Contre tout espoir
Severus marchait lentement au travers des tunnels humides. Son cœur battait à tout rompre. Le basilic pouvait se trouver n’importe où. Son venin était aussi mortel que ses yeux. Et si Harry avait été mordu ? Il s’efforça de ne pas penser à cette éventualité. Continuant son chemin, il se décida à fermer les yeux. Mieux valait éviter de prendre des risques.
Soudain, il trébucha sur quelque chose de mou.
-Harry ? chuchota-t-il en se redressant péniblement.
- Oh, j’ai peut être un cerveau, mais j’ai pas ce qu’il y a en dessous, si tu vois ce que je veux dire.
Séverus aurait reconnu la voix nasillarde entre mille.
- Stupide choixpeau ! Ils sont partis par où ?
- Tu veux pas que je te montre le chemin du doigt, non plus ?
Et le choixpeau éclata d’un rire gras. Séverus pointa sa baguette vers lui, un rictus de colère sur le visage.
- Tu veux savoir ce que ça fait de brûler vif, sale vieux chapeau tout moisi ?
- Ok, ça va, mets-moi sur ta tête, je te dirai quel chemin prendre.
Songeant qu’il devait avoir l’air d’un idiot, Séverus coiffa le choixpeau. Une voix retentit dans sa tête.
- Mmh. Je vois beaucoup de courage, ainsi qu’énormément de ruse et d’intelligence. Si je devais te répartir, sans doute hésiterai-je entre Serpentard et Gryffondor. Quoi que, tu es trop attaché à ton intelligence pour Gryffondor. Peut être Serdaigle. Surement que je choisirai…
- Tais-toi, le chapeau ! Je n’ai aucune envie que tu me répartisses ! Je veux juste retrouver Harry sain et sauf !
- Prends toujours tout droit, je ne les ai pas entendus tourner.
- S’ils sont partis tout droit, pourquoi je dois supporter ta présence ?
- Tu ne crois pas que je vais supporter de moisir pour l’éternité dans la Chambre des Secrets, quand même, hein ?
Un profond soupir s’échappa de la bouche de l’homme. Il arriva dans la Chambre à proprement parlé. Une magnifique statue de Serpentard dominait la pièce. L’ancien directeur des Serpentards se dit qu’elle aurait été du meilleur effet dans leur salle commune.
Pas de basilic. Pas de Tom. Pas de Harry.
Il commençait sérieusement à paniquer. Il fit demi-tour, lança un hominum revelio. Sa baguette lui indiqua la sortie du tunnel. Mais pourquoi Harry n’avait pas maîtrisé le gamin ? Si c’était bien lui, où allait-il ? Il avisa un morceau de peau de serpent devant la statue. Sans doute l’animal avait mué. Il ramassa les écailles. Elles pourraient lui permettre de stabiliser la potion. Encore fallait-il qu’il mène sa mission à bien. Et qu’il retrouve Harry. Si Tom avait été capable de tuer une camarade de classe, il serait tout à fait capable de faire de même avec Harry. Mais Harry se protègerait, n’est-ce pas ? Harry était plus fort qu’un enfant de onze ans. Même un enfant de onze ans diabolique qui avait déjà au moins un meurtre à son actif.
Ruminant ces sombres pensées, il reprit le chemin du château au pas de course.
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Harry fit signe à Tom à côté de lui de se taire alors qu’il croisait Séverus qui portait le choixpeau magique sur sa tête. Mais l’homme parlait tellement fort qu’il ne les entendit même pas passer, pourtant à dix centimètres de lui, sous la cape d’invisibilité. Arrivé à l’entrée du tunnel, il utilisa un sort pour faire léviter Tom et lui-même, serrant l’enfant dans ses bras. A la sortie, il entendit Dumbledore parler avec Dippet un peu plus loin. Il se colla contre le mur. Pas question de se faire griller une deuxième fois par Albus. Lorsqu’il fut sûr que l’homme ne le regardait pas, il traversa rapidement le couloir.
Dix minutes plus tard, il était devant le Saule Cogneur. Ou plutôt, ce qui serait le Saule Cogneur vingt ans plus tard. Comment avait-il pu oublier que le Saule avait été planté dans le parc pour permettre à Remus de se cacher à chaque pleine lune ? Restait le passage derrière le miroir et celui qui menait dans la cave de Honeydukes, derrière la statue de la sorcière borgne. Il regagna le château en promettant à Jedusor qu’il allait le sortir de là, qu’il ne permettrait pas qu’on lui fasse du mal.
Personne dans l’escalier qui menait à la salle de défense contre les forces du mal. Au pied de l’escalier, la statue était là, et attendait sa venue. Il murmura le mot de passe en tapotant la statue du bout de sa baguette, et se glissa dans le passage, au bord de l’épuisement, Tom toujours dans ses bras, accroché à son cou.
La cave de Honeydukes n’était pas remplie de cartons comme dans ses souvenirs, mais par une fabrique à bonbons. Heureusement, elle était actuellement déserte. Sans doute la boutique avait besoin de beaucoup moins de stock qu’à l’époque de Harry. Il sortit rapidement et se faufila dans la boutique, qui était beaucoup moins remplie que dans ses souvenirs. La vendeuse était en train de faire une sieste de l’autre côté de son comptoir. Harry ne vit pas la main de Tom saisir une sucette au passage, un air réjoui sur le visage.
Une fois à l’extérieur de la boutique, il demanda à Tom de marcher à ses côtés. Il devenait vraiment trop lourd pour être porté comme ça. Le garçon bougonna un peu, mais n’ajouta rien. Il ne fallait pas qu’il le mette en colère. L’homme pouvait grandement lui servir. Il ne savait pas pourquoi, mais il se rendait compte qu’il pouvait l’influencer. Il lui suffisait de se concentrer suffisamment et Harry faisait tout ce qu’il voulait.
- La cabane existe déjà ! C’est formidable, Tom. Viens, on va enlever une planche à l’arrière de la maison et y rentrer par là, ça évitera que les gens du village se rendent compte de quelque chose.
Harry ne parut pas se rendre compte qu’aucune réponse ne lui parvenait du côté de l’enfant. Il se laissait porter par son enthousiasme depuis qu’il s’était réveillé, dans la Chambre. Quelque chose au fond de lui qui lui soufflait qu’il serait bien plus heureux s’il éduquait Tom que s’il le tuait. D’un sort, il arracha une planche qui masquait la porte de derrière.
- Bienvenue chez nous, Tom.
Le garçon pénétra prudemment dans sa nouvelle « demeure ». Son regard affichait clairement un profond dégout devant la poussière accumulée depuis les années que la chaumière était à l’abandon.
- Il va falloir nettoyer.
- Je m’en occupe, Tom, va te reposer, tu as eu trop d’émotions fortes pour aujourd’hui !
Alors qu’Harry commençait à jeter tous les sorts ménagers qu’il connaissait, Tom s’installa sur une chaise branlante avec un petit sourire aux lèvres.
Une heure plus tard, Harry s’assit à son tour, essuyant son front du plat de sa main. Il observa celle-ci : elle était à la fois boueuse et couverte de sang. D’où venait-il ? Le souvenir d’une queue gigantesque qui le plaquait contre le mur, ainsi que d’une voix criant des ordres en fourchelang, s’imposa à son esprit. Son regard se fit vague. Qui était le garçon qui parlait dans son souvenir ?
Tom sentit une menace poindre. Harry commençait à se poser des questions. Comme lorsqu’il lui avait demandé de prendre soin de lui, Tom se concentra pour essayer de ramener Harry à lui. Il sentit une autre conscience lui répondre, quelque chose d’incroyablement puissant, et en même temps particulièrement familier. Il eut un sourire grimaçant alors qu’Harry le regardait la bouche ouverte, les pupilles légèrement dilatées.
- J’ai faim.
- Je vais te chercher à manger, mon garçon. Ne sors surtout pas de la maison en mon absence.
Harry dissipa aussitôt ses doutes : le garçon avait besoin de lui. Il sortit rapidement de la maison, en prenant toutefois le temps de se couvrir de la cape d’invisibilité.
Dans la maison, Tom se demandait qui était cette autre conscience si familière dans l’esprit d’Harry. Et surtout, comment il allait pouvoir en tirer sa force.
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- Mais Albus, enfin, c’est impossible ! Harry n’a pas pu nous trahir ! Enfin, le garçon a tué ses parents dans le futur, et il vient de commettre un meurtre sur une camarade de classe !
- Lorsqu’Harry est venu me voir, j’ai ressenti une violence qui émanait de lui, comme s’il était possédé ! C’était tellement puissant que je n’ai pas osé m’approcher de lui ! Réfléchissez à ce que ça veut dire, Séverus ! Je ne sais pas comment, mais Harry est possédé !
- Mais enfin, ce n’est pas possible, il ne s’est pas approché du médaillon depuis un long moment, ça voudrait dire…
- Qu’il possède un autre horcruxe.
- Non, ce n’est pas possible. Je l’aurais senti s’il avait possédé un objet imprégné de magie noire.
- Ou alors…
Séverus chancela, debout dans le bureau de Dumbledore. Il savait ce que cela impliquait. Il savait que c’était possible, il se souvenait de Nagini. Et il se souvenait de ce qu’avait fait Ginny Weasley sous l’emprise de Jedusor. C’était pourtant la seule possibilité.
Harry était un horcruxe.
- NON !
- Séverus, reprenez-vous, vous ne l’aiderez pas en restant sans rien faire.
- QUE VOULEZ-VOUS QUE JE FASSE ?
- Il existe une potion, destinée à retrouver l’être aimé…
Severus se retourna brusquement.
- Je ne l’aime pas.
- A vous de choisir entre votre aveuglement et la vie d’Harry.
La porte claqua derrière le professeur de défense. Albus soupira et se rassit lourdement à son bureau, se massant les tempes. Allait-il retrouver son élève ? Si oui, dans quel état ? Il n’avait aucune confiance en un Harry possédé. Il faudrait prendre les mesures qui s’imposaient. Le seul moyen de détruire un horcruxe vivant, c’était de tuer le corps qui le recevait.
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- Dis, Harry, pourquoi le professeur Prince veut me tuer ?
Harry se raidit, alors qu’un ancien souvenir essayait de refaire surface. Le souvenir d’un homme au visage plat, à la face de serpent, ses yeux rouges lui transperçant le front… Mais une petite conscience encore enfantine en prit la place, lui chuchotant qu’il était en sécurité, qu’il fallait protéger l’enfant… Harry ne se douta pas un seul instant qu’un légilimens jeune mais puissant était en train de le manipuler. Il regarda Tom avec un regard chargé d’amour.
- Ne t’inquiète pas, mon grand, personne ne te fera de mal tant que je serai là.
Tom lui retourna son sourire, ayant trouvé une partie de la réponse qu’il attendait. La conscience très puissante et familière à l’orée de l’esprit d’Harry… Il l’appelait Voldemort dans ses cauchemars. Tom ne savait pas pourquoi, mais cette personne avait un rapport avec lui. Et Prince était convaincu qu’en le tuant, lui, il tuerait Voldemort. Il ne comprenait pas très bien le processus, sans doute était-ce de la magie très élevée. Peut être l’homme était-il son père ? Il aimerait bien le retrouver, surtout s’il était très puissant, il pourrait devenir son successeur ; avoir quelqu’un qui s’occupe de lui… Il devrait se servir d’Harry pour rencontrer Voldemort. Mais d’abord, il devait en apprendre d’avantage sur le personnage.
Alors que le mage noir en herbe se torturait l’esprit, essayant de saisir l’ampleur de sa chance, Harry s’évertuait à préparer quelque chose de comestible à partir des quatre œufs et des oignons et pommes de terre subtilisés chez le voisin. Il récupéra une poêle à moitié rouillée dans un vieux placard, la nettoya d’un recurvite, puis commença à trancher les ingrédients de sa baguette. L’image d’une jeune fille aux cheveux emmêlés faisant de même s’imposa à son esprit. Elle leur parlait de quelque chose… La loi de Gamp sur la métamor…
« Occupe-toi de l’enfant », fit une petite voix dans sa tête. La voix avait raison. Il ne fallait pas qu’il pense à autre chose. Un enfant avait besoin de lui. Il alluma un petit feu sur le sol, en l’absence d’autres installations, et essaya de faire une omelette. Dans l’ensemble, il s’en tira plutôt bien, même si l’omelette était inégalement cuite et accrochait à la poêle. Fier d’avoir pu aider l’enfant, il lui en proposa une tranche. Le regard de pur dégout que fit Tom en la prenant lui brisa le cœur. Pour se faire pardonner, il retourna voler quelque chose de plus agréable pour le dessert, délaissant son propre repas.
Satisfait de son nouveau jouet, Tom regarda son esclave disparaître sous la cape d’invisibilité. Il devait tester les limites dans la résistance mentale d’Harry. Tant qu’il était concentré sur sa protection, il restait sous contrôle. Si jamais il essayait de se souvenir, il se souviendrait de cet homme, Voldemort, et lui échapperait.
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« Je ne l’aime pas, je ne l’aime pas, je ne l’aime… »
Le regard de Severus se posa sur le petit livre des mémoires de Dumbledore. Stupide livre ! Dans quelle situation s’était-il retrouvé à cause de lui ? Maintenant, il essayait de se convaincre d’une évidence ! Lui ? Aimer Harry Potter ? Autant demander à Black de devenir intelligent !
Mais il fallait qu’il retrouve le gamin. Si Potter était un idiot, Tom réussirait sans doute à les mener en bateau pendant un moment ; il avait été élevé pour se débrouiller seul, dans cet orphelinat moldu, et il avait bien retenu ses leçons. Peut être pourrait-il seulement se convaincre qu’il –hum- aimait Potter, juste le temps de prendre la potion, et que ça lui suffirait pour le retrouver. Il fallait qu’il tente sa chance s’il ne voulait pas que l’humanité toute entière soit de nouveau condamnée par un adolescent sans cervelle. Exaspéré, il descendit aux cachots demander des ingrédients à ce bon à rien de Slughorn.
Trois heures plus tard, sa potion était prête. Il se concentra sur Harry, sur ce qu’il avait ressenti le premier soir, avant de se rendre compte qu’il avait fait une erreur. Une erreur monumentale. Mais dans un coin de sa tête, une voix lui rappela qu’il était consentant. Un verre plongea dans le chaudron, et s’approcha tout doucement de ses lèvres. Il frémit. Entrouvrit la bouche. Le liquide acre y glissa.
Aussitôt, il sut où était le garçon. C’était si évident depuis le début. Si le passage du saule n’existait pas encore, cette maison vide l’était depuis de nombreuses années lorsqu’Albus l’avait réinvestie. Il n’aurait même pas eu à se convaincre de quelque chose d’aussi stupide. Refermant son livre de potions d’un geste brusque, refusant de lire la petite note en dessous de la recette (« efficace uniquement sur des amours sincères ») il se dirigea d’un pas rapide vers la sortie du château.
Sa cape noire flottant derrière lui, un homme habillé de noir traversait les rues de Pré-Au-Lard, dans la fraicheur de ce soir de septembre. Les rares fenêtres où l’on voyait encore de la lumière s’éteignirent sur son passage, comme si les habitants craignaient qu’il ne décide de frapper à leur porte. Severus Snape, alias Severus Prince, se repéra à la lueur de sa baguette, traversant ce village qu’il avait tant détesté au cours de son adolescence, recherchant involontairement la présence de Potter et Black dans les petites ruelles, prêts à lui sauter dessus, à lui faire payer le prix de son existence de souffrance.
La petite maison en ruine laissait filtrer une faible lueur. Potter ne devait vraiment pas être dans son état normal s’il n’avait même pas pensé à camoufler la lumière ; sans doute les habitants l’auraient signalé le lendemain, et ils auraient pu en déduire l’endroit où Jedusor se cachait sans avoir à utiliser cette maudite potion.
Se désillusionnant, et renforçant ses barrières d’occlumentie, Severus pénétra dans l’antre des fugitifs de la même façon qu’eux, par la porte de derrière, dé-condamnée sans aucune discrétion, la planche encore pleine de clous seulement poussée près de l’abri à bois vide.
Ils étaient à l’étage. Le vieil escalier craqua légèrement sous ses pieds, et Severus grimaça. Il entendit la voix d’Harry, parlant joyeusement, prouvant qu’il n’était vraiment pas dans son état normal. Un chut impérieux se fit entendre.
Snape se décala vers la fenêtre, afin de ne pas se faire repérer. Tom se leva du vieux lit sur lequel il s’était nonchalamment assis, et fit mine d’aller voir la présence d’un individu dans l’escalier.
- Il y a quelqu’un ici. Harry, lance un sort pour qu’il ne puisse pas se cacher, c’est possible, n’est-ce pas ?
- Oui, bien sûr, Tom, mais ne t’inquiète pas, je suis sûr qu’il n’y a que nous.
- Fais-le !
Le ton était tout aussi glacial que celui de Voldemort senior. Le sourire d’Harry se fit hésitant, mais il leva sa baguette tout de même. Snape sut qu’il allait devoir se battre.
- Hominum Revelio !
Aussitôt, le sortilège de désillusion cessa de faire effet, et Snape apparut au grand jour.
- C’est lui ! Tue-le, Harry !
Trop tard pour les remords. Snape leva sa baguette, prêt à soulager le monde d’un morceau d’âme de Voldemort. C’est ce qu’Harry aurait voulu s’il avait été conscient, essaya-t-il de se convaincre. Il aurait voulu que Severus l’abatte avant qu’il ne devienne maléfique.
- Sev ?
Un instant d’hésitation. Un seul. Harry reprenait-il le contrôle ? Trop tard. Tom avait bondi. Severus ne s’attendait pas à ce que le gamin lui saute dessus. Il tomba en arrière, la fenêtre se brisa. Un instant, il eut l’impression que sa chute s’interrompait, comme dans un dessin animé où il aurait couru plusieurs secondes dans les airs avant de tomber. Mais ce ne fut pas le cas. Severus Snape s’écrasa au pied de la cabane hurlante.