérité.

- Au moins, ils voient un peu ce que ça fait, se justifiait Ron. Ils trouvaient ça plus drôle quand c’étaient eux qui nous traitaient de traître-à-son-sang ou de sang-de-bourbe.

- Mais ils ne sont pas tous comme ça, protestait Hermione.

- On dirait bien que si, vu tous ceux qui avouent avoir fait des vols.

Ron n’avait pas totalement tort. Le nombre de Serpentards impliqués dans cette histoire était impressionnant. Au moins la moitié de leur maison s’était déjà dénoncée, et de nouveaux arrivaient chaque jour. Harry se disait qu’ils finiraient par tous être inculpés.

Mais ils ne pouvaient tout de même pas mériter le traitement dont les autres maisons faisaient preuve à leur égard. Comme Hermione, Harry n’arrivait pas à trouver une quelconque justice dans ces exactions vengeresses et disproportionnées. Après tout, ce n’étaient que des subtilisations, et ces objets finiraient sûrement par être retrouvés. Les voleurs n’avaient jamais agressé physiquement d’autres élèves, alors que l’inverse était en train de se produire.

Un autre facteur aggravant de ce harcèlement fut la diffusion de fausses rumeurs. Personne, en dehors des professeurs et des apprentis Aurors, n’assistait directement aux interrogatoires au veritaserum. Et quel que soit la façon dont le compte-rendu était diffusé, ces informations n’étaient jamais complètes ou exactes.

Harry et Ron étaient bien placés pour le savoir, car ils avaient le privilège de pouvoir écouter ces entretiens. La version relatée ensuite entre eux par les élèves était souvent bien différente de celle qu’ils avaient observés. Les accusés étaient diabolisés, leurs propos extrapolés.

- Il paraît que Manuel Fratz a avoué avoir assommé un élève pour lui cambrioler son sac, entendit un jour Harry de la bouche d’un écolier de Poufsouffle.

- Et son frère aurait même tenté d’étrangler quelqu’un dans son sommeil, enjolivait un autre.

Harry ne comprenait pas comment les interrogatoires pouvaient être modifiés à ce point. Tout le monde croyait n’importe quoi, et il en résultait des versions contradictoires, mais toutes plus fantasmées les unes que les autres.

Anguis participait activement à cette ébullition. Il ne se gênait pas pour théâtraliser ses exploits au centre de la salle commune de Gryffondor, qui s’était transformé en scène de spectacle pour l’occasion. D’un air dramatique, Anguis racontait comment il avait lutté contre la perfidie des Serpentard, attendant patiemment de leur arracher la vérité sur les faits. Leurs écharpes rouges et jaunes fièrement entourées autour du cou, les Gryffondor le regardaient avec de grands yeux émerveillés.

Malgré son travail pour l’enquête, Harry ne pouvait s’empêcher de développer une profonde antipathie à l’égard d’Anguis. Celui-ci savait pertinemment qu’il encourageait le harcèlement des Serpentard. Mais il semblait y prendre un plaisir démesuré, savourant sa vengeance.

En outre, le calvaire de Serpentard était encore accentué par leur score dans le classement de la coupe des quatre maisons. Avec leurs trois cents points perdus, ils étaient naturellement passés bon dernier, et seul un miracle pourrait leur permettre de rattraper le retard.

Le grand tableau d’affichage des scores juste devant la Grande Salle offrait une autre possibilité de moquerie aux autres maisons. Chaque Serpentard entrant au réfectoire se voyait rappelé la défaite de sa maison.

Évidemment, Mme McGonagall avait tenté par tous les moyens de rétablir le calme, et d’empêcher ce harcèlement à outrance. Elle avait fait placarder des affiches de prévention demandant la tolérance. A chaque repas, elle rappelait ce même message oralement avant de faire apparaître la nourriture sur les tables :

- Élèves de Poudlard ! Je sais que ce sont des temps difficiles, je sais que certains ressentent de la rancœur, et je sais qu’ils peuvent avoir de bonnes raisons. Oui, il y a eu des vols. Oui, des élèves sont impliqués. Mais il faut savoir pardonner. Il faut que chacun ait une démarche amicale envers tout autre élève de ce château. Car nous appartenons tous à cette magnifique école, qui nous réunit en une grande famille. Je vois des comportements indécents, qui ne sont en aucun cas justifiés. Je ne peux tolérer ce genre d’agissements, et ils seront également sanctionnés !

En effet, elle mit à contribution le concierge Rusard pour rôder dans les couloirs et empêcher les agressions contre les élèves de Serpentard. Il en était ravi, lui qui adorait infliger des punitions aux écoliers. Avec sa chatte Miss Teigne, il arpentait le château pour enlever des points à certains ou donner des heures de retenue à d’autres.

Mais cette méthode ne se montra pas assez efficace. Argus Rusard ne pouvait quadriller l’ensemble du château et de nombreuses scènes de vengeance échappaient à son attention.

Les collégiens des maisons Serdaigle, Gryffondor et Poufsouffle avaient développés une telle rancune contre leurs homologues de Serpentard qu’ils ne daignaient pas écouter le message fraternel de Mme McGonagall.

Les vacances d’hiver arrivèrent enfin et furent un moment de répit salvateur pour les victimes de harcèlement. Elles profitèrent également à tout le monde, car la tension accumulée dans les esprits rendait l’atmosphère de Poudlard invivable.

Comme à son habitude, le château se vida de la plupart de ses habitants, qui étaient rentrés dans leurs familles respectives. Au contraire, les Weasley, Harry et Hermione avaient pris l’habitude de rester au château en cette période de fête.

La salle commune des Gryffondor comme la Grande Salle étaient quasiment vides à longueur de journée, leur offrant une place démesurée à eux tous seuls. Le calme ressourçant leur permis de passer deux semaines très agréables.

Malgré le peu d’élèves à nourrir, les elfes de maison qui faisaient la cuisine se surpassèrent. Ils fournissaient en abondance des mets succulents, comme des dindes aux marrons bien rôties ou des bûches glacées onctueuses.

La décoration féerique donnait un air de paradis à la Grande Salle. Le plafond ensorcelé déversait des flocons immatériels, et de grands sapins se balançaient au rythme des musiques de Noël. Ils étaient ornementés de longues guirlandes scintillantes et de boules qui ressemblaient à s’y méprendre à des somnimus.

Harry et ses amis ne voyaient pas le temps passer, entre les parties d’échecs magiques et les caches-caches géants dans tout le château. Ils organisèrent également un tournoi de sortilèges, la nuit, en prenant soin de ne pas faire trop de bruit. Les quelques Gryffondor restés à Poudlard se joignirent à eux et ils passaient des nuits entières à expérimenter de nouveaux sortilèges.

A cette occasion, Harry put constater tous les progrès effectués grâce aux entraînements d’Auror. Il avait toujours été habile avec sa baguette et avait déjà une certaine expérience, mais il surpassait désormais largement Hermione et Ginny. Même Ron, qui était moins adroit naturellement, battait désormais sa sœur et sa petite amie, ce qui avait rarement été le cas l’été précédent.

Ils purent aussi rattraper leurs devoirs en retard, et cela était vraiment nécessaire. La quantité de travail demandée en vue des A.S.P.I.C ou de la formation d’Auror n’avait cessé d’augmenter, et ils avaient accumulés bon nombre de devoirs à rendre.

Durant ces vacances régénératrices, Harry oublia les tracas récents de l’enquête et de ce maudit Serpent. Il passait trop de temps à s’amuser pour y penser, et c’était un havre de réconfort.

Malheureusement, cette douce accalmie ne dura pas et les vacances arrivèrent à leur terme. Dès le début du mois de janvier, les élèves revinrent à bord du Poudlard Express.

Aucun n’avait oublié son animosité, et le harcèlement anti-Serpentard reprit de plus belle. L’ambiance chaleureuse de Noël redevint glacée au sens figuré, la tension remontant subitement.

Les membres de Serpentard avaient tout fait jusque-là pour garder la tête haute. Ils s’étaient concentrés à ignorer les insultes, et même les boules de neige. Ils avaient déjà assez perdu de points comme ça pour répondre aux provocations et risquer de nouvelles sanctions.

Mais cette fois, c’en fut trop pour certains. Harry croisa avec tristesse de jeunes écoliers en pleurs, le visage rouge de honte camouflé dans leurs tuniques vertes. Même Ron eut de la pitié pour leur atroce situation. Ils couraient dans les couloirs pour éviter de croiser d’autres élèves et subir une nouvelle humiliation.

Beaucoup n’étaient que des enfants. Ils avaient 11 ou 12 ans, et se retrouvaient pris à parti par plusieurs gaillards qui faisaient le double de leur taille.

Harry ressentait une terrible sensation de honte à chaque fois qu’il voyait ces scènes pathétiques. Si les harceleurs le révulsaient, il se dégouttait aussi lui-même. Pour cause, il se rendit vite compte qu’il était incapable d’intervenir. Il n’avait pas le courage de s’interposer quand un incident de ce genre éclatait sous ses yeux. Après tout, qui était-il pour empêcher des inconnus de se venger ? Peut-être avaient-ils eux-mêmes trop longtemps souffert des railleries de Serpentard, et ils trouvaient enfin le moyen de s’en défouler.

Il se surprenait souvent à raisonner de la sorte, comme Ron l’avait fait. Il se méprisait lui-même, de ne pas être capable d’aider des jeunes enfants harcelés.

C’est Hermione qui lui permit de passer le pas. De son côté, elle ne se posait pas la question, et devenait une furie incontrôlable dès qu’elle attrapait des harceleurs sur le fait. Ce n’était pas Rusard, ni son chat Miss Teigne qu’ils craignaient. C’était Hermione Granger. En même temps, elle avait de quoi impressionner. Harry était surpris de sa férocité à chaque fois qu’elle réprimandait des collégiens moqueurs.

Le schéma se répéta à de maintes reprises. Elle plissait les yeux à chaque tournant de couloir, comme un félin guettant sa proie. Dès qu’elle repérait un attroupement, elle se précipitait vers le groupe en question.

- BOMBARDA, hurlait-elle, la baguette vers le sol.

Une immense détonation retentissait, et les grands élèves qui victimisaient un petit Serpentard sursautaient avec toujours la même expression de terreur. Car ce n’était pas le sortilège qu’ils redoutaient le plus, c’étaient les cris véhéments qui suivaient :

- VOUS N’AVEZ PAS HONTE ?! beuglait Hermione de toutes ses forces. A PLUSIEURS SUR CE PAUVRE ENFANT QUI NE VOUS A RIEN DEMANDÉ ! ATTENDEZ QUE JE VOUS Y REPRENNE, ET VOUS NE SEREZ PLUS JAMAIS EN ÉTAT D’HARCELER QUI QUE CE SOIT !

Les élèves s’enfuyaient piteusement, la tête entre les jambes, sans oser se retourner. Hermione se penchait alors sur le jeune Serpentard d’un air maternel et le réconfortait.

Elle se fit très rapidement une réputation. Le bouche à oreille ne fonctionnait pas que pour travestir les interrogatoires au veritaserum. Tous les collégiens furent bientôt au courant de la menace du nom d’Hermione Granger, et certains furent dissuadés de continuer leurs moqueries.

Harry, tout comme Ron, fut revigoré par son comportement. Ils laissaient faire Hermione quand ils l’accompagnaient, car elle était bien plus efficace, mais ils osèrent désormais intervenir pour stopper certaines victimisations.

Ginny aussi avait une voix intimidante, et elle prenait régulièrement le relais d’Hermione. Grâce à elles, l’atmosphère de Poudlard se détendit quelque peu, et Harry était très fier de les avoir comme amies.

Malgré tout, ils ne pouvaient pas faire la police partout, et des élèves de Serpentard continuèrent à être pris à parti.

Ils en retrouvaient encore crachant inlassablement de grosses limaces marrons, ce qui rappela des mauvais souvenirs à Ron. En seconde année, il s’était lui-même infligé ce sortilège de manière involontaire, à cause de sa baguette cassée.

Mais l’arrivée du mois de février était synonyme d’une meilleure nouvelle : le deuxième match de quidditch de Gryffondor était programmé pour la septième semaine de l’année.

Le match était justement prévu contre Serpentard, leur rival de toujours. Gryffondor était pour l’instant en tête du tournoi grâce à sa victoire contre Serdaigle à l’automne. Le match avait longtemps été très serré, mais l’attrapeur des sang et or leur avait offert une victoire trois-cent soixante à cent quatre-vingt dix en se saisissant du vif d’or. Cet exploit mettait fin au match et rapportait directement cent cinquante points supplémentaires à l’équipe qui s’en saisissait en première.

Ginny ne parlait plus que de ce match à Harry. Elle était poursuiveuse et capitaine de l’équipe de quidditch de Gryffondor. Lui n’avait malheureusement pas été autorisé à jouer cette année, mais il restait un fervent supporter.

Alors que la date fatidique approchait, elle lui demandait de nombreux conseils. Harry avait été un attrapeur très talentueux durant sa scolarité, et il restait une référence de ce sport à Poudlard. Ron aussi avait joué au quidditch, en tant que gardien, mais ses performances avaient été un peu moins remarquées.

Ginny ne lâchait pas Harry d’une semelle. Elle lui exposait toutes ses tactiques, lui demandant sa préférence. Il lui répondait poliment, même s’il aurait préféré pouvoir se concentrer sur ses nombreuses dissertations.

- Franchement, l’équipe de Serpentard est vraiment abordable, commentait Ginny sans s’arrêter à la veille du match. Si on adopte une stratégie très offensive d’entrée, en volant bas avec un jeu de passe rapide, ils ne pourront pas nous résister. Ils n’ont que des gros gabarits, ce qui les rend redoutables en un contre un, mais ils sont perdus dès que leur adversaire commence à construire son jeu. Ils sont lourds sur leurs balais et ne pourront pas nous rattraper. Notre seul défi est d’éviter les cognards distribués par leurs batteurs. L’idéal, ce serait de prendre le plus tôt possible plus de cent cinquante points d’avance, pour se mettre à l’abri même si leur attrapeur saisit le vif d’or avant le nôtre. Il faudra juste que notre gardien soit particulièrement attentif à…

Son flot de parole se noya dans l’esprit d'Harry, qui tentait d’en faire abstraction pour se concentrer sur son devoir de Métamorphose. Il appréciait beaucoup Ginny, mais ses longs discours stratégiques lui rappelaient ceux de ses anciens capitaines, Olivier Dubois et Angelina Johnson. Eux aussi ne lui laissaient aucun répit, ce qui avait tendance à lui faire mal à la tête plutôt que de le rassurer en vue du match.

Ginny avait vraisemblablement hérité de ce syndrome du capitaine, qui les rendaient invivables dès qu’un match important arrivait. Tous les joueurs étaient sujets à la pression, mais le rôle particulier de Ginny la démultipliait.

- Tu veux pas la boucler un peu ? lui dit sèchement son frère.

Ce à quoi elle répondit par une grimace avant de se pencher sur un schéma tactique ensorcelé, où des dessins de joueurs et de balles bougeaient tout seuls selon les mouvements de sa baguette.

Harry pouvait comprendre que Ginny se concentre à ce point sur l’aspect sportif de l’événement, c’est aussi ce qu’il aurait fait s’il avait été joueur. Mais cette fois, il était plus préoccupé par ce qui allait se passer en tribune que sur le terrain. L’équipe de Serpentard n’allait probablement pas être accueillie sous les applaudissements.

Harry ne se trompait pas. Le jour du match, au petit-déjeuner, toute la Grande Salle était couverte des couleurs rouges et jaunes de Gryffondor. Les Serdaigle et Poufsouffle s’étaient ralliés à eux, mais c’était plus contre Serpentard que pour supporter réellement Gryffondor.

Comme le voulait la coutume, Harry, Ron et Hermione étaient vêtus de grands écharpes aux couleurs de leur maison, et ils avaient préparés des bombabouses à faire exploser pour faire du bruit. Luna Lovegood arborait son habituel masque de lion, qui était un peu ridicule mais avait l’avantage de ne pas passer inaperçu.

Ginny était au comble de l’excitation et n’arrivait rien à manger. Son état d’euphorie était tel qu’elle ne remarqua pas l’ambiance tendue qui régnait.

Il était normal qu’un match de quidditch soit source de stress pour les supporters, mais cette atmosphère était plus électrique que les dernières fois. De toute évidence, les rancœurs récentes allaient se ressentir durant le match.

Tandis que Ginny leur faussait compagnie pour rejoindre les vestiaires, Harry et ses autres amis sortirent du château, suivant le chemin qui rejoignait le stade.

C’était un samedi très froid mais la neige était clémente, comme si elle ne voulait pas perturber l’événement. La légère brise glaciale était parfaite pour un match de quidditch. Les conditions météorologiques étaient au rendez-vous.

Et l’ambiance aussi. La cacophonie qui régnait dans les gradins était surnaturelle. Harry n’avait jamais vu ça de sa vie, excepté lors de la finale de la coupe du monde auquel il avait assisté plus de quatre ans auparavant. Tous les élèves de l’école sans exception devaient être présents car le stade était plein à craquer. Le quidditch avait toujours suscité un certain engouement, mais jamais à ce point. Il y avait toujours une poignée d’élèves qui préféraient rester à l’intérieur pour étudier, pas vraiment intéressés par le sport.

Mais ce jour-là, tous n’étaient pas venus que pour regarder le match. Le spectacle dans les tribunes allait être au moins aussi impressionnant, à en juger par le capharnaüm qui y régnait déjà.

Ils n’étaient pas les seuls à avoir pensé aux bombabouses, qui explosaient de toutes parts. D’autres supporters sifflaient de tout leur souffle dans des trompettes ou lançaient des confettis dans tous les sens.

Mais ce qui frappa le plus Harry, ce fut leurs accoutrements. Parmi la masse de pulls dorés et magentas, il ne put repérer aucun habit vert. Les supporters de Serpentard avaient préféré se faire discret, au contraire des autres maisons.

De grandes banderoles avaient été disposées le long de chaque tribune. On pouvait y lire des slogans pour le moins évocateurs :


HONTE SUR SERPENTARD


Plus à gauche, un autre drap avait été ensorcelé pour représenter un joueur vêtu de vert sur son balai. Il était frappé par la foudre et se retrouvait électrocuté. L’animation se jouait en boucle par elle-même. Juste en dessous, Harry déchiffra l’inscription :


SERPENTARD SAIT TRÈS BIEN VOLER, MAIS PAS SUR UN BALAI


Ils étaient les seuls à avoir emmené une affiche se contentant de soutenir Gryffondor, sur laquelle il était sobrement inscrit :


ALLEZ GRYFFONDOR, VIVE LES SANG ET OR


Lorsque l’équipe de Gryffondor sortit des vestiaires, elle fut accueillie par de bruyantes acclamations. Mais ce n’était rien par rapport à la cacophonie d’insultes et de huées en tout genre beuglée lors de l’entrée des Serpentard sur le terrain.

Les tribunes grondaient comme un immense monstre animé par la haine. Les pouces inclinés vers le bas, de nombreux supporters crachaient leur rancœur aux joueurs en vert. Ils tapaient sauvagement du pied pour appuyer leur mécontentement, et la structure en bois tremblait dangereusement.

Le bruit était infernal. Tentant de passer outre, les Serpentard, dans leurs tuniques émeraudes caractéristiques, s’élevèrent dans les cieux en même temps que leurs homologues de Gryffondor.

C’était ce qu’ils devaient faire au premier coup de sifflet de l’arbitre, Mme Bibine. Mais Harry ne l’avait pas entendu, assourdi par les hurlements de rage des tribunes. Mme Bibine avait sûrement poussé un autre coup de sifflet, car tous les joueurs se ruèrent sur la balle pour commencer le match.

Les beuglements de la foule redoublèrent d’intensité. Harry se boucha les oreilles, de peur de se faire casser un tympan. Dès la première action, les gradins se mirent à chanter en chœur, d’une seule voix :



Allez Gryffondor, allez Gryffondor,

Nous sommes tous tes supporters !

Aujourd’hui, nous avons un ennemi commun, alors,

Chantons ensemble, pour huer Serpentard !


Sur le terrain, Ginny prit possession du ballon et le passa à un coéquipier. Celui-ci tira dans l’arceau de gauche et ouvrit le score pour Gryffondor. Après une acclamation générale, les chants reprirent de plus belle :


Bien fait pour toi Serpentard,

Tu ne mérites que la défaite !

Tous tes joueurs sont en retard,

et les nôtres font la fête !


Gryffondor avait déjà récupéré le ballon et fonçait de nouveau vers les buts. Cette fois, Ginny marqua en solitaire pour doubler la mise.


C’est déjà une correction,

Car c’est tout ce que vous méritez !

On ne respecte pas votre nom,

Et vous allez être humiliés !


Du côté sportif aussi, les choses empiraient pour Serpentard. La tactique de Ginny devait être très bien huilée, car son équipe avait déjà marqué quatre autres buts et menait maintenant soixante à zéro.


On déteste Serpentard,

Vous êtes des meurtriers !

Vous ne méritez pas Poudlard,

Il faut que vous disparaissiez !


Les joueurs de Serpentard n’arrivaient pas à se concentrer sous les quolibets incessants de la foule. Ils jetaient des regards apeurés vers les tribunes, incapables de se concentrer sur leur jeu. L’écart avait encore considérablement augmenté et s’élevait maintenant à cent-dix à zéro.

Harry était évidemment heureux de voir l’équipe de Gryffondor, menée par Ginny, gagner aussi facilement. Mais d’un autre côté, il ne pouvait s’empêcher de ressentir une certaine pitié pour les joueurs de Serpentard. Ils n’étaient venus que pour jouer au quidditch et l’événement se transformait en une humiliation publique. Les supporters n’étaient pas venus pour voir le match, ils voulaient simplement cracher leur venin sur Serpentard. C’était de la haine gratuite, une méchanceté froide et inutile.

En tant qu’ancien joueur, Harry savait à quel point le contexte autour du match pouvait être déstabilisant. Il concevait alors parfaitement qu’ils puissent perdre leurs moyens face à de telles insultes. Vu sa mine contrariée, Hermione pensait la même chose que lui et comprenait la dureté de la situation pour les joueurs en vert.

Ron, au contraire, exultait. Il avait souvent été raillé par les chants des Serpentard pour sa maladresse au gardien, et il voyait cette rencontre comme une juste revanche. Encore une fois, sa réaction était compréhensible, et il ne se rendait pas compte de l’effarement des Serpentard.

Pendant ce temps, les tribunes entonnaient encore et toujours leur hymne barbare :


Vous ne savez que voler,

Mais pas sur un balai !

Vous méritez Azkaban,

Les petits comme les grands !


Ces paroles rappelaient quelque chose à Harry. Il se tourna vers le kop de supporter et comprit cette sensation de déjà-vu. Dos au terrain pour coordonner les chants, Anguis levait bien haut ses mains à la manière d’un chef d’orchestre. Il semblait vivre le plus beau moment de sa vie, et beuglait à tue-tête l’air insultant envers Serpentard.

Harry jeta un œil à une autre tribune, où étaient assis les professeurs. Comme il aurait pu s’y attendre, la mine déconfite de Mme McGonagall montrait sa désapprobation vis-à-vis des paroles des supporters. Il était d’ailleurs étonné qu’elle n’ait pas encore demandé l’arrêt du match. Elle scrutait plutôt la pelouse d’un air empressé. En la regardant plus attentivement, Harry comprit qu’elle espérait que le vif d’or serait vite attrapé pour mettre fin à la partie.

Malgré son amour pour le quidditch, Harry avait la même envie. Une sensation de malaise de plus en plus oppressante l’envahissait, alors que les chants résonnaient dans sa tête. Il ne comprenait pas tous ces gens, les mêmes qui humiliaient des enfants depuis plusieurs semaines. Quel était leur objectif ? C’était simplement une rancœur sauvage et insensée.

Il se surprit même à souhaiter la victoire des Serpentard. Car s’ils perdaient, les moqueries allaient être terribles. Ils allaient être harcelés plus que jamais. La situation deviendrait réellement invivable. Il fallait absolument qu’ils attrapent le vif d’or à temps, avant que Gryffondor n’ait trop d’avance.

Il n’en pouvait plus, l’injustice était trop grande. Il pouvait la ressentir, elle lui broyait les tripes. Le malaise s’était transformé en frustration. Il en voulait à tous ces idiots qui chantaient leurs slogans humiliants.

S’extrayant à ses pensées, Harry se concentra sur le tableau d’affichage. Il n’avait plus suivi l’évolution du score et il était incapable d’entendre les commentaires du match, couverts par les hurlements agressifs des gradins.

Mais à son grand désarroi, il constata que le score était déjà de deux-cent soixante-dix à zéro. Le temps qu’il jette un œil aux tribunes, Gryffondor avait marqué cent soixante points de plus.

Tout espoir était perdu. L’humiliation de Serpentard était totale et le seul enjeu dorénavant était de mettre fin au match rapidement pour éviter d’aggraver la situation.

Pendant qu’il réfléchissait, Gryffondor enchaînait les buts, pour le plus grand bonheur des chanteurs. Harry porta son attention sur l’attrapeur de Serpentard, un septième année nommé Harper. C’était à lui de mettre fin à ce calvaire. Qu’attendait-il pour saisir le vif d’or ? Mais ce dernier scrutait inlassablement le terrain sans apercevoir la petite balle dorée.

L’écart se creusa encore considérablement, et les chants s’envenimèrent toujours plus, avant que le match finisse enfin. L’attrapeur de Gryffondor s’était saisi du vif d’or dans un geste victorieux.

Cela alourdissait encore l’addition, mais au moins, c’était terminé. Sur le score historique de six-cent trente à zéro, Gryffondor remporta la partie.

Harry ne l’aurait pas cru possible, mais les exclamations de joies mêlées aux insultes méprisantes furent entonnées encore plus fortes aux trois coups de sifflets finaux.

Ces foutus chants lui montaient à la tête, il allait imploser. C’était insupportable.

Penaud, Harry se précipita hors du stade pour ne plus avoir à supporter ces quolibets. Il remonta seul au château puisque tous les autres étaient restés au stade pour célébrer la victoire écrasante de Gryffondor. Mais cela arrangeait Harry, qui préférait être seul.

Il était dans un état de rage incontrôlable. Il ne savait même pas pourquoi il était si énervé, il aurait simplement dû être heureux pour son équipe. Mais l’injustice de la situation et ce harcèlement perpétuel envers Serpentard le frustraient trop pour en profiter. Comment les élèves pouvaient-ils être aussi stupides ? Ils ne voyaient pas que ça n’arrangeait rien ? Ils ne comprenaient pas que c’était exactement l’attitude à proscrire ?

Il tapa le plus fort possible avec son pied contre le dossier du canapé de la salle commune de Gryffondor. Ce n’était pas malin, car sa douleur au gros orteil accentua encore sa rage. Mais il voulait se défouler, extérioriser son énervement.

Il en voulait à tous les autres écoliers, à tout le monde. Il les avait sauvés de Voldemort et c’est comme ça qu’ils le remerciaient, en l’enrageant de la sorte. Il s’était battu pour ce château, ses valeurs, ses maisons. Et voilà qu’il n’y régnait plus que la discorde, et une atmosphère insupportable. Des gens s’étaient sacrifiés pour en sauver d’autres, ces mêmes élèves qui souillaient cette mémoire en préférant humilier des enfants, sous le seul prétexte qu’ils étaient habillés en vert.

Harry ruminait sa fureur en tournant en rond dans la pièce, à grands pas appuyés. Il était tendu comme un piquet, les poings serrés, les veines dilatées. Il sentait son sang bouillir dans ses veines, il suait à grosses gouttes et son visage était devenu écarlate. Heureusement qu’il était seul car il avait l’air d’un fou confiné.

D’ailleurs, la pensée de voir arriver quelqu’un à tout moment l’exacerbait encore plus. Il allait devoir leur sourire, faire comme si de rien était. Il allait devoir faire semblant d’être content, en célébrant la victoire de Gryffondor. Et Ginny allait arriver, l’assaillir de paroles enthousiasmées. Elle n’allait pas comprendre, elle ne penserait qu’au match, qu’au résultat. Elle ne verrait pas que l’enjeu était bien plus important qu’une simple partie de quidditch. Mais il ne pourrait pas lui en vouloir, car c’était normal pour elle de se féliciter de sa bonne performance.

C’était toute l’essence de ce tournoi sportif, de la coupe des quatre maisons. La compétition, être au-dessus des autres, c’était tout ce qui comptait. Représenter fièrement sa maison, porter bien haut son blason.

Qu’est-ce que ça représentait, au final ? C’était juste une couleur, juste un logo. Pourquoi diviser les gens ? Pourquoi les monter les uns contre les autres ?

Harry devenait fou. Son cerveau tournait à pleine vitesse, incapable de se calmer, enchaînant les questions existentielles sans s’arrêter sur une seule. Il ne réfléchissait même pas. Il se laissait simplement aller à sa fureur et à son incompréhension.

Il ne pouvait plus supporter l’injustice disproportionnée que subissaient les élèves de Serpentard. Il s’identifiait désormais à cette maison. Il aurait pu y être, s’il n’avait pas insisté pour être réparti à Gryffondor. Le Choixpeau optait plus pour Serpentard à ce moment-là.

Tout ça, c’était simplement dû au choix presque aléatoire d’un vieux chapeau gâteux. Ça n’avait aucun sens, c’était juste une grande loterie. Il aurait très bien pu être à Serpentard, Hermione allait mieux à Serdaigle, Neville aurait toujours dû être un Poufsouffle. Ça ne tenait qu’à un hasard et ça n’engrenait que des rivalités idiotes.

A quoi ça rimait, tout ça ? Ces maisons, cette compétition inutile, ce concours d’égo débile ?

Soudain il eut un flash. Il allait agir. Il n’avait plus envie d’être spectateur plus longtemps, et de voir Anguis humilier Serpentard tout en récoltant les lauriers. Parce qu’après tout, Anguis n’avait rien obtenu. Il avait juste prouvé que des pauvres enfants de Serpentard étaient enrôlés malgré eux dans un complot bien trop grand pour eux. Aucun n’avait donné d’informations sur le Serpent, ces interrogatoires étaient tous les mêmes, ils n’apportaient plus rien.

Il fallait faire quelque chose, car Anguis n’avait rien fait. Il en donnait l’illusion mais l’enquête pataugeait. Il faisait du surplace et tout le monde était content. Mr Loyd applaudissait bêtement. Déjà que les adultes responsables de cette école avaient lâchement abandonné cette affaire aux mains de simples apprentis Aurors. C’était insensé.

Mais c’était fini, tout ça. Il allait se reprendre dès maintenant. Harry Potter allait recommencer à résoudre les problèmes de Poudlard, comme il l’avait toujours fait.

Et avant tout, il fallait comprendre. Pas se satisfaire des espionnages et des entretiens insipides au veritaserum d’Anguis. Non, comprendre pour de vrai.

Et pour cela, Harry savait où aller, il savait à qui demander. A celui que tout le monde désignait comme le coupable numéro un, à celui dont personne ne croyait à la rédemption, à son ennemi de toujours.

Il allait enfin parler à Drago Malefoy.

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