Harry Potter et le Complot du Serpent
Un troisième cri de souffrance retentit lorsqu'Harry s’approcha de l’entrée du cachot. La baguette pointée devant lui, il avança sa main vers la porte pour la pousser délicatement. Mais à peine ses doigts avaient ils effleuré le bois qu’il s’interrompit. A l’intérieur, il entendait quelqu’un parler. Plus précisément, il reconnaissait la voix criarde de Mr Aquilibus.
- Il crie beaucoup trop fort, disait le professeur d’un ton inquiet. Il va rameuter tout le château. Passe-moi la bouteille violette à ta gauche. C’est une potion Trismus, ça va le faire taire pendant un moment.
A qui parlait Mr Aquilibus ? Qui voulait-il faire taire ? Harry attendit quelques instants, l’oreille collée à la porte, pour obtenir des réponses à ces questions. Il voulait savoir à qui il avait affaire, et combien ils étaient, avant de faire irruption dans la pièce.
- Tu es sûr qu’on ne peut pas utiliser le philtre de fausse allégeance sur lui ? dit à son tour un autre homme, dont la voix était très familière à Harry.
Il eut un haut le cœur en réalisant que c’était Anguis qui parlait de l’autre côté de la porte.
Des dizaines de questions assaillirent en même temps l’esprit d’Harry. Il ne comprenait plus rien. Mais il s’efforça de passer outre ses interrogations pour revenir à l’enjeu présent. Il aurait tout le temps d’obtenir des réponses lorsqu’il aurait arrêté les deux complotistes.
- Oui, je suis sûr, s’impatienta Mr Aquilibus. Je t’ai déjà dit cent fois que ça ne marche que sur les elfes de maison, parce qu’ils ont une nature de serviteur. Tu crois vraiment qu’un Auror a l’habitude d’être soumis, lui ?
Harry se désintéressa enfin de leur conversation pour se concentrer à nouveau sur sa mission. Il devait profiter de l’effet de surprise dont lui et ses amis bénéficiaient. Il fallait qu’ils rentrent en trombe dans la pièce en braquant immédiatement leurs baguettes sur les deux hommes présents à l’intérieur.
Il se retourna vers ses amis qui attendaient son feu vert, juste derrière lui. Ils tendaient leur baguette en avant, sur le qui-vive.
Toujours silencieusement, Harry leur fit un signe de tête, et leur montra le chiffre trois avec ses doigts. Ils lui signalèrent qu’ils étaient près en plissant les yeux sur la porte d’un air concentré.
Harry baissa un doigt, n’en levant plus que deux. Ils se penchèrent un peu plus en avant, prêts à bondir. Il retira un autre doigt, et ils serrèrent plus fermement leur baguette.
Harry soupira longuement, baissa son dernier doigt, et donna un grand coup de pied dans la porte. Celle-ci s’ouvrit dans un fracas et ils firent irruption dans la salle, leurs baguettes pointées en avant.
Figés par la surprise, Anguis et Mr Aquilibus levèrent de grands yeux ahuris sur eux. Aucun d’eux n’avait de baguette à la main, et ils étaient totalement pris de court.
La salle de potions était sans dessus-dessous. Des fioles vides jonchaient le sol ça et là, entourées de plantes et membres d’animaux en tous genres. Tous les placards étaient entrouverts, dévoilant une quantité phénoménale d’ingrédients de potions. De grands chaudrons bouillonnaient bruyamment au-dessus de petits feux de bois.
Au milieu, juste entre Anguis et Mr Aquilibus, le professeur Loyd était allongé sur une grande table en bois. Ses habits étaient débraillés et il transpirait abondamment. Un mince filet de bave s’échappait de sa bouche. En regardant plus attentivement, Harry constata que ce n’était en fait pas de la salive mais un étrange liquide mauve pâle. L’Auror avait l’air en piteux état. Les yeux hagards exorbités, sous ses paupières entrouvertes, il ne semblait pas tout à fait conscient. C’était comme s’il sortait d’une séance de torture particulièrement éprouvante.
Harry et ses amis braquaient leurs baguettes sur Anguis et Mr Aquilibus. Mais à leur grande surprise, les deux hommes n’étaient pas inquiets du tout. Ils portaient même un sourire démoniaque déconcertant.
Anguis ne présentait pas du tout le même portrait que d’habitude. Ses yeux brillaient d’une lueur démente et ses traits étaient crispés par une nervosité sauvage. Il avait bien plus l’air d’un tueur déjanté que d’un élève bienveillant.
Quant à Mr Aquilibus, il paraissait plus serein. Son regard était froid et calculateur. Dressé de toute sa hauteur, avec ses joues creusées et son air impérieux, il ressemblait plutôt à un rapace défendant son nid.
- Tiens, tiens, voilà les trouble-fête, grinça Anguis d’un rire sans joie, pas impressionné le moins du monde par les quatre baguettes pointées sur lui.
- Qu’est-ce que tu fais là ? aboya agressivement Ron, loin d’être amusé.
- Ça ne se voit pas ? répliqua Anguis d’un ton sarcastique, en montrant des mains le corps convulsé de Mr Loyd.
- Depuis le début, c’est toi le Serpent ? demanda Hermione avec révulsion.
- Lui et moi, se signala Mr Aquilibus. On peut dire que nous sommes les deux fourches de la langue du Serpent.
Comme son acolyte, il était d’humeur à plaisanter. Sa voix nasillarde, déjà très désagréable lorsqu’il était sympathique, devenait alors tout bonnement insupportable.
- Je ne comprends pas, dit Harry en fronçant les sourcils. Pourquoi ?
- Pourquoi ? répéta Anguis, jouant de son incrédulité.
Harry perdit patience. Il ne supportait pas de les voir s’amuser, jouer avec ses nerfs, alors qu’ils étaient en positions défavorables.
- OUI, POURQUOI?! hurla t-il de colère. POURQUOI RAVAGER POUDLARD ? POURQUOI TUER SAUVAGEMENT DES INNOCENTS ?! POURQUOI ABATTRE ELIOTT ?!
- Ah… réalisa Anguis d’un air mauvais. C’est donc le tragique suicide de ce fameux Eliott qui t’affecte autant ?
- IL NE S’EST PAS SUICIDE !! enragea Harry de plus belle. TU L’AS OBLIGÉ À SAUTER, C’ÉTAIT UN MEURTRE !!
Juste à côté de lui, Hermione s’écarta d’un pas, intimidée par sa rage incontrôlée. Au contraire, leurs deux opposants restèrent de marbre, sans montrer un quelconque signe d’inquiétude.
- Ce que je ne comprends pas, c’est comment tu as pu t’y attacher aussi vite ? poursuivit calmement Anguis, sans porter la moindre attention au regard noir d’Harry. Je dois avouer qu’il avait l’air tout à fait sympathique, mais tu ne l’as connu qu’une journée, après tout.
- Comment tu peux le savoir ? s’étonna Ginny, avant qu'Harry ne pose la même question d’un ton significativement plus élevé.
- Ah ! C’est là que ça devient intéressant… se réjouit Anguis, comme s’il avait espéré qu’on lui pose cette question. Puisque vous abordez le sujet, je vais me faire un plaisir de vous détailler mon plan ingénieux.
- Ton plan ingénieux ? Tu avais tout prévu ? s’enquit Ron.
- Bien évidemment, mais laisse-moi donc le temps de tout te raconter.
Anguis ne dissimulait pas son plaisir. Il les tutoyait comme s’ils tenaient une banale discussion mondaine.
- Dès le premier soir, lors du banquet ? Tu savais déjà que tu allais assassiner Eliott quand tu l’as vu être réparti par le Choixpeau ? continua Ron sans noter la demande préalable d’Anguis.
- Du calme, le modéra ce dernier. Ne brûlons pas les étapes. Mais ne t’inquiète pas, tu sauras bientôt tout. Je vais d’abord répondre à ta question. Non, à cette époque, je ne savais pas encore que ce pauvre Eliott allait m’obliger à le tuer.
- IL NE T’A OBLIGÉ A RIEN ! beugla Harry. IL VOULAIT SIMPLEMENT AIDER !
- Si vous m’interrompez aussi régulièrement, je ne pourrai jamais vous expliquer, dit Anguis, toujours aussi calmement.
Malgré sa rage insoutenable, Harry s’efforça de se contenir. Il brûlait d’envie de connaître les dessous de ce complot.
- Bien, temporisa Anguis pour s’assurer qu’ils l’écoutaient maintenant silencieusement. Reprenons. J’avais tout prévu depuis longtemps, et avant même la rentrée scolaire, il est vrai. Mais je ne connaissais pas encore les détails, je ne savais pas comment allaient évoluer les choses, je n’avais pas anticipé à quel point j’allais devoir m’adapter à certaines contraintes, dont le jeune Eliott fait partie…
- Tu n’avais rien prévu en fait, l’interrompit Ginny d’un air de défi.
Il la fixa avec agacement, exaspéré d’être coupé dans son monologue une fois de plus.
- J’avais prévu ce que je voulais faire, poursuivit-il d’une voix étranglée qui dévoilait enfin son impatience. Je connaissais mon objectif…
- Quel objectif ? le coupa à son tour Ron d’un air provocateur.
Il rentrait dans le jeu de sa sœur pour le déstabiliser. Ils avaient tout intérêt à gagner du temps, puisque Mme McGonagall était en train d’appeler du renfort. Mais surtout, ils préféraient voir Anguis énervé plutôt que d’être agacés eux-mêmes par son calme narquois.
- MA VENGEANCE !!! craqua ce dernier, perdant sa sérénité impérieuse au profit d’une rage démesurée. Je voulais enfin faire payer à Serpentard tout ce qu’ils m’ont fait endurer. Il fallait qu’ils souffrent à leur tour, qu’ils ressentent ce que ça fait…
- Mais tu ne comprends pas ? l’interpella Hermione. La maison Serpentard n’y est pour rien, tu fais un amalgame.
Le calme préalable d’Anguis avait complètement disparu désormais. Il était pris d’une colère froide, ses traits tirés dans un rictus torturé. Ses paupières étaient rougies des larmes qui lui montaient irrémédiablement aux yeux. Ses dents étaient serrées pour tenter de contrôler sa rancœur, sans pouvoir la dissimuler.
- C’est toi qui ne comprends pas, grogna-t-il bestialement. Tu ne comprends pas ce que j’ai enduré, ce qu’ils m’ont fait. Ils ont brisé ma vie. Si je n’ai plus rien, c’est entièrement à cause d’eux. Mon avenir, mon foyer, ma famille, ils m’ont tout pris.
- Tu as déjà été harcelé par des Serpentard ? supposa prudemment Ron.
- Tout le monde a déjà été harcelé par Serpentard. Mais non, c’est plutôt ma sœur qu’ils harcelaient. Elle était à Poufsouffle, alors c’était facile de la moquer. J’ai voulu la défendre, je ne pouvais pas la laisser seule face à eux. Ils étaient à cinq sur une fillette bien plus petite qu’eux. C’était abominable. Alors je suis intervenu, je leur ai donné la leçon qu’ils méritaient. Mais je m’étais trop emporté, j’en ai blessé trois d’entre eux. Alors j’ai été renvoyé. J’étais en quatrième année, vous en deuxième, et c’est passé plutôt inaperçu avec tous les élèves pétrifiés. Mais moi, ça a changé ma vie, forcément. J’ai perdu le peu d’amis que j’avais, je me suis retrouvé tout seul, sans savoir quoi faire. Mes parents m’ont accueilli à la maison, bien sûr. Mais être exclu de Poudlard, alors que je tentais simplement de protéger ma sœur, ça m’a rendu fou. C’était encore plus frustrant de savoir que les harceleurs étaient toujours avec elle au collège, sans que je ne puisse plus intervenir.
- Qu’as-tu fait pendant tout ce temps, ces trois années où tu n’étais plus à Poudlard ? demanda Harry.
- J’ai appris par moi-même, j’ai trouvé des contacts pour devenir un puissant sorcier. Je savais que Voldemort allait revenir, ça devenait évident. Il fallait que je sois prêt, que je rattrape ma scolarité, et même que je devienne plus fort. Je voulais être capable de protéger ma famille, après avoir échoué à aider ma sœur. Alors j’ai commencé à traîner avec des sorciers louches, qui m’ont enseigné des branches obscures de la magie. Parmi eux, je ne le savais pas encore, mais il y avait un Mangemort. Il s’est fait très discret jusqu’à ce que son maître revienne à la vie. Mais après le retour de Voldemort, il s’est dévoilé et m’a ordonné de rejoindre ses rangs. Il m’avait bien entraîné et j’aurais été un atout considérable pour eux. J’ai refusé, alors il a contacté ma famille. Ils n’ont pas accepté non plus, évidemment. Il a donc fait appel à Bellatrix Lestrange quand elle s’est échappée d’Azkaban. Ils ont massacré ma sœur et mes parents, en pensant que ça me donnerait envie de les rejoindre. Ils se sont dit que j’allais trouver refuge chez eux, maintenant que ma maison avait brûlé. Mais j’ai fait le contraire, je me suis engagé dans une formation d’Auror pour préparer ma vengeance sur eux. Je n’avais pas pu empêcher le harcèlement de ma sœur par les enfants Serpentard, j’avais provoqué la mort de mes parents en me rapprochant des parents Serpentard. Je n’avais plus rien, et tout était de la faute des membres de Serpentard, quel que soit leurs âges. Ce soir-là, Bellatrix Lestrange et ses sbires avaient brûlé tout ce que valait ma pauvre vie misérable. Toute ma famille balayée d’un coup, sans pouvoir trouver d’autre proche pour me réconforter. C’était tout ce que j’avais, ça faisait un moment que je n’avais plus d’amis, après mon expulsion. Il n’y avait plus que ma famille, c’était mon seul refuge. Mais soudainement, plus rien. Plus de famille, plus de refuge, plus de raison de vivre. Alors il a bien fallu que je trouve un motif pour continuer à me battre. Je n’ai plus eu qu’un seul but : venger ceux que j’avais aimés et que je n’avais pas réussi à protéger. Mais même ça, je n’en ai pas été capable. On ne m’a même pas laissé l’occasion de me venger des assassins de ma famille. Le privilège d’abattre Bellatrix Lestrange est revenu aux combattants plus célèbres.
Le visage de Ginny se raidit. C’était sa mère qui avait tué Bellatrix Lestrange à ses côtés lors de la Bataille de Poudlard. Ginny avait déjà eu cette réaction au banquet de début d’année, lorsqu'Anguis avait fait cette même remarque. Mais alors qu’il l’avait ignorée ce soir-là, Anguis leva cette fois les yeux vers elle d’un air dénonciateur.
- Ne fais pas cette tête, Ginny, je sais très bien que c’est ta mère qui l’a tuée.
Harry se demanda comment il pouvait le savoir, mais jugea que ce n’était pas le bon moment pour poser la question.
- J’aurais mérité de l’abattre de ma main, poursuivit-il de sa voix torturée. C’était ma juste récompense pour m’être battu face à Voldemort, pour avoir tout sacrifié. Vous ne pouvez pas savoir ce que ça fait de ne même pas pouvoir venger sa famille. C’est le moins que je pouvais faire pour eux, et je n’ai même pas pu. Je n’ai pas eu le droit de me venger sur les Mangemorts comme Bellatrix Lestrange, alors j’ai trouvé un autre moyen. J’ai attaqué le problème à la racine, je m’en suis pris aux Mangemorts en devenir. Tous ces Serpentard qui attendent simplement de suivre les pas de leurs parents vers la magie noire. Ils deviennent tous des tueurs, et c’est eux qui ravagent des familles comme ils l’ont fait avec la mienne. Alors oui, on pourra toujours en trouver quelques-uns qui ne sont pas voués à une existence de meurtrier (Hermione acquiesça silencieusement). Mais c’est une telle minorité qu’on peut les négliger. Après tout, les Mangemorts ne font pas le tri dans leurs victimes, eux. C’est le prix à payer pour venger ma famille, pour faire subir à ces meurtriers de Serpentard tout ce qu’ils ont toujours mérités.
Le discours d’Anguis était poignant, et devenait presque touchant. La lueur démente de ses yeux s’était intensifiée au fil de son monologue, pour finalement s’embraser d’une lumière vengeresse à ses derniers mots. Il était crispé par la frustration, et ses yeux rougis étaient maintenant cernés de larmes frémissantes. Harry en vint à ressentir une once de pitié pour lui.
- C’est là que tu te trompes, osa Hermione. Te venger ne ramènera pas ta famille à la vie, d’autant plus si tu te défoules sur des enfants qui n’y sont pour rien.
- NE M’EXPLIQUE PAS CE QUE TU NE CONNAIS PAS !! aboya Anguis. Le deuil de sa famille, ça ne s’apprend pas dans les livres, madame-je-sais-tout (Hermione fronça les sourcils, toujours très vexée qu’on la réduise à ce surnom). Vivre sans proches, sans amis, avec comme seule compagnie ta rancœur insoutenable. Cette envie de vengeance qui te brûle les entrailles, tu ne peux pas connaître. Il faut la refroidir, c’est beaucoup trop douloureux. Et la seule manière d’atténuer ma souffrance, c’est de me venger de ceux qui l’ont provoquée. Voir ces enfants de Serpentard être maltraités, ça m’a soulagé. Je n’ai pas honte de le dire. Les voir subir le même harcèlement que celui qui a été imposé à ma sœur, c’était ce qu’il me fallait. J’ai enfin senti que j’avais réussi, que je tenais ma vengeance. Je rendais enfin à ma famille ce que je leur devais pour ne pas avoir pu les protéger.
Malgré son visage toujours meurtri par la tristesse, Anguis n’était plus du tout émouvant. Cette rancœur qu’il décrivait l’avait rendu fou et il se vantait d’avoir provoqué un harcèlement massif.
- Je ne pense pas que ta famille serait fière de ce que tu as fait cette année, jugea sévèrement Hermione.
- Je n’ai absolument rien à faire de ce que tu penses, maugréa Anguis, prêt à bondir sur Hermione pour punir son insolence.
- Tu devrais, appuya Ginny. Je suis sûre que tes parents auraient même honte de savoir que tu as fait subir ce châtiment à d’autres élèves. Il n’y a pas de quoi être fier, tu n’inspires personne. Ta vengeance est inutile, elle ne profite à personne à part ta satisfaction personnelle.
- Ah oui ?! se braqua Anguis avec défi. J’ai pourtant l’impression que beaucoup d’élèves en ont profité. Je n’ai obligé personne à harceler d’autres enfants, les autres l’ont fait par eux-mêmes. J’espérais bien que les Serpentard seraient victimisés comme ils le méritent, mais le phénomène a dépassé mes espérances. Ça prouve que mon projet est plutôt populaire, et que je n’étais pas le seul à vouloir me défouler sur ces répugnants Serpentard.
- Eh vous, pourquoi vous l’avez aidé ? Quelle vengeance deviez-vous absolument assouvir ? demanda Harry à Mr Aquilibus avec sarcasme.
Le professeur était resté en retrait lors du récit d’Anguis, toujours avec son air froid et impassible. Il semblait très surpris qu’on lui adresse la parole, et paraissait même en être plutôt honoré.
- Moi, monsieur Potter, je n’ai jamais vraiment porté dans mon cœur la maison de Serpentard. Chacun a eu ses problèmes scolaires, et moi aussi, mais je n’ai pas vraiment l’intention de vous le communiquer. De toute façon, nous n’allons pas tarder à vous oublietter, alors ce serait simplement du temps perdu.
Il paraissait très confiant quant au déroulement de la situation comme il le décrivait. Pourtant, il était actuellement désarmé, face à quatre baguettes pointées dans sa direction. Harry était un peu décontenancé par sa sérénité, et serra plus intensément son poing autour de sa baguette.
- Tout ce que vous devez savoir, Potter, c’est que je n’ai pas hésité à accorder mon aide à Mr Econiuratis quand il me l’a demandée en début d’année, conclut Mr Aquilibus d’un ton insidieux.
- Et pourquoi tu lui as demandé son aide, Anguis ? demanda Ron.
Rien n’aurait pu rasséréner Anguis plus que cette question. Il semblait beaucoup plus enjoué à l’idée de détailler ses agissements. Il se détendit et retrouva son sourire mauvais. Essuyant ses yeux rougis d’un revers de manche, il se racla la gorge d’un air solennel.
- Voilà une question plus pertinente, se félicita-t-il en reprenant un air impérieux et manipulateur. Comme je vous l’ai dit, j’ai étudié certains aspects de la magie noire, avant de commencer une formation d’Auror. Ces deux enseignements complémentaires m’ont permis de devenir un sorcier très puissant. Je suis par exemple très bon dans la maîtrise du sortilège de l’Imperium. Mais sans fausse modestie, je dois avouer que j’ai quelques lacunes dans des domaines précis. Les potions en font partie, puisque le Mangemort qui m’a formé préférait m’apprendre à me battre plutôt que de perdre du temps au-dessus des chaudrons. Je me suis donc rendu à l’évidence, pour mettre mon plan à exécution, j’avais besoin d’un partenaire plus qualifié.
Il désigna Mr Aquilibus d’un geste bienveillant de la main.
- Et pourquoi avais-tu besoin de connaissances si précises en potions ? s’impatienta Harry, lassé de voir les deux complotistes se jeter mutuellement des fleurs.
- Je suis ravi que cela t’intéresse, s’amusa Anguis. Mais juste avant de te montrer nos magnifiques breuvages, c’est moi qui vais te poser une question : tu ne t’es jamais étonné du fait que le Serpent – c’est à dire moi – semblait absolument tout savoir ?
Harry ne pouvait le nier, cette question l’avait hanté à chaque fois que le Serpent coupait court à ses recherches, notamment après la mort d’Eliott. Mais il ne l’avoua pas pour autant, préférant garder le silence. Pour rien au monde il n’aurait donné à Anguis cette satisfaction.
Et Ron lui épargna cet affront :
- Eh bien vas-y, crache le morceau, Anguis, puisque ça a l’air de te faire tant plaisir !
Ce dernier détourna son regard pervers d’Harry pour considérer Ron avec amusement.
- Très bien, concéda Anguis avec une pointe de déception face à l’absence de réponse d'Harry. Pour mener mon plan à exécution, il fallait que je devienne omniscient. Que je puisse tout savoir sur tout le monde, ou du moins arracher les informations qui m’intéressaient à chacune de mes futures victimes. Et quand je dis victimes, je ne parle pas forcément de meurtres. Même si, il est vrai, j’ai dû en arriver à ces solutions radicales. Mais sinon, mon œuvre a été bien plus habile. Il fallait que je puisse lire les esprits pour mieux les contrôler. C’est là que la solution m’est tombée sous le nez : j’avais besoin du quatrième œil.
Harry eut un air de déjà-vu. Il avait déjà entendu cette expression de quatrième œil quelque part. Ron aussi était perplexe, ce qu’Anguis remarqua.
- Et oui, dit-il avec fierté. Ce nom vous dit quelque chose. C’est tout à fait normal, c’est parce que vous l’avez étudié. C’est Mr Loyd lui-même (il baissa les yeux vers le corps inerte de l’Auror) qui m’a donné la solution. Il nous a demandé de travailler sur les propriétés des somnimus dans les potions maléfiques.
Il tendit la main vers le bas et Harry pointa plus vigoureusement sa baguette vers lui, prêt à intervenir en cas de mouvement suspicieux. Mais Anguis saisit simplement un chaudron qui bouillonnait sur le feu. Il souleva le récipient et le posa sur une table juste à côté.
Harry pouvait apercevoir des petites bulles multicolores qui clapotaient à la surface du chaudron. Il constata que ces bulles étaient en fait des somnimus, les créatures qu’ils avaient étudiées en début d’année auprès d’un cours de Hagrid. Ce qu’il avait pris pour le son frémissant de la cuisson du mélange était en fait le cri de toutes ces minuscules bêtes. Ils sautaient dans tous les sens et débattaient leurs petits membres pour échapper à la mixture brûlante du chaudron.
- Ceci est la potion de Somnimus Apocalypsis, clama fièrement Anguis, en commençant à réciter une leçon apprise par cœur. Si elle est strictement réalisée selon les doses prescrites de la recette, elle confère ce qu’on appelle communément le quatrième œil : le pouvoir de consulter les rêves des personnes alentours, à un rayon de un à quinze kilomètres.
A l’écoute de cette citation, Harry se rappela de l’endroit où il avait déjà entendu le nom de cette potion. Dans la salle commune de Gryffondor, Ron lui avait lu ce passage de leur devoir de la formation d’Auror. Il s’était moqué de ce quatrième œil en l’assimilant au troisième œil que prétendait posséder Mme Trelawney, la professeure de divination. Harry se rappelait des mots que Ron avait prononcé ce jour-là, et sourit en entendant son ami les utiliser à nouveau :
- Celui qui prétend avoir ce quatrième œil est timbré !
- Oh, ne sois pas si défiant, contesta Anguis d’une voix sereine, alors qu'Harry aurait cru qu’il se soit vexé à nouveau. Tu as bien tort de prendre ce pouvoir à la légère. Contrairement à ce que tu sous-entends, le quatrième œil est bien réel. Et je serai ravi de vous en apporter la preuve, si vous êtes curieux de le découvrir.
- Et bien vas-y, je demande à voir, défia Ron qui restait circonspect.
- Très bien, se réjouit Anguis avec excitation. Commençons par toi, j’ai l’impression que ta réaction sera la plus amusante. Je vais te raconter un de tes rêves, et tu seras bien obligé de me croire.
Ron tâcha de rester sûr de lui mais une déglutition trahit son appréhension. Anguis se gratta le menton en signe de réflexion.
- Voyons voir, lequel pourrait t’impressionner le plus... se questionna-t-il lui-même plutôt que Ron. Ah oui, je sais (un sourire malicieux barra son visage).
J’en ai un qui va certainement te surprendre. Tu l’as fait il n’y a même pas une semaine. Tu rêvais que tu jouais au quidditch avec toute ta famille. Vous étiez dans l’équipe des Canons de Chudley. Curieux choix d’ailleurs, mais je ne suis pas là pour juger un supporter. Sauf que dans ce songe vos adversaires étaient d’immenses araignées velues sur des balais géants, et qu’elles ont fini par te désarçonner à force de te bousculer. Tu es tombé de ton balai et cela t’a subitement réveillé. Très amusant, comme rêve, et sûrement très révélateur.
Anguis affichait un sourire narquois qui ne plaisait pas du tout à Harry. Ce dernier se tourna vers son ami, en espérant de tout cœur que la prédiction d’Anguis était fausse. Mais à en juger par la mine déconfite de Ron, celui-ci avait véritablement fait le rêve décrit dans les moindres détails.
- Par quel miracle peux-tu savoir ça ? bredouilla Ron, interloqué.
- Je te l’ai dit, crâna Anguis. J’ai le quatrième œil, je peux voir les rêves.
- Tu veux dire que cette potion te permet de voir les rêves de tout le monde ? interrogea Ginny en montrant du doigt le chaudron au-dessus duquel frémissaient les somnimus criards.
- Pas exactement tout le monde, rectifia Anguis en rigolant de leurs visages stupéfaits. Le rayon d’action de mon pouvoir n’est pas infini, simplement assez grand pour consulter les songes de tous les habitants de ce château. J’imagines que tu veux une démonstration aussi ?
Il n’attendit pas la réponse, trop heureux de pouvoir les impressionner avec son étonnante faculté :
- Toi, Ginny, tu as fait ce rêve il y a environ un mois. Tu étais dans les bras d'Harry, comme c’est mignon (il prenait volontairement un ton désagréable en rajoutant ce genre de commentaire). Mais une jolie fille aux cheveux noirs s’approchait. Je sais très bien qui c’est, j’étais encore à Poudlard quand elle est arrivée. Elle avait un an de moins que moi. Je crois qu’elle s’appelle Cho Chang. Enfin, bref, cette Cho arrivait à côté de vous et Harry l’a vu. Alors il t’a poussée pour aller avec elle, et t’abandonner. C’est là que ton rêve s’est terminé.
- C’est privé ! se braqua Ginny.
- Pas pour moi, dit Anguis d’un ton mesquin.
Comme son frère juste avant, Ginny était devenue livide. De toute évidence, Anguis avait à nouveau touché juste et décrivait précisément un de ses rêves. Il rigola de son visage blême, et se tourna vers Hermione.
- A ton tour, dit-il d’un ton enjoué. Toi, Hermione, je vais te raconter le rêve que tu as fait la nuit dernière. Tu étais dans une salle d’examen, en train de passer tes A.S.P.I.C. Mais soudain, un dragon venait brûler ta feuille. Alors tu utilisais un retourneur de temps pour recommencer l’examen et retrouver ta copie. Mais cette fois, un hippogriffe mangeait la feuille. Alors tu revenais encore en arrière dans le temps. Et là, c’est Mme McGonagall qui venait déchirer ta copie, et mettre fin à ton rêve.
Hermione réussit un peu mieux à cacher sa stupéfaction que les autres, mais Harry sut qu’elle était décontenancée. Pas de doute, Anguis avait le pouvoir de consulter leurs rêves.
- Ok, on est obligé de te croire, maintenant, confessa Ron. Mais même si tu as ce pouvoir, il ne te sert à rien excepté pour te vanter.
Ron n’était pas vraiment convaincu lui-même de ce qu’il disait. Il voulait simplement ôter le sourire satisfait du visage d’Anguis. Mais ce ne fut pas du tout efficace, ce dernier riant de plus belle.
- Oh, tu n’imagines même pas tout ce que cette faculté permet de faire, s’esclaffa-t-il d’un ricanement machiavélique. Les songes sont beaucoup plus révélateurs que tu ne le crois. Rien qu’avec le rêve que je t’ai décrit, je peux déjà connaître ton équipe de quidditch préférée, et ta plus grande phobie. Dans celui de Ginny, j’ai pu savoir qu’elle avait un tempérament plutôt jaloux. Quant à Hermione, son cauchemar m’a appris qu’elle stressait pour ces examens de fin d’année.
- Et comment ça pourrait te permettre de créer un complot ? s’agaça Ginny.
Elle était insupportée par son air condescendant, et son teint cramoisi trahissait sa honte de voir sa jalousie percée au grand jour.
- Tu ne comprends toujours pas ? se désola faussement Anguis, qui était en fait ravi de pouvoir leur expliquer les choses par lui-même. Je ne vous ai parlé que de faits désuets. C’est assez pour vous faire rougir (il les toisa aigrement, jugeant leurs joues rosées), mais je n’y trouve pas d’autre intérêt. Par contre, d’autres rêves s’avèrent bien plus profitables. Pour vous le montrer, rien de mieux qu’une preuve concrète. Car il me semble que quelqu’un n’est pas passé…
Il tourna son regard insidieux sur Harry, et son sourit s’élargit encore un peu plus. Ses yeux brillèrent à nouveau d’une lueur cruelle.
- Les rêves d'Harry sont bien plus précieux à mes yeux, railla-t-il. Je suis sûr que vous allez vite comprendre ce que je veux dire. Le rêve que j’ai sélectionné pour toi, Harry, remonte au mois de septembre. J’ai choisi des cauchemars pour tous tes amis, car c’était plus amusant. Mais toi, c’est un de tes jolis songes que je vais te raconter. Ne crois pas que c’est pour te faire plaisir, je ne voudrais pas faire de favoritisme. Au contraire, je crois que c’est celui-là qui va vous affecter le plus (Harry déglutit sans oser l’interrompre). Dans ce rêve, Harry, tu marchais tranquillement dans Poudlard. C’était la nuit, et tu étais seul dans les couloirs déserts. La seule source de lumière était le sortilège Lumos que tu avais activé au bout de ta baguette. Cela éclairait devant toi, bien sûr, mais aussi un objet dans ta main. Cet objet, plus précisément, c’était un grand parchemin qui représentait le plan de Poudlard et le déplacement de ses habitants (son sourire s’élargit encore davantage). Et je crois que tu as deviné ce que c’était, Harry. C’était la carte du Maraudeur.
Comme Anguis l’avait supposé, Harry n’avait pas eu besoin qu’il le dise pour comprendre qu’il mentionnait la Carte du Maraudeur. Tout devint alors plus clair dans l’esprit d'Harry.
- Et oui, c’était moi ce soir-là, avoua Anguis, confirmant la réalisation d'Harry. Ce soir où tu m’as surpris en dehors de mon lit, debout dans la chambre. J’ai eu vraiment chaud, je dois l’avouer. Tu as fait le rêve que je t‘ai raconté cette nuit-là même. J’avais bu la potion Somnimus Apocalypsis durant la soirée, alors j’ai pu le voir dans mon esprit en même temps que toi. Dès que j’y ai aperçu la carte, j’ai compris tout le potentiel qu’avait cette nouvelle arme pour mon projet. Alors j’ai immédiatement été fouiller dans tes affaires, car j’avais vu dans un rêve précédent que tu cachais tes objets précieux dans une poche invisible de ta valise. Mais alors que j’y cherchais la Carte du Maraudeur, j’ai vu dans mon esprit que ton rêve était en train de se finir. Après en avoir espionné autant, je savais à quel moment du songe le propriétaire est sur le point de se réveiller. J’ai juste eu le temps de me redresser avant que tu n’ouvres les yeux. Alors j’ai improvisé une excuse, dont je suis assez fier d’ailleurs. Accuser Malefoy, c’était parfait. Il était le suspect idéal, alors personne n’a osé me contredire. Je me réjouis finalement qu’il soit revenu à Poudlard, car il a été un alibi à plusieurs reprises.
Harry bouillonnait intérieurement. Il était enragé contre Anguis pour l’avoir dupé à ce point, pour avoir osé infiltrer aussi loin sa vie privée. Mais il s’en voulait aussi à lui-même d’avoir été aussi stupide. Il était tombé si facilement dans le piège d’Anguis. Quand ils avaient fouillé la salle commune de Gryffondor ce soir-là, il ne l’avait pas suspecté une seconde.
Seulement maintenant, après plusieurs mois, cette explication lui paraissait évidente. Il rassemblait les pièces du puzzle et tout devenait limpide. Pas seulement le récit de cette soirée, mais tous les autres mystères de l’année. L’explication de l’omniscience du Serpent avait toujours été là, sous leurs yeux. Ce pouvoir avait involontairement été suggéré par Mr Loyd à Anguis, dans leur premier devoir de la formation d’Auror. Et eux avaient rigolé de ce quatrième œil, sans prendre conscience de toutes les répercussions qu’il aurait. Sans savoir qu’il permettrait au Serpent de faire harceler des élèves et même d’en assassiner.
- J’imagine que c’est aussi comme ça que tu as su pour notre conversation avec Eliott, supposa Harry.
- Voilà que tu deviens finalement perspicace, se réjouit Anguis. En effet, le petit Eliott a rêvé de votre conversation dès le soir de la journée où vous l’avez tenue. Quand je disais que les rêves révèlent bien des choses, en voilà la parfaite illustration. Durant la nuit, l’esprit assimile les événements de la journée, et dévoile alors aussi les souvenirs. Je savais que vous n’alliez pas tarder à trouver un moyen de soustraire l’information du jeune Poufsouffle, alors j’ai été obligé d’utiliser les grands moyens. Dès le lendemain matin, très tôt, je me suis précipité pour le faire taire avant que vous ne reveniez vers lui.
- Et tu étais obligé de le tuer ? grogna Harry entre ses dents.
- Évidemment, se justifia Anguis sans pour autant montrer une once de remord. Ça ne m’a pas fait plaisir, crois-moi. Il était à Poufsouffle, comme ma famille, il ne le méritait sûrement pas. Mais je n’avais pas d’autre solution, il m’y avait obligé. Sa curiosité était trop dangereuse. C’est comme pour la fillette qui a fait passer mon message à Halloween. Je ne pouvais pas prendre de risques, il ne fallait pas lui laisser une occasion de parler.
- Tu n’aurais pas pu les oublietter, tout simplement ? s’apitoya Harry.
- Trop dangereux, encore une fois. Tu sais autant que moi que le sort d’oubliette n’est pas entièrement fiable. Certains patients peuvent recouvrir partiellement à la mémoire. Je ne pouvais pas me permettre des solutions aussi hasardeuses. Il faut savoir se salir les mains pour éviter des complications inconvenantes.
Ginny baissa les yeux sur Mr Loyd d’un air perplexe. Le professeur était toujours inconscient, mais bien vivant.
- Alors pourquoi tu ne l’as pas tué, lui ? s’étonna Ginny en le montrant du doigt.
- Justement, en parlant de complication, dit Anguis avec contrariété. Lui aussi a fourré son nez là où il ne fallait pas, et m’a forcé à prendre les dispositions nécessaires. Le jour où j’ai obligé Eliott à sauter, j’étais juste derrière lui en haut de la tour d’astronomie. Alors quand j’ai entendu des pas qui montaient les escaliers, je me suis caché en dessous de ma cape d’invisibilité. Mais Mr Loyd ne s’est pas contenté de jeter un œil, il savait que le coupable n’avait pas eu le temps de s’échapper. C’est un Auror, après tout, il a ce genre de réflexe. Mais j’étais caché et lui non, j’avais l’effet de surprise en ma faveur. Je l’ai stupefixé pour le mettre hors d’état de nuire, mais il n’allait pas tarder à se réveiller. Et il fallait que je réfléchisse vite, car d’autres allaient aussi penser à grimper à leur tour. Je ne pouvais pas le tuer, car deux meurtres dans la même journée, avec en plus celui d’un Auror, allaient provoquer la fermeture de l’école. Et ça n’est pas ce que je voulais. Je n’allais plus pouvoir provoquer la discorde s’il n’y avait plus de Poudlard. J’avais toujours fait en sorte que le ministère n’en vienne pas à cette solution radicale. Je ne pouvais pas faire trop de meurtres si je voulais continuer mon plan pour humilier Serpentard. Je ne pouvais pas non plus oublietter Mr Loyd en haut de la tour d’astronomie, car il fallait bien qu’il dise quelque chose en redescendant. Alors je lui ai infligé un sortilège de faux-souvenir, pour qu’il croit n’avoir rien vu. Mais ça a considérablement compliqué les choses. En tant qu’Auror, il avait appris à y résister, et il a vite commencé à retrouver ces esprits. J’ai dû plusieurs fois lui relancer le sortilège, mais ça ne suffisait plus à préserver ma couverture. Alors j’ai encore utilisé une potion, grâce à Mr Aquilibus, pour l’empêcher de retrouver sa lucidité. Ce philtre était plus efficace, mais toujours pas assez pour l’hypnotiser complètement. J’ai donc été forcé à le faire disparaître et le cacher dans le cachot, inconscient.
- Et que lui faisiez-vous juste avant que nous ne vous interrompions ? s’angoissa Hermione. Il hurlait de douleur, vous le torturiez ?
- Quel intérêt aurions-nous à le torturer ? s’amusa Mr Aquilibus, signalant à nouveau sa présence. Non, nous tentions simplement de le faire obéir pour de bon, avec des potions encore plus efficaces. Le souci, c’est qu’elles sont aussi très douloureuses à avaler, d’où ces cris dommageables.
Harry trouvait que cela correspondait bien à la définition de torture, mais était trop curieux pour faire une remarque.
- Mais il y a quelque chose que je ne comprends toujours pas, fit remarquer Harry. On a découvert que les elfes de maison étaient responsables des vols, soumis au philtre de fausse allégeance. Alors les Serpentard n’ont jamais été coupables. Pourtant, ils ont tous avoué au veritaserum. Comment est-ce possible ?
- C’est la toute la subtilité de mon plan, s’enorgueillit Anguis, qui semblait aux anges face à la curiosité d'Harry. En fait, ils n’ont jamais avoué.
- Bien sûr que si, on l’a vu, objecta Ron, médusé.
- Vous n’avez simplement pas été assez attentifs, médit Anguis avec plus d’arrogance que jamais. Le veritaserum n’est pas entièrement fiable, car il empêche simplement de mentir. Ce qui permet au buveur de manipuler la vérité s’il choisit les bons mots, et vous étiez attentifs à cette subtilité. Mais vous n’avez jamais pensé que l’interrogateur aussi le pouvait. Les mots sont une source de magie aussi précieuse que les autres, si ils sont savamment maîtrisés. C’est exactement ce que j’ai fait en posant mes questions. J’ai simplement demandé aux accusés s’ils s’étaient félicités de ces vols, pas s’ils les avaient commis eux-mêmes. Or on peut se satisfaire de l’agissement de quelqu’un d’autre. Vous n’avez jamais saisi cette nuance, et vous êtes tous tombés dans le panneau. Eux ne pouvaient que répondre affirmativement, car le contraire aurait été un mensonge. Ils s’étaient véritablement félicités des vols du Serpent, et je l’avais vu dans leurs rêves.
- Mais alors pourquoi sont-ils venus se dénoncer d’eux mêmes après l’entretien avec les trois filles ? demanda Harry.
- Mais personne n’est jamais venu se dénoncer par lui-même, comme je n’ai jamais surpris aucune conversation, expliqua Anguis. J’ai simplement convoqué les élèves de Serpentard que j’avais vu se réjouir des vols dans leurs rêves. Mais tout ça, vous ne l’avez jamais su. Vous avez cru les voir avouer un crime dont ils étaient juste contents. Le fait que je répète toujours les mêmes questions, vous avez pris cela pour de la rigueur vis-à-vis du protocole. Le fait que je ne leur donne pas le temps de rajouter quoi que ce soit, vous avez pris cela pour de la rigueur également, mais c’était simplement pour éviter qu’ils précisent qu’ils n’avaient pas commis les vols eux-mêmes. Et pourquoi pensez-vous que j’ai insisté pour que Mme McGonagall ne reçoive pas les potentiels coupables dans son propre bureau ? Parce que personne ne serait venue se dénoncer à elle, et elle aurait vu la supercherie. Alors que si je faisais croire qu’ils s’étaient présentés directement à Mr Aquilibus, il allait me soutenir. C’était un autre intérêt de l’avoir comme allié.
Harry était abasourdi. Il n’avait prêté attention à aucun de ces détails. Comme l’avait dit Anguis, il était tombé dans le panneau. Ils avaient tous été négligents, et lui avaient permis de gérer son plan d’une main de maître.
Il n’y avait plus qu’un seul moyen de réparer leur erreur collective. Il fallait empêcher les deux complotistes de s’échapper.
Cette tâche ne lui paraissait à première vue pas trop difficile. Après tout, lui et ses trois amis avaient tous leurs baguettes braquées sur des opposants désarmés.
Mais malgré leur situation défavorable, Anguis et Mr Aquilibus gardaient le même sourire narquois. Leur confiance inébranlable ne disait rien qui vaille à Harry.