Aut vincere, aut mori

Chapitre 25 : Egarements

5632 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/12/2020 18:05

Les vacances d’hiver se rapprochaient, et tous les étudiants étaient en effervescence. L’annonce du bal de Noël n’avait fait qu’accroître leur impatience, malgré les tensions qui régnaient. Mary était sortie de l’infirmerie à la fin du week-end, mais était sans cesse provoquée par les Serpentards, ce qui faisait enrager les lions. Sirius et James avaient failli leur sauter à la gorge plusieurs fois, à grand-peine retenus par Remus et Peter, sous les moqueries des verts et argent. Néanmoins, les cours se poursuivaient, et les professeurs devenaient de plus en plus exigeants, assommant les élèves de devoirs divers et variés.

Néanmoins, la sortie à Pré-au-Lard prévue par les professeurs en prévision du bal de Noël ravit tout le monde, et les Gryffondor se retrouvèrent en fin de matinée devant la grande porte du château, bien au chaud dans leurs vêtements d’hiver. La neige n’avait cessé de tomber toute la semaine et s’était arrêtée le matin même, leur laissant un paysage idyllique. Les filles et garçons avaient décidé d’y aller ensemble, mais de se scinder lors de leurs courses pour garder la surprise de leur tenue au sexe opposé. Ainsi, Hermione se retrouvait avec Lily, Marlène et Mary, ainsi que Dorcas, qui les côtoyait de temps en temps et semblait assez proche de Marlène. Et peut-être d’une manière quelque peu différente que tout le monde croyait, au vu des rougissements de la sixième année aux taquineries de Marlène. Les Maraudeurs les escortaient, se chamaillant à propos de cuisines, de bombabouses et de tuyauterie. Hermione préféra rester à l’écart de cette discussion apparemment vitale. Il n’était jamais bon de se mêler de trop près aux blagues des quatre rouges et or, si l’on ne voulait pas finir par y participer d’une manière ou d’une autre.

             

Lorsque le village fut atteint, Lily prit les devants, donnant rendez-vous aux Trois Balais aux garçons lorsqu’ils auraient fini, et entraîna sa bande vers Gaichiffon. Si la boutique de Mme Tissetoile avait suffi pour Halloween, le bal de Poudlard était une autre paire de manches, et il invoquait donc des vêtements plus élégants que ce qu’elles avaient pu trouver. Les filles poussèrent la lourde porte et saluèrent la propriétaire de la boutique, qui les dirigea immédiatement vers les rayons appropriés, sachant parfaitement les raisons de leur venue. Elles sélectionnèrent chacune plusieurs tenues, avant de s’exiler dans les cabines d’essayage. La première à passer fut Dorcas, qui au bout du deuxième essai ressortit avec une robe bustier vert menthe, dont la jupe en tulle arrivait aux chevilles en volants étagés, s’arrêtant plus haut sur le devant. Elle fut unanimement validée, et ce fut à Marlène de s’isoler, avant de ressortir après quelques minutes en un costume bleu nuit qui les laissa bouche-bée. Le caftan avec pantalon orné d’arabesques dorées mettait ses jambes en valeur, toute comme le haut similairement ouvragé aux manches bouffantes. La jeune femme allait éclipser l’ensemble des personnes présentes, tous genres confondus. Sa tenue fut vivement approuvée par les filles, qui s’empressèrent de pousser Mary dans les cabines. La blonde en ressortit vêtue d’une robe à col bardot rose poudré, avec jupe patineuse doublée de dentelle, qui fut approuvée avec enthousiasme. Lily alla se changer à son tour et rougit sous les compliments qu’elle reçut pour sa robe rouge princesse à col v plongeant dont la ceinture large soulignait sa poitrine. James allait en tomber des nues. Enfin, si la rousse acceptait finalement son invitation. Sirius avait gardé le compte de ses demandes, et il en était à quatre-vingt-sept depuis l’annonce. Hermione soupçonnait son amie d’attendre qu’il en arrive à la centaine. Cependant, elle n’avait pas de doute à ce propos : elle la verrait au bras du capitaine de Quidditch le soir du bal.

             

La jeune femme fut la dernière à passer, et fut secrètement ravie de se retrouver dans cette séance d’essayages. Son premier et dernier bal avait été une catastrophe, et elle était bien décidée à faire en sorte que rien ne gâche cette soirée. Elle eut néanmoins un pincement au cœur en se voyant espérer les remarques de Ron. Les filles allèrent régler leurs achats, et frissonnèrent en ressortant dans l’hiver écossais. Elle se dépêchèrent de rejoindre les garçons aux Trois Balais, leurs affaires sous le bras, et s’attablèrent pour déguster une bièraubeurre. Ils n’avaient pas déjeuné avant de venir, comptant sur les Maraudeurs à leur retour au château pour leur rapporter un repas des cuisines. La conversion, sans surprise, s’anima autour du bal, et les filles prirent un malin plaisir à éviter les questions des garçons sur leurs tenues. Remus étonna tout le monde en demandant à Mary de l’accompagner, sous les cris enthousiastes de James et Sirius qui entonnèrent même un chant de célébration, et elle accepta avec un franc sourire. Le premier ouvrit la bouche pour réitérer son invitation à Lily, mais elle l’interrompit par la négative avant qu’il ne puisse dire même un mot, sans pour autant parvenir à cacher un sourire mi-amusé mi-séduit ou la rougeur apparue sur ses joues. Hermione but une longue gorgée de son verre pour cacher son amusement, à présent certaine du jeu de son amie. Mais elle ne vit pas le regard indéchiffrable que lui lança Sirius, auquel s’ajouta une accolade de soutien de la part de son frère. Marlène finit par prendre la parole, souhaitant faire une annonce importante selon ses dires. Elle regarda Dorcas du coin de l’œil en commençant à parler, cherchant un soutien de sa part.

             

- On voulait vous parler, avec Dorcas, mais on avait peur de votre réaction, commença-t-elle. Cela dure depuis déjà quelques semaines, et on a décidé de vous faire confiance à ce propos.

             

Elle fit une pause et attrapa la main de la jeune femme à ses côtés, tous sourires.

             

- On sort ensemble.

             

S’ensuivirent les mines incrédules mais ravies de James et Sirius, alors que Peter paraissait ne rien comprendre, le front plissé. Remus ne semblait pas surpris, et leur adressa un clin d’œil. Lily sourit ; elle se doutait bien évidemment de ce que sa meilleure amie avait dissimulé durant le mois précédent, mais avait tenu à ne pas la forcer. Mary leur adressa un sourire également, tout aussi enjouée. Hermione, quant à elle, opta pour le clin d’œil. Elle n’avait pas non plus été dupe de leur rapprochement.

             

- Je suis ravie pour vous les filles, déclara doucement Lily. Au moins, vous ne serez pas inquiétées de trouver une cavalière pour le bal de Noël !

             

- Lily-jolie, tu n’as pas à t’inquiéter non plus, le meilleur parti de Poudlard serait aux anges si tu acceptais son invitation ?

             

- Oh ? Qui est-ce ?

             

James se renfrogna sous les éclats de rire. Qui furent subitement étouffés par des cris entendus au-dehors. Une pagaille monstre se fit dans l’auberge, les clients se levant tous subitement, pour transplaner pour la plupart.

             

- Les Mangemorts ! Ils attaquent !

             

Réagissant au quart de tour, les adolescents bondirent de leur siège, baguette en main.

             

- Je pars dehors pour protéger le village, réagit immédiatement Hermione. Qui vient avec moi ?

             

James, Sirius, Remus, Marlène et Lily levèrent la main. Peter les accompagna, quelque peu tardivement, tandis que les autres baissaient la tête, le regard angoissé.

             

- Il n’y a aucune honte à ne pas vouloir s’engager ainsi contre des Mangemorts. Peter, accompagne les filles chez Honeydukes ; on vous couvre en sortant !

             

Elle attendit d’avoir leur acquiescement avant de s’élancer vers la porte des Trois Balais et grimaça envoyant Peter être rassuré de pouvoir s’enfuir en tout bien tout honneur. La majorité des clients s’était déjà enfuie dans la panique, mais ils ne purent éviter quelques bousculades en s’avançant. Arrivés à la porte, Hermione guetta l’extérieur. La voie était libre, mais il faudrait faire vite.

             

- Dorcas, lorsque j’ouvre la porte, vous longez les boutiques jusque Honeydukes, le plus rapidement possible. On vous couvrira avec les autres, mais faites vite. Et attention aux sorts perdus. Maintenant !

             

Elle les fit tous sortir, avant de se tourner vers ceux qui restaient avec elle. Hochant la tête, elle s’élança dehors, stupéfixant un assaillant au passage.

             

- Si vous êtes blessés, je vous en prie, allez-vous-en ! Je ne veux pas perdre qui que ce soit.

             

Elle ne prit pas la peine d’écouter leurs récriminations. Elle vit rouge devant les corps de deux commerçants du village, face contre terre, sur le pas de leur échoppe.

             

- Stupéfix ! Impedimenta !

             

Son sort toucha un Mangemort en plein cœur. Elle lança un protego in extremis pour sauver un combattant d’un sortilège vicieux, et répliqua avec hargne. Plus rien n’importait à présent, que sa haine envers ces suprématistes psychopathes. Elle allait leur faire payer pour toutes leurs actions, peu importe que techniquement elles ne soient pas encore advenues. Bien qu’elle ne puisse les reconnaître avec leurs infâmes masques, elle combattait ardemment, se vengeant pour ce guet-apens à Piccadilly Circus, pour la traque dans la forêt de Dean, pour la défaite de Poudlard.

             

Son adversaire était coriace. Malgré les différents sorts qu’elle lançait, il les parait sans difficulté et lui en renvoyait sans relâche, si bien que la jeune femme peinait à les parer. Elle déclencha alors son bâ, puisant dans sa rage, pour distraire son adversaire par un aveuglement temporaire. Elle conclut rapidement le duel alors qu’il envoyait des attaques diffuses, le projetant au sol sans pitié. Alors qu’elle allait combattre le prochain qui oserait s’avancer, elle repéra une femme à la chevelure aussi folle que sa propriétaire, qui achevait à coups de doloris une pauvre femme prostrée. Bellatrix. L’aînée des sœurs Black était facilement reconnaissable, ne portant pas de masque pour afficher l’honneur qu’elle avait de servir son maître. Peu importe le cours du temps, Hermione lui règlerait son compte une bonne fois pour toutes. Avec un peu de chance, elle arriverait ensuite à faire des nuits de plus de quatre heures.

             

- Bellatrix.

             

Le rire détesté s’échappa de la bouche de la femme, faisant serrer les dents à la lionne. Elle passa sa langue vicieusement sur sa lèvre, comme si elle s’apprêtait à croquer la jeune femme toute crue. La folie luisait déjà dans son regard.

             

- On se connaît, ma jolie ? Je pense que je n’aurais pourtant pas oublié un visage si mignon…

             

- Ferme-la.

Hermione grimaça de dégoût. Et lui jeta un sectumsempra avec violence, que la Mangemort dévia avec aisance, un air néanmoins intrigué sur le visage. 

- Oh, on joue avec de la magie noire, ma jolie ? Tu pourrais te blesser…

Sa riposte claqua, mais la jeune femme réussit à s’en protéger. Elle se hâta de répliquer, et les sorts s’enchaînèrent sans répit. Les deux adversaires rivalisaient de violence envers l’autre. Hermione remarqua que la Mangemort avait tendance à parer ses attaques avec de grands gestes, laissant une brèche d’une seconde avant qu’elle ne reprenne sa garde impeccable. Elle accéléra ses mouvements, afin de mettre en difficulté Bellatrix, et lança un sort de stupéfixion dans la brèche, mais échoua sous les rires de la femme. Elle ne manqua cependant pas le coup suivant, et poussa un soupir de satisfaction malsain à voir son visage ahuri alors qu’elle était figée dans ses mouvements. Elle approcha, un sourire mauvais aux lèvres, avant de murmurer…

- Tu ne t’échapperas pas… pas cette fois.

Mais alors qu’elle allait la ligoter, un sortilège la frappa dans le dos et elle s’écroula sur le sol, hurlant, chaque parcelle de son corps criant de souffrance. Le Mangemort ayant lancé le sortilège libéra Bellatrix alors que la jeune femme se tordait de douleur, sous les effets du doloris.

- Hermione !

Elle crut distinguer la voix de Remus, au milieu de ce brouillard. Elle tenta de se relever, mais fut fauchée par un autre sort, accompagné du rire strident de Bellatrix. Elle ne devait pas flancher. Rassemblant ses forces en un effort surhumain, elle envoya son bâ en vagues d’énergie pour repousser l’impardonnable. Du coin de l’œil, elle vit ses amis venus l’aider, et se releva tant bien que mal pour réattaquer.

- Tu vas bien, Hermione ?

Haletant encore, elle hocha rapidement la tête à l’attention de la personne ayant posé la question, bien qu’elle ne soit pas sûre de son identité. Elle se reconcentra sur ses adversaires, qui poursuivaient leur attaque, et remercia Sirius qui mit à terre le Mangemort qui l’avait attaquée de dos. Elle se focalisa alors sur Bellatrix, et ne lui laissa cette fois pas la chance de s’échapper.

             

- Endoloris !

             

La jeune femme prit un plaisir malsain à observer celle qui lui avait fait tant de mal gésir au sol, convulsionnée par les effets du sortilège interdit. Enfin, elle se vengeait. Elle la livrerait aux Aurors, plus tard, mais elle allait d’abord lui fait mal, au moins autant qu’elle lui en avait fait dans le passé. Une seule larme coula sur sa joue, peut-être en regret de tout ce qu’elle en avait été amenée à faire. Soudain, elle fut plaquée au sol, l’amenant à briser le sort. Furieuse, elle se releva pour découvrir Sirius au-dessus d’elle, qui s’écarta vivement, ainsi que des Gryffondor éberlués, la dévisageant avec dégoût pour certains. Derrière eux, la bataille se finissait ; les Mangemorts s’étaient envolés, rendus en sous-nombre, alors que les professeurs et les Aurors, alertés, avaient transplané pour prêter main-forte aux villageois. Hermione ne leur accorda pas plus d’attention et se retourna vers Bellatrix qui était encore évanouie dans la neige, la ligotant en un mouvement de baguette, sans ménagement. Elle lui jeta au passage un charme de mutisme pour ne pas entendre ses récriminations lorsqu’elle se réveillerait.

             

- Hermione…

             

Elle se retourna vers Lily, encore en fureur de son combat. Elle put voir son regard horrifié et incrédule.

             

- Tu as utilisé un sortilège impardonnable…

             

- En effet.

             

Les Aurors commençaient à rejoindre leur groupe pour s’occuper des Mangemorts, et ils trouvèrent Bellatrix avec une joie évidente. Ils l’embarquèrent rapidement, en même temps que les trois autres capturés, transplanant vers le Ministère de la Magie.

             

- Mais enfin, ajouta James, ce n’est pas… Tu ne peux pas…

             

- Parce qu’ils hésitent un seul instant à nous torturer, peut-être ? Je devais attendre qu’elle se relève et me réassomme à coups de doloris ? répliqua-t-elle.

             

- Non mais… Il y a d’autres moyens, enfin !

             

- Si on veut gagner cette guerre, il va falloir se battre à armes égales. La pitié ne fera que provoquer la chute du monde sorcier, et Voldemort prendra le pouvoir.

             

Les autres ne la reconnaissaient plus, tant elle semblait différente de celle qu’ils connaissaient en cours, surtout les filles.

             

- Je pensais que vous auriez compris ma détermination à faire tomber Voldemort, ajouta-t-elle à l’attention des Maraudeurs.

             

Lasse, elle tourna les talons et se mit à marcher dans le neige en direction du château. Ses jambes subissaient le contrecoups des doloris qu’elle avait reçus, mais elle avait besoin de s’éloigner le plus vite possible. Etrangement, elle était soulagée des derniers évènements. Malgré la tragédie qui avait frappé Pré-au-Lard, elle avait vaincu cette femme et exorcisé un de ses vieux démons. Plus jamais Bellatrix n’interviendrait dans sa vie, et elle jubilait à l’idée que Voldemort soit en prime privé d’un de ses plus fidèles lieutenants.

             

Sans repasser par le dortoir, elle monta directement au septième étage du château pour rejoindre la Salle sur Demande, ignorant les regards sur son avant-bras pourpre. Elle n’avait par ailleurs aucune idée de l’origine du sang présent sur sa manche, ou si elle était même blessée. Elle invoqua une salle pour pouvoir s’y perdre, qui prit la forme d’un champ de ruines onirique, envahi par la végétation. La lionne passa plusieurs heures à y errer, détendant son esprit. Elle avait besoin d’extérioriser sa magie de manière paisible, encore plus après le combat qui venait de se dérouler. La nature lui permettait de s’évader, de retrouver ces errances dans la forêt qu’elle avait partagées avec Harry et Ron dans un autre temps. Son bâ se libéra presque naturellement, prenant un aspect encore flou, mais qu’Hermione crut reconnaître. Son énergie commençait à prendre forme après plusieurs mois d’entraînement. Elle était sur le point de matérialiser son animal guide : Heka serait ravie de ses progrès lors de leur prochain cours.

             

Mais pour l’instant elle était juste perdue, et s’allongea à même le sol rendu magiquement moelleux par la Salle sur Demande, perdue dans ses pensées. Elle savait que le retour à la réalité serait rude ; elle devrait affronter les reproches de ses amis sur ses pratiques de combat, mais en avait après tout assez de se justifier. En revanche, elle avait l’intuition que Dumbledore voudrait s’entretenir avec elle après sa démonstration de pouvoir. Elle sentait ses regards appuyés depuis quelques semaines, pas dupe un instant de sa bienveillance.

             

Elle était bien, perdue dans ces ruines, seule au monde. Les poèmes mélancoliques de Du Bellay sur la Rome détruite et les tableaux de Turner et Hubert Robert lui revinrent en tête. Ce sentiment de perdition dans un monde ancien, qui la dépassait entièrement. Malgré l’amitié qu’elle entretenait aves les Gryffondor, être seule lui manquait. Elle avait toujours une mission à régler, des devoirs à rendre, une présence à ses côtés. L’effervescence de Poudlard commençait à lui peser. Après avoir passé une année complète presqu’en huis clos, elle se retrouvait de nouveau depuis trois mois plongée parmi des centaines d’élèves. S’isoler devenait de plus en plus difficile ces deniers temps, et pourtant elle en avait grandement besoin, si bien qu’elle manquait d’imploser quelques fois. Sa passion pour l’étude lui venait en grande partie de ce besoin de solitude, d’indépendance, et se perdre dans les livres des heures durant était souvent une libération pour elle.

             

Plongeant la main dans la poche de son pantalon, elle en sortit la photo de Remus. Depuis qu’elle en avait pris connaissance, elle ne la quittait plus, le jour dans ses vêtements, et la nuit sous son oreiller. Elle y avait jeté un charme de dissimulation, afin d’être la seule à pouvoir en capter le contenu. Au lieu de Sirius, Remus et Harry, un inconnu n’y verrait qu’un couple de moldus, assumant qu’ils étaient ses parents. L’autre objet qui ne la quittait plus était ce fameux gallion qu’elle avait partagé avec Sirius. S’il était au départ purement pratique, elle devait s’avouer qu’elle le conservait constamment avec elle pour se rassurer. Parce qu’elle n’était pas seule, et qu’il se battait avec elle, tout comme James et Remus. Ainsi, à chaque fois que sa main effleurait la pièce, elle sentait une vague de chaleur rassurante la parcourir. Et c’était tout ce qu’il lui fallait pour tenir.

             

Hermione finit par s’endormir au bout de plusieurs heures sur un lit à baldaquin apparu de nulle part, alors qu’elle ressassait encore les événements de la journée. Elle dut néanmoins sortir de son cocon le lendemain, regagnant ses quartiers chez les rouges et or. Par chance, elle ne croisa aucun des garçons en montant. Mais Lily était dans le dortoir et l’ignora royalement, son air toujours déçu sur le visage. La jeune femme savait bien que tous auraient du mal à accepter ses méthodes. Elle remarqua sur le lit ses achats d’hier, ne s’attardant pas sur la manière dont ils étaient arrivés en un seul morceau dans la tour. C’était la moindre de ses préoccupations. En effet, sur sa table de chevet reposait une enveloppe, certainement délivrée par un elfe de maison, et portant le sceau du directeur. Dumbledore voulait lui proposer de se joindre à lui pour le thé.

             

La lionne n’eut ainsi d’autre choix que de se rendre au rendez-vous proposé, ou plutôt imposé. Elle se présenta devant la gargouille du bureau directorial, avant de prononcer le mot de passe « Pain d’épices » indiqué dans l’invitation. Elle grimpa les marches avec appréhension, respirant pour calmer son angoisse. Elle ne devrait rien laisser paraître de suspect devant Dumbledore. Finalement, la porte s’ouvrit sur le si familier bureau, et elle avança jusqu’au fauteuil où il l’invita à s’asseoir. Il la regarda à travers ses lunettes en demi-lune, le sourire bienveillant mais quelque peu moins chaleureux que de coutume.

             

- Je suis ravi que vous ayez pu vous joindre à moi, Miss Granger. Un bonbon au citron ?

             

Elle refusa poliment, et ils se jaugèrent en silence. Finalement, Dumbledore prit la parole.

             

- Etes-vous bien intégrée, Miss ? Il est vrai que j’aurais peut-être dû vous inviter plus tôt dans l’année, mais vos professeurs sont si heureux de votre investissement que je n’ai pas voulu intervenir et vous extraire de votre maison.

             

- Tout se passe très bien, Monsieur, merci.

             

Il acquiesça, ne la quittant pas du regard, comme s’il voulait lire à travers elle.

             

- J’ai entendu dire que vous étiez rapidement devenue proche dudit groupe des Maraudeurs, j’en suis ravi pour vous.

             

Hermione ne prit pas la peine de répondre, puisqu’il ne lui posa pas de question directe.

             

- Dites-moi, Miss Granger, j’ai appris que vous aviez vaillamment combattu hier à Pré-au-Lard, même si certains sorts ont été pour le moins… inattendus.

             

- Dans l’urgence de la situation, Monsieur, j’ai juste réagi au mieux. Je ne pouvais décemment pas laisser des Mangemorts s’en prendre à des innocents sans rien faire.

             

- Bien sûr, Miss, bien sûr. Cependant, je me dois de vous informer que l’utilisation des sortilèges impardonnables est interdite. Considérant votre passé et les conditions de l’emploi du sortilège, je mettrai cela sur le compte d’une réaction irréfléchie sous la pression, mais il ne faudrait que ce malheureux incident se reproduise, sommes-nous d’accord ?

             

- Bien entendu, Monsieur.

             

Dumbledore hocha la tête, apparemment satisfait de sa réponse. Mais il n’en avait pas pour autant terminé.

             

- Je dois en revanche vous féliciter, Miss. J’ai vu que vous aviez ajouté une touche égyptienne à vos sorts d’attaque ; je suis ravi que notre professeur de DCFM prenne tant à cœur de vous enseigner la magie de ses ancêtres. Vous avez des prédispositions dans ce domaine, c’est certain, et plusieurs vies ont certainement été sauvées grâce à vous hier. Je ne peux que supposer que vous vous battrez lorsqu’il le faudra, contre les bonnes personnes ?

             

- Si c’est un moyen détourné de me demander si je vais, ou non, combattre Tom Jedusor, il est parfaitement superflu de vous inquiéter de ma personne. Je ne suis pas avec lui, et je ne le serai jamais. J’aurais pourtant imaginé que mettre à terre Bellatrix Lestrange vous aurait démontré mes bonnes intentions, mais il vous en faut apparemment plus. Malheureusement pour vous, je n’ai ni l’envie ni l’énergie de passer plus de temps que nécessaire à vous convaincre.

             

- Vous connaissez son vrai nom ?

             

- La moindre des choses est de connaître son ennemi. Et je peux vous assurer que le battre est ma priorité.

             

Le vieux directeur croisa les mains sur son bureau, l’air pensif, évaluant son élève. Elle avait clairement affiché sa détermination à vaincre Voldemort ; il devait à présent faire le bon choix.

             

- Si je vous disais que d’autres personnes s’affairaient à le vaincre, Miss, seriez-vous disposée à unir vos forces avec les leurs ? Je suis certain que vos connaissances et votre pouvoir seraient un atout majeur pour la guerre.

             

Ainsi donc, il lui parlait déjà de l’Ordre du Phénix. Elle en était franchement étonnée, au vu du départ de la conversation et de son manque évident de confiance. Mais sans doute était-il presque désespéré dans la lutte, quitte à prendre des risques nécessaires.

             

- J’en dirais qu’il faut que cela soit un partenariat à forces égales. Je me vois mal me mettre sous les ordres de qui que ce soit, Monsieur, d’autant plus si je ne puis être certaine d’en retirer quelque chose. Devenir un pion manipulable à souhait ne fait pas partie de mes projets.

             

- Et si cela devenait une collaboration, Miss ? Serait-il envisageable d’unir nos forces ?

             

Hermione sourit intérieurement ; il était exactement là où elle avait voulu l’amener. Elle s’arrangerait pour avoir le soutien de l’Ordre du Phénix, sans pour autant être dépêchée dans des missions secondaires qui ralentiraient sa recherche des horcruxes.

             

- Vous entendrez que je ne puisse vous donner de réponse dès à présent.

             

- Bien entendu, Miss Granger. Et si nous en reparlions au retour des vacances de Noël ? Je suis certain que d’ici-là vous aurez pu évaluer ma proposition.

             

- Très bien.

             

Le jeune femme se leva, congédiée, et repartit en laissant un directeur à la fois satisfait et déçu. S’il avait espéré pouvoir la manipuler pour lui soutirer ses informations sur Voldemort, il avait dû céder du terrain et elle avait à présent une autonomie indiscutable. La collaboration serait sans aucun doute houleuse au début, mais ils arriveraient à se coordonner. Enfin, selon le point de vue du vainqueur de Grindelwald. Hermione, elle, ne comptait pas laisser Dumbledore contrecarrer ses plans. Et plus vite elle lui ferait croire qu’elle était entièrement dévouée à l’Ordre, plus vite il cesserait de la sonder. S’il s’emparait des informations concernant les deux derniers horcruxes, elle perdrait la main sur sa mission. Et il était inenvisageable de retomber dans les machinations de l’ancien mentor d’Harry. Merlin savait où cela avait mené.

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