Harry Potter et le Complot du Serpent
Avec un peu de recul, Harry remit quelque peu en question sa décision. Cette idée, qui lui avait parue brillante sous l’effet de la colère, présentait finalement plusieurs failles.
D’abord, il devait avouer que la perspective de parler seul à seul à Malefoy ne l’enchantait pas du tout. Malgré leurs échanges amicaux lors des entraînements d’Auror, il ne lui faisait pas confiance. Après tout, Drago avait toujours été odieux avec lui, et il était encore avec les Mangemorts en fin d’année dernière.
Harry espérait de tout cœur qu’il ait réellement pu se repentir, et vouloir mener une vie adulte civilisée. Mais au fond de lui, Harry en doutait vraiment. Il n’imaginait pas le Drago condescendant qu’il avait connu tenir une conversation cordiale avec lui à propos de ce Serpent.
Et tout ça, c’était dans l’hypothèse qu’il ne soit pas lui-même le Serpent. Car si c’était le cas, il n’allait évidemment rien dévoiler à Harry, ou alors le mener sur une autre piste. Ou même pire, il pourrait l’attaquer.
Et même dans l’éventualité plus réconfortante où Malefoy n’était pas le coupable qu’ils cherchaient, Harry n’était pas sûr qu’un dialogue avec lui puisse apporter quoi que ce soit. S’il était en dehors du complot, c’est qu’il ne savait rien. Il en était sûrement au même point qu’eux.
Tout cela ramenait à la même conclusion. Soit Drago était le Serpent, soit il ne savait rien. Dans les deux cas, il n’apporterait aucune information utile à Harry.
Ce dernier commençait donc à se convaincre que cette subite illumination qu’il avait eu sous l’impulsion de la colère était finalement ridicule.
Mais il avait une certitude : il voulait agir. La tension du stade de quidditch lui avait fait réaliser qu’il ne pouvait plus laisser cette situation se perpétuer. Et la seule option qu’il trouvait pour faire avancer les choses, c’était d’interroger Malefoy. Il avait beau chercher, il ne trouvait aucune autre piste de recherche intéressante.
Il fit alors ce qui lui paraissait le plus censé avant de prendre une décision : consulter ses amis. Tard le soir, alors qu’ils n’étaient plus que quatre dans la salle commune, il leur présenta son dilemme.
Il ne voulait surtout pas qu’une quelconque autre personne entende parler de son projet, alors il avait attendu que la pièce se vide. Car les élèves de Gryffondor n’auraient pas vu d’un bon œil le fait qu’il envisage d’aller parler à Drago, le Serpentard le plus suspicieux de l’école.
Et concernant Anguis, ç’aurait été encore pire. Il aurait été terriblement vexé de comprendre qu'Harry voulait continuer l’enquête de son côté, d’autant plus en consultant leur ennemi.
Harry se disait d’ailleurs que même ses trois amis les plus proches n’allaient pas être emballés par son idée, et le lui déconseilleraient.
Mais à sa grande surprise, ce fut le contraire :
- C’est une bonne initiative, Harry, l’encouragea Hermione à voix basse. Tu as raison. C’est sûr qu’il faut faire quelque chose, les interrogatoires actuels ne mènent à rien. Et c’est toi le mieux placé pour avancer dans l’enquête, tu l’as toujours fait avec brio.
Ce premier encouragement élogieux réchauffa le cœur d'Harry, qui avait sérieusement commencé à douter.
- Et puis c’est la seule option que tu as, d’aller voir Malefoy, appuya Ginny. Je pense que c’est un bon début, c’est ce que j’avais déjà proposé.
Elle jeta un regard en coin à son frère, qui avait catégoriquement refusé cette fois-là. Encore ce soir, Ron était le moins motivé du groupe par ce projet.
- Mais ça peut aussi être très dangereux, objecta-t-il. Imagine qu’il soit bien le Serpent, tu lui donneras des informations. Ou pire, il aura l’occasion de t’attaquer.
Tout cela n’avançait pas Harry. Son dilemme interne était maintenant personnalisé par Ron d’un côté, et les deux filles de l’autre.
- Mais de toute façon, Harry n’a pas peur de Drago, assura Hermione comme si elle le savait mieux que lui.
- Euh… hésita Harry. Non, tu as raison, il ne m’effraie pas. Mais c’est que je ne suis pas très à l’aise à l’idée de le voir.
En vérité, il devait s‘avouer qu’il avait un peu peur. Malefoy était un sorcier puissant, mais surtout imprévisible.
- Mais tu l’as battu plein de fois, le rassura Ginny. Tu es bien plus fort que lui. S‘il ose t’attaquer, tu n’en feras qu’une bouchée.
La confiance de Ginny toucha sincèrement Harry, mais il n’était pas aussi optimiste. L’idée d’un duel avec Drago le rebutait vraiment. Il s’y était entraîné toute l’année, et Harry avait pu constater que son adversaire était très adroit. Mais surtout, ce dernier n’avait jamais essayé de sorts dangereux, et Harry ne savait plus trop à quoi s’attendre de sa part.
- Au pire, on sera toujours derrière pour t’aider si les choses tournent mal, proposa généreusement Hermione. On pourra se cacher pas loin, prêts à intervenir.
Cette perspective rassura beaucoup Harry. S’ils étaient quatre, il était évident qu’il ne pourrait pas leur résister.
- Mais de toute façon, rien ne dit qu’il va t’attaquer, raisonna Ginny avec un nouveau regard inquisiteur à son frère.
- Excuse-moi, mais il est quand même suspect, se défendit Ron. Je veux juste m’assurer que mon ami ne se jette pas dans un piège, c’est tout.
Harry savait très bien que Ron n’avait que de bonnes intentions. Mais ce dernier continua à se justifier :
- C’est vrai, à la fin. Vous me parlez comme si j’étais intolérant. Je trouve ça normal d’avoir quelques soupçons sur quelqu’un d’aussi louche. Je n’ai pas des préjugés sur tout le monde, je ne suis pas comme ça. Mais c’est juste que Malefoy a été méchant avec nous durant toute sa scolarité, donc il faut faire attention.
Harry sentit que son ami était profondément vexé qu’on puisse le considérer comme quelqu’un d’intolérant. Il avait cette contrariété sur le cœur depuis déjà un moment, et profitait de cette soirée pour se confier.
- Vous m’associez à Anguis et sa haine contre Serpentard, simplement parce que je l’ai approuvé quelques fois, continua Ron. Mais je ne suis pas comme lui, je n’ai pas des idées extrémistes. Je ne suis pas raciste de Serpentard. Je suis simplement précautionneux, c’est tout.
Hermione le regarda avec des yeux remplis de tendresse. Elle serra Ron contre elle, ce qui calma immédiatement l’émoi de ce dernier.
- Mais on n’a jamais pensé ça de toi, Ron. Tu as raison de t’inquiéter pour Harry, et heureusement que tu le fais, d’ailleurs. Mais cette fois, c’est notre seule option. Il faut qu’il aille voir Drago, mais on sera juste là pour l’aider au cas-où.
Ron approuva d’un signe de tête, rassuré par l’empathie de sa petite amie. Sa conciliation motiva aussi Harry, qui se sentait désormais soutenu. Il était décidé à parler à Malefoy.
Il fallait maintenant trouver une bonne occasion de converser avec lui discrètement. Harry voulait absolument être à l’abri des regards, mais permettre aussi à ses amis d’être à proximité pour les surveiller.
Pour réunir ces conditions optimales, Harry opta pour rencontrer Malefoy à la sortie d’une séance d’entraînement d’Auror. Il avait remarqué que le Serpentard quittait toujours la clairière en partant seul dans la même direction.
Pour ne pas éveiller les soupçons d'Anguis et de Mr Loyd, Harry avait prévu de repartir rapidement vers le château, comme à son habitude, et de couper à travers le bois pour y retrouver Malefoy hors de leur champ de vision.
Il tenait à toutes ses précautions, car il ne voulait surtout pas qu’on le voie en présence de Malefoy. Ce dernier était le suspect numéro un de l’affaire du Serpent, et être vu seul en sa compagnie n’attirerait que des ennuis à Harry.
Il décida de mettre son plan à exécution un vendredi soir. Ron le suivrait de près pour se cacher à proximité, et Hermione et Ginny les rejoindraient rapidement en sortant de leur cours d’Histoire de la Magie, qui finissait à la même heure que la formation d’Auror.
Le mois de mars venait de commencer, et il faisait très beau ce jour-là. Les prémices du printemps avaient fait fondre la neige qui avait envahi la forêt interdite.
L’entraînement d’Auror se déroula normalement, dans la courtoisie habituelle. Depuis leur altercation du début d’année, Anguis et Drago n’avaient plus jamais été associés et les groupes de travail restaient inchangés.
Harry sentit comme une boule grossir dans son ventre quand Mr Loyd annonça la fin de la séance. Le moment redouté arrivait. Il n’était pas du tout sûr de ce qu’il allait faire, mais il s’y était préparé.
Il se dépêcha de partir en direction du château. Lorsque le chemin s’enfonça dans les bois, il se retourna pour vérifier que personne n’était sur ses pas. Ron ne devait suivre ce chemin qu’un peu plus tard pour ne pas révéler à Drago qu’il suivait Harry.
Ce dernier quitta le chemin, et contourna la clairière. Il déboucha sur l’autre sentier, celui que Malefoy empruntait pour rentrer.
Mais il n’y avait aucune trace du Serpentard. Harry était décontenancé, il ne savait pas si Drago était déjà passé ou n’était pas encore arrivé. Il tourna la tête dans les deux directions, mais ne voyait personne.
Il commença un peu à paniquer. Et si c’était un piège ? Si Malefoy était véritablement le Serpent et s’attendait à ce qu'Harry lui rende visite à un moment ou à un autre ?
- Qu’est-ce que tu fais là ?
Harry sursauta et se retourna brusquement.
Sortant du couvert d’un arbre, Drago le fixait suspicieusement, sa baguette tendue comme une arme de défense.
- Je voulais te parler, dit Harry en tâchant de paraître sûr de lui.
Malefoy leva un sourcil intéressé, et baissa sa garde.
- Me parler ? De quoi ?
- De toute cette affaire, avec les vols et le Serpent. De l’enquête dont on a été chargé. Je voulais te demander si tu savais quelque chose…
Harry déglutit. Sa question était très vague, mais il voulait aller droit au but. La situation ne lui était pas du tout confortable. Il jeta un œil discret par-dessus de l’épaule de Drago pour tenter d’apercevoir un de ses amis, à la recherche d’un réconfort. Mais il ne put déceler aucun signe de soutien. Et l’air amusé du Serpentard ne lui disait rien qui vaille.
- Je comprends, dit ce dernier avec suffisance. Tu n’es pas satisfait du travail d’Anguis ?
Harry se sentit revigoré. Malefoy avait rangé sa baguette et semblait être dans une démarche coopérative.
- Exactement, j’ai l’impression que ça n’aide pas vraiment. On ne sait toujours rien sur le Serpent.
- Malheureusement, moi non plus, confessa Drago.
Harry n’était pas convaincu pour autant. Cela aurait très bien pu être un mensonge. Il décida de tester son interlocuteur.
- Mais comme tu dors dans un dortoir de Serpentard, tu devrais avoir vu quelque chose ? Ils ont quasiment tous volé quelque chose.
- J’aurais dû, c’est vrai, répondit calmement Malefoy. Et c’est justement le problème : je n’ai rien vu. Aucun n’est suspicieux. J’ai passé des nuits à veiller devant la porte mais personne n’est sorti de notre salle commune. Alors c’est maintenant à moi de te poser une question, Harry. Toi qui as vu ces interrogatoires au veritaserum, tu peux me confirmer que les élèves de Serpentard ont bien avoué ?
Harry était rassuré. Drago paraissait vraiment sincère, et il cherchait lui aussi à résoudre ce mystère. Harry se détendit enfin, et libéra sa parole.
- Oui, je les ai vus de mes propres yeux, expliqua-t-il à son tour.
- Alors c’est incompréhensible, réfléchit Malefoy. Je suis certain d’avoir bien surveillé, personne n’aurait pu quitter notre salle commune sans que je le remarque. Même avec une cape d’invisibilité, j’aurais vu la porte s’ouvrir.
- Donc tu penses que les coupables ne le sont pas ? Ils auraient menti ?
- C’est impossible, poursuivit Drago. Ils sont trop faibles pour résister au veritaserum, ils ont forcément dit la vérité. La seule explication plausible, c’est qu’on leur aurait mis cette idée dans la tête. Il faudrait chercher s’il existe un sort capable de faire ça.
Harry avait maintenant définitivement confiance en lui. Ce ne pouvait pas être du jeu d’acteur, Malefoy était véritablement à la recherche du coupable.
Et ses informations s’avéraient très intéressantes. Elles réfutaient de nombreuses théories. Les élèves n’avaient pas pu commettre d’eux-mêmes les vols, puisque Drago les aurait vus en montant la garde. Ni être soumis à l’Imperium, pour exactement la même raison.
Par un procédé inexplicable, ils n’avaient commis aucun des méfaits dont ils étaient accusés, mais ils étaient tout de même venus se dénoncer.
- Ça me rassure que tu ne te fies pas entièrement à Anguis, avoua Malefoy. Ce mec est pourri par la rancune, il veut simplement enfoncer Serpentard le plus profond possible.
Harry ne se serait pas attendu à une autre remarque de sa part, mais il était d’accord. Anguis était aveuglé par sa soif de vengeance, et ne voyait pas que ses entretiens ne rimaient à rien.
- Mais pourquoi tu es si réservé ? demanda curieusement Harry. On a cru que tu cachais quelque chose, à cause de ton comportement mystérieux.
- Je comprends très bien, c’est normal que cela ait aiguisé vos soupçons. Mais ce n’est pas parce que je complote, je peux te le jurer. Je cherche simplement à ne pas trop me faire remarquer. J’ai fait trop d’erreurs pour revenir à Poudlard comme si de rien n’était. Je peux déjà me féliciter d’avoir été accepté par Madame McGonagall, elle a vraiment été conciliante. Alors pour la remercier, je reste loin de tout conflit, je ne veux pas créer de problèmes. Je regrette de m’être emporté face à Anguis en début d’année. Mr Loyd l’a rapporté à la directrice et elle a menacé de me renvoyer. Alors même si je pense qu'Anguis mériterait une bonne correction, je me tiens à carreau. Car ma seule chance de me racheter, c’est de devenir Auror. Je pourrai rattraper le mal que j’ai fait en équilibrant avec de bonnes actions.
Harry était sidéré. Jamais il n’avait cru Drago capable d’une si bonne volonté. Même en début d’année, ce changement soudain de personnalité ne l’avait pas convaincu.
- Mais qu’est ce qui t’as fait changer d’idéologie ?
- Je te l’ai dit, c’est vous, révéla Malefoy en baissant la tête, honteux de se révéler autant. Quand vous m’avez sauvé la vie dans la salle sur demande, alors que vous n’en étiez pas obligé, ça m’a fait réaliser. Je doutais déjà d’être vraiment du côté des Mangemorts, je n’avais pas pu tuer Dumbledore, je n’avais pas voulu te dénoncer dans notre manoir. Mais c’est ça qui m’a définitivement convaincu. C’était si généreux de votre part, je ne le méritais pas, j’avais essayé de vous tuer quelques instants plus tôt. En fait, je me suis rendu compte que c’était ce que je voulais depuis le début. Être libéré du Seigneur des Ténèbres (Harry nota qu’il n’osait toujours pas prononcer le nom de Voldemort). Je n’en pouvais plus, ma famille non plus. La mission dont il m’avait chargé, les punitions qu’il nous a fait subir à cause des échecs de mon père, c’était trop pour moi. Mais j’y étais contraint, je ne pouvais rien faire, il était beaucoup trop puissant.
Harry était ému. Il n’osait pas interrompre les confessions de Drago.
- Mais vous, vous avez réussi à m’en libérer, à libérer ma famille. Je ne peux qu’en être reconnaissant. Ma mère était tellement heureuse, elle avait tellement souffert son deuxième règne.
- Mais ton père, il était du côté de Voldemort ? osa Harry, d’un ton qu’il voulait le plus respectueux possible.
Il avait peur que Malefoy réagisse mal et s’emporte contre lui. Il prenait les insultes à sa famille personnellement et se montrait intransigeant vis-à-vis de cela. Harry scruta à nouveau les bois, mais il n’y avait toujours aucun signe de ses amis.
- C’est vrai, reprit Drago tout aussi sereinement. Il l’a été, il y a cru. Mais le Seigneur des Ténèbres l’a tellement humilié, notamment après la destruction de la prophétie, qu’il a commencé à douter. Même lui a été soulagé que notre maître tombe. Évidemment, il ne cautionne pas mon apprentissage d’Auror. Que je me rallie à l’ennemi, ça l’a rendu furieux. Mais pour la première fois, j’ai osé lui tenir tête. J’ai quitté la maison, et j’ai été voir Mme McGonagall. Heureusement qu’elle a accepté de m’accueillir pour la formation, car je n’avais plus d’endroit où vivre. Je ne sais pas si mon père me pardonnera un jour. Mais il ne peut rien faire pour venir me chercher, il serait attrapé et envoyé à Azkaban. Quant à ma mère, elle n’a rien dit mais je crois qu’elle est fière de moi. Je préfère penser ça, car sinon, je suis tout seul.
Les aveux de Drago étaient édifiants. Harry savait qu’il pouvait le croire sur parole, car il avait déjà aperçu cet aspect de sa personnalité à deux reprises. La première, c’était en sixième année, lorsqu’il avait été incapable d’abattre sauvagement Albus Dumbledore. La seconde, c’était au manoir Malefoy, quand il avait été chargé par son père de confirmer l’identité d'Harry, mais ne l’avait pas fait pour le sauver.
A chaque fois, Harry avait vu dans ses yeux qu’il n’avait pas l’âme d’un Mangemort. Alors maintenant que Drago l’avouait lui-même, il était convaincu qu’il pouvait lui faire confiance. Il ressentait même de la pitié pour son ancien ennemi.
- Je suis désolé, Harry, mais je ne peux pas t’aider, concéda Drago, réellement déçu. Je n’en sais pas plus que toi.
Harry ne lui en voulait pas. Il lui avait déjà apporté des informations supplémentaires. Mais surtout, il était désormais certain que Malefoy n’était pas coupable.
Satisfait, Harry se retourna, prêt à repartir.
- Mais quelqu’un d’autre peut t’aider ! s’écria Drago avant qu’il s’en aille.
Harry s’arrêta et fit volte-face.
- Il y a un élève de Poufsouffle qui m’a parlé. Il s’appelle Eliott Duff, et je pense que lui peut t’apporter quelque chose.
Sur ce conseil, Malefoy s’éloigna sans dire un mot de plus. Harry se retrouva désemparé, seul au milieu du sentier. Il s’appliqua à retenir le nom que lui avait communiqué Drago, puis se décida à repartir.
Quand il rentra dans la salle commune de Gryffondor, Hermione lui sauta dessus et se confondit en excuses.
- Je suis désolé, Harry, on est désolé ! bredouilla-t-elle, le visage cramoisi. On voulait venir mais on ne vous a pas trouvé. On ne comprenait pas, vous n’étiez nulle part. On a cherché partout…
- Ce n’est pas grave, interrompit Harry. Tout s’est bien passé. Ça n’est pas lui le Serpent.
Elle se détendit d’un seul coup et soupira de soulagement.
- Tu peux voir qu’il va bien, pas besoin de te mettre dans tous tes états, se moqua gentiment Ron. De toute façon, il aurait très bien pu battre Malefoy tout seul.
- Mais je n’en ai pas eu besoin, raconta Harry. On a parlé et je suis convaincu qu’il est sincère. Ce qu’il nous avait dit au début d’année, c’est vrai. Il s’est bien repenti.
- Tu es vraiment sûr de toi ? s’inquiéta Ginny.
Harry confirma sa confiance envers Drago et leur expliqua ce qu’il avait appris.
- Mais sa version ne tient pas, commenta Ginny quand il eut fini. Comment les élèves pourraient-ils confesser des crimes qu’ils n’ont pas commis ?
- C’est le mystère qu’il faut résoudre, approuva Harry. Mais cette version est la bonne, c’est certain. Drago est sincère, je le sens.
- Ça me paraît quand même bizarre, ça ne tient pas debout, insista Ron avec une moue. Tu es sûr qu’il ne t’a pas envoyé un sort pour que tu le croies sur parole ?
- OUI, JE SUIS SÛR ! s’énerva Harry. Il dit vrai, je le sais, et c’est tout. Le débat est clos.
- De toute façon, il n’y a rien de dangereux à aller voir cet Eliott Duff dont il t’a parlé, le modéra Hermione. On verra si toute cette histoire tient debout. Ça ne coûte rien d’essayer.
Ils se mirent d’accord sur ce compromis. Ils avaient une piste et c’était mieux que rien.
Dès le lendemain matin, Harry alla trouver ce denommé Eliott Duff. Il s’approcha de la table des Poufsouffle dans la Grande Salle, à l’heure du petit-déjeuner.
Eliott était un première année blond de petite taille. Son visage respirait la bonne humeur et la gentillesse. Il mangeait tranquillement avec ses amis mais se signala à Harry dès qu’il le vit approcher.
- Drago Malefoy m’a dit que tu voulais me voir, Harry, murmura-t-il à son oreille. Mais il vaut mieux ne pas en parler ici, viens.
Eliott se leva et conduisit Harry hors de la Grande salle. Ils descendirent à l’étage inférieur, où se trouvaient les cuisines, mais aussi la salle commune de Poufsoufle.
Pour y accéder, il fallait d’abord caresser la poire peinte sur un grand tableau de nature morte. Celui-ci coulissait alors, dévoilant un grand couloir. La porte du fond menait aux cuisines, mais de grands tonneaux était entreposés dans un renfoncement de pierre, à leur droite.
Eliott s’agenouilla et tapota précautionneusement sur le deuxième tonneau de la deuxième rangée. Il battait un rythme comme le ferait un percussionniste. Finalement, il se redressa et le tonneau s’ouvrit pour libérer un passage.
C’était un petit tunnel sombre qu'Harry emprunta sur les talons de son guide. Ils montèrent ainsi, accroupis dans la pénombre, durant près de deux minutes. Eliott se hissa finalement hors du tunnel, et Harry l’imita.
Ils se retrouvèrent dans une petite pièce basse de plafond, qu’on aurait pu assimiler à un terrier. Une odeur agréable de bois teinté de miel imprégnait les lieux. Harry comprit alors tout le sens du blaireau sur le blason de Poufsouffle. Il s‘émerveilla aussi des immenses canapés pelotonnés qui avait l’air bien plus confortables que ceux de la salle commune de Gryffondor. En guise de décoration, de multiples plantes de toutes sortes ainsi que des instruments en cuivre ornementaient les murs jaunes et noirs.
Harry n’était jusqu’alors jamais entré dans la salle commune de Poufsouffle. A cette heure matinale, la pièce était vide. Tout le monde était parti prendre le petit-déjeuner.
- Ça n’est pas très grand, mais on y vit très bien, expliqua Eliott avec un petit air de fierté.
- C’est merveilleux, s’extasia Harry. Mais pourquoi m’as-tu emmené dans ta salle commune ?
Le visage du jeune Poufsouffle s’assombrit, sans pour autant le rendre moins agréable.
- Je ne crois pas que les élèves de Serpentard aient vraiment fait tous les vols dont on parle…
Il partageait donc l’opinion de Drago, et c’était sûrement pour cela que ce dernier avait amené Harry vers lui. Mais lui semblait avoir une preuve, ou du moins une information supplémentaire.
Eliott pointa du doigt une cavité à sa gauche, baignée de lumière par une petite fenêtre ronde juste au-dessus.
- J’ai vu quelque chose apparaître ici durant une nuit, poursuivit-il d‘une voix mystérieuse.
- Qu’est-ce que c’était ? s’enquit Harry, sa curiosité piquée au vif.
- Ça, je ne sais pas, confessa Eliott en rougissant d’un air coupable. En fait, la créature qui est apparue, je ne la connaissais pas. Je ne suis qu’en première année, alors on ne l’a pas encore étudiée. Et puis tout s’est passé très vite, alors je n’ai pu que l’apercevoir. Elle s’est volatilisée aussi vite qu’elle était arrivée, comme si elle avait eu peur.
- Mais tu es le seul à l’avoir remarqué ?
- Oui, j’étais seul dans la pièce jusqu’à ce que cette chose arrive, raconta le petit Poufsouffle. Il était tard et tout le monde était allé se coucher.
Il désigna les portes rondes en bois de l’autre côté de la Salle. Elles devaient mener aux dortoirs.
- Mais c’est pour faire mes devoirs que je me couchais tard, se justifia Eliott comme si Harry allait l’en réprimander.
Mais ce dernier n’était pas là pour juger les veillées nocturnes du première année, et tâchait plutôt de comprendre plus précisément cette histoire d’apparition.
- Mais tu ne pourrais pas essayer de me décrire la créature, ou du moins ce que tu as pu en voir ?
- Oui, bien sûr, mais ça ne sera pas très précis, obtempéra Eliott. La seule chose dont je suis sûr, c’est que ce n’était pas un humain. C’était humanoïde, oui, mais ça n’avait pas les mêmes proportions que nous. Cette chose était plutôt petite et pas très musclée. Mais elle était quand même effrayante, à cause de ses yeux globuleux et de son nez crochu. Mais surtout, elle doit être sacrément puissante, puisqu’elle a transplané pour arriver ici et repartir juste après.
- Mais il n’est pas possible de transplaner dans l’enceinte de Poudlard, objecta Harry.
Hermione lui avait assez répété pour qu’il s’en souvienne.
- C’est bien ce qui me fait dire que les élèves de Serpentard ne sont pas les voleurs qu’on cherche, se justifia Eliott. Des plus grands m’ont expliqué que des sortilèges de défense empêchent de transplaner dans Pouldlard, comme tu le dis. Et en plus, la plupart des écoliers ne sont pas majeurs, et n’ont pas encore leur permis de transplanage. Donc aucun élève, Serpentard ou pas, ne pourrait apparaître comme l’a fait cette créature. A mon avis, elle maîtrise la magie noire pour contrer les sorts de défense du château, c’est pour ça qu’elle a pu transplaner. Même si elle n’avait pas l’air très méchante, je pense que c’est une sorte de mage noire si elle est aussi puissante…
Harry était impressionné de la lucidité du première année, malgré son jeune âge. Ce petit garçon était époustouflant, par son enthousiasme communicateur et son raisonnement astucieux. A vrai dire, Harry constata qu’il se retrouvait lui-même dans ce première année. Il s’identifiait à Eliott au même âge, ce qui lui inspirait une profonde amicalité pour le jeune Poufsouffle.
- Parce que tu penses que ce monstre était le voleur ? demanda Harry.
- Pourquoi apparaîtrait-il dans notre salle commune la nuit, sinon ? spécula Eliott. Il était sûrement venu subtiliser discrètement quelque chose à un de nous, mais il s’est ravisé dès qu’il m’a vu, car il ne veut pas de témoin. Pour moi, c’est la seule raison valable.
Harry acquiesça en silence, pensif. La version du jeune Poufsouffle était convaincante. Mais si seulement il avait connu la créature qui était apparu cette nuit-là, tout aurait été beaucoup plus simple. Son témoignage était très intéressant mais trop incomplet pour vraiment aider Harry.
- Écoute, je vais continuer à chercher ce que ça pourrait être à la bibliothèque, peut-être que je vais retrouver cette chose, proposa Eliott, qui faisait preuve d’un enthousiasme très généreux.
- C’est une bonne idée, approuva Harry. Demande aussi à Hagrid, il s’y connaît très bien. Je vais réfléchir de mon côté, mais pour l’instant, je ne vois pas ce que ça pourrait être.
- Désolé, mais je ne peux pas te faire une description moins vague, s’excusa piteusement le première année.
- Ce n’est pas grave du tout, le rassura Harry, même s’il s’en désolait également. Tu essaies d’aider, et c’est le principal.
- Et je ne te l’ai pas dit plus tôt car j’avais peur que tu réagisses mal, se justifia encore Eliott. Il vaut mieux ne pas supporter les Serpentard en ce moment, alors je l’ai d’abord dit à l’un d’eux : Drago. C’était pour éviter d’être harcelé aussi, au cas où tu dises à tout le monde que j’étais du côté de Serpentard.
Il avait l’air de s’en vouloir terriblement. Mais Harry comprenait très bien pourquoi il avait contacté Malefoy en premier. Eliott n’avait aucun besoin d’expliquer sa décision, mais il semblait tenir à ne surtout pas être contrariant. En fait, il faisait tout pour être le plus sympathique possible.
- Je ne suis pas vexé du tout, tu as bien fait, le rassura à nouveau Harry.
Il quitta la salle commune des Poufsouffle en remerciant chaleureusement Eliott. Ce jeune collégien lui avait fait très bonne impression. Il était très gentil et débordait de bonne volonté. Même si son témoignage n’aidait pas beaucoup l’enquête pour l’instant, Harry était bien content de l’avoir rencontré. Il lui avait fait visiter la magnifique salle commune de Poufsouffle et avait été très agréable. Cela faisait chaud au cœur de savoir qu’au moins un élève avait d’autre préoccupation qu’harceler de jeunes Serpentard.
C’était donc de bonne humeur qu'Harry rejoignit ses amis dans la salle commune de Gryffondor. Cette salle lui paraissait bien moins accueillante, en comparaison avec celle de Poufsouffle.
Il leur raconta tout dans les moindres détails, et ils eurent le même air pensif que lui quelques instants plus tôt.
Aucun ne put spontanément trouver la créature qu’il recherchait selon la description insuffisante qu’en avait fait Eliott. Hermione leur proposa alors d’aller chercher à la bibliothèque. C’était toujours ce qu’elle faisait en premier lieu dans ce genre de situation.
Ils approuvèrent et passèrent la journée à feuilleter d’immenses grimoires répertoriant toutes les créatures magiques existantes. Harry se plongea dans Vie et Habitat des Animaux Fantastiques du célèbre zoologiste Norbert Dragonneau. Il put en extraire une liste de vingt-sept créatures correspondant aux caractéristiques mentionnées par Eliott, allant des gobelins aux gnomes de jardin. En mettant ses recherches en commun avec celles de ses amis, ce nombre montait à quarante-deux. De toute évidence, le choix restait toujours beaucoup trop large.
Ils se creusèrent la tête pour en exclure certains, en prenant compte de ceux qui étaient capables de transplaner. Il ne leur restait plus que vingt-et-une possibilités, ce qui n’était toujours pas satisfaisant.
Harry se dit même que cette description correspondait étrangement à celle de Voldemort quand celui-ci n’avait pas encore retrouvé sa forme humaine. Cette idée le fit frissonner, et il s’empressa de l’oublier.
Après le dîner, ils s’avouèrent vaincus et stoppèrent leurs recherches. Ils montèrent ce coucher en se disant que la nuit porterait conseil.
Et en effet, Ginny arriva le lendemain matin dans la Grande Salle avec une idée brillante :
- Il n’y a pas besoin de se restreindre à la description du petit Poufsouffle, clama-t-elle fièrement. Il suffirait qu’il mette son souvenir dans la pensine pour qu’on puisse le voir aussi.
Harry bondit du banc en reversant son bol de céréales.
- Mais évidemment ! Bravo Ginny, il faut tout de suite que j’aille le voir pour qu’on l’amène dans le bureau de Mme McGonagall.
Il scruta avidement la table des Poufsouffle, mais Eliott n’y était pas. Il devait sûrement déjà avoir fini son petit-déjeuner.
Harry se précipita à l’étage inférieur, juste devant les tonneaux qui barraient l’entrée de la salle commune de Poufsouffle. Il ne connaissait pas le rythme avec lequel il fallait taper pour l’ouvrir, et se retrouva bloqué. Il avait entendu une fois que s’y l’on se trompait en tapotant le tonneau, du vinaigre se déversait sur l’intrus. Il n’osa alors pas essayer, et fut ravi de voir un Poufsouffle arriver pour retourner dans sa salle commune.
- Tu pourras me dire si Eliott Duff est là, s’il te plaît, l’interpella Harry.
- Bien sûr, répondit l’élève à l’écharpe jaune et noire.
Il tapota le bon rythme, s’engouffra dans le tunnel et en ressortit cinq minutes plus tard.
- Non, il est introuvable depuis ce matin. Ses amis le cherchent aussi, renseigna-t-il.
Harry le remercia et remonta à l’étage principal. Une sensation désagréable venait de l’envahir. Il avait un mauvais pressentiment.
Il ne savait plus où chercher Eliott et se contentait de jeter des regards désespérés dans tous les sens en déambulant dans les couloirs. Il avait l’impression que quelque chose n’allait pas. Il ne savait pas pourquoi, mais il le sentait. Eliott était peut-être tout simplement à la bibliothèque, ou il flânait innocemment sur un banc.
Mais Harry avait l’étrange impression que son absence n’était pas normale. Comme si une petite voix à l’oreille lui soufflait que la situation était urgente.
Il inspecta les étages et se résolut à redescendre. En bas, il retrouva ses amis.
- Qu’est-ce qu’il y a ? lui demanda Hermione prudemment. Tu n’as pas l’air bien, tu es tout pâle.
- Eliott n’est nulle part, répondit Harry en passant pour sortir dans la cour, sans même la regarder.
Ses amis lui emboîtèrent le pas sans comprendre sa précipitation.
- Et bien, ça n’est pas grave, dit tranquillement Ron. On peut très bien attendre pour la pensine. On lui demandera cette après-midi.
Avant qu'Harry n’ait pu leur faire part de son pressentiment inquiétant, un cri strident alerta leur attention.
Ils se précipitèrent dans la direction correspondante et arrivèrent à la hauteur d’un attroupement d’élèves. Ils avaient la tête levée vers le sommet de la tour d’astronomie.
Une fillette au milieu, qui devait être celle qui avait hurlé, avait le visage livide. A côté d’elle, un garçon qui n’était pas dans un meilleur état pointait son doigt en l’air.
Harry leva les yeux à son tour sur la tour d’astronomie, et se figea subitement. Tout en haut du bâtiment, il y avait un petit garçon blond aux habits jaunes et noirs. Et cet élève allait sauter.
Mais ce qui avait fait un choc à Harry, c’est qu’il avait tout de suite reconnu cet enfant. Au sommet de la tour, prêt à se suicider, c’était Eliott Duff.
Harry aurait adoré que son pressentiment ait été erroné, mais il venait au contraire de se confirmer.
Eliott paraissait encore plus petit, aussi haut au-dessus du sol. Mais il était facilement reconnaissable à sa mignonne petite tête blonde. Pourtant, son visage n’avait plus rien de radieux. Il était couvert de larmes, et son regard était vide. Il fixait simplement l’horizon d’un air neutre. Les bras écartés, il se tenait juste au bord du dernier étage de la tour. La moitié de ses pieds dépassaient, et un seul mouvement vers l’avant le ferait chuter.
Harry ne comprenait pas. Ce petit garçon adorable paraissait si enjoué la veille, plein de vie et de bonne volonté. Mais là, il avait l’air d’une toute autre personne. Il n’y avait sur son visage que la tristesse due à la fatalité d’une mort imminente.
Puis la situation parut subitement évidente à l’esprit d'Harry. C’était simplement parce que Eliott n’était pas vraiment lui-même. De toute évidence, il était actuellement soumis au sortilège de l’Imperium. Le Serpent était sûrement en haut de la tour aussi, juste derrière Eliott. Caché à la vue des spectateurs en contrebas, il contrôlait manifestement le pauvre enfant pour le pousser à se suicider.
Harry était désemparé. Il n’avait pas le temps de monter en haut de la tour, Eliott allait sauter à tout moment. Il n’avait pas d’option pour le sauver, il était pris de court. Les nombreux élèves qui s’étaient massés autour étaient tout aussi ahuris. Ils attendaient silencieusement le moment fatidique.
C’était comme si le temps s’était suspendu. Pris au dépourvu, Harry n’arrivait plus à détacher ses yeux du petit enfant en haut de la tour.
Et finalement, Eliott sauta. Il se pencha lentement en avant et ferma les yeux. De multiples cris horrifiés s’échappèrent de l’assemblée, sans que personne ne tente quoi que ce soit.
Dans un réflexe, Harry saisit sa baguette et hurla :
- ARRESTO MOMENTUM !
Ce sortilège permettait d’amortir la chute de quelqu’un. Dumbledore l’avait utilisé avec succès lorsqu'Harry était tombé de son balai en troisième année.
Mais là, il était trop tard. Eliott avait déjà presque atteint le sol et ne ralentit pas. Il s’écrasa dans un fracas macabre.
Tous les cris s’arrêtèrent en même temps pour laisser place à un silence lugubre. Comme Harry, tous les spectateurs de ce drame avaient perdu la voix au moment de l’impact.
Harry était paralysé. Il avait souvent vu la mort, mais c’était un choc terrible à chaque fois. Et pour Eliott, la douleur soudaine qui avait serré son cœur lui parut encore pire.
Ce jeune élève de onze ans, avec son sourire radieux et sa bonne humeur contagieuse, venait de s’envoler. Harry n’avait pu le connaître qu’un jour mais cela avait été assez pour s’y attacher. Il avait été si gentil, si généreux.
Et puis sa mort avait été si soudaine, et tellement violente. Harry revit défiler en boucle sa chute. Il entendit à nouveau le craquement de ses os contre le sol.
Mais par-dessus tout, c’était la raison de cette mort qui torturait Harry. Eliott était mort à cause de lui, parce qu’il lui avait parlé. Par un moyen inconnu, le Serpent avait eu vent de sa révélation et avait empêché le Poufsouffle d’en dire plus. En tentant d’aider l’enquête et d’informer Harry, Eliott avait signé son arrêt de mort.
Harry sentait désormais les gens autour de lui sortir de leur torpeur. Mais lui restait immobile, incapable de bouger. C’était comme si tout était irréel autour de lui, lointain. Les cris de terreur lui parvenaient comme des échos. Les mouvements précipités des personnes s’affairant autour du corps inerte d’Eliott étaient flous.
Harry avait l’impression que tout venait de s’arrêter. Que la vie n’avait plus de sens. Il était heurté par la cruauté du Serpent. Ce dernier était capable de tuer des enfants de sang-froid.
Puis l’incrédulité d’Harry se transforma en haine. Il voulait retrouver ce Serpent et l’abattre pour venger Eliott. Il reprit conscience à mesure que la rage le consumait. La détermination à trouver ce meurtrier, qui l’avait inspiré juste après le match de quidditch, était décuplée.
Il n’y avait plus simplement l’envie de stopper une discorde désagréable. Harry était désormais animé par une volonté de vengeance insatiable.